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Chapitre 4 Réutilisation d’acquis pour aider l’ingénierie système

4.3 L’exploitation d’expériences guidée par les connaissances

4.3.1 Problématique détaillée de la réutilisation d’expériences

4.3.2.1 Le retour d’expérience en résolution de problèmes

Nous avons vu dans le chapitre 1 que, dans les travaux menés au LGP, le retour d’expérience était réalisé au sein d’un processus de résolution de problèmes, ce dernier servant de cadre méthodologique (voir section 1.4.1.3). Ainsi, une expérience est formalisée à l’aide d’un événement de type « prob- lème », du contexte dans lequel cet événement a eu lieu, des analyses menées pour identifier et com- prendre ses causes racines et enfin, des solutions mises en œuvre pour limiter la propagation des effets et éviter qu’il ne se reproduise.

Le premier modèle que nous avons proposé dans [Kamsu-Foguem et al., 2008] (A.4)est basé sur l’exploitation du formalisme des graphes conceptuels [Sowa, 1984]. Il s’agit d’un outil qui exploite connaissances et expériences dans une logique de réutilisation de cas. Le processus général, intégré à un processus de résolution de problème (donc une aide à l’ingénierie système) est représenté sur la figure 4.4.

La représentation du domaine (activité 1) est l’activité qui permet de construire l’ontologie formelle à l’aide d’un treillis de concepts et de relations [Sowa, 1976, Mugnier and Chein, 1998]. La seconde activité représente la capitalisation d’événements et de contextes : elle consiste, pour l’acteur opéra- tionnel, à exploiter l’ontologie afin de représenter les événements ainsi que leur contexte. Ensuite, l’analyse du problème doit être réalisée par des experts et des solutions proposées (activité 3). Cette activité doit être aidée par les expériences précédemment capitalisées. Enfin, la généralisation (activité

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FIGURE 4.4 – Processus de retour d’expérience basé sur une ontologie et les graphes conceptuels [Kamsu-Foguem et al., 2008]

4) consiste en la construction, par un comité pluridisciplinaire, de connaissances, de leçons ou de règles à partir des expériences déjà capitalisées mais également des leçons préalablement apprises.

L’ontologie utilisée est formée d’un Treillis de types de Concepts (T C) et d’un Treillis de types de Relations (T R) qui formalisent la connaissance métier. T C est l’ensemble fini de tous les types de concepts utilisables et T R décrit les types de relations. T C et T R sont structurés dans une hiérarchie (voir l’ontologie spécifique au retour d’expérience sur la figure 4.5). A partir de T C et T R, il est possible de construire le support S, c’est-à-dire l’ontologie vue au travers des graphes conceptuels. Il est défini par le quadruplet S = (T C, T R, I, t). I est l’ensemble des marqueurs individuels qui permettent de définir des concepts à partir des types de concepts au sein des graphes conceptuels. Par exemple, le type de concept « Machine » peut être marqué par le marqueur individuel « M1 ». Le concept ainsi obtenu est alors noté [Machine : M1] où le texte « Machine : M1 » est appelé label. t est une application de I dans T C. Cette ontologie permet de guider la construction des expériences.

Nous avons défini le modèle générique d’une expérience à l’aide d’un Graphe Conceptuel (GC). Un graphe conceptuel simple est un graphe fini, dirigé et biparti constitué de nœuds concept (les rect- angles) connectés à des nœuds relation (les cercles), concepts et relations provenant de l’ontologie. Afin de compléter le formalisme, la notion de graphes conceptuels imbriqués a été introduite dans [Chein, 1998]. Ainsi, une description interne partielle peut être associée à chaque nœud concept (dans le rectangle Description). Basé sur ce formalisme, le modèle d’une expérience par graphes conceptuels est donné sur la figure 4.5. Le marqueur ∗ est le marqueur générique. Dès l’occurrence d’un nouvel événement (un problème), ce graphe générique est instancié afin de bâtir une nouvelle expérience et la capitaliser. Le GC de la figure 4.5 se lit ainsi : « Une expérience est décrite par un événement qui appartient à un contexte et nécessite une analyse qui génère une solution ». L’événement, le contexte, l’analyse et la solution peuvent être décrits par des GC imbriqués.

Dans notre approche, l’activité de construction d’une expérience est aidée par la recherche d’ex- 96

4.3. L’exploitation d’expériences guidée par les connaissances

FIGURE 4.5 – Ontologie (types de concepts et de relations) et graphe conceptuel représentant une expérience générique

périences similaires pouvant être réutilisées. Pour cela, l’opérateur de projection des graphes con- ceptuels est utilisé. Cet opérateur permet d’identifier des expériences passées réutilisables. Il permet l’extraction d’un (ou de) sous-graphe(s) à partir d’un graphe donné en appliquant une séquence de rè- gles de spécialisation. Plus formellement, la projection π d’un graphe G1 sur un graphe G2 est définie par :

– π est une application des nœuds de G1 sur les nœuds de G2 qui préserve les arcs, c’est-à-dire que si xy est un arc dans G1 alors π(x)π(y) est un arc dans G2 ;

– π peut spécialiser les labels des nœuds concepts et relation. Pour chaque concept c de G1, π(c) est un concept de π(G1) tel que type(π(c)) ≤ type(c) et si c est un concept individuel alors marqueur(π(c)) = marqueur(c).

L’expression ci ≤ cj signifie que soit ci est une spécialisation de cj, soit ils sont identiques.

Ainsi, dès l’apparition d’un nouvel événement, une nouvelle expérience est instanciée. L’événe- ment et son contexte doivent être décrits en réutilisant éventuellement des GC types correspondant au domaine. Dans l’exemple de la figure 4.6, les GC a) et b) correspondent à la description d’un événe- ment et de son contexte dans le domaine de l’usinage. Afin d’identifier des expériences similaires dans la base d’expériences, un GC requête (figure 4.6, c)) est construit puis projeté sur l’ensemble des ex- périences de la base. Dans notre exemple, la requête peut se traduire par « Existe-t-il une expérience dont la description de l’événement correspond à un bris d’outil ?» L’identification des expériences proches permettra éventuellement la réutilisation, totale ou partielle, des analyses et/ou des solutions. Le résultat de la projection (figure 4.6, d)) montre que l’expérience Exp1 correspond. L’outil trouvé (outil de fraisage) n’est pas celui du nouvel événement (outil de tournage) mais il est probable que l’analyse A1 dans Exp1 pourra être utile et, le cas échéant, être réutilisée par adaptation.

La figure 4.7 illustre l’expérience source Exp1 identifiée dans la base d’expériences grâce à la mise en œuvre de l’opérateur de projection des GC et l’expérience Exp025, obtenue par adaptation par l’expert de l’analyse et de la solution de Exp1.

Chapitre 4. Réutilisation d’acquis pour aider l’ingénierie système

FIGURE 4.6 – Exemple de Graphes Conceptuels modélisant un événement (a), son contexte (b), une

requête (c) et le résultat de la projection de la requête sur la base d’expériences (d)

Nous voyons que l’avantage de la méthode est de ne pas nécessiter l’utilisation de mesures de similarités. De plus, bien que la requête soit partiellement définie et peu précise, il est possible d’i- dentifier des expériences similaires. L’expression de préférences par le décideur est facilitée par les graphes conceptuels qui s’avèrent aisément manipulables et compréhensible par un ingénieur expert. La représentation graphique et la correspondance avec le langage naturel favorisent l’expression et la compréhension des expériences. De plus, tous les éléments d’interrogation et de construction d’une nouvelle expérience sont parfaitement formalisés au sein de l’ontologie. Celle-ci permet, outre les éléments « métier » liés au domaine d’application, de formaliser également les concepts et relations propres au retour d’expérience (expériences, événements, analyses, solutions, etc.).

Nous avons développé un outil permettant de valider notre approche. Développé en langage C++ au laboratoire LERIA d’Angers, cet outil est basé sur la bibliothèque Cogitant [Genest and Salvat, 1998]. L’ensemble des GC exemples illustrés dans cette section en sont issus.

Ces travaux, publiés dans[Coudert and Kamsu-Foguem, 2008] (C.7), [Kamsu-Foguem et al., 2008] (A.4)ont permis de proposer une approche conceptuelle basée entièrement sur une ontologie. Ces bases ont ensuite permis de faire des propositions en conception de systèmes.