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Le renouvellement : conclusion d’un nouveau contrat ou

Lorsque les parties renouvellent leur contrat, que cela se produise tacitement ou par accord exprès, se pose la question de savoir si elles font face à un nouveau contrat ou si, au contraire, elles sont en présence du contrat primitif, quoique modifié. De prime abord, la réponse à cette question peut paraître inutilement théorique. Il existe toutefois quelques contrats qui font dépendre certains éléments de l’écoulement du temps55. D’autres droits ne naissent qu’avec la fin du contrat56. La question de savoir si, en cas de renouvellement, les parties sont en présence d’un seul et même contrat, ou si un autre a été conclu, revêt donc une certaine importance. En fonction de la réponse, les parties au contrat verront des impacts directs sur leurs droits et obligations.

53 BK-KRAMER/SCHMIDLIN, art. 1 CO, N 250-251.

54 Cf. aussi SYZ, Faktisches Vertragsverhältnis, Zurich 1991, p. 35.

55 Cf. par exemple le calcul du plafond de l’indemnité pour clientèle dans le cadre du contrat d’agence (cf. infra ¶¶ 316-317).

56 Cf. par exemple le délai de prescription décennale afin de réclamer les choses que le mandataire n’a pas encore restituées dans le cadre du contrat de mandat (cf. infra ¶¶ 485 et seq.).

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Doctrine.La doctrine a pris position sur la question traitée ici dans le cadre spécifique des règles prévues par notre ordre juridique en matière de renouvellement tacite, en particulier concernant le renouvellement tacite du contrat de bail (art. 266 al. 2 CO).

HIGI57et PERMANN58préconisent la voie de la conclusion d’un nouveau contrat. Selon eux, un contrat de durée déterminée qui prend fin eo ipsone peut logiquement pas être reconduit («fortgesetzt»59). Selon un autre courant doctrinal60, le renouvellement tacite du bail ne serait qu’une reconduction du contrat primitif de durée déterminée («Fortsetzung des ursprünglich befristeten Vertrages»61). En matière de contrat de travail, WYLER/MARTIN expriment clairement que la reconduction tacite des rapports de travail n’implique pas la conclusion d’un nouveau contrat de travail62.

Ce n’est que récemment qu’un auteur s’est prononcé, de manière générale, sur la question qui est ici posée, mais dans le cadre spécifique des clauses de renouvellement automatique63. Selon MAISSEN, la prolongation automatique est une continuation du contrat primitif et non pas la conclusion d’un nouveau contrat64. Elle distingue, ensuite, entre prolongation sans ou avec modification des prestations contractuelles, mais en principe la conclusion reste identique. Si les prestations contractuelles ne sont pas modifiées avec le renouvellement automatique, le contrat primitif n’est modifié qu’en ce qui concerne la durée ; il n’y a pas conclusion d’un nouveau contrat65. En cas de modifications, même d’essentialia negotii, les parties ne font que modifier le contrat primitif66. Cela étant, MAISSENs’interroge, à juste titre selon nous, sur la question de savoir jusqu’à quel point l’on peut encore parler d’un seul et même contrat en cas de changements. Selon cet auteur, si les parties modifient de manière importante une des prestations essentielles («wesentliche Leistung»), de sorte que le caractère du contrat est changé, il faudra en principe partir de l’idée d’un nouveau contrat67.

Jurisprudence.En matière de renouvellement, la jurisprudence a très rarement dû se prononcer sur la question de l’éventuelle conclusion d’un nouveau contrat. Par rapport au renouvellement tacite du contrat de bail, le Tribunal fédéral a précisé que de l’art. 266 al. 2 CO. L’art. 334 al. 2 CO prévoit que le contrat reconduit tacitement est « réputé être un contrat de durée indéterminée », cf. infra ¶ 241.

63 MAISSEN, N 32 et seq.

64 Idem, N 36 : « […] die automatische Vertragsverlängerung [ist] eindeutig auf eine Weiterführung des urprünglichen und nicht auf den Abschluss eines neuen Vertrages ausgerichtet ».

65 Idem, N 37-38.

66 Idem, N 40-41, qui prend l’exemple des conditions générales d’une salle de gym qui prévoient qu’en l’absence d’un congé, le contrat sera automatiquement renouvelé aux conditions qui seront en vigueur au moment du renouvellement. Les « conditions » incluent aussi le prix des prestations.

67 Idem, N 41.

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« [l]a reconduction tacite marque […] davantage la continuité dans la relation contractuelle plutôt qu'une césure »68. Cette affirmation montre clairement qu’au moins en cas de renouvellement tacite, où en principe le contrat n’est pas modifié (sauf la durée), le Tribunal fédéral y voit généralement la continuation du contrat primitif et non pas la conclusion d’un nouveau contrat.

Notre proposition : une règle générale et son exception. Afin de déterminer dans chaque cas d’espèce si un nouveau contrat a été conclu ou si le contrat primitif a simplement été prolongé, il convient d’établir une règle générale qui puisse être appliquée aisément. Comme cela est souvent le cas, la règle générale sera accompagnée d’une exception.

La règle générale. À moins que la loi ne l’indique clairement, le renouvellement n’implique pas la conclusion d’un nouveau contrat. En principe, lorsque les parties renouvellent leur contrat, elles modifient la clause de durée et, le cas échéant, elles peuvent modifier d’autres clauses du contrat ; le contrat primitif ne prend pas fin, il n’est que métamorphosé par l’accord (exprès ou tacite) des cocontractants. Des changements mineurs conduisent à un contrat adapté, mais qui peut encore être assimilé au contrat primitif. Comme nous le verrons dans le cadre de l’analyse des différents contrats, cette solution est en ligne avec la tendance générale consistant à considérer qu’un contrat de durée déterminée tacitement renouvelé devient un contrat de durée indéterminée.

L’exception : le changement fondamental. Si les parties changent le contrat de manière fondamentale, elles concluent en réalité un nouveau contrat. Se pose alors la question de la définition d’un « changement fondamental ». On pourrait, premièrement, se référer aux éléments essentiels du contrat et affirmer qu’en cas de changement de ceux-ci, les parties concluent un nouveau contrat. Cette règle paraît trop stricte. En effet, dans le cadre d’un contrat d’agence, un nouveau contrat serait conclu à chaque fois que les parties modifient, même légèrement, le montant de la commission de l’agent. De même, à chaque augmentation de loyer, bailleur et locataire concluraient un nouveau contrat. Cette règle serait certainement simple à appliquer, mais elle aboutit dans certains cas à des conclusions qui vont contre le bon sens.

La prestation caractéristique.La notion de prestation caractéristique a été développée dans le cadre du droit international privé. La prestation caractéristique d’un contrat est définie par la doctrine comme étant, en principe, celle qui n’est pas pécuniaire69; elle incarne la fonction sociale et économique du contrat70. À notre sens, une modification de la prestation caractéristique devrait en principe conduire à la conclusion d’un nouveau contrat si le contrat primitif en ressortdénaturé. Ainsi, dans le cadre du bail à loyer, si les parties « renouvellent » leur contrat, mais que le bailleur

68 ATF 137 III 580 c. 2, SJ 2012 I 177 ; MP 2012 63.

69 CR-LDIP-BONOMI, art. 117 LDIP, N 14.

70 Idem, N 15 ; cf. aussi ZK-IPRG-KELLER/KREN KOSTKIEWICZ, art. 117, N 27.

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met désormais à disposition du locataire un autre immeuble, les parties ont en réalité conclu un nouveau contrat de bail. Cette conclusion n’empêchera en tout cas pas le juge de s’inspirer des clauses de l’ancien contrat, dans la mesure où les parties s’attendaient à ce que celles-ci s’appliquent toujours71.

Informations obligatoires dans le contrat.La prestation caractéristique n’est pas, en règle générale, celle qui est pécuniaire. Quid si les parties renouvellent le contrat d’agence matrimoniale et modifient, par là même, la rémunération du mandataire ? L’art. 406d CO contient une série d’éléments qui doivent impérativement figurer dans le contrat. Selon nous, même si la prestation caractéristique du mandataire n’est pas modifiée, le changement d’un élément qui doit obligatoirement être indiqué dans le contrat doit conduire à la conclusion d’un nouveau.

Avec cette règle et son exception, il conviendra de déterminer, face à un renouvellement, si les parties ont simplement prolongé le contrat primitif ou si elles ont, en revanche, conclu un nouveau contrat, et ce indépendamment des mots utilisés par les cocontractants.