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Section II: Les parties ne sont pas liées par un contrat

Chapitre 4 : La problématique du renouvellement en rapport avec le droit

6. Cas limites

Les baux liés. Un cas qui peut se présenter fréquemment est celui d’un bail portant sur une habitation ou sur un local commercial lié, par exemple, à un parking.Quidsi une partie souhaite renouveler le contrat, mais seulement pour la partie

« appartement » ? Deux possibilités sont envisageables : premièrement, les deux objets sont incorporés dans un seul contrat ; deuxièmement, les parties ont conclu deux baux distincts.

La question doit être analysée en parallèle avec la «Teilkündigung» (résiliation partielle). L’analogie découle du fait qu’une partie ne souhaite poursuivre la relation contractuelle qu’en ce qui concerne une partie de l’objet (ou des objets) du contrat.

Dans la première hypothèse, la règle générale prévoit qu’une partie ne peut pas donner congé partiellement dans la mesure où les deux objets loués forment un tout, l’un étant la chose principale, l’autre l’accessoire140. Par analogie, une partie ne peut pas, en cas de reconduction tacite, soutenir qu’il n’a utilisé que l’un des objets du bail après l’échéance et que la reconduction ne porte désormais que sur un des objets.

138 DIETSCHY, Le droit d’option dans les baux à loyer d’habitations ou de locaux commerciaux, in AJP/PJA 2012 1238 (1242) ; SOMMER, Urteil des Bundesgerichts 4C.152/2004 vom 9. Juli 2004, in MRA 1/2005 p. 28 (33).

139 Dans d’autres cas, les parties s’accordent sur le principe du renouvellement, mais un conflit naît sur la question du nouveau loyer. Cf. à ce propos, en droit français, un arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 juin 1984 où les parties ont déféré leur litige à un arbitre unique : cf. Rev. arb. 1984.516.

140 ZK-HIGI, rem. prél. ad art. 266-266o CO, N 96 et seq. ; TF 4A_283/2013, arrêt du 20 août 2013, c. 4.

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En revanche, les parties sont libres de changer, par un accord exprès, le contenu du contrat en prévoyant par exemple que le contrat ne sera renouvelé que pour la partie

« habitation ».

Bailleur et locataire peuvent conclure deux contrats séparés physiquement, mais qui contiennent une clause stipulant que « les baux appartement et garage ou parking sont liés » et que « le garage/parking ne peut être restitué qu’avec l’appartement »141. Quidsi le bail d’habitation est conclu pour une durée déterminée de trois ans alors que le bail « parking » est d’une plus courte durée, par exemple d’une année ?

Si le locataire veut résilier uniquement le bail portant sur le garage, ou en tout cas ne pas renouveler le contrat, il en informera le bailleur ou la régie. La régie fera valoir la clause inscrite dans le contrat liant les deux baux et soulignera qu’il est clairement indiqué que la restitution de l’un des objets implique la restitution de l’autre.

Cette combinaison de contrats est pathologique en ce sens que, d’une part, les parties ont signé deux contrats liés, mais, d’autre part, un contrat conclu pour une période déterminée prend fin par la simple survenance du terme142(cf. supra ¶ 79).

Dans un tel cas de figure, on ne peut que nier une prolongation forcée du bail portant sur le parking. Lorsque ce contrat arrive à échéance, le locataire pourra informer le bailleur qu’il ne souhaite pas renouveler ce contrat, ce qui n’a aucune incidence sur le bail d’habitation. Si le locataire cesse d’utiliser le parking et ne paie plus le loyer après l’échéance du contrat, aucun renouvellement n’aura lieu. Le contrat est simplement échu. En revanche, la clause stipulée trouve toute son importance tant que les deux contrats sont encore en vigueur. Lorsque les deux contrats sont parallèlement en vigueur, le locataire ne peut effectivement pas donner congé pour un seul contrat.

Un bailleur ou une régie qui souhaite lier correctement deux contrats de ce type peut évidemment le faire. Deux solutions sont alors envisageables : la premièreconsiste à indiquer dans les deux contrats (liés) un terme équivalent, la seconde, plus pratique d’un point de vue de gestion des contrats, est celle de renvoyer simplement la durée d’un contrat à celle de l’autre. Ainsi, sous la rubrique « durée » du bail portant sur le parking, le rédacteur du contrat indiquera « cf. durée du bail d’habitation ». La durée de la location du parking est suffisamment déterminable.

Le second exemple mentionné (cf. supra¶ 149) mérite une approche différente. Les parties peuvent avoir conclu plusieurs contrats, mais dans le but de former un tout143. Le critère déterminant est la volonté, respectivement l’intérêt, des parties que les baux constituent un ensemble indissociable144. Si les contrats ont été conclus au même

141 Ce type de clause se trouve effectivement dans certains contrats de bail combinés.

142 Art. 266 al. 1 CO.

143 Savoir si les contrats forment un tout est une question d’interprétation.

144 TF 4A_283/2013, arrêt du 20 août 2013, c. 4.5 : «Unbesehen der Frage der Parteiidentität kann damit jedenfalls eine (nichtige) Teilkündigung (vgl. HIGI, a.a.O., N. 96 ff. Vorbemerkungen zu Art.

266-266o) nur in Betracht gezogen werden, wenn nach dem Willen beziehungsweise den Interessen der Parteien Miet- und Pachtvertrag ein untrennbares Ganzes hätten bilden sollen ».

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moment et que les termes et délais de congé sont identiques, une reconduction tacite doit être soit admise pour le tout, soit niée pour le tout. Si les contrats viennent à échéance à des moments différents, il convient de raisonner de la manière suivante : si l’application de l’art. 266 al. 2 CO a été admise pour le premier bail arrivé à son terme, on présumera que les autres baux seront également renouvelés. En revanche, si la reconduction tacite est niée pour le premier contrat qui échoit, la présomption sera inversée, dans le sens que l’on n’admettra qu’avec retenue une reconduction tacite des autres contrats.

La reconduction tacite et le renouvellement exprès ne doivent pas être confondus avec l’institution de la prolongation du bail en vertu des art. 272 à 272d CO145. La différence réside notamment dans le fait que la prolongation du bail suppose, entre autres, que le locataire doit faire face à des conséquences pénibles si la résiliation a lieu conformément aux règles légales ou stipulées entre les parties.

Le locataire récalcitrant. Un bailleur ou, le plus souvent, une régie met en place une procédure d’expulsion d’un locataire à cause des difficultés constantes de ce dernier en ce qui concerne le paiement des loyers. Avant la fin de cette procédure, la régie accepte cependant de renouveler le contrat, mais en informant le locataire qu’il sera considéré comme un occupant illicite pendant six mois, afin d’éviter de recommencer à nouveau une procédure d’expulsion.

Le résultat auquel aboutit la proposition de la régie n’est en soi pas choquant. En effet, on comprend bien l’intérêt de la régie qui, après avoir passé plusieurs mois à essayer d’encaisser les loyers échus, ne souhaite pas devoir tout recommencer quelque mois après la décision de renouveler le contrat de bail. Cela étant, il existe au moins trois raisons qui commandent qu’une telle pratique ne soit pas cautionnée.

Premièrement, d’un point de vue strictement juridique, bailleur et locataire sont convenus d’un renouvellement. Le contrat est donc prolongé et le locataire ne devrait en aucun cas être réputé un occupant illicite, car un accord valable a bien été conclu. Il faut donc admettre qu’une contradiction existe en ce sens.

Deuxièmement, la régie, en ayant connaissance des difficultés de paiement auxquelles le locataire est confronté, a toujours eu le libre choix de ne pas poursuivre la relation contractuelle. En procédant au prolongement, elle a assumé le risque de devoir entamer une nouvelle procédure d’expulsion. La régie établit une fiction qui n’a pas de fondement juridique.

Troisièmement, c’est la partie faible qui mérite une protection accrue. Le procédé de la régie ne respecte en aucun cas ce principe généralement reconnu.

En conclusion, la proposition avancée par la régie doit être rejetée sur le plan juridique. Il n’est pas concevable pour cette dernière d’instrumenter une fiction ad hoc pour se protéger, même si elle a un intérêt compréhensible. Le bailleur ou la régie qui veut se protéger conformément au droit doit demander des garanties. Cette

institution existe déjà et on ne saurait admettre une nouvelle forme de garantie visant à menacer le locataire en supposant l’illicéité d’une situation qui n’en est pas véritablement une.