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Le premier axe factoriel : les contraintes professionnelles

Dans le document Les usages du temps libéré (Page 40-43)

Pour illustrer ce pôle, nous avons sélectionné des phrases clés qui parlent des différentes organisations syndicales. Nous constatons que le point d’achoppement se situe curieusement au sein des organisations syndicales plutôt qu’avec la Direction… Toutefois, l’application de l’accord des 35 heures dans les deux entreprises unit tous les syndicats pour demander la création de nouveaux emplois. Mais surtout elle les divise en deux clans opposés : les uns sont favorables à la création d’une vraie RTT, lui préférant plutôt la relance économique pour créer des emplois (entreprise « M »), tandis qu’à contrario, d’autres ont négocié et signé avec le patronat l’accord sur les 35 heures (entreprise « A »). Ceux-là sont très favorables au principe du contrôle du temps de travail par le pointage des heures proposé par le forfait heure. De ce fait ils sont opposés au principe du forfait jour.

(Mat 11, p. 160) « D’une manière générale dans le débat national sur les 35 heures on parlait de nouvelle organisation du travail, nouveaux métiers, je dirais que je ne crois pas que FO n’y ait jamais trop cru. D’une manière générale pour nous l’emploi c’est très important et la RTT n’est pas nécessairement le meilleur moyen d’y parvenir et là c’est une condition ou on diverge pas mal avec d’autres syndicats et en particulier la CFDT. Pour nous ce qui crée des emplois salariés c’est la relance économique, c’est l’expansion, je disais tout à l’heure on est Keynésien. »

(Al 12, p. 69) « Les syndicats comme la Direction voulaient signer. Ils ont signé. FO et CGC ont signé l'accord central sur la RTT et la CGT et la CFDT ont refusé, ils ont dit que c'était trop loin de ce qu'on demandait. »

(Al 12, p. 69) « Donc la CGT et la CFDT ont décidé d’organiser un référendum. On a dit suivant les résultats du référendum on signera ou on ne signera pas l'accord. Suivant les résultats ça nous permettra de mettre en cause cet accord ou pas. La CFDT raisonnait comme ça elle. Ca leur permet de mettre en cause l'accord. Nous on le liait à la signature ou pas, aux résultats du référendum de la CGT. A la différence de la CFDT qui dit : malgré tout, on ne signera pas. Nous, on a dit on respectera la voie des salariés. »

(Al 12, p. 72) « Nous, la CGT-CFDT, on était pour le pointage. C'est pour plusieurs raisons qu'on n’a pas signé cet accord, parce qu’il n’y avait plus de contrôle du temps de travail. Le fond de la chose principale, c'est qu'on nous mettait en place des forfaits jour où il n’y avait plus de contrôle du temps de travail. »

(Al 12, p. 74) « La CGT est contre le forfait jour. Elle est pour une vraie RTT à 35 heures et pour des créations d'emplois correspondantes. Oui on est tout à fait dans la ligne et si les gens se plaignent, on est prêt à remettre en cause, au niveau légal, les forfaits jours et les forfaits sans références horaires. On est prêt à demander que

ce soit renégocié avec un contrôle du temps de travail en heures et puis en jours de travail parce qu'il y a aussi des forfaits en heures de travail. »

Les phrases clés illustrant les « compromis-négociation »

Nous avons repéré d’autres extraits de discours relatifs au compromis – négociation, qui confirment également que l’accord des 35 heures se situe plutôt du côté des « contraintes professionnelles ». Les individus des deux entreprises se représentent l’accord sur les 35 heures comme une alternative peu pérenne dans le temps, et les Directions des deux entreprises repoussent toujours la négociation sur les 35 heures, comme si elles ne voulaient justement pas aborder le sujet fondamental du temps de travail. Voici les textes repérés dans ce sens.

(Mat 11, p. 156) « Sachant que dans l’entreprise « A » la Direction est assez ouverte à la négociation, depuis 1996 on négocie sur des tas de sujets, une quinzaine, une vingtaine de sujets. Mais j’ai l’impression que justement la Direction avait lancé des négociations tous azimuts sur des sujets qui lui coûtaient beaucoup moins cher, c’est qu’elle ne voulait justement pas négocier sur le sujet fondamental du temps de travail et de la RTT. Donc l’intérêt positif, c’est que ça a obligé la Direction à négocier sur ce sujet là. »

(Mat 14, p. 191) « Les salariés se sont bien motivés. Malheureusement quelques jours après, la CFDT a accepté les 7 jours pour poursuivre les négociations et imposer le contrôle du temps de travail par pointage, question d’idéologie. Alors que finalement on a bien vu que ce n’était pas l’attente des salariés. »

(Mat 14, p. 195) « Chez nous les négociations avaient tardé d’ailleurs. Honnêtement, à juste titre je crois que la loi était tout à fait trop imprécise en ce qui concerne les ingénieurs et cadres pour qu’une société qui emploie plus de 70% d’ingénieurs et cadres, commence à faire tout et n’importe quoi. Donc, quelque part, il n’était pas inutile d’attendre la loi Aubry 2, même si elle ne correspond pas forcément à nos attentes. Mais enfin une fois qu’elle est légiférée elle est légiférée… »

(Al 12, p. 69) « Alors pendant l'été, comme la plupart des gens prenaient des vacances, on a demandé qu'il y ait un arrêt des négociations parce qu'on s’est dit que les autres risquent de signer tant qu'on ne peut pas mobiliser les gens. Alors, ça reportait au mois de septembre. Donc en septembre 2000 les réunions de négociation ont repris… et alors on a essayé de comment dire… faire pression sur la Direction pour obtenir un peu plus que ce qu'elle proposait, on était déjà arrivé à 12 jours de congés, avec 2 heures de moins de travail. »

Les phrases clés illustrant le cas des « cadres de direction »

Pour terminer l’interprétation du pôle des « contraintes professionnelles » nous avons choisi les phrases clés qui parlent des cadres de direction, en d’autres termes de la Direction contre qui se sont insurgés les salariés des deux entreprises « A » et « M ».

En effet, à leur lecture nous voyons que pratiquement tous les employés des deux entreprises s’opposent aux propositions de leur Direction, ceci même dans l’entreprise « M ». L’origine du conflit concerne le nombre de jours de congés qui est attribué par la Direction à l’occasion du passage aux 35 heures. Les employés des deux entreprises reprochent à leur Directeur de leur accorder moins de jours de congés que ceux auxquels ils ont mathématiquement droit… Toutefois une ambiguïté persiste chez les employés de l’entreprise « M » qui s’interrogent sur les heures de travail qu’ils devront effectuer après la signature des accords, ne connaissant pas avec précision la différence horaire entre le statut mensuel défendu par les syndicats et le forfait jour défendu par la Direction.

(Mat 11, p. 152) « Avant la mise en place des 35 heures, la catégorie des statuts mensuels était sur un horaire de 38 heures 30 et la catégorie des ingénieurs et cadres c’est assez flou. C’est-à-dire que je pense que la plupart des syndicats étaient sur la base de cet horaire là, mais pour la Direction ils étaient plutôt sur la base d’un forfait tous horaires (forfait jour), d’où cette incompréhension qui a généré pas mal de problème. »

(Mat 11, p. 155) « Certains syndicats avaient attaqué la Direction devant l’inspection du travail. C’était flou et je ne sais pas qu’elle était la vérité : est ce qu’on était au forfait tous horaires (forfait jour) ou au forfait à 38 heures 30 ? Mais c’est clair que maintenant avec ce forfait jour, si quelqu’un qui arrive à 7 heures 30 le matin et part à 19 heures 30 le soir, c’est parfaitement légal. Donc je dirais que de ce côté-là, la Direction a gagné. »

(Mat 11, p. 159) « La Direction avait choisi de négocier en partant de vraiment très très bas, ce qui pour moi était vraiment une erreur parce que ça montrait qu’elle se moquait des gens. Ca revenait à manifester un peu du mépris pour les salariés d’oser présenter même en situation de départ, de telles propositions. Pour moi c’était une erreur du directeur de partir d’aussi bas. C’est vraiment témoigner du mépris pour les salariés. Donc il y a eu une situation de rejet unanime de tous les salariés. » (Mat 11, p. 190) « C’était un conflit essentiellement entre les syndicats et la Direction. Les salariés avant qu’on entre vraiment dans le cas de la loi Aubry et qu’on les sensibilise dans les Assemblées Générales sur la RTT, ses conséquences et autre, ils n’étaient pas directement en conflit avec la Direction. Il y avait une certaine insatisfaction qui remontait à travers nos rôles de représentants du personnel ou à travers le Comité d établissement. Le concept d’un forfait tous horaires (forfait jour) convenait relativement bien à la majorité des salariés. »

(Mat 14, p. 191) « Aux ingénieurs et cadres, la Direction ne leur avait accordé que 7 jours de congés RTT alors que compte tenu qu’on n’était pas à 39 heures mais à 38 heures 30, il aurait fallu qu’elle nous octroie 21 jours de congés RTT mathématiquement. Donc, c’est devant cette iniquité que les syndicats avaient motivé les salariés pour exiger du directeur plus de jours de congés RTT… »

(Mat 14, p. 191) « La Direction a accordé astucieusement les 35 heures aux ouvriers, techniciens et employés administratifs. Elle a obtenu la signature de 2 syndicats, dont un qui n’existe pas sur Toulouse et l’autre qui était très minoritaire à cette époque là. En fait, grâce à ces 2 signatures, elle a réussi à imposer aux ingénieurs et cadres une RTT qui n’est pas essentiellement sous forme de jours de congés mais qui, en plus, impose pour une certaine catégorie d’ingénieurs et cadres le contrôle du temps de travail avec pointage, ce qui n’était pas du tout l’attente des salariés et ce qui ne correspondait pas du tout à nos souhait. »

(Mat 14, p. 193) « La Direction a astucieusement contourné les contraintes des heures supplémentaires, puisqu’il est convenu dans l’accord sur le droit syndical que seules les heures supplémentaires demandées et justifiées par l’employeur, avant qu’elles ne se fassent, seront prise en compte. Alors il y a des tas de salariés qui peuvent faire les 37 heures 30 ou les 35 heures en 37 ou 40 heures et dans le mesure ou ce n’est pas leur employeur ou leur responsable hiérarchique direct qui leur demande elles ne leurs sont pas payées. »

(Al 12, p. 68) « On a demandé de commencer les négociations et la Direction ne voulait pas. Elle a voulu absolument terminer les négociations sur les statuts en fin 1999. Début 2000 elle a enfin ouvert les négociations sur la RTT. Ca a commencé en février 2000 et ça s'est terminé en octobre 2000. Nous on a pas signé, FO a signé. C'est pour ça que l'on n’a pas pu obtenir de meilleures avancées parce que ils ont cédé. Comme la Direction a lâché quelques augmentations, ce n'était pas l'intérêt des 35 heures. La Direction a lâché des augmentations de salaire aux catégories, 150 Francs pour les plus petites catégories, 2% pour les autres. »

(Al 12, p. 68) « Les négociations ont commencé en février, les propositions du directeur ne nous ont pas satisfaites, évidemment c'était loin de ce qu'on demandait. On demandait les 35 heures et 23 jours de congés. La Direction ne proposait que 10 jours de congés au départ. A ce moment là, tous les syndicats ont réagi, ont refusé et il y a eu une cohésion. On appelait les gens à réagir contre le projet du directeur. » (Al 12, p. 68) « De mars à mai on a fait les manifs et on avait l'habitude de prendre le vendredi après-midi pour faire les 35 heures. C'était un mot d'ordre, la Direction refusait de nous donner les 35 heures, on les prend. »

(Al 12, p. 69) « Et puis nous, on réclamait qu'il y ait quand même un point important pour nous : la RTT. Notre mot d'ordre c'était : plus de temps libre ! Mais c'était aussi la création d'emplois. La CGT, on s'est toujours battu là-dessus. On a toujours appelé aux gens et à la Direction. »

Dans le document Les usages du temps libéré (Page 40-43)