• Aucun résultat trouvé

LE PARTENARIAT FRANCO-IRANIEN : ETUDE DES TRAITES BILATERAUX.

L’HISTOIRE DE LA COOPERATION NUCLEAIRE FRANCO-IRANIENNE

2.1. LE PARTENARIAT FRANCO-IRANIEN : ETUDE DES TRAITES BILATERAUX.

L’ayatollah Khomeiny portait un regard bien différent sur cette affaire. Il faisait valoir qu'au strict plan du droit international, le changement de régime survenu en Iran n'était pas une clause de résiliation de l'accord. Celui -ci avait été conclu entre l'Etat iranien et l'Etat français. Il demeurait donc valable, l'Iran fût -il une monarchie ou une République islamique. Cette divergence conduisit la France et l'Iran à engager, dès l'arrivée de Khomeiny au pouvoir, diverses actions devant des juridiction s

internationales.392 Dans le même temps, les Américains remirent au tribunal arbitral de La Haye leur propre contentieux avec l'Iran.393 Celui-ci concernait notamment le gel des avoirs iraniens aux Etats-Unis, décidé par Jimmy Carter pendant la prise de l'ambassade américaine à Téhéran.

Cependant, comme l'avait prévu l'Administration de Jimmy Carter, la République islamique continua à appartenir au camp occidental. Le contentieux nucléaire entre la République islamique et les Occidentaux ne modifiait ni la position de I'Iran sur la carte du monde, ni l’intérêt que les Etats-Unis lui portaient, ni la volonté des autorités iraniennes d'échapper à l'emprise soviétique. Ainsi, du mois d'avril 1980 au mois de janvier 1981, l'Iran fut soumis pour la forme à un embargo sur les produits alimentaires (la viande, le blé, le riz, le sucre)394. Celui-ci fut systématiquement détourné par les Occidentaux :

« Soit par la falsification des dates de contrats, soit par le biais de la réexpédition d'importations en provenance de la Communauté européenne et des Etats-Unis, par des pays tiers, tels le Pakistan et les Emirats du Golfe Persique, de mai à juin 1980, la Grande-Bretagne avait augmenté de 38 % ses exportations vers Dubaï et les Etats-Unis avaient multiplié par quatre leurs ventes destinées aux Emirats Arabes Unis. Or, à la même époque, l'Iran était au premier rang des acheteurs sur le marché des réexportations des petits pays du Golfe persique, en particulier de Dubaï »395.

Dans le même temps, les exportations des pays de la Communauté européenne de produits n'étant pas soumis à l'embargo ne baissèrent que de 4 %396. Seuls les Etats- Unis réduisirent singulièrement leurs ventes directes à Téhéran397. Cela n'empêcha pas Ronald Reagan de fournir dès le mois de juillet 1981 des armes à la République islamique, en vertu de l'arrangement passé avec Khomeiny pour que les otages de

392 Libération du 03/07/91 & Yves Girard, op. cit. 393

Jean-Pierre Digard, Bernard Hourcade et Yann Richard, op. cit.

394 Chapour Haghighat, Iran, la Révolution islamique, op. cit. 395 Ibid., p.

396 Ibid., p. 397

l'ambassade américain à Téhéran ne fussent pas libérés avant l'élection présidentielle398.

La même année, « des contacts (furent) pris entre des responsables américains, britanniques et français ; afin de faire le point sur la situation iranienne... Ceux-ci (aboutirent) à la conclusion… qu'il était temps de mettre un terme au climat de tension qui entravait les rapports avec ce pays »399. En fait, les Occidentaux étaient déjà soumis à la pression terroriste de l'Iran. Le 18 juillet 1980, Chapour Bakhtiar, l'ancien Premier ministre du Shah, avait été victime d'une tentative d'assassinat à son domicile de Suresnes, près de Paris.

Le 5 février 1981, à la date anniversaire de la nomination de Mehdi Bazarghan, le chef du premier gouvernement de Khomeiny, un double attentat avait visé les compagnies aériennes Air France et TWA, à Paris400. La République islamique réagissait ainsi, par actes terroristes interposés, au refus fr anco-américain de relancer son programme atomique, aux ventes d'armes françaises à l'Irak et au bombardement par des avions irakiens sur la centrale nucléaire de Busher dont les Allemands avaient commencé la construction avant le départ du Shah401. À toutes ces récriminations s'ajoutaient le soutien apporté par la France aux opposants à la République islamique.

L'ayatollah Khomeiny était bien placé pour savoir que les révolutions et les coups d'Etat se préparent généralement à l'étranger, dans des pays hostil es au pouvoir en place. En 1981, son régime n'était pas stabilisé. L’opposition grondait à l’intérieur du pays, et les Occidentaux (c'est-à-dire les américains) n’acceptaient pas sa captation du pouvoir en Iran. Sa plus grande crainte était donc que les Et ats-Unis ne parvinssent pas à l’évincer, comme ils avaient éliminé le Shah, en organisant un soulèvement populaire depuis le territoire français. Or, le 27 juillet 1981, le Président Mitterrand accepta que l'ancien Président iranien Bani Sadr402 et le chef des Moudjahidin du

398 Bani Sadr, op. cit. 399

Chapour Haghighat, Iran, la Révolution islamique, op. cit.

400 TF1, Journal de la nuit, le 5 février 1981 - Les terroristes manient des symboles. Leurs cibles -

lieux ou personnes et les dates de leurs attentats sont toujours porteuses de messages. Ainsi, lors d'une réunion consacrée à la crise iranienne, à l'Elysée, un « expert » attira l'attention des participants sur « le danger des dates symboliques chez les terroristes, par exemple, pour les

Iraniens, les jours où ils célèbrent la chute du Shah et le retour de Khomeiny à Téhéran, du 16 janvier au début de février ». Le 28/07/87, in Jacques Attali, Verbatim, volume 2, Fayard, 1995.

401 Yves Girard, op. cit.

402 … dont la destitution venait d’être confirmée, cf Jean-Pierre Digard, Bernard Hourcade et Yann

peuple iraniens, Massoud Radjavi, vinssent à l'instar de Chapour Bakhtiar se réfugier en France.403 Cette décision était un acte d'hostilité à l'égard de la République islamique, au même titre que l'accueil de Khomeiny en avait été un à l'é gard du Shah.

En Iran, les Moudjahidin du peuple menaient une véritable guerre contre le pouvoir. Le 28 juin précédent, « une bombe avait détruit le siège du Parti de la République islamique, faisant officiellement 74 morts parmi l'élite politique du pays dont 40 députés et 4 ministres. La répression avait alors pris un tour jamais atteint : tous ceux qui étaient soupçonnés d'être Moudjahidin ou opposant actif (avaient été) arrêtés et pour la plupart torturés, condamnés, puis exécutés »404. Dès l'annonce de la venue de Massoud Radjavi et de Bani Sadr en France, le Quai d'Orsay s'attenait à des représailles de la part des nouveaux dirigeants iraniens405. Effectivement, le 30 juillet 1981, au lendemain de leur arrivée à Paris, cinq mille Gardiens de la Révolution assaillirent l'ambassade de France à Téhéran406. François Mitterrand calma les esprits en autorisant la livraison à la République islamique de trois vedettes lance -missiles commandées par le Shah en 1974407. Mais le 5 août suivant, le nouveau Président iranien Ali Radjaï et son Premier ministre furent tués dans un attentat408, « Une bombe avait été placée dans leur bureau par le chef des services de sécurité. Cet événement montra à quel point tout l'appareil d'Etat, même au plus haut niveau, était infiltré par des commandos de Moudjahidines409. La réponse iranienne fut immédiate, le 4 septembre, Louis Delamare, ambassadeur de France à Beyrouth, fut assassiné410. En 1982, la crise s'enlisa. Les actions en Justice engagées par la France et l'Iran aboutirent à la saisie conservatoire du remboursement du prêt octroyé par le Shah. À partir de cette date, les versements français du principal et des intérêts du prêt iranien furent immobilisés sur un compte bloqué411. Les Iraniens amplifièrent leur pression terroriste. Ainsi, le 18 janvier 1982, Charles Ray, l'attaché militaire adjoint à l'ambassade américaine fut assassiné à Paris. Son meurtre fut revendiqué par les FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises), un groupe jusqu'alors

403 Jacques Attali, Verbatim, op. cit.

404 Jean-Pierre Digard, Bernard Hourcade et Yann Richard, op. cit. 405 Jacques Attali, Verbatim, op. cit.

406

Jacques Attali, Verbatim, op. cit.

407 Ibid., p. 408 Ibid., p.

409 Jean-Pierre Digard, Bernard Hourcade et Yann Richard, op. cit. 410

inconnu412 qui venait d'être fondé pour mener un combat en Europe413. Ils mettaient alors en place un réseau terroriste aux multiples visages, dont les fondements idéologiques étaient la guerre sainte et la lutte contre l'Occident. « Ils (incitaient) les musulmans du monde entier à combattre les puissances occidentales qualifiées de « sataniques » et (soutenaient) sur les plans financier et militaire un nombre impressionnant de mouvements de libération, de propagande islamiste ou de guérilla, allant de l'Irlande du Nord au Cachemire, en passant par le Soudan, la Côte d'ivoire, la Tanzanie, les banlieues des villes européennes et, bien sûr, les organisations palestiniennes. »414 Yasser Arafat, premier étranger qui rendit visite à la République islamique415, bénéficia ainsi d'un soutien de l'Iran pour son organisation, le Fatah.416 Il facilita pour sa part l'implantation, à Beyrouth, de l'organisation iranienne du Jihad islamique (la Guerre sainte)417. Les Iraniens créèrent également le Hezbollah (le parti de Dieu), basé lui aussi à Beyrouth. Le Liban devint ainsi la principale base arrière des organisations révolutionnaires iraniennes418.