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L’Iran et la Chine

CHAPITRE 4 : LE NUCLEAIRE IRANIEN EN

2- L’Iran et la Chine

Lorsque la Chine se sépara du bloc de l’Est, Washington et l’Europe ont tenté de remplir le vide de ses relations avec Moscou. Les pays satellites de l’Occident ont reçu la permission de commercer avec la Chine. Les États-Unis eux-mêmes ont accepté de ne pas porter la candidature de Taiwan de devenir membre de l’Organisation des nations unis tout en devenant un des principaux partis dans le commerce avec la Chine. Cette même relation fut établie entre les pays européens et Pékin. Les relations des États-Unis et de l’Europe avec la Chine atteignirent un tel degré que vers la fin du XXe siècle, la Chine devint membre de l’Organisation mondiale du Commerce, tandis que Moscou n’a pas encore obtenu cet avantage.

La Chine devient une puissance économique incontestée. Ses exportations vers les États-Unis dépassent de 50 milliards de dollars celles des États-Unis vers la Chine143. La Chine domine de la même manière les marchés mondiaux. Ce qui est survenu en Chine, où un régime communiste s’est lié aussi largement avec l’économie capitaliste, constitue un exemple pour tous les pays qui tentent de se libérer de la discrimination et de la dépendance vis-à-vis de l’Occident.

En Iran, où, à la suite de la révolution de 1978, un régime idéologique et théocratique a pris le pouvoir, la politique et les méthodes adoptées par les Chinois attire nt l’attention particulière des dirigeants dans leur lutte contre l’Occident. Compte tenu de ses différentes capacités du point de vue géopolitique et des réserves souterraines, ce pays a été convoité depuis la Seconde Guerre mondiale par les différentes puissances planétaires. Il compte parmi les dommages subis de la part de ses voisins et alliés des États-Unis et de l’Occident, une guerre de huit ans contre l’Irak. Pour surmonter le blocus qu’il subit depuis la révolution de la part des Américains, il cherche des alliés parmi les rivaux des États-Unis. Les difficultés auxquelles doivent faire face l’Iran est à la hauteur de la situation qui règne dans le golfe Persique.

142 Charles ZORGBIBE, Pour une refonte de l’Onu, Géostratégiques N° 14, avril 2006.

143 World Development Indicators, The World Bank, divers numéros. Voir également François

Gaudemont, « Chine - Etats-Unis : entre méfiance et pragmatisme », Paris, La Documentation

La grande différence entre la politique des « portes ouvertes » de la Chine et celle de « recherche d’amis » de l’Iran réside dans le fait que la Chine, y est parvenue progressivement pendant une période de soixante ans en prenant toutes les précautions. Pour parcourir ce chemin, la Chine a supprimé l’obstacle de l’idéologie.

L’horizon géostratégique de la Chine couvre plusieurs questions : la volonté dominatrice des États-Unis en tant que première puissance mondiale, en particulier dans la région de l’Océan atlantique – ensuite à l’égard du Japon et les difficultés qu’il provoque dans son voisinage, la crise de Taiwan – qui est encore loin d’être résolue – la puissance militaro-économique du Japon qui occupe la seconde place dans l’économie mondiale, les politiques multiples des États-Unis visant à renforcer l’Inde contre la Chine, le conflit entre l’Inde et le Pakistan, deux de ses voisins. Or, la Chine ne néglige jamais de rechercher des voies d’entente avec les États-Unis entant que première puissance mondiale144.

Simultanément, la Chine s’inquiète de la montée des idéologies religieuses et d es nationalismes dans l’Asie centrale. Elle s’attache à renforcer sa coopération avec la Russie pour créer une alliance en vue de préserver l’Asie centrale de l’influence américaine145. Elle poursuit également une politique d’amitié avec d’autres pays, en particulier ceux du golfe Persique – tout en gardant la priorité pour sa politique d’entente mondiale avec les États-Unis. De même, la Chine tente de s’attirer l’amitié et la confiance des pays africains.

La Chine accueille favorablement la mondialisation de l’économie en tant qu’un processus inévitable. Elle considère que, malgré les tentatives des Etats -Unis de préserver le monopole de la puissance mondiale, un système multipolaire finira par s’installer dans les relations internationales. La Chine évalue la puissance militaire russe capable de tenir tête aux États-Unis, tandis que l’Union européenne serait capable, par une indépendance relative économique et militaire, de rivaliser avec la

144 Cf. Yves Viltard, La Chine américaine, Paris : Belin, 2003.

145 Cf. Mikhail Lukin, “Peace Mission 2005: A 1970s Template for Sino-Russian Peacekeeping”,

Moscow Defense Brief, n° 2, 2005. La Chine et la Russie conviennent de renforcer leur coopération économique et culturelle, Zinhua, 05/07/2007. « Le traité traduit l’aspiration commune des deux peuples au maintien d’une amitié qui se transmet de génération en générati on ; le développement des relations amicales sino -russes dans tous les domaines correspond non seulement aux intérêts des deux peuples, mais favorise également la sauvegarde de la paix, de la stabilité et du développement sur les plans régional et mondial », 2001. Voir également, Yang Baoyun, La Chine et la Russie, Outre Terre N°4-2003-03 pp.181-188.

puissance américaine, tandis que le Japon, en tant que deuxième puis sance économique mondiale, serait un puissant concurrent de cette superpuissance émergeante.

La Chine, énorme puissance montante, constitue le premier choix de l’Iran, à la recherche d’alliés en vue de faire face à l’axe dominant des États-Unis et d’Israël dans le Grand Moyen-Orient rêvé par l’administration Bush. Or, ce choix iranien, aurait-il également l’approbation de Pékin ?

Aujourd’hui, la Chine, grâce à toutes ses capacités, attire les pays détachés du camp occidental, de la même manière que les États-Unis du début du XXe siècle constituaient l’espoir des pays libérés du colonialisme européen. L’Iran du XXe

siècle, y fonda également son espoir pendant vingt ans, jusqu’en septembre 1941. Lorsque ce pays fut attaqué par les troupes anglaises et russes, Réza Shah demanda l’aide de Roosevelt qui lui répondit que son pays doit se soumettre à l’occupation146

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Sans doute le XXIe siècle est différent du XXe, et l’époque des superpuissances s’est révolue. Les alliances régionales dans les conditions actuelles du monde ont pris un sens différent et peuvent défendre l’Organisation des nations unies et sa charte, et résoudre d’autres questions que les simples intérêts des sociétés extranationales.

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146 ROUX, Jean Paul, Histoire de l’Iran et des Iraniens : Des origines à nos jours, Paris, Fayard,