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LA STRATEGIE IRANIENNE DU DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL

L’HISTOIRE DE LA COOPERATION NUCLEAIRE FRANCO-IRANIENNE

1.1 LA STRATEGIE IRANIENNE DU DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL

L’Iran était ainsi entré par la grande porte dans le club très fermé des indust riels de l’enrichissement de l’uranium. Il était, à part l’Union soviétique, le seul pays non occidental dans ce cas. En outre, sa position dans Eurodif était tout à fait privilégiée. Il détenait en effet la minorité de blocage dans la société franco -iranienne. Sofidif, 161 Le Monde, 20/11/74 162 Le Monde, 12/10/76 163 Le Monde, 8-9/06/75 164 Le Monde, 20/11/74 165 Yves Girard, op. cit. p.

166 Frédérique de Gravelaine, Sylvie O’Dy, L’Etat EDF, Alain Moreau, 1978, p. & Yves Girard, op.

cit., p. & Le Monde, 15/09/76

167 Frédérique de Gravelaine et Sylvie O’Dy, L’Etat EDF, Alain Moreau, 1978 & Yves Girard, op.

cit., p. & Le Monde du 15/09/76

168 Frédérique de Gravelaine et Sylvie O’Dy, L’Etat EDF, Alain Moreau, 1978 & Yves Girard, op.

laquelle, avec 25% des parts d’Eurodif, détenait la minorité de blocage dans le consortium. La France, pour sa part, était le plus gros actionnaire d’Eurodif. Elle assurait à ce titre « la direction générale de l’affaire et (décidait de) la répartition des fabrications « sensibles » »169, c'est-à-dire des fournitures d’uranium enrichi à usage militaire.

L’Iran, en qualité d’actionnaire, avait par ailleurs un droit d’enlèvement sur 10% de l’uranium enrichi par Eurodif170

. Le consortium étant destiné à alimenter une centaine de centrales, l’Iran pourrait, une fois l’usine mise en service, retirer l’équivalent de la consommation des dix centrales nucléaires. Enfin, le dernier volet de l’accord franco - iranien concernait le prêt par l’Iran d’un milliard de dollars à la France, par le Canal du commissariat à l’énergie atomique.171

Ces fonds étaient destinés à soutenir le financement de l’usine172. Le prêt d’un milliard de dollars et le montage juridique par

lequel l’Iran était actionnaire de la Sofidif, elle-même actionnaire d’Eurodif, et avait droit à 10% de la production de l’usine formaient un accord indépendant des fournitures d’équipements. « Celui-ci tenait tout entier sur une seule page d’une simplicité limpide»173.

Les contrats portant sur la vente de centrales et d’équipements avaient été signés à Téhéran le 18 novembre 1974 par Michel d’Ornano, Ministre français de l’Industrie et de la Recherche et son homologue iranien174. Finalement, la France n’avait pas vendu cinq, mais deux centrales Westinghouse à l’Iran175. Cette fourniture avait été partagée entre la France et l’Allemagne fédérale. Le 20 novembre 1974, les autorités de Bonn avaient ainsi reçu confirmation de la commande de deux centrales américaines par le gouvernement iranien176. L’accord sur l’entrée de l’Iran dans le capital d’Eurodif et sur le prêt d’un milliard de dollars à la France avait été signé lors

169

Yves Girard, op. cit. p.

170 Le Monde, 15/09/76 & Le Monde, 07/05/88 & François Scheer, Ambassadeur de France, chargé

par le Président Mitterrand de la négociation du contentieux Eurodif avec l’Iran en 1989, interv iew pour la République atomique, documentaire de 52 minutes diffusé le 14/11/01 sur ARTE.

171 Yves Girard, op. cit. p. 172

Yves Girard, op. cit. p.

173 Yves Girard, op. cit. p.

174 Le Monde du 16/11/74 & Le Monde du 20/11/74 & Yves Girard, op. cit., p. 175 Le Monde, 20/11/74

176

du voyage officiel du Premier Ministre Jacques Chirac à Téhéran, à la fin du mois de décembre suivant177.

Les Américains, qui conduisaient le programme nucléaire iranien depuis les années 1960, parallèlement à la coopération engagée à la même époque entre Paris et Téhéran, ne s’étaient pas retirés des affaires atomiques iraniennes. De même que les accords signés par la France et l’Egypte, par exemple, n’étaient que des doublons des accords passés entre les gouvernements égyptien et américain. Les accords franco - iraniens avaient été conclus sur une toile de fond américano -iranienne. Ainsi, au début du mois de novembre 1974, une dizaine de jours avant l e déplacement de Michel d’Ornano à Téhéran, Henry Kissinger s’était lui-même rendu en Iran. Il s’était longuement entretenu du programme atomique iranien avec le Shah. À l’issue de sa visite, un communiqué commun avait été publié. Ce communiqué annonçait l a création d’une commission économique mixte « destinée à intensifier la coopération existant déjà entre les deux pays » :

« Les deux pays (avaient exprimé) à cette occasion leur intention de développer leur collaboration dans le domaine nucléaire, « qui (constituerait) un des éléments majeurs du travail de la commission ». S’ajoutant aux fournitures déjà prévues de combustible enrichi destiné à deux réacteurs nucléaires, « des contrats (seraient) signés dans un proche avenir pour la fourniture de combustible destiné à alimenter six réacteurs supplémentaires. L’Iran (négocierait) la construction de ces réacteurs avec des firmes américaines », précisait le communiqué. »178

Henry Kissinger confirma ces accords au début du mois d’août 1976. Ils portaient désormais sur la fourniture par les Etats-Unis de « six à huit » réacteurs nucléaires à l’Iran, en plus de ceux vendus par la France à l’Allemagne Fédérale179

. Le souverain iranien avait en effet planifié la construction de vingt centrales atomiques sur son sol180. Ces installations, couplées à l’actionnariat de l’Etat iranien dans Eurodif,

177 Le Monde du 25/12/74 & TF1 et Antenne 2, Journaux télévisés de 13 heures et 20 heures, du 20 au

24 décembre 1974 & Yves Girard, op. cit. p.

178 Le Monde, 05/11/74 179 Le Monde, 10/08/76

180 Mohammed Reza Pahlavi, Réponse à l’Histoire, Albin Michel, 1979, p. & Le Monde, 23-24/06/74

devaient faire de Téhéran une super-puissance atomique. Au début du mois d’octobre suivant, le Shah déclara justement :

« Nous serons la cinquième puissance militaire du monde, dans cinq, six ans, peut-être. (…) Aujourd’hui nous ne sommes pas encore en position de posséder l’arme nucléaire. Mais, comme nous allons construire (des) stations atomiques, on pourra toujours dire qu’avec l’uranium enrichi nous en sommes capables ; mais alors, pourquoi s’en prendre à l’Iran, puisque ce sera sans doute le cas de bien d’autres pays ? »181

L’Iran, comme le rappelle Yves Girard, alors vice-Président de Framatome, était « hors les cinq Grands, le seul pays (qui eût choisi) la voie de la proli fération tranquille et affichée. (…) La bombe atomique étant l’arme ultime, il ne pouvait être question qu’(il) n’en (disposât) pas pleinement. »182

. Toutefois, le Shah ne connut pas le bonheur de conduire l’accès de son pays à l’arme nucléaire. Contrairement au Général de Gaulle, qui avait disserté sur les ambitions de la France mais s’était abstenu de passer à l’acte, le souverain iranien eut la malencontreuse idée de mener une politique conforme aux intérêts de son propre pays et, par voie de conséquence, un tant soit peu contraire aux intérêts américains dans la région. Pourtant, comme le relève Henry Kissinger dans ses Mémoires, « l’intérêt personnel n’empêche pas d’avoir raison »183

. Mais le Shah paya sa hardiesse de son trône, de sa réputation et du travestissement de ce que fut son règne.

Au mois de décembre 1973, il avait accueilli à Téhéran la Conférence des pays producteurs de pétrole (OPEP) et annoncé lui-même le doublement du prix du baril184. Il avait «immédiatement (été) accusé par les médias du monde entier de vouloir désintégrer l’économie occidentale et, finalement, celle du monde entier »185

. En fait, les gisements pétroliers iraniens étaient exploités depuis plusieurs décennies par des consortiums occidentaux qui s’étaient beaucoup enrichis tandis que l’Iran était resté un pays sous-développé. Par ailleurs, les accords passés par ces consortiums avec

181

Le Monde, 01/10/76

182 Yves Girard, op. cit.

183 Henry Kissinger, Les années orageuses, volumes 1 et 2, Fayard, 1982 184 Henry Kissinger, op. cit., & Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. 185

l’Iran étaient bien moins avantageux que ceux conclus avec les monarchies arabes du Golfe Persique186. Le Shah avait donc commencé par renégocier ses accords avec les compagnies pétrolières occidentales, afin que l’Iran puisse bénéficier d’une partie des ressources tirées de son propre sol187.

Mais les fonds débloqués à cet effet n’avaient pas suffi à assurer le développement de son pays. Dès 1970, il avait entrepris en association avec l’Arabie Saoudite et les autres membres de l’OPEP, une augmentation graduelle du prix du pétrole. « Pendant les trois premières années de ses exactions, d’abord progressives puis rapidement croissantes, l’OPEP avait érigé en art le déplacement des responsabilités d’un pays à l’autre », raconte Henri Kissinger188

:

« L’Iran et l’Arabie Saoudite, les deux grands rivaux pour la prédominance dans le Golfe Persique, étaient particulièrement habiles à ce jeu. Celui que nous interrogions soutenait avec conviction que c’était l’autre le coupable. Si l’on en croyait nos interlocuteurs, on en venait à se demander comment les prix pouvaient monter. La vérité était que tous les membres clés de l’OPEP étaient favorables à la hausse des prix »189.

Le choc pétrolier n’avait pas été lancé au mois de décembre 1973 à Téhéran, mais au milieu d’octobre de la même année, au Koweït. Cette conférence de l’OPEP s’était tenue en plein cœur de la guerre de Kippour, trois jours après la mise en place par les Américains du pont aérien grâce auquel ils livrèrent les armes à Israël. Les pays producteurs de pétrole avaient alors décidé de limiter leurs ventes aux pays consommateurs et d’appliquer un embargo total sur les livraisons aux Etats-Unis. Les initiateurs de ces mesures étaient l’Arabie Saoudite et l’Egypte. « Le Shah nous avait témoigné (une loyauté inébranlable) durant la guerre d’octobre », raconte Henry Kissinger190 :

« L’Iran (n’avait participé) en aucune façon à l’embargo pétrolier et (n’avait pas réduit) sa production, alors que les mesures prises en ce

186

Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. p.

187 Mohammad Reza Pahlavi, op. cit p. 188 Henry Kissinger, op. cit. p.

189 Henry Kissinger, op. cit. p. 190

domaine par les autres producteurs (avaient entraîné) d’abord la panique, puis une pénurie de pétrole, et (permis) enfin la hausse massive des prix pétroliers. Cela n’empêcha pas les chroniqueurs de l’Histoire de reprocher au Shah l’augmentation des prix du pétrole dont d’autres étaient autant, sinon davantage responsables. Il (avait continué) de fournir du pétrole à Israël. Quand nous (avions introduit) un porte-avions et son escorte dans l’océan indien, nos bateaux (avaient été) ravitaillés par l’Iran sans aucune discussion quant aux prix du carburant »191.

Néanmoins, le Shah avait bel et bien pris la direction du choc pétrolier dès la conférence de Téhéran, réunie à son initiative au mois de décembre 1 973192 : « Il (avait suggéré) à l’OPEP, de relever le prix du baril – alors de 5,12 dollars – à 11,65 dollars, ce à quoi tous ses partenaires de l’OPEP (s’étaient empressés) d’acquiescer »193

. Puis il avait lui-même annoncé la nouvelle du doublement du prix du baril, au monde entier.194 Quelles que furent par la suite la malhonnêteté des dirigeants occidentaux et la désinformation qu’ils pratiquèrent à son propos, le souverain iranien assumait pleinement ses décisions en matière de tarification pétrolière. Selon lui, « il était anormal, aberrant en vérité, que le pétrole resta meilleur marché que l’eau d’Evian »195

. Il considérait que « la politique du pétrole cher (était) la politique du pétrole payé à sa juste valeur »196. Grand admirateur du Général de Gaulle, il ne pouvait tolérer que le sol iranien soit pressé comme une orange pour le seul bien-être des Occidentaux197.

Il avait donc fait du pétrole, une source de richesse inépuisable, et un instrument du développement politique, économique et militaire de son pays :

« Les revenus pétroliers de l’Iran s’élevaient (en 1973) à 4,4 milliards de dollars. Ils devaient atteindre (en 1974) 20,3 milliards de dollars. Pour les cinq années couvrant le plan quinquennal (1973-1977), le secrétaire d’Etat à l’économie et aux finances, M. Mahran, (avait

191 Henry Kissinger, op. cit.

192 Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. 193

Henri Kissinger, op. cit.

194 Henri Kissinger, op. cit.

195 Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. 196 Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. 197

évalué) à 108 milliards de dollars le total des revenus que l’Iran tirerait de ses exportations de pétrole brut »198.

De fait, l’Iran, qui ne figurait pas en 1973 sur la liste des pays les plus riches établie par le Fonds monétaire international, il y avait été mentionné dès 1974 à la dixième place199. Jamais aucun pays ne s’était enrichi à une vitesse aussi fulgurante.

À part son gigantesque programme nucléaire, le plan de développement du Shah consistait à «renforcer (les éléments conventionnels de) l’armée, …développer massivement et rapidement l’industrie, loger, éduquer et soigner la population, investir dans les sociétés étrangères à la pointe de la technologie. »200. Les accords franco-iraniens201 signés lors du voyage de Jacques Chirac à Téhéran au mois de décembre 1974 s’élevaient, indépendamment des 10 milliards alloués aux deux centrales nucléaires, à 35 milliards de francs. Ils portaient sur la construction d’un métro, d’une usine d’aciers spéciaux, d’un aéroport, de logements et d’hôpitaux, sur l’installation de lignes téléphoniques202

:

« Des dispositions relatives à l’agriculture non encore chiffrées et des projets moins importants que M. Norbert Segard, secrétaire d’Etat au commerce extérieur (signerait ultérieurement) portaient le total à quelque 50 milliards de francs. La France n’avait jamais conclu d’accords économiques d’une telle ampleur en une seule fois »203

.

Ces chiffres étaient d’autant plus impressionnants que cinq ans plus tôt, « Georges Pompidou, lors de son passage à Téhéran, avait envisagé d’accorder à l’Iran une aide de 600 millions de francs »204. Désormais, c’était l’Iran qui déposait dans les banques françaises « un cautionnement de 5 milliards, achetait pour 400 millions d’obligations de l’Etat français et signait à tour de bras des contrats industriels »205

.

198 Le Monde, 16/11/74

199 Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. 200 Le Monde du 16/11/74

201

Cf. les accords en annexe I ???

202 Le Monde du 28/06/74 & Le Monde du 29/06/74 203 Le Monde du 25/12/74

204 Le Monde du 25/12/74 205

Parallèlement au développement de son propre pays, le Shah apportait son concours financier à de nombreux alliés des Etats-Unis, ainsi qu’à la Banque mondiale elle- même.

Il « distribuait des prêts, crédits et diverses aides au fil de ses nombreux voyages ou à l’occasion des nombreuses visites qu’il recevait. Pour la France, 1 milliard de dollars pour le financement de l’usine Eurodif. Pour l’Italie, 3 milliards de dollars de prêts. Pour la Grande-Bretagne, 1,2 milliards. Pour l’Egypte, 1 milliard destiné à la reconstruction du Canal de Suez. L’Inde et le Pakistan avaient reçu plusieurs centaines de millions de dollars chacun. Quant à la Banque mondiale, l’Iran lui avait versé 1 milliard de dollars. « Au total, le pays a accepté des engagements de financement pour une somme supérieure à 7,7 milliards de dollars ».

Avait indiqué M. Ansary, ministre de l’Economie et des finances, qui comparait ces chiffres au montant du Plan Marshall (13 milliards de dollars). En f ait, on atteignait le chiffre de 10 milliards206.

La mission que les Etats-Unis avaient assignée à l’Iran était la défense du Golfe Persique. « L’Iran était l’ancrage oriental de notre politique au Moyen Orient » explique Henry Kissinger207 :

« Ses forces armées, équipées par nous, freinaient les ambitions de l’Irak en direction du golfe Persique… en outre, l’Iran avait une longue frontière avec l’Union soviétique. Le rôle de l’Iran dans la stratégie occidentale était d’opposer aux débordements soviétiques une barrière qui ne peut être traversée que par une invasion en règle ; ce rôle était également de contribuer à protéger contre tout bouleversement les régimes établis le long du golfe Persique et dont l’importance était vitale pour nous. (…) Plus de 40% des importations de pétrole des

206 Le Monde du 16/11/74

207

démocraties industrielles (transitaient par le détroit d’Ormuz) », rappelle encore l’ancien Secrétaire d’Etat208

.

Mais, fort de sa nouvelle richesse, de sa puissante armée et de son futur potentiel nucléaire, le Shah avait nourri dès 1974 l’ambition de réunir dans une alliance régionale sur le modèle européen les pays riverains de l’Océan indien : Iran, Pakistan, Inde, Ceylan, Bangladesh, Birmanie, Malaisie, Thaïlande, Singapour, Indonésie, Australie, voire Nouvelle Zélande et tous les pays de l’Est africain. Pour l’Iran, il est séparé de l’Afrique que par la péninsule arabique, la mer Rouge et l’Océan indien209. Il avait lancé l’idée d’un « Marché commun des

pays riverains de l’Océan Indien »210

. Par ailleurs, il avait soumis le projet suivant :

« Douze pays industrialisés se joignent aux douze membres de l’OPEP, pour créer un Fonds international d’aide, en y contribuant chacun par 150 millions de dollars. Le Conseil du Fonds, outre les représentants de vingt-quatre nations, aurait été composé de douze pays du tiers-monde, et tous ensemble auraient étudié les projets soumis par les pays en voie de développement. Ces projets auraient tendance à rendre peu à peu économiquement indépendants les pays aidés. (…) La Banque mondiale et le Fonds monétaire international auraient servis de conseillers et auraient facilité les échanges, en accordant des prêts sur vingt ans à 2,5% l’an. (…) Ce fonds aurait en quelque sorte joué le rôle de coopérative mondiale, ou, mieux encore, d’Organisation des Nations unies économiques, mais cette fois avec un pouvoir d’exécution »211

.

Le Shah, motivé par la puissance de l’Iran, s’était posé en leader d’une immense région qui s’étendait, à l’est, jusqu’au Sud-Est Asiatique, en englobant tout le sous- continent indien et, à l’ouest, jusqu’à la face orientale de l’Afrique. Son découpage plaçait implicitement l’Arabie Saoudite – son propre concurrent et l’un des alliés les plus précieux des Américains - dans la zone d’influence qu’il comptait s’octroyer. Le souverain iranien se proposait au surplus de diriger la politique du camp occidental

208 Henri Kissinger, op. cit.

209 Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. 210 Le Monde du 16/11/74

211

dans les pays du Tiers-monde. Une telle ambition était géographiquement démesurée. À l’égard des Etats-Unis, elle était politiquement déplacée. Additionnée au leadership de l’OPEP et à la capacité d’intervention que les pétrodollars donnaient à l’Iran, elle avait fait du Shah un homme à abattre.

Les Américains n’avaient en effet pas pour habitude de se laisser supplanter par des puissances régionales. Henry Kissinger lui-même avait déclaré à cette époque que les Etats-Unis « s’opposeraient aux tentatives de n’importe quel pays pour atteindre une position dominante à l’échelle du globe ou de la région »212. Le Shah d’Iran recevait

des oppositions à ses propositions, tant par les pays industrialisés que par ceux de l’OPEP213

. Puis les Etats-Unis passèrent à l’offensive. L’Iran, mis à part ses pétrodollars, était entièrement sous leur coupe. Toutes les armes fournies à Téhéran étaient vendues par les Etats-Unis214. L’armée iranienne était encadrée par onze mille militaires américains basés en Iran215. Ceux-ci appartenaient à un corps de personnels dont l’effectif était de vingt-quatre mille216

. Les services secrets iraniens étaient noyautés par les services américains. La Savak217, le service de renseignement iranien avait en effet été créé en 1953 sous la direction de la CIA, qui assurait depuis cette date la formation des agents secrets iraniens218. Rien n’était donc plus facile, pour eux, que d’organiser la chute du souverain. Ils eurent néanmoins recours à leurs alliés français pour réaliser la destitution du Shah, « Le calme qui régnait en surface en 1976 était trompeur. Deux années après que j’eus quitté mon poste, le chaudron explosa », se rappelle Henry Kissinger219. L’année 1976 fut effectivement celle du basculement de l’Iran. Le Shah raconte :

« Hors d’Iran, les événements de 1978-1979 apparurent à presque tous les yeux comme étant l’œuvre exclusive des mollahs… Rien n’est plus faux… Ce n’est pas non plus des milieux religieux que partit) la campagne des calomnies qui déclencha, encouragea et favorisa la

212

Henry Kissinger, op. cit.

213 Mohammad Reza Pahlavi, op. cit.

214 Henry Kissinger, op. cit., & Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. & Le Monde du 25/12/74 & Le

Monde du 03/08/76

215 Le Monde du 08.09/08/76 216

Le Monde du 03/08/76

217 Services de renseignement et de sécurité iraniens fondés en 1957 sous le shah et furent rempcaés

par la Vevak en 1979 à l’arrivée de Khomeiny au pouvoir.

218 Mohammad Reza Pahlavi, op. cit. 219

subversion. Elle partit, dès la fin de 1976, de chez les libéraux et les gauchistes, soutenue de l’extérieur par des groupes d’individus dont