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Le pacifisme chrétien selon Stanley Hauerwas

Après notre considération du pacifisme chrétien tel que présenté par la Conférence épiscopale des évêques catholiques des États-Unis, nous poursuivons ce parcours d‘étude en dirigeant le regard sur la contribution de Stanley Hauerwas, un théologien protestant qui occupe une place importante sur la scène théologique nord-américaine. Dans ce chapitre, nous présenterons une courte introduction à l‘œuvre de Stanley Hauerwas avec un accent sur la place prédominante donnée au pacifisme. Pour bien préparer la lecture du pacifisme chrétien selon Hauerwas, nous nous attarderons sur le lien essentiel que Hauerwas établit entre le récit biblique et la réflexion éthique chrétienne. Ensuite, nous présenterons un portrait du pacifisme chrétien à partir de notre lecture des écrits pertinents de Hauerwas durant la période de 1980 à 1995. Ce portrait fera alors l‘objet d‘une analyse théologique à la lumière des trois critères de base méthodologiques tirés de l‘œuvre du théologien évangélique Stanley Grenz. Tout comme à la conclusion du chapitre précédent, ce quatrième chapitre aboutira à une synthèse qui évaluera des rapports entre le pacifisme chrétien selon Stanley Hauerwas et la théologie évangélique.

Hauerwas et le pacifisme chrétien

Stanley Hauerwas est le « Gilbert T. Rowe Professor of Theological Ethics » à Duke Divinity School à l‘Université de Duke aux États-Unis. Il est également membre de la Faculté de droit à Duke. Il est membre de l‘Église « United Methodist », expression ecclésiale protestante d‘une présence importante aux États-Unis1. Auteur prolifique, influent et considéré2, parmi ses publications nous trouvons un commentaire sur l‘Évangile de Matthieu3, une critique de la réception de la loi naturelle chez Reinhold Neibuhr et William James4, de même que plusieurs publications ayant pour thème majeur le pacifisme

1 Avec plus de sept millions de membres, l‘Église « United Methodist » est la troisième dénomination en

importance aux États-Unis. Elle compte plus de douze millions de membres sur la scène mondiale.

2 En 2001, la revue Time nomme Hauerwas « le meilleur théologien aux États-Unis ».

3 Stanley Hauerwas, Matthew : Brazos Theological Commentary on the Bible, Grand Rapids, Brazos Press,

2006.

4 Stanley Hauerwas, With the Grain of the Universe: The Church’s Witness and Natural Theology, Grand

Rapids, Brazos Press, 2001. Ce livre présente la participation de Hauerwas aux Gifford Lectures à l‘Université de St-Andrews en Écosse en 2000 et 2001.

chrétien, dont une des principales est Le Royaume de Paix. Une initiation à l’éthique

chrétienne.5

Il est quelque peu surprenant de trouver en Stanley Hauerwas un ardent défenseur du pacifisme chrétien. De tradition méthodiste, il a déjà décrit la foi de son Église comme étant fortement imbriquée dans l'expression de la démocratie qui caractérise l'expérience américaine. Au début de sa critique du document In Defense of Creation, la déclaration des évêques méthodistes au sujet du problème des armes nucléaires publiée en 1986, Hauerwas parle du lien étroit entre l‘Église méthodiste et l‘État américain :

(The bishops) continue to assume that there is no fundamental tension between being a Methodist and being an American citizen. It has long been the case, particularly since the nineteenth century, that Methodists have thought of themselves as the state church of America. I do not mean that in a legal sense, but rather in the sense that Methodists believe that if there is any church that is representative of the great experiment in democracy, we are it. We therefore have a stake in supporting that experiment, both in terms of the social ethos necessary to sustain the American public as well as the state policy of America.6

Sur le parcours de sa réflexion théologique, Hauerwas aborde et entre en dialogue avec les idées et les positions de grands théologiens protestants. Tillich, Barth, Reinhold Niebuhr et son frère Richard sont parmi les noms que l'on rencontre fréquemment dans ses écrits.7 Il n'y a aucun théologien dans ce groupe qui ait vu dans la non-violence un élément faisant partie intégrale de la théologie morale chrétienne, mais pour Hauerwas la non-violence fondée sur le message de l'Évangile est au coeur de ce qui constitue l'éthique sociale abordée dans une perspective chrétienne. Voilà un parcours de réflexion qui est plutôt étonnant.

5Stanley Hauerwas, The Peaceable Kingdom: A Primer in Christian Ethics, Notre Dame, University of Notre

Dame Press, 1983. Édition française, Le Royaume de Paix. Une initiation à l’éthique chrétienne, traduction française de Pascale-Dominique Nault, Paris, Bayard, 2006.

6 Stanley Hauerwas, « A Pacifist Response to In Defense of Creation », The Asbury Theological Journal, vol.

41, no. 2 (1986), p. 5-6.

7 Voir Stanley Hauerwas, A Community of Character, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1981, p.

73; Stanley Hauerwas et William H. Willimon, Resident Aliens, Nashville, Abingdon, 1989, p. 21-45 passim; Stanley Hauerwas, « The Democratic Policing of Christianity », Pro Ecclesia: A Journal of Catholic and Evangelical Theology, vol. III, no. 2.

Dans ses propres publications tout comme dans les mots de ces interlocuteurs, le pacifisme demeure une présence presque constante. Selon Hauerwas, une réflexion au sujet du pacisfisme doit informer et même caractériser l‘agir de l‘Église.8 Dans un article publié en janvier 1991 et intitulée « Pacifism, Just War and the Gulf », Hauerwas exprime son engagement ferme à la non-violence dans le style direct qui marque son discours : « In a world of war, we, as faithful followers of Jesus, can not imagine being other than nonviolent ».9 Todd Whitmore, un de ceux qui soulignent et qui critiquent l'importance de cet engagement pacifiste, écrit que pour Stanley Hauerwas, « the Christian moral life is inextricably bound up with pacifism ».10 Pour sa part, Lisa Sowle Cahill remarque que « Hauerwas considère l‘appel de l‘Évangile à la non-violence comme un absolu moral. »11

C‘est d‘abord et avant tout l‘influence de John Howard Yoder qui a amené Hauerwas à intégrer le pacifisme chrétien dans sa vision morale pour la communauté de foi.12 Dans un article publié dans la revue Christian Century en 1993, Hauerwas décrit de quelle manière qu‘il est entré en contact au cours des années 1960 avec les écrits de ce théologien mennonite.13 Cette découverte de l‘approche de Yoder a eu un impact majeur sur le développement de la pensée de Hauerwas en ce qui concerne sa façon de comprendre l‘Église et de traiter la question de la guerre et la paix. À partir des années 80, c‘est par le moyen des publications de Hauerwas que la position pacifiste formulée essentiellement par Yoder se fera connaître et attirera l‘attention d‘un plus grand cercle de lecteurs incluant plusieurs théologiens protestants américains.

8 Voir Stanley Hauerwas, « Sacrifier les sacrifices de la guerre », Revue d’éthique et de théologie morale, no.

268 (mars 2012), p. 9-33. En parlant de la pertinence de réfléchir sur le problème de la guerre, Hauerwas dit : « Je pense qu‘il est nécessaire et important de continuer de clarifier le sens du pacifisme et de la guerre juste, surtout si cette réflexion permet de mieux comprendre la manière dont les chrétiens devraient répondre à la guerre. » p. 9-10.

9 Stanley Hauerwas et Richard John Neuhaus, « Pacifism, Just War and the Gulf », First Things (1991), p. 40. 10Todd Whitmore, « Beyond Liberalism and Communitarianism in Christian Ethics: A Critique of Stanley

Hauerwas », The Annual of the Society of Christian Ethics (1989), p.211.

11 Lisa Sowle Cahill, « L‘éthique communautaire et le catholicisme américain », Recherche de Science

Religieuse, 1/2007 (Tome 95), p. 28.

12 Voir Cahill qui dit: « À de nombreuses reprises, Hauerwas a exprimé sa dette envers le théologien

mennonite John Howard Yoder. », « L‘éthique communautaire », p. 28.

13 Stanley Hauerwas, « When the politics of Jesus makes a difference », Christian Century (13 octobre 1993),

p. 982-987. Voir les pages 984-987 où Hauerwas raconte de quelle façon il a appris à connaître l‘œuvre de Yoder et à entrer en dialogue avec lui sur le plan personnel.

Avant de présenter un portrait du pacifisme chrétien selon Hauerwas, nous décrirons les fondements de sa façon d‘élaborer une éthique chrétienne. Cette éthique communautairese construit à la lumière du récit concernant la personne et la mission de Jésus-Christ que nous transmet la Bible.

Les fondements de l'éthique chrétienne selon Hauerwas

Le point de départ en éthique n'est pas, selon Stanley Hauerwas, la question de ce que l'on doit faire face à un certain problème ou dilemme, mais plutôt l'interrogation « Qui sommes- nous ? » Le simple fait que nous percevons une situation ou une action, individuelle ou collective, en fonction d'un jugement moral révèle un aspect de notre caractère et de notre identité. Notre caractère est fondé sur un récit et formé par ce même récit qui apporte à la fois un sens à nos vies et une orientation à nos convictions.14 Loin d'être le seul à insister sur la primauté du récit pour l'éthique et la théologie, Hauerwas est pourtant reconnu comme une des principaux porte-parole de cette approche.15

Il conteste la notion selon laquelle la réflexion éthique se fait à partir d'un ou des principes universels ou, encore, d'une position permettant un jugement objectif qui n'est pas influencé par les particularités de chacune de nos vies. Au contraire, tout raisonnement d'ordre éthique s‘enracine dans une histoire, un récit qui nous est particulier. Ainsi, selon Hauerwas, tout concept d'une objectivité dissociée du récit informant nos vies est invalide. Le récit représente une forme de rationalité. Ce dont nous avons besoin, selon Hauerwas, c‘est la capacité de cerner et de critiquer les récits qui influencent nos vies et notre société. Puis, il nous incombe de choisir un récit qui donne une cohérence à la vie.16 Hauerwas et Burrell affirment: « To live morally, in other words, we need a substantive story that will sustain moral activity in a finite and limited world. »17

14 Stanley Hauerwas et David Burrell, « From System to Story: An Alternative Pattern for Rationality in

Ethics », Why Narrative: Readings in Narrative Theology, éd. Stanley Hauerwas et L. Gregory Jones, Grand Rapids, Eerdmans, 1989, p. 167.

15 Richard A. McCormick, « Notes on Moral Theology: 1982 », Theological Studies, vol. 44, no. 1, (mars

1983), p. 90; voir aussi Stanley Grenz et Roger Olson, 20th Century Theology, Downers Grove, InterVarsity Press, p. 279.

16 Hauerwas et Burrell, « From System », p.177. 17 Ibid.

Le récit, malgré son caractère essentiel, n'est pas suffisant en lui-même pour la vie morale. Il doit être transmis par et incarné dans la vie d'une communauté de personnes qui sont formées par son message.18 Porté et interprété par cette communauté, le récit soutient une vie caractérisée par la vertu.19

Un des quatre critères proposés par Hauerwas pour le choix d'un récit est lié à la question de la violence. La question se pose :« L‘accueil de ce récit nous rend-il plus susceptibles à user de violence ou tend-il à écarter le recours à celle-ci ? »20 Hauerwas prétend qu'un récit peut inclure une tendance à imposer sa manière de voir sur les autres; il y a donc dans sa structure même un élément qui exige de l‘autre une soumission à une position fixée d‘avance. Ce « faux » récit peut aboutir à l'emploi d'une forme de violence pour procurer une sorte de consensus.21 Par contre, un « vrai » récit par sa nature même exclut le recours à la violence et dépend seulement de la puissance d‘une congruence avec la vérité pour son existence et sa capacité de convaincre l'autre.22

L'éthique chrétienne, selon Stanley Hauerwas, est basée sur le récit de Dieu qui raconte sa relation avec Israël et - ce qui est d‘une première importance - la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ.23 C‘est par la médiation des Écritures que nous avons accès à ce récit.24 Bien cerner le message de l‘histoire biblique est donc au cœur de la tâche éthique. Pour Hauerwas « understanding the story of God as found in Israel and Jesus is the necessary basis for any moral development that is Christianly significant. »25

À la lumière du message biblique interprété par la communauté de disciples qui cherchent à être formés par sa vérité, nous pouvons apercevoir clairement le monde et sa nature violente.26 Une éthique fondée sur le principe de la loi naturelle est jugée inadéquate.27

18 Hauerwas, The Peaceable Kingdom, p. 28. 19 Hauerwas, A Community, p. 116.

20 Hauerwas et Burrell, « From System », p. 185.

21 Hauerwas, The Peaceable Kingdom, p. 12, voir aussi Hauerwas et Burrell, « From System », p. 188-189. 22 The Peaceable Kingdom, p. 15.

23 Hauerwas, A Community, p. 136; voir aussi The Peaceable Kingdom, p. 25, 75. 24 Hauerwas, A Community, p. 149.

25 Ibid., p. 136.

26 Hauerwas, Unleashing the Scripture: Freeing the Bible from Captivity to America, Nashville, Abingdon,

Hauerwas croit qu'une telle approche ne fournira pas une position suffisamment forte à partir de laquelle l'on peut remettre en question les valeurs d‘une société. Dans sa manière de voir, la loi naturelle représente une construction qui s‘expose à un emploi idéologique au service de la politique d'un gouvernement démocratique.28

L'approche narrative, selon Hauerwas, permet de voir clairement que la foi chrétienne a comme source et objet la personne de Jésus. On ne doit pas parler de la façon dont la vie de Jésus ou son enseignement trouvera une application en éthique sociale, comme si les deux réalités étaient sans rapport nécessaire. Il faut plutôt reconnaître que « a christology which is not a social ethic is deficient. From this perspective the most ‗orthodox‘ christologies are inadequate when they fail to suggest how being a believer in Jesus provides and requires that we have the skills to describe and negotiate our social existence ».29 Nous voyons l'essentiel de cette position dans la citation qui suit:

By recovering the narrative dimension of christology we will be able to see that Jesus did not have a social ethic, but that his story is a social ethic. For the social and political validity of a community results from its being formed by a truthful story, a story that gives us the means to live without fear of one another. Therefore there can be no separation of christology from ecclesiology, that is, Jesus from the church.30

L'Église aborde l'implication sociale et politique guidée par le modèle qu'elle voit en Jésus- Christ. Ainsi, la contribution politique apportée par l‘Église est valable non pas d'abord selon la mesure de sa cohérence avec les valeurs et projets de son milieu, mais en rapport avec sa fidélité au récit chrétien. Se défendant des accusations de sectarisme et d'isolationnisme,31 Hauerwas insiste sur l'impératif de vivre son implication sociale en accord avec l‘identité authentique de l‘Église;32 le témoignage pacifiste représente un élément clef de cet impératif.

27 Voir l‘argument de Hauerwas concernant une réception de la loi naturelle qui ne comprend pas la

dimension du « témoignage » concernant le mort et la résurrection de Jésus-Christ dans son livre With the Grain of the Universe.

28 Hauerwas, The Peaceble Kingdom, p. 59, 63; Pour une critique de cette position voir Richard A.

McCormick, « Notes on Moral Theology : 1982 », p. 90-92.

29 Hauerwas, A Community of Character, p. 37. 30 Ibid.

31 Hauerwas, The Peaceable Kingdom, p. 34; voir aussi A Community, p. 85.

32 Hauerwas, The Peaceable Kingdom, p. 100, 102; voir aussi Patricia A. Schoelles, « Discipleship and Social

La primauté du récit biblique pour fonder les convictions et la vie de la communauté de foi dans le monde se trouve au centre de l'éthique personnelle et l‘éthique communautaire de Stanley Hauerwas. Le thème le plus important et qui se révèle constamment présent dans son approche est celui de la non-violence ou le pacifisme,33 dont nous présentons maintenant un portrait.

Le pacifisme chrétien selon Hauerwas

Dans sa collection d'essais publiée en 1981 dans le livre A Community of Character, Stanley Hauerwas exprime le fondement de son pacifisme : la nature du Dieu qui nous pardonne doit déterminer l'agir de l'Église dans ce monde qui vit de la violence.34 Les ressources pour répondre au problème de la violence se trouvent dans l'Église qui doit redécouvrir son importance en tant que réalité politique.35 Une présentation élaborée et systématique du pacifisme chrétien est offerte dans The Peaceable Kingdom, ouvrage publié en 1983 alors que Hauerwas était professeur à l'université de Notre Dame et un collègue de John Howard Yoder. Dans ce livre important, Hauerwas développe et explique les bases théologique et philosophique de ses convictions pacifistes dont nous exposons les grandes lignes.

Jésus est venu proclamer le royaume de Dieu. Dans sa vie et dans son enseignement36, il révèle la nature de ce royaume. La croix, selon Hauerwas, est l'événement qui fait comprendre comme nul autre le caractère non-violent du royaume : Dieu n'établit pas la paix par l'emploi de la force coercitive, mais la paix vient lorsque, en reniant les idoles que nous défendons à l'aide de la force, les hommes adorent le Dieu de la vérité et se confient en lui.37 Jésus lui-même a vécu dans un monde violent. Sa vie et surtout sa mort sur la croix proclament et démontrent que la voie non violente de Dieu n'est pas pour un temps à venir mais pour le monde tel qu'il est.

33 Hauerwas, The Peaceble Kingdom, p. 60, 114. 34 Hauerwas, A Community of Character, p. 68. 35 Ibid., p. 126-127.

36 Parmi les textes bibliques les plus souvent cités par Hauerwas nous trouvons: le Sermon sur la montagne

(Matthieu 5-7), le récit sur la tentation de Jésus (Matthieu 4), l‘appel de Jésus aux disciples à vivre en serviteurs (Matthieu 20), et les récits sur la croix et la résurrection de Jésus.

Cette conviction concernant la pertinence de la non-violence est liée à la manière de Hauerwas de saisir le sens de la résurrection. La résurrection est interprétée non pas comme mythe ou symbole, mais comme signe par lequel nous comprenons que nous pouvons expérimenter la réalité du royaume. Le Seigneur en qui nous croyons est vivant et il nous accompagne. La résurrection est l'acte eschatologique de Dieu qui transforme l'histoire :

Through Jesus' resurrection we see God's peace as a present reality. Though we continue to live in a time when the world does not dwell in peace [...] we believe nonetheless that peace has been made possible by the resurrection. Through this crucified but resurrected savior we see that God offers to all the possibility of living in peace by the power of forgiveness.38

Ce n'est pas le monde qui entre pleinement dans l‘expérience de la transformation réalisée par la mort et la résurrection de Jésus. En fait, même si le plein accomplissement du royaume n'est pas encore là, la réalité du royaume envahit ce monde présent et tous sont appelés maintenant à y participer. L'Église est donc la communauté de ceux qui, convaincus de sa vérité, adoptent le récit biblique comme constituant et structurant leur façon de concevoir la vie et, conséquemment, de construire une éthique. Hauerwas aime répéter que la responsabilité première de l'Église dans la société est d'être l'Église. Au lieu d'avoir une éthique sociale, l'Église constitue en elle-même une éthique sociale.39 La communauté chrétienne n'est pas apolitique, mais elle est appelée à refléter la politique du royaume dans sa façon de vivre.

La non-violence de l'Église ne doit pas, selon Hauerwas, conduire à l'indifférence en ce qui concerne la justice sociale. Il faut résister à l'injustice, mais en employant les moyens qui sont conséquents avec la vocation de l'Église, une communauté qui s‘engage à suivre Jésus. Ceux qui cherchent à corriger les injustices à l'aide de la violence ont succombé à l'illusion « being in control. »40 Ici nous voyons une distinction fondamentale entre le monde et l'Église. Le monde est animé par le désir de contrôler son existence. Ainsi, l'emploi de la force pour défendre une conception de la justice est utile et même incontournable. En

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