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Le minzu des communistes··············································

Chapitre 1. La notion de minzu, la question terminologique et l’histoire concep-

1.3. Le jeu de mots à l’égard de minzu·················································

1.3.2. Le minzu des communistes··············································

Avant l’établissement du Parti communiste chinois, l’un des précurseurs du mouvement communiste en Chine et l’un des fondateurs du PCC, Li Da-zhao a constaté pendant qu’il faisait ses études au Japon que les Japonais voulaient diviser la Chine169. Comme la plupart des intellectuels patriotes, il a voulu utiliser le nationalisme – celui d’une Chine élargie – dans l’espoir d’intégrer toutes les populations de la République et ainsi réagir contre les puissances étrangères. Voici comment il s’exprimait :

Dans la longue durée de l’histoire de notre pays, différents minzu d’Asie se sont fondus pour former un seul zhonghua minzu, tout en éliminant toutes les frontières précédentes et les lignées du sang pour forger l’esprit noble et ef- fervescent de notre minzu. Il est dommage que lors de la fondation de la ré- publique, il y a des personnes qui ont favorisé l’existence des cinq minzu. Les plus prévoyants, toutefois, se sont cependant rendu compte que sous un sys-

168 David M

ILLER, Citizenship and national identity, Cambridge, UK, Polity Press, 2000, p.130

169 En 1915, l’empire du Japon a adressé à la République de Chine présidée par Yuan Shi-kai les Vingt et une de-

mandes, dans le but d’étendre le contrôle politique et économique du Japon sur la Chine, en particulier sur la Mon- golie et la Mandchourie.

tème républicain égal et libre, les cultures des cinq minzu sont déjà progres- sivement devenues une et entière ; donc, les termes Mandchous, Han, Mon- gols, Hui, et Tibétains (sans mentionner Miao et Yao) étaient maintenant rien d’autre des noms historiques résiduels. Les frontières entre eux ont depuis longtemps été remplacées par l’appartenance à une seule République Zhonghua, et ils constituent maintenant un nouveau Zhonghua minzu.170

(Traduit par moi)

Deux ans plus tard, Li a publié un autre essai en 1919 pour réfuter le pan-asianisme promu par le Japon. C’est dans cet écrit qu’il a pour la première fois employé le terme

minzu zijue (autodétermination nationale)171 ; mais comme pour Sun Yat-sen, cette for- mulation ne se réfère qu’à l’indépendance politique de la nation chinoise multiethnique dans son ensemble face à l’impérialisme étranger.

Évidemment, ce nationalisme est entré en conflit avec l’interprétation de la « question nationale » léniniste qui fut introduite avec le communisme. Fondé sous la direction directe du Parti communiste soviétique, le PCC à son stade embryonnaire imita méca- niquement son grand frère dans ses luttes politiques domestiques de caractère national. En 1921, lors de l’intervention massive des troupes importantes soviétiques en Mongo- lie extérieure – pour fonder un gouvernement populaire de Mongolie et au nom de l’autodétermination nationale, le PCC prit une position ferme en faveur de l’aspiration nationaliste du peuple mongol. Dans l’organe du parti Xiangdao zhoukan (l’Hebdo Pi-

170 Da-zhao L

I, Du nouveau nationalisme de zhonghua (1917), 1, coll. « Recueil d’ouvrage de Li Da-Zhao », Beijing,

People’s Publishing House, 1984, p.450 (李大钊:《新中华民族主义》(1917),收录于《李大钊文集》(上), 人民出版社,北京,1984 年,第 450 页)

171 La phrase originelle s’écrit : toute nation asiatique qui est annexée par l’autrui devra être libérée, devra mettre en

œuvre l’autodétermination nationale, et devra se confédérer pour rivaliser avec les confédérations européennes et américaine. Da-zhao LI, Du pan asianisme et du nouveau asianisme (1919), 1, coll. « Recueil d’ouvrage de Li Da-

Zhao », Beijing, People’s Publishing House,1984, p.610(李大钊: 《大亚细亚主义与新亚细亚主义》 (1917), 收录于《李大钊文集》(上),人民出版社,北京,1984 年,第 610 页)

lote), financé par le Komintern, l’un des cinq membres du Comité central du Parti com- muniste chinois, Gao Jun-yu soutint qu’« il est incontestable que la Mongolie est un

minzu complètement différent de la Chine en termes culturels et économiques ». Il em-

ploya la théorie marxiste selon laquelle l’organisation politique est déterminée par la conjoncture économique pour justifier l’indépendance politique de la Mongolie. « La mise de la Mongolie – plutôt arriérée – sous le contrôle politique de la Chine relative- ment avancée, dit-il, ne correspondrait pas aux besoins du peuple mongol ». « C’est la conjoncture économique de la Mongolie, explique-t-il, qui a déterminé sa réussite rela- tive à la mise en place d’une position politiquement indépendante [par rapport à la Chine].172

Dans la Déclaration du deuxième congrès national du Parti communiste chinois et la

Résolution portant sur l’impérialisme international et la Chine ainsi que le Parti com- muniste chinois, adopté au deuxième Congrès national du PCC en 1922, le PCC élucida

son objectif de « renverser l’oppression de l’impérialisme pour atteindre l’indépen- dance complète de la nation chinoise (zhonghua minzu) ; d’unifier la China Proper y compris les trois provinces au nord-est (la Mandchourie) pour fonder une démocratie républicaine véritable ; de réaliser l’autonomie de la Mongolie, du Tibet et du Xinjiang comme États autonomes ; et d’adopter le fédéralisme libéral pour fonder la République fédérale de Chine. Le tout en unifiant la China Proper, la Mongolie, le Tibet et le Xin- jiang »173 . Autrement dit, le PCC envisageait une confédération réunissant le China

172 Jun-yu G

AO, « La position que les compatriotes devront prendre envers la question mongole », L’Hebdo du Pilote,

1922(3), dans Les archives centrales (dir.), Sélection des documents du Comité central du Parti Communiste chinois,

1, La Maison d’édition de l’école du parti du comité central, Beijing, 1989, p.111 (君宇:《国人对于蒙古问题应 持的态度》, 《向导周报》,1922 年第 3 期,收录于中央档案馆编:《中共中央文件选集》 (一),北京, 中央党校出版社,1989 年,第 111 页)

173 « Déclaration du deuxième congrès national du Parti communiste chinois » et « Résolution portant sur l’impé-

rialisme international et la Chine ainsi que le Parti communiste chinois » dans Département du front uni du Comité central du PCC (dir.), La documentation compilée sur la question nationale : du juillet 1927 au septembre 1949,

Proper et trois États autonomes. Le PCC dans la même déclaration justifia par des pers- pectives ethniques, historiques et économiques sa politique d’accorder l’autonomie à ces trois régions ethniques et frontalières : ces régions sont historiquement habitées par une ethnie non-Han, la vie économique en Chine intérieure est déjà entrée dans une stade de capitalisme tandis que ces trois régions demeurent au stade primitif des no- mades, et l’unification forcée à la Chine intérieure pourra entraver l’autodétermination et l’autonomie progressives de ces minzu sans rapporter aucun bénéfice au peuple de la Chine intérieure174. Le PCC non seulement reconnut le droit à l’autodétermination de ces minorités nationales, il employa aussi des termes comme la China Proper pour dis- tinguer le pays intérieur des pays frontaliers. Certes, le PCC nouvellement créé, dont la mobilisation politique se centralise sur le prolétariat ouvrier, focalisa logiquement ses luttes révolutionnaires dans les grandes villes. Cela le distancia des connaissances sur les minorités ethniques à la périphérie. Par ailleurs, sous pression du Komintern, le jeune PCC n’avait pas d’autre choix que d’adopter l’idée de l’autodétermination natio- nale à la Lénine. De toute façon, son appel à l’indépendance de la Mongolie extérieure par l’autodétermination nationale fut vigoureusement critiqué par le camp nationaliste, dont les membres du Parti de la jeune Chine (PJC), le troisième important parti politique de l’époque républicaine, sous l’égide du « nationalisme » avec son organe Xingshi

zhoubao (l’Hebdo Lion Réveillé), tentèrent à changer l’apparence du nationalisme par

la transformation lexicale et la réinterprétation conceptuelle.