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Partie I : Système immunitaire et cancer

C. Phase d’échappement

3. Le microenvironnement tumoral

l’immunothérapie. La connaissance de l'antigénicité de la tumeur d'un patient pourrait donc

permettre de proposer de nouvelles stratégies d’immunothérapie personnalisée efficace.

2. La perte d’immunogénicité

Les tumeurs qui conservent une antigénicité suffisante pour la reconnaissance

immunitaire peuvent échapper à l'élimination en diminuant leur immunogénicité. Par

exemple, l’IFN-γ produit par les lymphocytes infiltrant les tumeurs peut induire l’expression

de la molécule PD-L1 à la surface des cellules tumorales

190

. PD-L1 et PD-L2 sont des ligands

pour PD-1, un récepteur communément exprimé sur les LT activés. L'engagement du

récepteur PD-1 avec ses ligands induit un signal d'inhibition à l'égard des LT, inhibant ainsi

les fonctions effectrices de ces derniers. Dans une grande variété de tumeurs, l’expression

membranaire de PD-L1 par les cellules tumorales a été fortement corrélée avec la présence de

régions riches en lymphocytes d'une tumeur mais aussi avec des réponses favorables aux

immunothérapies utilisant des anticorps anti-PD-1

191

. Ces résultats suggèrent que l'expression

de PD-L1 pourrait, dans ces cancers, être utilisée pour définir si une tumeur sera sensible à

une immunothérapie anti-PD-1. Cependant, toutes les tumeurs exprimant PD-L1 ne sont pas

associées à des infiltrats immunitaires et certaines tumeurs exprimant PD-L1 ne répondent pas

aux immunothérapies anti-PD-1

190

.

D’autres molécules de contrôle de la réponse immunitaire (par exemple, la galectine 9)

peuvent être exprimées sur les cellules tumorales et sur les cellules stromales environnantes.

L'expression de différents régulateurs négatifs présents sur les lymphocytes infiltrant les

tumeurs (par exemple PD-1, LAG-3, TIM-3, VISTA, CD244, CD160 et BTLA) peut

également être observée. Comme pour l’axe PD-1/PD-L1, ces voies moléculaires vont agir

pour réguler l’immunogénicité des tumeurs ou inhiber les fonctions cellulaires des LT

infiltrant les tumeurs

185

.

3. Le microenvironnement tumoral

Certaines tumeurs peuvent conserver l'antigénicité et l'immunogénicité suffisante pour

la reconnaissance par des LT spécifiques de la tumeur, mais échapper à l'élimination

immunitaire en générant un microenvironnement immunosuppresseur. Ce processus se

développe grâce au recrutement de cellules immunitaires immunosuppressives ou à la

sécrétion de cytokines immunosuppressives, favorisant la progression tumorale.

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Cellules immunosuppressives

Au cours de la progression de la tumeur, les cellules immunosuppressives sont

mobilisées en réponse à des cytokines induites par la tumeur, comme le TGF-β. Les LTreg,

les cellules myéloïdes suppressives, les macrophages associés à la tumeur, les cellules

dendritiques tolérogènes, les Th17 et les Breg sont des cellules immunosuppressives clés qui

favorisent la progression tumorale

192

.

Les LTreg jouent un rôle important dans la progression tumorale et l’échappement au

système immunitaire. Dans les conditions physiologiques, les LTreg limitent les réponses

auto-immunes et maintiennent l'homéostasie de la réponse immunitaire. Les LTreg peuvent

inhiber la fonction des LT par la production de cytokines immunosuppressives telles que

l'IL-10 et le TGF-β, l'expression de molécules co-inhibitrices telles que CTLA-4, PD-1 et PD-L1,

ou la consommation d’IL-2. Les LTreg peuvent également supprimer la présentation de

l'antigène et interférer avec la fonction des LTC en inhibant la libération des granules

cytolytiques pendant la progression tumorale

193

.

Les cellules myéloïdes suppressives (MDSCs) peuvent faciliter l'échappement

immunitaire par le biais de plusieurs mécanismes. Par exemple, les MDSCs infiltrant les

tumeurs altèrent la fonction des LT, des cellules NK, et des cellules dendritiques, facilitant

ainsi l'échappement tumoral. L’action pro-tumorale des MDSCs est régulée par la protéine

CHOP (Cellular stress sensor C/EBP-Homologous Protein) et l'IL-6. Les MDSCs peuvent

aussi favoriser l'échappement immunitaire en produisant des taux élevés d'IL-10, en

supprimant l'activation des LT CD4

+

et des LT CD8

+

, et en régulant de façon négative

l'expression de la L-sélectine sur les cellules T naïves circulantes

192

.

Les macrophages associés à la tumeur peuvent inhiber les réponses immunitaires

anti-tumorales des LT CD8

+

pour faciliter l'échappement de la tumeur au système immunitaire,

soit directement par l’expression de ligands tels que PD-L1 et B7-H4, ou indirectement par le

recrutement de LTreg grâce à CCL22

192

.

D'autres cellules immunosuppressives sont également impliquées dans l'échappement

de la tumeur au système immunitaire. Par exemple, les neutrophiles peuvent supprimer la

fonction des LT CD8

+

, en sécrétant de l’arginase 1 pour dégrader l'arginine extracellulaire, un

facteur nécessaire au bon fonctionnement des LT. Des cellules dendritiques régulatrices

peuvent être induites par les tumeurs, et participer à la suppression de la réponse immunitaire

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anti-tumorale. Des cellules dendritiques tolérogènes (exprimant de faibles niveaux de

molécules du CMH et de molécules de costimulation) peuvent également participer à

l’échappement immunitaire

192

.

Les cellules immunosuppressives ont un rôle fonctionnel dans l’échappement

immunitaire par la production de cytokines immunosuppressives et génèrent un

environnement immunosuppresseur. Par conséquent, identifier l'origine et les caractéristiques

fonctionnelles des cellules immunosuppressives aidera à concevoir de nouvelles approches

d’immunothérapie anti-cancéreuse en bloquant l’échappement immunitaire.

Cytokines immunosuppressives

Les tumeurs peuvent également échapper à la surveillance immunitaire en produisant

des cytokines immunosuppressives capables d’altérer la fonction des LTC. Le TGF-β est un

médiateur clé de cette action. En outre, le TNF-α, l'IL-1, l’IL-6, le CSF-1, l'IL-8, l’IL-10 et

l’IFN de type I peuvent également contribuer de manière significative à la croissance des

cellules tumorales

194,195

. En plus des cytokines immunosuppressives, d'autres facteurs tels que

le VEGF produit par les tumeurs inhibent la différenciation des progéniteurs des cellules

dendritiques, ce qui affecte la présentation efficace des antigènes. Le VEGF, l'IL-10 et le

TGF-β sont également connus pour inhiber la maturation des cellules dendritiques

196,197

. Les

cellules dendritiques conservant donc un phénotype immature sont tolérogènes car elles ne

présentent pas l'antigène dans un contexte approprié, avec une costimulation appropriée aux

LT. Des enzymes immunosuppressives telles que l’IDO (Indoléamine 2,3-dioxygénase) et

l'arginase peuvent également contribuer de manière significative à la progression tumorale par

des actions directes sur la prolifération des cellules tumorales, par l’induction de la tolérance,

ou par la suppression de LT

197

.

Le système immunitaire joue donc un rôle central dans la biologie de la tumeur. Les

stratégies qui visent à restaurer la capacité du système immunitaire à reconnaître et à éliminer

les cellules malignes ont produit des résultats cliniques bénéfiques, mais seulement pour

certains patients. Les traitements mettant en jeu l’immunité doivent pouvoir tenir compte de la

capacité des tumeurs à s'adapter à la pression immunitaire non seulement via la perte de leur

antigénicité et de leur immunogénicité intrinsèques, mais aussi via la génération d’un

microenvironnement immunosuppresseur. Des stratégies thérapeutiques distinctes, en

fonction des mécanismes d'échappement immunitaire exploités par la tumeur, peuvent être

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requises pour restaurer une immunosurveillance adéquate des cancers. L’identification des

antigènes exprimés par les tumeurs, la détermination de leur immunogénicité et l’obtention

d’un microenvironnement tumoral immunostimulant sont donc nécessaires pour le

développement de nouvelles stratégies d’immunothérapie anti-tumorale, spécifiques et

efficaces.

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