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Partie III : Les antigènes tumoraux

D. Approches « directes » ou « cellulaires » : méthodes directes d’analyse et

De nombreuses stratégies d'analyse qualitative et quantitative à grande échelle de

ligands du CMH-I ont été décrites au cours des 30 dernières années.

1. Méthodes d’analyses qualitatives

Méthodes d’identification d’épitopes CMH-I restreints basées sur l’utilisation de

molécules du CMH solubles

L’approche d’identification des épitopes CMH-I restreints basée sur l’utilisation de

molécules du CMH solubles permet l'analyse à grande échelle de ligands du CMH

338,339

. Elle

est basée sur la transfection de cellules avec des molécules du CMH dépourvues de leur

domaine transmembranaire. Les complexes CMH-peptide sont ainsi sécrétés dans le milieu de

culture et peuvent facilement être purifiés par immunoprécipitation. Malgré le fait que la

quantité de ligands obtenus peut être de l'ordre du milligramme, il faut garder à l'esprit que

l'utilisation de technologies recombinantes pourrait changer la qualité des ligands du CMH

purifiés. De plus, ces ligands sont présentés en grandes quantités par les molécules du CMH

dans des conditions non physiologiques, faussant ainsi profondément le spectre des ligands du

CMH (ligandome). Cette approche n'est pas applicable pour l'analyse des ligands de

molécules HLA à partir d'échantillons de tissus ou de lignées cellulaires primaires.

Elution des peptides CMH restreints exprimés à la surface de cellules viables par un

acide faible

La méthode d'élution des peptide CMH restreints avec un acide faible a été décrite la

première fois en 1993

340

. Cette approche est basée sur l’isolement des peptides présentés par

le CMH-I, exprimés à la surface de cellules viables, grâce à un court (15 à 300 secondes)

traitement acide à un pH de 3,3 avec un tampon citrate-phosphate. Les peptides élués sont

ensuite séparés par HPLC (High Performance Liquid Chromatography) et analysés par

spectrométrie de masse. Cette approche d'isolement peut être appliquée aussi bien à des

cellules adhérentes qu’à des cellules en suspension, et nécessite un nombre minimum de 10

9

cellules pour l’identification. Le protocole de cette approche reste à établir pour

l’identification d’épitopes HLA restreints à partir de tumeur solide. Cette méthode a été

utilisée, par exemple, pour identifier des épitopes de LT à partir de deux lignées cellulaires de

69

mélanome (Mel 9792 et Mel 624)

341

. Un peptide immunogène dérivé de la protéine de fusion

BCR-ABL a également été identifiée grâce à cette approche

301

.

Purification par chromatographie d’affinité des complexes CMH-peptide

La méthode de purification par chromatographie d'affinité des complexes

CMH-peptide a déjà été décrite à la fin des années 1970

342

. Elle est basée sur la solubilisation des

complexes CMH-peptide et leur isolement spécifique par des anticorps monoclonaux

immobilisés sur une résine. La plupart des peptides CMH restreints connus ont été isolés par

cette méthode ou des adaptations de celle-ci. Une liste complète des peptides avec leurs

allèles HLA associés peut être trouvée dans la base de données SYFPEITHI

(www.syfpeithi.de).

Dans cette approche, les complexes CMH-peptide sont tout d’abord isolés à partir de

tissus congelés, de cellules sanguines, de lignées cellulaires ou de biopsie tumorale

343–345

.

Pour obtenir de bonnes quantités de peptides détectables et capables d’être séquencés

efficacement, il faut environ 10

9

à 10

11

cellules

344,346

. Les cellules sont traitées avec un tampon

de lyse contenant des détergents non dénaturants, zwitterioniques comme le CHAPS ou non

ioniques comme le NP-40. Ces détergents sont généralement utilisés entre 0,5 et 2% pour une

bonne solubilisation des complexes CMH. Une fois solubilisées, les molécules du CMH sont

spécifiquement isolées en utilisant une colonne d'affinité. La résine présente dans la colonne

est préalablement couplée à un anticorps monoclonal. L'anticorps peut être spécifique d’une

molécule du CMH donnée (par exemple un anticorps anti-HLA-A2) ou de plusieurs types de

molécules du CMH (par exemple un anticorps anti-HLA-A, B et C). Les deux anticorps

monoclonaux les plus fréquemment utilisés sont l’anticorps anti-HLA de classe I

W6/32

342,347,348

, reconnaissant les molécules HLA-A, B et C, et l’anticorps anti-HLA de

classe II L243

348–350

, reconnaissant les molécules HLA-DR. Les anticorps sont immobilisés

sur des billes de sépharose, soit par des liaisons chimiques covalentes soit par des interactions

non covalentes spécifiques avec la fraction constante des anticorps. Les ligands sont ensuite

élués avec un acide fort, généralement de l'acide trifluoroacétique, à un pH de 3.0, ce qui

provoque la rupture de toutes les liaisons non covalentes. En plus des peptides

HLA-restreints, l'éluat contient aussi des constituants des molécules HLA (chaîne lourde α et

β2-microglobuline du CMH-I ou chaînes α et β du CMH-II) et l'anticorps (s’il a été immobilisé

de manière non covalente). Les peptides CMH-restreints sont séparés des autres protéines par

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ultrafiltration en fonction de leur taille. Enfin, l'analyse et le séquençage du pool de peptides

CMH-restreints est la dernière étape réalisée. La purification est le plus souvent effectuée par

chromatographie liquide, les peptides étant séparés en fonction de leur caractère hydrophile

ou hydrophobe. Une fois les peptides fractionnés, ils sont séquencés. Jusqu’à présent, le

séquençage des ligands du CMH a été principalement réalisé par deux méthodes, à savoir la

dégradation d'Edman

351

et la spectrométrie de masse. Au début des années 1990, les peptides

CMH-restreints ont souvent été séquencés par dégradation d'Edman automatisée

352

. Cette

technique est basée sur la dégradation chimique d'un peptide à partir de l'extrémité

N-terminale par le phénylisothiocyanate et l'identification par HPLC des acides aminés clivés.

La sensibilité de la méthode est de l’ordre du picomolaire, de sorte que seuls les peptides en

grande abondance peuvent être identifiés. Si plusieurs peptides sont mélangés, ce qui est

fréquemment observé dans les fractions peptidiques, l'interprétation des données est très

difficile, voire impossible, en raison d'un chevauchement des acides aminés dégradés. La

spectrométrie de masse pour la caractérisation de peptides CMH-I

353

- et CMH-II

354

-restreints

a été utilisée pour la première fois en 1992. L'utilisation de la spectrométrie de masse a été

une grande avancée technique dans l'identification à haut débit de ligands du CMH

353

. La

spectrométrie de masse peut aujourd'hui être considérée comme le « gold standard » pour

l'analyse de peptides HLA-restreints.

La méthode de purification par chromatographie d'affinité des complexes

CMH-peptide a été cruciale pour l'identification des motifs d’ancrage spécifiques des molécules du

CMH

332

, pour le développement et l’enrichissement de la base de données SYFPEITHI. Elle a

été également utilisée pour identifier les épitopes HLA-restreints de plusieurs tumeurs

malignes, telles que les carcinomes rénaux

355,356

, les glioblastomes

357,358

, les cancers du

poumon

343

, les leucémies myéloïdes aiguës

359

, les leucémies lymphoïdes chroniques

360

, les

myélomes multiples

361

, les cholangiocarcinomes

362

. Le profil des ligands spécifiques de la

tumeur est obtenu suite à une analyse comparative des profils des ligands HLA des cellules

tumorales avec ceux des cellules saines des tissus adjacents.

2. Méthodes d’analyses quantitatives

Plusieurs techniques ont été mises en place permettant une quantification absolue ou

relative des signaux détectés par spectrométrie de masse. En règle générale, la quantification

des peptides par spectrométrie de masse est obtenue par un marquage différentiel des peptides

à partir de deux ou plus de deux échantillons. Le marquage peut être effectué à différentes

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étapes lors de la purification du ligand et de plusieurs manières différentes. Un exemple

classique est l'introduction de tags ICAT (Isotope-Coded Affinity Tags) au niveau de résidus

Cystéine

363

. Pour la quantification des peptides CMH restreints, les peptides isolés et les

peptides contrôles sont respectivement modifiés avec des isotopes ICAT lourds ou légers, puis

analysés par spectrométrie de masse. D’autres méthodes de quantification basées sur

l’introduction de tags isotopiques, tels que MCAT (Mass-Coded Abundance Tagging)

364

,

peuvent également être utilisées. Une méthode alternative au marquage avec des isotopes est

le système iTRAQ (isobaric Tag for Relative and Absolute Quantitation)

365

qui utilise des

tags d’isobares pour la quantification relative et absolue. Dans ce cas, les peptides provenant

de différentes sources ne se distinguent pas par un changement de masse, mais plutôt par des

ions rapporteurs spécifiques dans les spectres de fragmentation. D’autres méthodes de

quantification telles que la méthode SILAC (Stable Isotope Labelling in Cell culture)

366

sont

basées sur l'incorporation métabolique d’isotopes stables plutôt que sur une modification

chimique.

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