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Partie IV : Immunothérapie dans les cancers colorectaux

B. Instabilité microsatellitaire (IMS)

3. Le CCR sporadique à IMS

Les CCR sporadiques à IMS sont souvent causés par l’hyperméthylation des îlots CpG

dans les régions promotrices des deux copies du gène MLH1

375

. Des mutations des gènes

MSH2, MSH6, MLH3, PMS2 et EXO1 peuvent également jouer un rôle dans le

développement de ces CCR sporadiques à IMS

383

.

Dans les deux types de CCR à IMS (syndrome de Lynch et CCR sporadique),

l'inactivation du système MMR conduit à l'accumulation d’insertions et de délétions dans les

séquences répétées d'ADN du génome du patient, et finalement à d'autres mutations de

l'ADN. Plusieurs mutations décalant le cadre de lecture résultant du défaut du système MMR

ont été directement liées au développement de CCR à IMS.

Les néoantigènes tumoraux dans les CCR à IMS : « Frameshift Peptides

» (FSP)

Avec le défaut de l'activité MMR, les mésappariements, insertions et délétions

s’accumulent rapidement. Il a été observé qu’en moyenne, environ 1 300 substitutions de

bases sont acquises chez les patients atteints de syndrome de Lynch, alors que seulement 190

substitutions de bases sont présentes dans les tumeurs à microsatellites stables

384

. De même,

les CCR sporadiques à IMS ont un nombre nettement plus élevé de substitutions de bases par

rapport aux CCR à MSS. En plus de ces substitutions de bases, un grand nombre d'insertions

et de délétions est observé dans les CCR à IMS. Lorsque ces insertions ou délétions se

produisent au niveau de séquences répétées codantes du génome, cela conduit à un décalage

du cadre de lecture des gènes affectés. Ces mutations décalant le cadre de lecture peuvent se

produire dans des gènes suppresseurs de tumeur spécifiques, qui sont sensibles à ces

mutations car ils contiennent des séquences répétées codantes

385

. Par exemple, des mutations

78

du cadre de lecture sont fréquemment observées dans les séquences répétées

mononucléotidiques de gènes suppresseurs de tumeurs comme APC, BAX et TGFβR2

386

. Ces

mutations somatiques décalant de lecture dans les gènes APC, BAX et TGFβR2 sont

respectivement observées dans environ 70%, 50% et 90% des CCR à IMS.

Les mutations décalant le cadre de lecture peuvent conduire à la génération de

nouvelles protéines fragmentées en peptides appelés « frameshift peptides » (FSPs)

307

. Ces

néoantigènes suivent la voie classique de dégradation des protéines par le protéasome et les

néopeptides résultant de cette dégradation sont transportés dans le réticulum endoplasmique

par la machinerie TAP pour accéder aux molécules du CMH. Lorsque les peptides se lient aux

molécules du CMH-I, le complexe CMH-peptide ainsi assemblé quitte le RE pour être

présenté à la surface de la cellule. Au sein de chaque tumeur, des néoantigènes spécifiques

s’accumulent. L'accumulation d'environ 40 épitopes uniques pour l'ensemble des molécules

du CMH-I par individu atteint d’un CCR à IMS a été observée

388

.

Les néopeptides issus de la fragmentation de néoantigènes sont potentiellement

immunogènes. Parmi les FSP, le premier à avoir été décrit comme immunogène est FSP02

(RLSSCVPVA). Il dérive de la fragmentation d’un néoantigène issu de la mutation (-1) du

gène codant le récepteur du TGFβ de type II (TGFβRII (-1)). Cette mutation se produit dans

une séquence poly A (10 résidus Adénine) de l’exon 3 du gène TGFβRII (Figure 17)

307

. Les

FSP possédant une affinité suffisante pour les molécules du CMH de classe I exprimées par

l’individu sont présentés à la surface des cellules tumorales aux LT. Ces FSP sont capables de

stimuler fortement les LTC lorsqu’ils sont présentés de manière immunogène par des cellules

présentatrices d’antigène. Il en résultera une destruction spécifique des cellules tumorales

présentant ces néopeptides. Chez les patients atteints d’un CCR à IMS, la réponse

immunitaire anti-tumorale spécifique des FSP suggère que ces peptides pourraient être utilisés

comme antigènes cibles pour une immunothérapie anti-tumorale spécifique personnalisée

389

.

79

Figure 17 : Mutation par décalage du cadre de lecture - exemple du gène du récepteur du TGFβ de type II (TGFβRII)

La perte d’une adénine dans la séquence codante de 10 A de ce gène décale le cadre de lecture et engendre la synthèse d’une nouvelle protéine contenant la séquence peptidique RLSSCVPVA, appelée FSP02.

Réponse immunitaire dans les CCR à IMS

Chez un individu sain, le principal chef d’orchestre de la réponse immunitaire est la

cellule dendritique qui patrouille dans tout le corps à la recherche de signaux de danger ou de

signes d'inflammation. Une fois qu'elle détecte des cellules tumorales ou des particules

nécrotiques, elle peut s'activer, endocyter des antigènes tumoraux exogènes, apprêter ces

antigènes tumoraux par différentes voies lytiques et présenter des épitopes tumoraux qui en

dérivent sur les molécules du CMH-I et du CMH-II à sa surface. Par la suite, elle migre à

travers le système lymphatique vers les ganglions lymphatiques où les LB et les LT résident.

Comme mentionné précédemment, les LT jouent un rôle central dans la réponse

anti-tumorale. Les LT CD4

+

sont capables d'initier une commutation isotopique des LB et peuvent

favoriser l'activation des LTC. Après l'activation des LT CD4

+

suite à l’interaction avec les

cellules dendritiques exprimant des complexes CMH-II/antigène et des molécules

co-stimulatrices, les LT CD4

+

deviennent matures et entrent dans la circulation. Ces cellules

80

expriment le ligand de CD40 et soutiennent les cellules dendritiques pour la stimulation et la

différenciation des LTC par l’interaction avec CD40, ou directement par la production de

cytokines. En revanche, quand les LTC sont activés, ils migrent vers le tissu tumoral pour

remplir leur fonction effectrice. Ceci implique l'induction de l'apoptose par la production de

perforine et de granzymes lors d'un contact avec des cellules tumorales portant le complexe

CMH-peptide spécifique contre lequel le LTC a été activé. Les LTreg, exprimant CD25 et

FoxP3, peuvent également être retrouvés dans le microenvironnement tumoral. Dans les

organes lymphoïdes secondaires, ils maintiennent la tolérance aux auto-antigènes par la

suppression ou la régulation négative des LT effecteurs auto-réactifs en inhibant leur

prolifération, alors que dans le microenvironnement de la tumeur, ils peuvent activement

supprimer la réponse anti-tumorale.

Une densité importante de LT infiltrant les tumeurs représente une caractéristique

commune des CCR, et en particulier des CCR à IMS

182

. En effet, les CCR à IMS sont

caractérisés par une densité plus importante de lymphocytes infiltrant la tumeur, associée à un

meilleur pronostic

97

. Dans les CCR à IMS, il a été trouvé un plus grand nombre de LTC CD8

+

actifs et un pourcentage plus important de cellules cancéreuses subissant l’apoptose. De plus,

les cellules apoptotiques étaient majoritairement localisées à proximité des cellules CD8

+

,

suggérant que ces LTC élimineraient ces cellules tumorales

390

. Des études in vitro et in vivo,

phénotypiques et histopathologiques, ont démontré que LT CD4

+

et LTC sont attirés dans le

tissu tumoral et sont réactifs contre des épitopes spécifiques de la tumeur

182,300,389,391–393

. Ces

LT sont spécifiques de néoépitopes résultant de mutations décalant le cadre de lecture. En

plus de mutations décalant le cadre de lecture de gènes suppresseurs de tumeur précédemment

mentionnés comme APC (impliqué dans la voie Wnt), BAX (lié à l'apoptose) et TGFβR2

(impliqué dans la transduction du signal), des mutations décalant le cadre de lecture sont aussi

fréquemment identifiées dans les gènes TP53 (rôle dans l'apoptose, la stabilité génomique et

l'inhibition de l'angiogenèse), OGT (impliqué dans la translocation et la modification de

protéines), et CASP5 (rôle dans l'inflammation)

394–397

. Des réponses T cytotoxiques

spécifiques chez des patients ayant un CCR sporadique à IMS ont été observées contre des

peptides dérivés de ces mutations d’OGT

394

, de TGFβRII

393

et de CAPS5

392

. Par rapport aux

CCR à MSS, les cellules dendritiques dans les CCR à IMS expriment des niveaux plus élevés

de molécules co-stimulatrices, ce qui est nécessaire pour une activation correcte des LT. Ceci

est probablement dû à la forte immunogénicité des tumeurs à IMS, qui expriment des niveaux

élevés de molécules activatrices du système immunitaire telles que des protéines de choc

81

thermique et des cytokines pro-inflammatoires, et sont donc extrêmement efficaces dans le

déclenchement de l'activation des cellules dendritiques

398

. Une surexpression de l'intégrine

CD103, impliquée dans la migration des LT, a été observée sur les LT CD8

+

infiltrant les

tumeurs à IMS, ce qui n'a pas été observé dans les tumeurs à MSS

399

. Une concentration

élevée de granzyme B et de perforine dans les LT CD8

+

infiltrant les tumeurs à IMS a

également été observée, soulignant leur statut réactif dans les tumeurs à IMS

390,398,400

. De

plus, dans les tumeurs à IMS, les LT CD4

+

secrètent des quantités élevées de cytokines

pro-inflammatoires qui influencent positivement la réponse anti-tumorale

398

. Cette action

concertée des LT CD4

+

et des LTC a été considérée comme une condition préalable pour une

réponse immunitaire anti-tumorale efficace et a été corrélée avec une survie plus élevée des

patients atteints de CCR à IMS

401,402

. Les LTreg peuvent affecter négativement la réponse

anti-tumorale par la suppression des LTC. Dans certaines études, il a été observé que les

LTreg augmentaient leur niveau d’expression de CD103 et étaient capables d'infiltrer les

tumeurs dans les CCR à IMS, mais pas dans les CCR à MSS. Cette infiltration des LTreg était

négativement corrélée avec une réponse efficace des LTC anti-tumoraux

97,403

. Il a été

également démontré qu’un ratio plus élevé de LT CD8

+

/LTreg était corrélé avec un meilleur

pronostic dans les CCR à IMS

404

. Le ratio LT CD8

+

/LTreg pourrait donc être utilisé comme

marqueur pronostique chez les patients atteints de CCR à IMS. Dans le même ordre d’idée,

des études in vitro évaluant l'impact des LTreg sur les LTC spécifiques de FSP, ont montré

que la déplétion des LTreg pourrait promouvoir l'activité des LTC

405

et que les antigènes qui

sont reconnus par les LTreg pourraient avoir un impact sur leur capacité à supprimer les LT

CD8

+

. Contrairement à ces études, d’autres équipes ont découvert avec surprise que l’infiltrat

en LTreg pourrait être associé à un bon pronostic

98–100

. Dans une étude réalisée par notre

équipe sur les CCR à IMS, la densité de lymphocytes FoxP3

+

infiltrant la tumeur a été

clairement associée à des caractéristiques tumorales moins invasives, et pourrait donc être

indirectement associée à un meilleur pronostic

101

. De façon surprenante, Le Gouvello et

collaborateurs ont révélé que les niveaux d'expression des ARNm de FoxP3, indiquant la

présence de LTreg, étaient augmentés dans les tumeurs à MSS par rapport aux tumeurs à

IMS

406

. Tous ces résultats contraires indiquent que plus de connaissances doivent être

acquises pour comprendre pleinement le rôle des LTreg dans les tumeurs à IMS et à MSS.

En somme, une réponse immunitaire anti-tumorale efficace peut être déclenchée si la

tumeur contient des protéines mutées qui sont présentées sur des molécules du CMH-I et

reconnues comme non soi ou soi modifié par les LT. Plusieurs types de cellules immunitaires

82

ont un effet positif sur la réponse anti-tumorale, telles que les LTC infiltrant les CCR. Le fort

infiltrat lymphocytaire, la réaction inflammatoire marquée et le bon pronostic associés aux

CCR à IMS pourraient être expliqués par le statut particulier de ces tumeurs dans lesquelles

des néoantigènes fortement immunogènes spécifiques des cellules cancéreuses sont observés.

Approches d’immunothérapie dans les CCR à IMS

Le traitement actuel des CCR est basé principalement sur la chirurgie, la radiothérapie

et/ou la chimiothérapie, en fonction du stade de la maladie. Induire des réponses durables à

ces traitements reste difficile en raison de certaines différences observées entre les patients,

telles que l'âge, mais aussi des influences génétiques inconnues et des différences dans les

mécanismes d’échappement de la tumeur. Le groupe de Lynch a montré déjà en 1997 que les

patients atteints de syndrome de Lynch par rapport aux patients atteints d’un CCR sporadique

à IMS avaient une chance beaucoup plus élevée de survie à cinq ans

407

. En raison de fortes

réponses immunitaires possibles contre des néoantigènes trouvés chez les patients atteints de

CCR à IMS, l'immunothérapie visant à étendre et à renforcer ces réponses présente un grand

intérêt. Récemment, deux études ont analysé les effets du microenvironnement tumoral des

CCR à IMS et des molécules inhibitrices présentes sur les lymphocytes infiltrant les tumeurs

spécifiques de néoantigènes

408,409

. Le groupe d’Housseau a rapporté que les tumeurs à IMS

n’étaient pas totalement éliminées malgré les grandes quantités de lymphocytes infiltrant les

tumeurs. En faisant de l’immunohistochimie, de la microdissection laser, de la qRT-PCR, de

la cytométrie en flux et des analyses fonctionnelles, ils ont découvert qu'une grande quantité

de molécules inhibitrices était exprimée dans les tumeurs MMR-déficientes et dans leur

microenvironnement, notamment PD-1, PD-L1, CTLA-4, LAG-3 (Lymphocyte Activation

Gene 3) et l’indolamine-2,3-dioxygénase. Par conséquent, les tumeurs à IMS qui expriment

des quantités élevées de néoantigènes pourraient augmenter leur niveau d’expression de

molécules inhibitrices pour contrebalancer la grande quantité de cellules immunitaires

infiltrantes. En outre, les inhibiteurs de « checkpoints » pourraient être particulièrement

efficaces dans ce sous-type de CCR

408

. Dans un essai clinique de phase I, Le et ses

collaborateurs ont noté que seulement un sur 33 patients atteints de CCR répondait à un

anticorps monoclonal anti-PD-1

6,198

. Cette observation les a amenés à étudier la cause de cette

réponse unique. Il s’est avéré que ce patient avait un CCR à IMS. Par la suite, un essai

clinique de phase II a été lancé pour tester l'efficacité d’un anticorps monoclonal anti- PD-1,

83

le pembrolizumab, chez des patients atteints d’un CCR à IMS ou à MSS, et a souligné un net

avantage du traitement pour les patients atteints de CCR à IMS

409

. Une autre stratégie

exploitant le système immunitaire pour lutter contre les CCR à IMS est basée sur les vaccins à

base de néoantigènes

410,411

. Brièvement, des vaccins à base de néoantigènes pourraient être

développés grâce à l'analyse du génotype des cellules tumorales et à la prédiction par des

algorithmes, in silico, de néopeptides tumoraux, complétée par des tests fonctionnels

d’immunogénicité. Les peptides prédits pourraient également être utilisés pour une ICA ou

pour des vaccins à base de cellules dendritiques.

Les néoantigènes ne sont pas exprimés dans le thymus, ils ne subissent donc pas la

sélection négative, et sont du coup potentiellement plus immunogènes que les autres types

d’antigènes associés aux tumeurs. Dans les CCR à IMS, la vaccination avec des néoantigènes

immunogènes pourrait augmenter l'immunité des LT spécifiques de la tumeur in vivo.

L’utilisation de néoantigènes pour une thérapie vaccinale ou de néopeptides pour une ICA

personnalisée présente donc un grand intérêt potentiel. Toutefois, plusieurs limites doivent

être prises en considération. Tout d'abord, il convient d’identifier les néoantigènes et les

néoépitopes dérivés de ceux-ci spécifiques de la tumeur du patient. Ensuite, il convient de

valider l’immunogénicité de ces néoantigènes et de ces néopeptides, notamment en étudiant

les réponses des LT qu’ils génèrent. Le développement de stratégies d’immunothérapie

spécifique de néoantigènes issus d’un décalage du cadre de lecture présente un réel potentiel

clinique.

Les cellules présentatrices d’antigène artificielles (CPAA) développées

au laboratoire, utilisées dans le cadre des CCR à IMS

Dans le but de proposer une stratégie d’immunothérapie basée sur le transfert adoptif

de LT, un système artificiel de présentation d’antigène a été développé au laboratoire à partir

de fibroblastes murins NIH/3T3

277

, par transfert de gènes grâce à cinq vecteurs

gammarétroviraux codant respectivement les molécules accessoires B7.1, ICAM-1 et LFA-3,

la β2-microglobuline humaine et une chaîne lourde HLA de classe I, recréant ainsi une

véritable synapse immunologique (Figure 18). Les cellules présentatrices d’antigène

artificielles (CPAA) présentant l’antigène au sein de la molécule HLA de classe I A2.1, la

plus fréquente, exprimée par environ 40% des individus, sont les plus utilisées au laboratoire.

Il est important de préciser que ces CPAA sont capables de présenter un peptide immunogène

84

d’intérêt directement transduit, mais aussi de dégrader des antigènes entiers transduits et de

les présenter sous forme de peptides immunogènes, comme le font des cellules humaines

412

.

Les LT activés par des CPAA exprimant la protéine entière antigénique ou le peptide d’intérêt

vont entraîner une lyse cellulaire spécifique. L’antigène est codé par un vecteur

gammarétroviral dicistronique dans lequel le transgène d’intérêt est lié à une séquence codant

la puromycine-N-acétyltransférase par un élément IRES (Internal Ribosome Entry Site),

permettant la sélection des cellules transduites par la puromycine. Ces CPAA présentent de

nombreux avantages puisqu’elles se multiplient rapidement, constituent des lignées stables et

sont très facilement transductibles. Elles permettent d’induire une réponse immunitaire

cellulaire anti-virale ou anti-tumorale spécifique en activant efficacement et de façon

reproductible des LTC spécifiques. Elles nous ont permis d’activer des LTC spécifiques

d’antigènes viraux comme FMP (Flux Matrix Protein), pp65, protéine structurale du CMV

(Cytomégalovirus), mais également des antigènes tumoraux tels que MART-1 (Melanoma

Antigen Recognized by T cells-1), gp100 et hTERT (human Telomerase Reverse

Transcriptase)

277

.

Dans le cadre des CCR à IMS, des CPAA A2.1+ ont été développées au laboratoire,

qui codent des néoantigènes spécifiques des tumeurs, sous forme de néopeptides

restreints ou sous forme de protéines entières, dégradées par ces CPAA en néopeptides

A2.1-restreints.

85

Figure 18 : Cellules présentatrices d’antigène artificielles (CPAA)

Parmi les systèmes de présentation d’antigène artificiels cellulaires, des CPAA ont été générées à partir de fibroblastes murins transduits séquentiellement grâce à des vecteurs gammarétroviraux codant la chaîne lourde HLA A2.1, la β2 microglobuline (β2m) et un antigène sous forme de peptide (Pep) ou de protéine (Prot) afin de reconstituer le complexe du CMH de classe I. Ces cellules ont été également transduites avec trois molécules accessoires (B7.1, ICAM-1 et LFA-3). Ce système est capable d’activer et d’amplifier des lymphocytes T CD8+ spécifiques. Ce sont des lignées stables, facilement transductibles, et aucune xénoréactivité n’a été observée avec ce système dans les conditions de coculture établies.

LTR : Long Terminal Repeat

SD : Site Donneur d’épissage SA : Site Accepteur d’épissage Ψ + : signal d’encapsidation

PuroR : « gène » de résistance à la puromycine

GAG/POL/ENV : protéines gammarétrovirales codées par la cellule productrice de virus

Cellule productrice de virus

SD Ψ +SA GAG/POL/ENV Ψ + ENV Ψ + GAG/POL Particules virales ARN ADN Transcription inverse intégration génomique

NIH/3T3

LTR LTR β2m/Molécules accessoires SD Ψ +SA HLA.A2.1 SD Ψ +SA Pep/Prot PuroR SD Ψ +SA

86

- Objectifs des travaux

-Dans le cadre du développement d’une stratégie d’immunothérapie cellulaire adoptive

dans les cancers colorectaux (CCR), basée sur l’utilisation de cellules présentatrices

d’antigène artificielles (CPAA), diverses études ont été réalisées au laboratoire. Dans un

premier temps, notre équipe s’est d’abord intéressée aux CCR « tout venant » avec l’étude de

l’immunogénicité d’un antigène emblématique : l’antigène carcino-embryonnaire (ACE). Des

cellules présentatrices d’antigène artificielles ont été utilisées afin de stimuler des

lymphocytes T cytotoxiques contre l’ACE et contre CAP-1 (le peptide dérivé de l’ACE,

longtemps considéré comme immunodominant dans le contexte HLA-A*0201), mais sans

succès. L’hypothèse prédominante permettant d’expliquer l’absence de réponse contre l’ACE

est que les LT spécifiques de cet autoantigène subissent des mécanismes de tolérance centrale

et périphérique. Dans les CCR, les autoantigènes que l’on pourrait cibler sont donc sans doute

sujets à des phénomènes importants de tolérance centrale et périphérique. Par contre, dans le

groupe des CCR à IMS, dans de larges cohortes de patients, une densité importante de

lymphocytes T infiltrant la tumeur a été retrouvée, associée à un meilleur pronostic. De plus,

il est généralement admis que la présence de néoantigènes tumoraux, résultant d’un défaut du

système de réparation des mésappariements de l’ADN, pourrait expliquer la réponse

immunitaire forte et le bon pronostic associés à ces cancers. Dans ce contexte, notre équipe a

réorienté son projet de stimulation d’une réponse immunitaire cellulaire dans les CCR vers

l’activation de LT spécifiques de néoantigènes. Les phénomènes de tolérance du système

immunitaire sont certainement moins importants pour ces néoantigènes, exprimés uniquement

par les cellules tumorales, que pour des autoantigènes, surexprimés dans les tumeurs, mais

également exprimés, même si à faible niveau, dans les tissus normaux. Dans ce cadre, pour

une immunothérapie mettant en jeu l’immunité cellulaire, l’équipe s’est donc demandé quels