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traditionnel. Par choix personnel nous utiliserons plutôt le terme mariage coutumier car au Gabon cette expression est utilisée pour décrire tout les rituels qui entourent le versement de la dot. Le terme dot signifie aussi mariage coutumier dans le langage courant au Gabon. Pour décrire le mariage coutumier, nous citerons des exemples d'autres pays africains tels que le Cameroun, le Congo. Le choix de ces pays est purement personnel. Outre le fait d'être des pays frontaliers, ils ont en commun certains traits culturels. Nous avons pu remarquer au cours de nos lectures que les rites de mariage se rapprochent beaucoup les uns des autres. Le mariage coutumier a la même origine et revêt plus ou moins la même signification.

Avant l'arrivée des premiers explorateurs en Afrique, les systèmes d'alliances étaient symbolisés par des rituels bien précis. Ces mêmes rituels sont aujourd'hui repris entièrement ou de manière partielle pour marquer ce type d'union. Le mariage coutumier est symbolisé

par la dot. En parlant du mariage chez les Fang, Georges Balandier208 montre en quoi il est

important. En effet il a deux conséquences sociales qui sont l'augmentation du prestige personnel et de la puissance du groupement familial.

Légalement interdite au Gabon en 1963209, le versement de la dot est toujours de mise

lors du mariage coutumier. C'est autour de lui que la célébration du mariage prend tout son sens. Tout cela montre l'impact énorme qu'a cette cérémonie dans la conscience collective gabonaise. C'est durant cette même année que le mariage civil devient obligatoire et demeure la seule union reconnue légalement.

Nous allons à présent voir quelles sont les différentes cérémonies qui composent le mariage coutumier et quels sont les différents rites et actes symboliques qui y sont associés. Pour cela, nous allons dans un premier temps décrire les différentes étapes du mariage. Ensuite nous verrons comment cette cérémonie est vécue et célébrée dans le Nord et le Sud du Gabon. Nous avons choisi aussi de décrire la tenue vestimentaire, le maquillage et la coiffure traditionnels qu'arborent les femmes lors de cette célébration afin de montrer comment se conjuguent les éléments de la tradition et ceux de la modernité. Nous évoquerons la composition et le versement de la dot en mettant l'accent sur la place qu'occupe aujourd'hui l'argent lors de ces différents échanges. Nous reviendrons aussi sur le déroulement du mariage civil au Gabon. Pour finir, nous verrons les aspects juridiques de la dot.

208 G.Balandier, Sociologie actuelle de l'Afrique noire, Paris, Quadrige/ PUF, 1982 (4 ème éd.), p. 120

209 N. Okouma, La polygamie dans le code civil gabonais de 1972, Thèse de droit privé soutenue à Montpellier I, 1981, p. 25

III.1. Les différentes étapes du mariage coutumier

Tout comme dans de nombreux pays africains, au Gabon, la célébration du mariage coutumier se fait par étapes. En observant le mariage chez les Obamba, nous avons remarqué qu'elles sont au nombre de trois et doivent être respectées pour le bon déroulement du mariage. C'est d'ailleurs ce qu'affirme un Évêque de la République Démocratique du Congo : « L'importance que la communauté langagière accorde à l'alliance matrimoniale explique le soin mis par elle à l'élaboration et à la constitution du lien matrimonial. C'est tout un cheminement, un processus dynamique qui se déroule étape après étape, la précédente appelant la suivante et ainsi de suite jusqu'à l'acheminement de l'épouse au domicile

conjugal210 . »

La première étape correspond à ce que l'on peut nommer en Occident, les fiançailles. Cette étape comme son nom l'indique ( présentations) consiste à la présentation par la jeune fille de son futur époux à ses parents. Ensuite, vient le moment du mariage traditionnel avec le versement de la dot à la famille de la fille. Et enfin il y a la cérémonie qui consiste à « déposer » la mariée dans sa nouvelle famille. Très souvent ces trois étapes sont suivies par le mariage civil qui est comme nous l'avons dit, le seul type de mariage reconnu officiellement par les institutions administratives gabonaises.

Selon les pays ou les cultures ces étapes peuvent être différentes. Dans son livre sur le mariage en République Démocratique du Congo (RDC), l'auteur Jean-Marie Vianney

Balegamire211 cite cinq étapes : les fiançailles, le stage, la discussion-versement, la dot,

transfert de l'épouse et enfin consommation du mariage. C'est aussi ce que souligne René

Luneau lorsqu'il étudie l'institution du mariage dans un village malien : «Ici le mariage est

fait de différentes étapes reparties sur plusieurs années et chaque fois cautionnées par les cadeaux prescrits par la coutume. A travers ces nombreux échanges, les deux familles vont

apprendre à se connaître et veilleront ainsi à la stabilité du nouveau mariage212 ».

Nous allons à présent voir comment se déroule la cérémonie des présentations et quelles sont les différentes étapes qui y sont associées.

210 Propos rapportés par J-M. Vianney Balegamire, Mariage africain et mariage chrétien, Paris, l'Harmattan, 2003, p. 81

211 Ibidem, p. 82-83

212 R. Luneau, Les chemins de la noce. La femme et le mariage dans la société ruraledu Mali, Thèse soutenue à Paris V, 1974, p. 335

III.1.1. Première étape : les présentations

L'étape qui consiste à présenter son futur époux à sa famille a une importance primordiale dans la construction du lien entre le jeune homme et sa future belle-famille. Contrairement à d'autres pays, au Gabon, les présentations se font de manière unilatérale. Seul le jeune homme vient se présenter à sa belle-famille. Et, selon les ethnies, cette cérémonie est faite d'échanges réciproques entre les deux familles.

Georges Balandier213 en décrivant la société Fang met lui aussi l'accent sur les

différentes étapes qui accompagnent la célébration du mariage. Ici le caractère symbolique de cette institution est mis en avant.

Pour ce qui est des présentations, la jeune fille devait rester enfermée dans une pièce pendant une semaine. Durant cette période, la mère du mari lui récitait l'arbre généalogique de la famille. Après, il y avait le rituel de sortie durant lequel elle était prise en charge par la parente la plus âgée. Elle était baignée et ointe d'huile. C'était aussi pour les femmes du groupe, l'occasion de lui donner un nouveau nom, indiquant un souhait. Tout ceci se passait lors d'une fête avec des chants et des danses. L'auteur poursuit sa description en montrant que l'alliance qui avait entre les deux groupements familiaux se manifestait par des repas pris en

commun et des réjouissances (éyalô). Elle était consacrée par l'offrande d'un animal destiné

au biéri (autel des ancêtres) des parents de la jeune fille. Cette offrande montrait que les liens existaient entre le groupe des vivants mais également avec la communauté des ancêtres.

L'accent était donc porté sur la prise de possession de la descendance. Selon

Balandier, la récitation de la généalogie paraît très significative à cet égard et favorise la

création d'une alliance qui impose paix et assistance mutuelle. Ainsi se révèlent les deux

fonctions essentielles de la femme qui figure comme élément de fécondité, facteur de paix et d'assistance. Ce sont là les éléments sur lesquels se fonde la société Fang traditionnelle.

En poursuivant sa description, l'auteur montre que cette première phase des fiançailles

est appelée dzâga. Elle symbolise le début d'une série d'échanges entre les deux familles. Le

jeune homme obtient une prééminence sur la jeune fille choisie, le droit de venir vivre auprès d'elle durant plusieurs jours, mais sa famille doit fournir, aux parents de la « fiancée », les premiers cadeaux et apporter son assistance à l'occasion de divers travaux tels que le débroussaillage, la construction des cases et aussi toutes les expéditions pour la pêche et la chasse. C'est durant cette phase que le père de la jeune fille détermine le contenu de la

« dot », nswa chez les Fang.

La cérémonie des présentations est décrite par Justine Elo Mintsa et Grégory Ngbwa Mintsa comme une sorte de « réservation » de la jeune fille. Tout comme la description faite par Balandier elle consiste à la rencontre des deux familles. Toutefois, dans leur version c'est l'homme et sa famille qui viennent voir les parents de la jeune fille. D'ailleurs dans la plupart des groupes ethniques du Gabon cela se passe toujours ainsi. Lorsque le jeune homme se sent prêt, à la date convenue, il se rend chez la famille de la fille accompagné de sa famille. Dans

leur ouvrage214 les deux auteurs décrivent une cérémonie « des présentations » type.

Même si l'objet de la visite est connu de tous, le rituel recommande que la question relative à l'objet de la visite soit tout de même posée. Après que tous le monde se soit assis, l'homme qui représente la famille de la fille, d'un air étonné se tourne alternativement vers son clan et vers les hôtes en disant : «Eéékiéé! Aka! Que se passe-t-il ici ? Les moutons ont arrêté de bêler, les coqs ont cessé de chanter, même les enfants se sont tus. Et voilà que ma maison s'est soudainement remplie. Étrangers, toute personne qui franchit le seul de cette maison est mon hôte.[...] Alors chers hôtes, qu'est ce qui vous amène ? ». Cette question est très importante car elle permet de voir à travers la personne qui répond en premier, celui qui a été mandaté pour représenter le camp de l'homme. Ce n'est qu'après avoir donné son identité, son clan et sa généalogie qu'il répond : « Cher hôte, après tes mots, ma tâche se trouve ô combien facilitée. Je ne me suis réservé que pour ce message […]Depuis quelques temps, mon fils que voici n'est plus le même. Il est toujours absent, même quand il est présent. Il parle sans dire et dit bien plus quand il ne parle pas. Face à cette situation, j'ai décidé de le suivre, et je me suis retrouvé dans votre poulailler.

Quand, au milieu de toutes les poules, j'ai aperçu une poule, l'énigme s'est dénouée. C'est ce qui m'amène aujourd'hui. Je viens demander l'autorisation de permettre à mon jeune coq que voici, de venir de temps à autres admirer cette jolie poule et, bien entendu, d'être le seul à le faire »

Après cette déclaration la famille de la fille se retire pour se concerter et à son retour le représentant répond au père du jeune homme en ces termes : « Cher ami, nous vous avons bien compris et vous remercions. Oui, chaque basse-cour a des poules et des coqs. Et il revient effectivement à chaque coq de choisir sa poule, ou ses poules. Vous avez bien observé,

nous avons une poule ici. Cependant, comme disent les Anciens, ba a vann mbim zok kaghe

mebwiñ (on ne s'attribue pas un éléphant mort sans montrer les marques qu'on y a laissées) ». C'est alors que la famille de l'homme dépose devant la famille de la fille les cadeaux apportés. Selon les cultures et les familles cela peut être des pagnes, du sel, du tabac, des machettes, des pipes, des boissons, une modique somme d'argent, et une pièce de monnaie

que la jeune fille donne à son père.

A travers ce geste, elle donne son consentement. Elle sait qu'elle est « réservée » pour cet homme. Ce dernier peut maintenant venir la voir sans que cela ne soit mal perçu par sa famille. Ils sont alors considérés comme fiancés même si la fille reste dans sa famille.

Nous avons tenu à reprendre intégralement les passages qui décrivent les échanges verbaux entre les deux familles car les mots utilisés nous renseignent sur la place qui est attribuée à chaque personne.

En effet, on remarque bien que seuls les hommes ont la parole. Les gestes aussi ont une signification très importante. Le consentement de la jeune fille qui passe par la remise de la pièce de monnaie à son père. On remarque aussi que le fiancé n'a pas non plus la parole. Le fait que ça soit une personne mandatée par la famille qui parle pour lui, montre que c'est toute la famille qui vient en quelque sorte se présenter et non l'homme tout seul. Symboliquement, il s'agit pour l'homme de déclarer officiellement son amour à l'être aimée.

La cérémonie des présentations se déroule de la même manière chez les Obamba. L'homme qui décide de franchir cette étape prouve qu'il est prêt à construire quelque chose de solide. En effet, tout comme en France par exemple, les deux partenaires ont une appellation propre selon le statut qu'ils occupent dans la relation de couple. On a le petit ami ou le petit copain; le fiancé (le compagnon) et enfin le mari. A part le statut de mari qui est reconnu légalement, les autres appellations sont plutôt confuses. D'ailleurs, nous avons remarqué que très souvent, le mot chéri est utilisé pour pallier au manque d'appellation « officielle ».

Plus qu'une appellation, chez les Obamba les mots utilisés pour présenter sa ou son partenaire ont un réel impact sur la place qu'il peut occuper dans la famille. Ils déterminent les

conduites à tenir. C'est ce que montre Mireille Nzoubou215, lorsqu'elle décrit ces trois

différents statuts :

Le premier statut c'est « Ndighi » qui signifie petit(e) ami(e). C'est celui qu'occupe

l'homme lorsqu' il ne s'est pas encore présenté officiellement auprès de la famille de la jeune fille. A chaque statut correspond des attitudes et des traitements différents par la famille de la fille. En effet, en tant que simple Ndighi, lorsqu'il se rend chez la jeune fille, il est traité avec une certaine indifférence. Lors des réunions familiales, il ne peut pas prendre place au côté des oncles, du père et des frères de la jeune fille car il n'a pas encore sa place au sein « des hommes de la famille ». C'est en quelque sorte un « étranger » à la famille. Rien ne prouve qu'il épousera plus tard la jeune fille. Il n'a donc pas son mot à dire lorsqu'il faut prendre des décisions importantes. Il sera traité ainsi tant qu'il n'aura pas franchi la première étape du

mariage (les présentations). Le statut de Ndighi ne doit pas durer trop longtemps. Si l'homme ne décide pas de passer à la prochaine étape, cela peut être perçu comme étant un manque de sérieux de sa part.

Le deuxième statut « Ompala » signifie fiancé (e). Il s'agit là d'un homme qui s'est

présenté officiellement auprès de la famille de la jeune fille. En accédant au statut d'Ompala, il accède aussi à une autre position au sein de la famille de la jeune fille. Sa fiancée doit lui donner une place assise lorsqu'il vient dans sa famille. Il peut s'assoir avec les hommes de la famille. Mais sa prise de parole dans les réunions familiales est très limitée voire nulle. Il faut souligner que le fait de se présenter ne se termine pas forcement par la conclusion d'un mariage coutumier. Même si dans la plupart des cas, un homme qui décide de se présenter, finit toujours par épouser la jeune fille en versant la dot à sa famille.

Le troisième et dernier statut « Oloumi » signifie mari ou époux et marque l'étape

ultime. Seul l'homme qui s'est présenté et a versé la dot à la famille de la jeune fille peut acquérir ce statut. Même si le mariage n'a pas encore été célébré civilement, il est tout de même considéré comme l'époux de la femme. Il a entièrement sa place auprès des hommes de la famille. Puisque désormais, il en fait partie. Lorsqu'il arrive dans la famille de la femme on doit lui laisser une place. Il peut désormais prendre part aux réunions familiales et son avis est pris en considération.

En parlant des présentations, Jean-Marie Vianney Balegamire216 nous décrit le même

processus avec néanmoins quelques nuances. Pour lui les fiançailles ont une double signification. Dans un premier temps, elles symbolisent la décision implicite ou explicite de la jeune fille ou du garçon d'annoncer leur projet de mariage aux parents ou encore la confirmation du choix fait par les parents pour leur enfant en vue du mariage.

Dans un second temps, elles sont, comme nous venons de le voir, l'acte d'accord qui officialise en quelque sorte la relation et permet ainsi la réservation de la jeune fille concernée

au garçon venu la demander en mariage. Cette demande est toujours accompagnée d'une

valeur, soit-elle symbolique, pour signifier le sérieux du projet de mariage en cours. Cet acte

officiel est appelé kufunga mlango en swahili et kokanga lopango en lingala pour signifier

que la porte est fermée aux autres prétendants.

La période des fiançailles permet aux fiancés et à leurs familles de se connaître et de s'apprécier avant de s'engager dans une alliance matrimoniale. Déjà à ce niveau, nous avons

un double consentement qui doit être manifesté par lesfiancés d'une part, et par leurs familles

d'autre part. C'est la raison d'être des fiançailles officielles qui sont le fruit des consultations et négociations au sein de chaque famille élargies des fiancés.

L'auteur poursuit la description de cette première étape avec la période de stage que l'on ne retrouve ni chez les Obamba, ni chez les Fang du Gabon.

En RDC cette période de stage217 est obligatoire chez de nombreuses tribus. Durant

cette période la fiancée va vivre pendant quelques jours voire quelques semaines dans la famille de son futur époux. Cette dernière peut ainsi apprendre à connaître la future bru et apprécier son comportement et son style de relations avec les membres de la famille. Elle va aussi être jugée sur ses capacités ménagères. Au terme de cette période de stage, si la famille de l'époux juge satisfaisant le comportement de la jeune fiancée durant son séjour, elle demande alors à la famille de celle-ci de discuter de la dot.

Synonyme de fiançailles, l'étape des présentations permet aux deux familles de faire connaissance. Les deux jeunes sont considérés comme des amants reconnus officiellement. Ils peuvent donc se fréquenter.

L'étape des présentations est une étape très importante pour le bon déroulement du processus matrimonial au Gabon. Lorsque deux personnes décident de se marier, si l'étape des présentations n'a pas vraiment eu lieu comme le veut la tradition, le mariage traditionnel qui permet la remise de la dot peut être annulé. De plus, si le couple a déjà des enfants, cela peut changer la donne au niveau des cadeaux qu'il faudra offrir à la belle-famille.

La cérémonie des présentations, tout comme celle de la dot et du dépôt de la mariée ont connu de nombreuses modifications. Avec la modernisation, le développement de l'urbanisation, l'utilisation de la monnaie et la disparition de certaines pratiques traditionnelles, ces différentes étapes du mariage se sont elles aussi modifiées. Les cérémonies sont souvent adaptées au contexte économique et social de la famille. Certains