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3. PROBLÈME ET QUESTION DE RECHERCHE

1.2 Le DRH interface, médiateur et partenaire

Le DRH est intégré dans un réseau de communication où il est appelé à intervenir comme un partenaire d’affaires, chargé de réguler l’action collective par la discussion et la

négociation et en même temps d’agir comme un professionnel des ressources humaines, voire parfois comme expert sur des problèmes spécifiques. L’enjeu stratégique de la fonction de DRH est de positionner les ressources humaines comme une fonction d’interface, de médiateur social et de partenariat stratégique avec les autres composantes de l’entreprise, parties prenantes internes et externes, composantes hétérogènes de la réflexion, de l’analyse et de la décision finale. « L’acteur RH est ce communiquant incontournable dans l’élaboration et le suivi du dialogue social avec les partenaires ad hoc, ce médiateur ès qualités des conflits et autres divergences ou requêtes de collaborateurs de tout poil, cet émissaire attitré de l’interface » (Added et al, 2009, p. 174). Dans la ligne d’Habermas (1992), la médiation est un processus par lequel une personne physique ou morale engage une dynamique de recherche de liens intersubjectifs dans le dialogue par une ouverture à l’autre, sujet à comprendre et non objet à appréhender (Amour, 2006). « Cette démarche requiert un certain dessaisissement de soi. Elle a pour but d’accéder à une perspective nouvelle et de construire un meilleur univers relationnel » (Six et Mussaud, 2008, p. 111). Cela implique de renoncer à un quelconque pouvoir sur l’autre, mais de permettre à ce dernier d’acquérir par lui-même la meilleure démarche à engager. S’exerçant de cette manière, la médiation se présente à la fois comme sociale et cognitive (Amour, 2006).

Intervenant spécialisé pour aider à la négociation et au dialogue, la médiation fait partie du rôle du DRH (Stimec, 2011). Ce dernier devient l’interlocuteur incontournable de la gestion de l’entreprise. C’est « une position centrale dans le fonctionnement des organisations modernes » (Raveleau et Chalumeau, 2010, p. 244).

Les directions de ressources humaines exercent de plus en plus un pouvoir de décision face aux directions opérationnelles pour ce qui concerne la gestion administrative du personnel. Elles sont aidées en cela par les avancées technologiques qui favorisent la simplification des tâches administratives de gestion du personnel et aussi leur externalisation. Cela modifie les contours de l’opérationnalité du DRH et de son pouvoir réel, d’autant que se développent des méthodes d’analyse et de prospective concernant la formation, le recrutement, l’organisation du travail, l’objectif de qualité. Tout cela se décline en termes de flexibilité, de gestion prévisionnelle, de compétence et de polyvalence, de gestion par projet et de travail en équipe, etc. « La fonction RH développe des enjeux qui lui sont spécifiques tout en intégrant les enjeux des autres fonctions, et ce, sans se mettre au service de celles-ci » (Attias-Delattre, 2010, p. 180).

Les DRH sont amenés à jouer de leurs compétences pour accroître leur crédibilité professionnelle et personnelle qui leur confère une reconnaissance de la part de leur

environnement social. Ces compétences s’expriment dans leur rôle de partenaire référentiel en ressources humaines. Il leur revient d’en améliorer et d’en assurer la gestion auprès de toutes les parties prenantes internes. Ces compétences leur confèrent aussi le statut de champion et défenseur des droits et des intérêts du personnel ainsi que de communicateur des objectifs de l’entreprise. Elles leur attribuent encore un rôle d’agent du changement par la médiation sociocognitive pour accroître l’efficacité humaine et organisationnelle de l’entreprise (Morin et Lamaute, 2012). Mais plus que cela, le DRH et son équipe de gestionnaires des ressources humaines sont aussi engagés dans un rôle de vigie de l’environnement interne et externe. Ils le sont aussi dans l’alignement et l’harmonisation des ressources humaines avec les objectifs de l’entreprise : « l’une des responsabilités essentielles de la fonction personnelle est de rendre compatible les objectifs économiques et les objectifs sociaux de l’organisation » (Attias- Delattre, 2010, p. 171). Enfin activité importante et pas des moindres, le DRH et leurs collaborateurs immédiats sont voués au développement du capital humain. « Le développement du capital humain constitue, indiscutablement, la ressource essentielle au service de la stratégie de l’entreprise » (Ibid., p. 137). Il en résulte que l’amplitude de sa fonction conduit le DRH à s’inscrire dans un partenariat stratégique avec l’ensemble des parties prenantes internes et externes, « l’alignement de cette gestion stratégique des RH avec les objectifs d’affaires permet de produire des résultats organisationnels » (Morin et Lamaute, 2012, p. 120). Le positionnement des DRH ou de leurs représentants est donc désormais orienté autant vers l’amont par son implication dans les décisions stratégiques que vers l’aval par son expertise initiale de gestionnaire des problématiques humaines.

Au regard du concept de stratégie, le positionnement du DRH apparaît malgré tout laborieux. Doit-il privilégier la stratégie générale de l’entreprise et y conformer sa politique RH ou doit-il privilégier la stratégie des ressources humaines pour tenter de l’intégrer dans la politique générale de l’entreprise. L’affirmation du caractère stratégique de la fonction de DRH provient de son positionnement central dans l’entreprise au croisement de ses diverses responsabilités tout aussi importantes les unes que les autres, qu’il s’agisse de sa spécificité technique ou de la gestion de l’entreprise (Guerin, Pigeyre et Gilbert, 2009). De ce fait, « le rôle stratégique du DRH réside moins dans sa capacité à anticiper l’avenir que dans les deux rôles plus politiques d’intermédiation et d’expertise qu’il est appelé à jouer auprès des acteurs internes et externes de l’organisation » (Ben Hassel et Raveleau, 2012, p. 50). Cela nécessite de gérer une tension permanente et une recomposition permanente de la fonction entre toutes les missions du DRH. Il est chargé de servir les intérêts de son organisation en développant une culture du résultat intégrant la réalité de la gestion économique, la connaissance d’autres

langues dans le cadre des mutations organisationnelles et parfois de particularités culturelles lorsqu’il y a fusion et/ou internationalisation. Il est aussi appelé à servir les membres de l’entreprise en axant son action sur la formation et la gestion prévisionnelle de compétences et des carrières (Morin et Lamaute, 2012), en vue d’aider les personnes à devenir acteurs de leur vie professionnelle grâce à leur capacité d’adaptation dans le monde qui s’offre à eux (Levet, 2005). Il est convié encore à faire croître les niveaux de compétence de ses collaborateurs sur les spécificités nouvelles du métier de GRH : connaissances juridiques, dynamisme communicationnel, utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) (Ben Hassel et Raveleau, 2012). La crédibilité du DRH stratège découle certes de sa connaissance des outils techniques de la GRH, encore que ces derniers puissent être délégués en interne comme en externe, mais elle prend toute sa valeur par la confrontation de la technique professionnelle à la réalité du terrain dans le cadre des intermédiations du DRH entre toutes les parties prenantes. C’est en tant qu’expert terrain polyvalent, généralement confirmé par le temps et l’expérience que le DRH devient acteur du changement et qu’il a toute sa place dans le comité de direction où se prennent les décisions stratégiques. Selon

Guérin, Pigeyre, et Gilbert (2009), ce ne sont pas ses capacités anticipatrices et aléatoires qui lui donnent son statut stratégique, c’est davantage son rôle de médiateur dans la défense des intérêts humains et de l’éthique dans l’entreprise.

2. L’ÉTHIQUE EN ENTREPRISE

Pour que le positionnement du DRH soit vraiment stratégique, cela implique de la cohérence dans la mise en œuvre de pratiques pertinentes harmonisées avec des valeurs reconnues et attendues de la part de tous les interlocuteurs (Léonard et Taskin, 2010). « Il appartient à la fonction RH de ‘‘souder’’ la communauté de travail en identifiant et en déployant les valeurs de l’entreprise » (Loufrani, 2012, p. 336). Le DRH est invité à garantir et promouvoir les valeurs et l’éthique auxquelles se réfère son entreprise (Ibid). C’est aussi par l’importance attribuée au respect des valeurs et à l’éthique que le DRH s’impose comme garant de la dimension humaine de l’entreprise au regard de sa stratégie, de sa pérennité, de ses hommes (actionnariat, encadrement, personnel), de son environnement et de ses parties prenantes externes (Boutinet, 2012).

Dans l’entreprise, le concept d’éthique est le plus utilisé, mais il est parfois substitué par celui de morale ou de déontologie. L’éthique, dans la ligne de Ricœur (1990), d’Habermas (1992) et de Weber (1963), implique une dimension évolutive, le sens de sa responsabilité et

celui d’une altérité interrelationnelle alors que le concept de morale objectivise rationnellement les valeurs universelles et renvoie à une perspective normative, parfois figée, celle du tout ou rien; de même que le concept de déontologie s’inscrit dans une codification contraignante et rigide. De par la personnalisation de l’expérience éthique et de son exercice dans diverses réalités humaines, la notion même d’éthique n’a pas d’application univoque. Il convient d’en définir le contenu, car d’un endroit à l’autre et d’une personne à l’autre le concept d’éthique n’a pas la même signification (Dion, 2004). On peut parler d’éthique économique, sociale, culturelle, artistique, voire même l’assimiler à une fonction spécifique, l’éthique du comptable, de l’informaticien, du médecin, de l’avocat, etc. De ce point de vue le concept d’éthique semble plus adéquat pour conduire une réflexion approfondie sur les fondamentaux de la pratique professionnelle en entreprise (Fauvy et Heitz, 2012) et plus particulièrement sur ce que cela implique dans le fonctionnement et le positionnement du DRH. « L’éthique est donc le temps négocié de soi-même et des autres au quotidien des opérations de management » (Bibard, 2005, p. 184).