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Impact de la sexualité sur la société, les organisations, les entreprises

1. CONTEXTE

1.3 Impact de la sexualité sur la société, les organisations, les entreprises

Le respect de l’éthique dans la société, est fédérateur de l’ensemble des individus qui la compose car elle conforte les relations basées sur la confiance, elles sont constructives et nécessaires à la réussite des rapports humains. « L’éthique nécessite une connaissance de la totalité sociale qui réunit les humains et sans laquelle le lien social devient vide de sens » (de Nanteuil, 2011, p. 247). C’est particulièrement vrai lorsque cela s’applique aux relations sexuées inhérentes aux rapports humains. « S’il est une ‘‘révolution’’ sociale contemporaine dont les effets directs ou indirects constituent un enjeu majeur de ce début de XXIe siècle, ce n’est pas – comme on aurait pu l’attendre – celle des classes qui a occupé la conscience politique internationale et nationale pendant plusieurs décennies, mais celle des sexes » (Collin, 2002, p. 39).

La sexualité se compose de phénomènes divers apparemment éloignés les uns des autres : comportements, sensations, images, désirs, instincts, passions (Foucault, 1984a). Mais, si l’objectif premier qu’elle poursuit est avant tout d’assurer la reproduction, la sexualité est aussi indispensable économiquement, socialement et politiquement (Foucault, 1976). En tant que telle, il est normal qu’elle fasse l’objet d’une étude sociologique. « Les problématiques de sexe ont bénéficié d’un travail de rupture et de construction, pour se hisser à un niveau d’appréhension sociologique considérant les rapports entre les sexes/genres en tant que rapports sociaux » (Gaussot, 2005, p. 163).

Afin de comprendre l’incidence de la sexualité dans nos sociétés, on ne peut se contenter d’en vérifier l’impact à partir d’éléments essentiellement cognitifs tels que les raisonnements logiques et les capacités d’abstraction. Damasio (2002) montre la nécessité

pour tout individu de mobiliser certaines zones affectives et les émotions qui les accompagnent pour accomplir des actions logiques. Le processus émotionnel est d’ordre réactif et social qui se traduit par l’expression de sentiments et d’affects tels que la peur, l’angoisse, l’horreur, la colère, l’amour (Charmille, Dayet, Farruga et Schurmans, 2008). « Si les émotions nous accompagnent tout au long de notre vie, elles nous accompagnent également dans toutes les sphères de notre vie (travail, étude, loisirs, vie en couple, vie familiale, etc.) » (Amherdt, 2005, p. 23). Les émotions et les sentiments sont des phénomènes culturels qui insèrent la personne dans un ordre social. « Les émotions et sentiments non seulement se construisent, mais cette construction relève d’une activité sociale, collective et historique » (Charmille et al., 2008, p. 12). Selon Amherdt (2005), les émotions s’inscrivent dans une forme d’intelligence sociale qui permet à l’individu de contrôler ses propres émotions et celles des autres, pour en distinguer leurs particularités et à utiliser cette information pour guider à la fois sa pensée et son action. « La régulation des émotions et des expressions émotives transforme le sujet dans son rapport à soi et aux autres » (Jeantet, 2003, p. 110).

L’efficacité organisationnelle dépend de la prise de conscience des émotions et des sentiments qui se vivent chez soi et chez les autres et de leur régulation. « Dans une organisation, la fixation des buts, la sélection et l’utilisation de l’information, les décisions sont étroitement liées à des jugements et des sentiments personnels où la colère, la joie, la peur, la honte, tiennent souvent un rôle prépondérant» (Chanlat, 2003, p. 122).

La sexualité s’accompagne d’émotions et de sentiments. « Les événements de vie […] agissent sur la personne et notamment, sur sa sexualité, avec une accentuation du niveau global d’émotion » (Poudat, 2012, p. 97). « Il s’agit donc d’intégrer la sexualité dans une approche des émotions et des affects afin de comprendre les liens qui unissent les hommes entre eux, car ce qui l’intéresse ce sont les interrelations et les échanges » (Loyola, 1999, p. 69). L’entreprise est un univers social qui met en jeu des rapports humains à dimension sexuée, lesquels peuvent devenir sexuels. « Les rapports sexuels […] prennent place à l’intérieur d’un faisceau de relations qui sont celles de l’affection, de l’attachement et la réciprocité » (Foucault, 1984b, p. 247). Les émotions qui s’y vivent traitent de la relation à autrui avec le corps comme instrument de transmission (Charmille et al., 2008). « Le corps reste le lieu où s’expriment la sexualité ainsi que le rapport à l’autre » (Snyder et Pelletier, 2009, p. 125). La sexualité n’est pas raisonnée, elle s’exprime à travers des émotions, de l’affectivité et aussi des pulsions parfois difficilement contrôlables (Mimoun, 2008). La sexualité peut dans ce cas être perçue comme une menace potentielle pour la performance de

l’organisation (Bataille, 1965). Les relations sexuées suscitent des émotions qui introduisent des rapports sociaux spécifiques parfois ambigus : « La prescription et la proscription des émotions au travail participent à la production de rapports sociaux nouveaux et spécifiques, qui s’exercent en plus des rapports sociaux de classe et de genre » (Jeantet, 2003, p. 108) « Sans en être conscients, nous traversons un monde bombardé de signaux sexuels multiformes qui se manifestent partout » (Ruffié, 1986, p. 108). Ces relations n’ont pas nécessairement un caractère destructeur et contraignant. « Beaucoup ont voulu voir dans la sexualité l’origine de la socialisation et de l’art » (Ibid., p. 19). « Certains vont même à déclarer que l’amour, l’empathie, l’enthousiasme sont des conditions sine qua non du succès et de l’excellence organisationnelle » (Chanlat, 2003, p. 116). Le travail dans l’entreprise est ainsi la scène de l’émergence répétée de différentes émotions. Face aux relations sexuées dans le milieu du travail il semble difficile de laisser les émotions ‘‘à la porte’’ des organisations (Soares, 2003).

Sous l’image de l’entreprise, lieu de travail à la perspective économique, se dissimulent des phantasmes, des passions, des sentiments, des pulsions qui s’entrecroisent et perturbent bien souvent l’objectif premier et rationnel de l’entreprise, sa réussite. « Non seulement l’affectivité irrigue les entreprises, mais encore l’inconscient groupal ou organisationnel y parle fort » (Enriquez, 1997, p. 9). Il en résulte que la cohérence de l’organisation n’est pas évidente. Elle s’efforce de maîtriser l’anticipation et l’élaboration des objectifs à atteindre par une rationalisation de ses méthodes managériales et organisationnelles, voire par l’instauration d’une bureaucratie des conduites au risque d’une ‘‘quantophrénie rassérénante’’, sorte de maladie de la mesure dont le symptôme dominant consiste à considérer le chiffrage de l’évaluation du travail comme étant le seul critère de pertinence (Herreros, 2012). Il s’agit en fait de canaliser les pulsions vers le travail productif en contrôlant le monde de l’imaginaire, du désir et des phantasmes qui se manifeste dans les comportements de ses membres. « L’imaginaire [...] se présente comme [...] la mise en rapport de ce qui est habituellement [...] disjoint : le sexe et le travail, le plaisir et le labeur » (Enriquez, 1997, p. 85). La gestion de l’imaginaire reste cependant aléatoire pour l’entreprise car « le genre humain est radicalement en proie à la séduction, de tout temps, dans l’inconscient » (Sibony, 1986, p. 60). Elle s’efforce d’y arriver en faisant adhérer les individus à la culture et aux valeurs qu’elle définit et défend. Elle se donne des structures pour ce faire, telles que les chartes ou autres organisations de contrôle. En matière de sexualité, ce qui est notre propos, « les pulsions instinctives qui sous-tendent la vie sexuelle sont presque toujours plus fortes que les interdits sociaux » (Ruffié, 1986, p. 194). Leur gestion est donc complexe.

C’est pourquoi il paraît indispensable d’approfondir la connaissance de la sexualité, du désir qu’elle suscite et de la séduction qu’elle engendre avec ses conséquences sur les comportements humains au sein de l’entreprise pour en gérer au mieux l’impact.