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Le dossier de l’activité libérale des praticiens

La loi autorise les praticiens statutaires exerçant à temps plein – et eux seuls – à exercer une activité libérale au sein de l’établissement où ils exercent ou dans celui de leur exercice principal

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Cette activité libérale qui peut comprendre des consultations, des actes et des soins en hospitalisation est singulière au plan juridique. En effet, le patient est alors le plus souvent pris en charge par l’établissement pour une part substantielle de ses soins, tout en bénéficiant pour une partie de l’activité médicale, d’une relation personnelle, « privée », avec un praticien exerçant dans un cadre libéral, rémunéré par honoraires.

Ceci a des conséquences sur les modalités de communication du dos-sier médical.

Obligations personnelles du praticien

 Le médecin hospitalier à temps plein qui est habilité à exercer au sein de l’hôpital une activité libérale, selon des modalités fixées par le contrat qu’il a passé avec son établissement2, est tenu a minima de constituer et de conserver sous sa seule respon-sabilité une fiche d’observation, et le cas échéant un véritable dossier médical, dans les conditions de toute activité médicale en ville.

Cette obligation résulte des obligations déontologiques suivantes :

« (…) le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d’observation qui lui est personnelle ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du médecin (…) » (art. R. 4127-45, C. santé publ.)3.

« Sous réserve des dispositions applicables aux établissements de santé, les dos-siers médicaux sont conservés sous la responsabilité du médecin qui les a établis » (art. R. 4127-36, C. santé publ.).

 En cas de demande d’accès à ces documents, le médecin en donnera communication personnellement au demandeur dans les conditions de droit commun prévues par la loi.

Il établira le moment venu, par précaution, un procès verbal de destruction des dossiers, au terme de leur conservation.

 Le Conseil national de l’Ordre des médecins recommande, à défaut de précision règlementaire, que les médecins d’exercice libéral conservent leurs dossiers au moins vingt ans, s’alignant ainsi sur les règles applicables aux établissements de santé4.

 Lorsque le médecin libéral cesse son activité (v. p. 51-52), par suite le plus souvent d’une décision programmée, il est important qu’il en avertisse par avance ses patients (information orale, affichage dans la salle d’attente).

Compte tenu de la spécificité de cette activité, le médecin n’aura pas à proprement parler de successeur. Conformément aux recommandations de l’Ordre national des médecins, il transmettra avant son départ le dossier de ses patients, sur leur demande, aux médecins qu’ils lui auront désignés pour assurer la continuité des soins5.

A défaut de succession, les dossiers – pour la partie relative à l’activité libérale - seront conservés par le praticien ou seront directement transmis aux patients qui le demandent.

Obligations de l’établissement

 Les textes sont peu diserts sur les conditions de gestion des dossiers médicaux dans le cadre de cette activité, à l’exception d’une clause du contrat-type règlementaire

« d’activité libérale » devant être conclu entre le praticien concerné et l’établissement6. Cette clause prévoit que « l’établissement s’engage à veiller (…) à ce que les dossiers et documents médicaux soient conservés sous la responsabilité (du praticien) à l’abri des indiscrétions ».

Il en résulte ainsi une double obligation :

- celle de l’établissement de veiller à la bonne conservation des dossiers dans les conditions de confidentialité appropriées ;

- celle du praticien, qui conserve l’entière responsabilité de la gestion des dossiers dont il est responsable.

 Une organisation doit être définie par l’établissement avec chaque praticien concerné.

A défaut de pouvoir le préciser dans le contrat d’activité libérale conclu par l’établis-sement avec le praticien, il est recommandé d’établir un protocole (ou une convention) avec chaque praticien concerné, afin d’en définir les modalités concrètes : conditions du dépôt, lieu de conservation, conditions de consultation et de communication, etc.

Ce document de nature contractuelle pourra notamment définir les conditions de facturation au praticien de la conservation de ses dossiers, ainsi que de leur communi-cation lorsqu’ils sont « externalisés » à titre onéreux auprès d’un prestataire7.

En pratique

 Deux situations seront a priori distinguées :

- celle où les actes médicaux sont effectués sans que ne soient mis à disposition du praticien par l’établissement des équipements et des personnels pour les examens de diagnostic et les soins (c’est en général le cas des « consultations » privées). Il s’agit alors d’une activité en somme « extra-hospitalière », bien que s’effectuant dans les locaux de l’hôpital, dans laquelle le médecin gère direc-tement et complèdirec-tement ses dossiers. Un accord avec la direction de l’hôpital

formalisera le cas échéant l’assistance que l’établissement apportera pour la bonne conservation des dossiers et leur communication en tant que de besoin, - celle où l’activité exercée à titre libéral s’inscrit dans une prise en charge

globale hospitalière (cas de la chirurgie par exemple, faisant intervenir l’équipe chirurgicale et anesthésique) ou dans laquelle d’autres moyens que les seuls locaux de consultation sont mis à disposition de l’activité ou du moins y sont associés (équipements, fournitures, personnels). Dans cette situation, le patient relève partiellement de l’activité « publique » de l’établissement de santé.

L’établissement doit alors établir un dossier médical et en assurer la conservation dans les conditions ordinaires. Le praticien pourra y joindre ses fiches d’observation ou son propre dossier médical, ceci dans l’intérêt du patient (afin qu’il puisse ainsi que l’équipe hospitalière avoir commu-nication d’un dossier unique) et avec l’accord du directeur de l’établissement.

 La communication des informations s’effectue selon le cas :

- par le praticien concerné exerçant à titre libéral, pour les actes qui le concernent, ou pour l’ensemble des actes s’il est responsable de la prise en charge globale du patient,

- par un autre médecin de l’établissement, le cas échéant, si les informations demandées portent exclusivement sur la partie « hospitalière » de la prise en charge8.

La direction de l’hôpital et le médecin exerçant à titre libéral conviendront ensemble des modalités de communication en cas de doute.

Accès à des fins de contrôle

Le service du contrôle médical de la Sécurité sociale peut se faire communiquer, dans le cadre de sa mission d’analyse de l’activité des professionnels de santé exerçant à titre libéral, l’ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité. « Dans le respect des règles de la déontologie médicale, il peut consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l’objet de soins dispensés par le profession-nel concerné (…) » (art. R. 315-1-1, C. Séc. soc.).

En revanche, les agents de l’administration fiscale ne peuvent avoir accès aux documents couverts par le secret médical et donc aux dossiers médicaux9.

Notes du chapitre 18

1- Art. L. 6154-1 et s., C. santé publ.

2- Art. R. 6154-4, C. santé publ. (annexe 61-2).

3- Bien que le texte fasse référence à une « fiche d’observation » qui renvoie à l’idée d’un support d’informa-tion moins important et rigoureux que le dossier médical, le Conseil nad’informa-tional de l’Ordre des médecins a néanmoins souligné que « ces fiches doivent être considérées comme des dossiers » et qu’à ce titre, « les médecins libéraux doivent s’inspirer des textes (qui fixent le contenu des dossiers hospitaliers) en les sim-plifiant au maximum » (CNOM, Guide d’exercice professionnel, Flammarion, coll. « Médecine Sciences », n° 34, 1998, p. 209).

4- CNOM, Dossiers médicaux, conservation, archivage, mai 2009 5- Id.

6- Art. R. 6154-4, C. santé publ. (annexe 61-2)

7- Proposition de protocole : Protocole entre (établissement) et (le Dr./Pr….) :

Art. 1 - Conformément aux dispositions de l’article R. 6154-4 du Code de la santé publique et de l’annexe 61-2 constituant le contrat-type d’activité libérale prévu par l’article L. 6154-4 du Code de la santé publique, et pour la mise en œuvre du contrat d’activité libérale conclu le (date) entre (l’établissement) et (le Dr./Pr. ..), (l’établissement) s’engage à veiller à ce que les dossiers et documents médicaux relevant de l’activité libérale exercée dans ce cadre par (le Dr./Pr…) soient conservés au sein de l’établissement sous la responsabilité du (Dr./Pr….).

Art. 2 – Les dossiers et documents visés à l’article 1 seront conservés comme suit (local, modalités d’accès, etc. ; le cas échéant : principe de conservation des pièces et documents dans le dossier

« hospitalier » des patients concernés).

Art. 3 – (le cas échéant) En cas de demande de communication des dossiers et documents, il sera pro-cédé ainsi (préciser).

Art. 4 – à l’échéance du contrat d’exercice libéral, il sera procédé ainsi (remise des dossiers et docu-ments à un successeur désigné, conservation des dossiers et docudocu-ments par le médecin sur son nouveau lieu d’exercice, versement des informations dans le dossier médical « hospitalier » des patients, etc.).

Fait à…, le…

Signatures du directeur de l’établissement et du médecin.

8- Il revient au praticien de bien veiller, dans ses explications sur les modalités de la prise en charge, « à ce qu’aucune confusion n’apparaisse entre l’activité publique et l’activité privée » (CNOM, Commentaires du Code de déontologie médicale, 2001, sous l’article 98, p. 286).

9- CE, 13 mai 1998. Le Conseil d’État confirme une décision de la Cour administrative d’appel de Paris qui avait prononcé l’irrégularité d’une procédure d’imposition au motif que les documents qui avaient permis de contrôler la comptabilité du praticien en cause étaient couverts par le secret professionnel.