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UN DONNEUR DE CELLULES SOUCHES ?*

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C) Le développement excessif du tissu adipeux : l’obésité

L’indice de masse corporelle (IMC), rapport du poids sur la taille au carré, permet d’évaluer la corpulence d’un individu adulte. Le tableau 3 présente la classification des adultes de poids normal, en surpoids, obèse ou maigre (sous-poids).

Tableau 3: Classification des adultes maigres, normaux, en surpoids et obèses selon l’IMC Classification IMC (kg/m2) Sous-poids Maigreur sévère Maigreur modérée Maigreur légère < 18,50 < 16,00 16,00 - 16,99 17,00 - 18,49 Poids normal 18,50 - 24,99 Surpoids Pré-obèse ≥ 25,00 25,00 - 29,99 Obésité Obésité de classe I Obésité de classe II Obésité de classe III

≥ 30,00 30,00 - 34,99 35,00 - 39,99

≥ 40,00

Classification définie par l’organisation mondiale de la Santé

D’après WHO expert consultation, The Lancet, 2004,.(48)

L’obésité correspond à une surcharge pondérale résultant d’un développement excessif du TA. Les potentialités d’extension du TA sont uniques. En effet, la masse grasse peut-être multipliée par quatre chez un individu obèse et peut représenter jusqu'à 60 à 70% de sa masse corporelle.

De nombreux événements cellulaires et biochimiques sont responsables de la croissance excessive du TA adulte. Dans les paragraphes suivants, nous allons voir les modifications du TA lors de l’obésité, aussi bien dans sa composition cellulaire que dans ses fonctions métaboliques et sécrétoires.

C.1) Les modifications cellulaires du tissu adipeux

C.1.1) Les adipocytes et les cellules souches/progénitrices

Les changements dans la masse du TA sont associés à des modifications de la taille et du nombre des adipocytes (214). L’augmentation du volume des adipocytes correspond à une hypertrophie adipocytaire. Le diamètre moyen d’un adipocyte peut aller jusqu’à 120µm chez le sujet obèse. Selon l’hypothèse dite de la « taille critique », la cellule adipeuse se chargerait en TGs jusqu'à atteindre une taille critique au-delà de laquelle une phase d’hyperplasie apparente apparaîtrait au sein du tissu. Ces nouveaux adipocytes proviendraient de la prolifération et/ou du recrutement de cellules progénitrices associés à leur différenciation. Les études de Crossno et al montrent que des souris soumises à un régime gras sont capables de recruter des cellules souches de la moelle osseuse dans le TA afin de former de nouveaux adipocytes (54), cependant les mécanismes impliqués ne sont pas caractérisés. Ainsi deux phases adipocytaires auraient lieu dans le TA une phase d’hypertrophie cellulaire suivie dans les cas d’obésité sévère d’une hyperplasie adipocytaire (15, 249). Les mécanismes responsables de l’hypertrophie adipocytaire s’expliquent par des altérations des activités métaboliques (lipogenèse et lipolyse) des adipocytes. Nous le verrons dans le chapitre suivant. L’augmentation du nombre d’adipocytes est moins bien définie. Récemment, les travaux de Tchoukalova et al. indiquent que la proportion des préadipocytes de la FSV, positifs pour le marqueur aP2 et négatifs pour le CD68 (un marqueur des macrophages), est diminuée avec l’obésité (262). Ces travaux peuvent être associés à ceux de van Harmelen indiquant que la capacité de différenciation adipocytaire des cellules de la FSV est négativement corrélée avec l’IMC (271).

C.1.2) Les cellules endothéliales

Des travaux de notre groupe indiquent que l’évolution du réseau vasculaire est parallèle à celui de la masse adipeuse suggérant que le développement du TA est associé à une néovascularisation. En effet, le pourcentage de cellules endothéliales des capillaires sanguins, caractérisées par la double expression CD34 et CD31, au sein de la FSV, reste constant avec l’augmentation de l’IMC (173). La dépendance du TA vis-à-vis de son réseau vasculaire au cours de l’obésité a été mise en évidence grâce à de récents travaux montrant que des facteurs anti-angiogéniques limitent le développement de la masse grasse dans

différents modèles de souris obèses (19, 233). De plus, l’apoptose sélective des cellules endothéliales, in vivo par l’utilisation d’un phage contenant un peptide pro-apoptotique associé à la prohibitine, une protéine membranaire de surface, entraîne une réversion de l’obésité chez la souris (129). Ainsi, le réseau vasculaire joue un rôle déterminant dans la croissance mais également dans le maintien de la masse grasse. Les mécanismes impliqués dans l’extension du réseau vasculaire lors du développement du TA ne sont pas connus. Cependant, de nombreuses évidences montrent que les adipocytes sécrètent de nombreux facteurs angiogéniques (16, 17, 154, 301) et que cette production est augmentée avec l’état d’obésité (247). De plus, on peut supposer que les cellules CD34+/CD31- pourraient également via des processus de vasculogenèse, i.e. différenciation en cellules endothéliales, participer à l’augmentation du résseau vasculaire du TA. Récemment, une étude réalisée sur un modèle de souris obèse db/db a évalué simultanément l’angiogenèse et l’adipogenèse et a montré une étroite relation spatiale et temporelle entre la formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants et le processus de différenciation adipocytaire (189).

C.1.3) Les macrophages

La présence de macrophages au sein du tissu adipeux a été mise en évidence depuis longtemps par les histologistes (263) mais n’a suscité que très peu d’intérêt jusqu'à ces dernières années. Des observations récentes suggèrent l’implication de cette population cellulaire dans l’installation d’un état pro-inflammatoire, au sein du TA, lors de son développement excessif. En effet dans différents modèles animaux d’obésités, une accumulation de macrophages a été observée lors du développement de la masse grasse (286, 293). De plus, notre groupe a montré que le pourcentage de macrophages au sein de la SVF est corrélé de façon positive avec l’IMC dans les tissus adipeux sous-cutanés (55) et viscéraux (56) humains. Inversement, l’équipe de K. Clément a montré que la quantité de macrophages infiltrés dans le TA est diminuée après une perte de poids chez des sujets obèses (24, 46).

L’origine de cette augmentation de la population macrophagique au sein du TA des sujets obèses n’est pas bien comprise. De par les similitudes d’expression génique entre adipocytes et macrophages et l’observation des capacités de phagocytose décrites dans le préadipocyte humain, il a été suggéré que les macrophages puissent provenir de la différenciation des préadipocytes (235). Cependant notre équipe n’a pu mettre en évidence

d’activité hématopoïétique à partir de précurseurs adipocytaires humains (241). Des expériences de transplantation de moelle osseuse chez la souris démontrent que 80% des macrophages du TA sont d’origine médullaire, suggérant ainsi que les macrophages du TA sont issus de l’infiltration de monocytes sanguins circulants (286). De plus, notre groupe a montré que les sécrétions adipocytaires stimulent l’activation endothéliale conduisant à une augmentation de l’adhérence et de la transmigration des monocytes sanguins à travers l’endothélium du TA humain (55). En conditions normales, la fonction majeure des macrophages résidents au sein d’un tissu est d’éliminer le matériel étranger et les cellules apoptotiques, processus essentiel dans le maintien de l’homéostasie tissulaire. Le rôle des macrophages au niveau du TA lui-même reste à être clairement défini. Toutefois, des travaux récents chez la souris indiquent que l’infiltration des macrophages due à une obésité induite par un régime hypercalorique semble être plus liée à l’insulino-résistance associée à l’obésité qu’à l’augmentation de la masse grasse (155, 192, 286).

C.2) Les modifications des fonctions métaboliques du tissu adipeux

Au cours de l’obésité, une augmentation de la lipogenèse semble évidente. Quelques études ont rapporté que l’activité de la LPL était associée à la taille des adipocytes (66, 75). Un excès de masse grasse s’accompagne également d’une altération de la fonction lipolytique du TA au repos et au cours de l’exercice physique (102). Plusieurs travaux in vitro menés au laboratoire ont évalué l’effet de l’obésité et du surpoids sur la régulation adrénergique de la lipolyse. Le nombre de récepteurs α2A-adrénergiques a été corrélé positivement avec la taille

des adipocytes. Ainsi, les récepteurs α2A-adrénergiques sont fortement exprimés dans le TA

sous-cutané où les adipocytes sont hypertrophiés, et bien plus dans le tissu fémoral qu’abdominal suggérant une faible activité lipolytique de l’adrénaline dans le TA abdominal voire antilipolytique dans le TA fémoral chez la femme (13, 166). Chez le sujet obèse, les réponses lipolytiques mesurées in situ dans le TA sous-cutané, sont très diminuées par rapport à des sujets de poids normal au cours d’un exercice physique. Ceci s’explique par une activation soutenue des récepteurs α2A-adrénergiques, surnuméraires dans les adipocytes

hypertrophiés de l’obèse (255). Par ailleurs, de nombreux travaux mentionnent une perte de sensibilité du TA sous-cutané aux catécholamines au repos, ce qui entraîne une diminution des réponses β-adrénergiques. Cette résistance aux catécholamines dans l’adipocyte d’obèse

pourrait provenir d’une diminution de la fonction β2-adrénergique (70), d’une diminution de

isoforme catalytiquement inactive (219). Notons que des différences dans la lipolyse et la lipogenèse ont été décrites dans les TA humains sous-cutanés et viscéraux de patients obèses (72, 136).

C.3) Les modifications des fonctions sécrétoires du tissu adipeux

Comme nous l’avons précédemment évoqué, le TA se comporte comme un organe endocrine. Ainsi, de nombreuses études se sont focalisées sur les modifications des sécrétions de ce tissu au cours de l’obésité (72). Dans le tableau 4 sont présentés les principaux facteurs connus pour être modulés lors du développement excessif de la masse grasse.

Tableau 4: Sécrétions du tissu adipeux modulées au cours de l’obésité

Augmentation Diminution Hormone Leptine Facteurs de croissance et cytokines TNF-α IL-1, 6, 8 et 10 Résistine Apeline iNOS TGF-β MCP-1 HGF Adiponectine Protéases et inhibiteurs de protéases PAI-1 Cathepsine K et S MMP-9 Autres Angiotensine Tissue factor Facteur VII C-reactive protein

(TNF-α: tumor necrosis factor- α, IL: interleukine, iNOS: inducible nitric oxide synthase, TGF-β: transforming growth factor-β, MCP-1: monocyte chemoattractant protein-1, HGF: hepatocyte growth factor, PAI- 1:plasminogen activator inhibitor 1, MMP-9 : matrix metalloprotease 9)

En résume, l’obésité chez l’homme s’accompagne d’un remodelage important de la masse grasse associé à des modulations des fonctions métaboliques et sécrétoires du TA. Les mécanismes responsables de ces changements ne sont pas totalement définis mais ces altérations semblent être impliquées directement dans la genèse des pathologies associées à l’obèsité. Ainsi l’augmentation de la population macrophagique inflammatoire et les changements dans la production d’adipokines dont principalement la leptine et l’adiponectine sont deux éléments clés dans le développement de l’insulino- résistance et de la dysfonction endothéliale, évènements précoces impliqués dans le diabète de type II et les pathologies cardiovasculaires.