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CHAPITRE 4 : MÉTHODOLOGIE

4.3. Le cadre méthodologique du présent mémoire

4.3.1. Recherche qualitative et exploratoire

Notre projet de mémoire a pour but (1) d’explorer expériences de transition des enfants trans prépubères à travers leurs récits, (2) d’explorer les perceptions de leurs parents du contexte de transition des enfants; ainsi que (3) de dresser un portrait global des expériences de transition vécues et des enjeux rencontrés en mettant les récits des enfants et des parents en dialogue. Conséquemment, nous avons également emprunté une méthodologie qualitative, celle-ci étant le choix idéal puisqu’elle permet de comprendre une situation particulière dans un contexte donné (Mongeau, 2008). En effet, ce type de recherche consiste à « créer une conceptualisation de la réalité vécue par les répondant·e·s. L’accent est mis sur leurs expériences, les significations qu’iels attribuent aux événements et leurs perceptions de ceux-ci » (traduction libre, Campbell et al., 2017, p. 67). Ceci nous permet d’avoir accès aux mots et concepts utilisés par les participant·e·s afin de mieux comprendre les manières dont ces expériences sont vécues et ressenties (Campbell et al., 2017).

4.3.2. Échantillon retenu et ses limites

Tel que mentionné précédemment, le présent mémoire se base sur l’analyse de données secondaires provenant de la recherche principale. Sur 72 entretiens au total, nous avons sélectionné l’ensemble des entretiens menés auprès d’enfants trans prépubères et de leurs parents, soit un total de huit entretiens semi-dirigés (N=8). Ainsi, quatre enfants âgé·e·s de 9 à 11 ans et quatre mères ont été retenu·e·s pour notre échantillon. Les enfants étaient toustes suivi·e·s par les professionnel·le·s d’une des cliniques transaffirmatives mentionnées plus haut et ont entamé des démarches en termes de transition médicale, mais aucun·e de ces enfants n’avait débuté ces traitements au moment de la collecte de données.

Les huit entretiens ont été réalisés par l’équipe de la recherche principale entre 2017 et 2018. Dans le cas des enfants, la durée des entretiens est de 23 à 74 minutes. En ce qui concerne les mères, la durée des entretiens est de 30 à 105 minutes. Les caractéristiques des participant·e·s sont illustrées dans le tableau 1.

Tableau 1 : caractéristiques des participant·e·s

Pseudonyme de la mère

Pseudonyme de

l’enfant Âge de l’enfant

Identité de genre de l’enfant3

Alma Kevin 10 ans Garçon (boy)

Maria Debbie 9 ans Fille

Catherine Elisa 10 ans Fille (girl)

Kylie Katie 11 ans Fille (girl)

3 Nous avons repris les mots que les enfants ont utilisés pour s’autoidentifier. Lorsqu’il s’agit d’un·e enfant anglophone, les termes exactes sont indiqués entre parenthèses.

L’échantillon retenu n’est pas exempt de limites. Alors que les études exploratoires et qualitatives ne requièrent pas de grands échantillons (Mongeau, 2008), la taille de notre échantillon nous permet de seulement comprendre le vécu des enfants qui ont fait partie de notre étude. Dans le cadre de ce projet, toustes les enfants ont utilisé des termes binaires pour se décrire (« garçon », « fille »), ce qui nous ne permet pas de rapporter les expériences des enfants qui s’autoidentifient en dehors de ces termes, comme les enfants non binaires ou fluides sur le plan du genre. La représentativité de notre échantillon est également limitée par le niveau du soutien parental, qui est d’ailleurs élevé, puisque toustes les enfants de notre échantillon ont entamé une transition sociale avec le soutien de leurs parents et ont été amené·e·s vers une ressource qui leur permet de poursuivre toute démarche de transition envisagée au moment approprié. De plus, il importe de prendre en considération que les entretiens ont eu lieu en contexte clinique; il y a donc un manque de représentation d’enfants qui ont recours à d’autres types de ressources, d’enfants qui ne sont pas soutenu·e·s dans leur processus de transition ou qui ont des parents qui ne souhaitent pas participer à ce type de recherche. Enfin, la majorité des paricipant·e·s sont blanc·he·s (7/8), ce qui nous ne permet pas de nous pencher sur les expériences d’enfants et de familles autochtones et racisées.

Cependant, il est important de rappeler que contrairement à la méthode quantitative, une analyse qualitative ne cherche pas à offrir des explications qui sont généralisables, mais bien de proposer une interprétation qui donne un sens aux données recueillies dans le cadre du projet (Mongeau, 2008).

4.3.3. Analyse des données

Dans le cadre de ce projet de mémoire, nous avons basé notre analyse sur l’analyse thématique (AT). Alors que l’AT est souvent présentée comme une approche unique d’analyse de données, elle englobe réellement plusieurs approches de conceptualisation de thèmes à l’intérieur d’un ensemble de données (Braun et al., 2019). Ainsi, notre analyse s’inscrit plus particulièrement dans une AT réflexive, une approche inductive qui met l’accent sur le rôle actif de lea chercheur·e dans le processus de production de connaissances (Braun et Clarke, 2006; Braun et al., 2019). En ce sens, un·e chercheur·e qui adopte ce cadre méthodologique inscrit souvent sa démarche dans une

logique de justice sociale, visant à faire entendre les voix de communautés marginalisées et invisibilisées (Braun et al., 2019), ce qui est spécifiquement le but de notre projet de recherche.

Dans le cadre de l’AT réflexive, les thèmes représentent des « meaning-based patterns […]; themes result from considerable analytic work on the part of the researcher to explore and develop an understanding of patterned meaning across the dataset » (Braun et al., 2019, p. 848, accent mis par les auteur·e·s). Ces thèmes sont généralement construits à l’aide du processus de codage qui est en fait un processus itératif et dynamique (Braun et al., 2019). Ce travail de codage et de thématisation permet donc d’obtenir une interprétation cohérente des données, et non pas un simple résumé des récits de participant·e·s : « The researcher is a storyteller, actively engaged in interpreting data through the lens of their own cultural membership and social positionings, their theoretical assumptions and ideological commitments, as well as their scholarly knowledge » (Braun et al., 2019, p. 848, accent mis par les auteur·e·s).

L’AT réflexive comporte six étapes analytiques, chacune permettant d’interpréter progressivement les récits de manière adéquate et qui rend justice aux expériences rapportées par les participant·e·s : (1) la familiarisation; (2) la création de codes; (3) la construction de thèmes; (4) la révision et (5) la définition des thèmes; ainsi que (6) la production du rapport final (Braun et Clarke, 2006; Braun et al., 2019). Bien que les étapes semblent être découpées de manière méthodique, le processus demeure itératif jusqu’à la toute fin, puisque même la production du rapport final, soit la présentation des résultats et la discussion, sont une occasion pour valider la cohérence des thèmes tant dans leur ensemble qu’individuellement (Braun et al., 2019).

Ainsi, nous avons débuté par un processus d’immersion dans les données. Ce processus consistait en une lecture de chacune des entrevues, tout en écoutant l’enregistrement correspondant et en prenant des notes provisoires en même temps. Alors que nous avons analysé l’ensemble des données provenant des entretiens des parents dans le cadre de la recherche principale (voir point 4.2), nous avons refait une nouvelle analyse de tous les entretiens au cœur de ce projet de mémoire. Nous avons donc procédé à la création de codes qui permettaient de donner un sens profond aux données recueillies, tout en nous assurant de ne pas nous éloigner du langage employé par les participant·e·s. Étant donné que notre objectif est d’explorer les expériences de transition des

enfants selon leurs perceptives et celles de leurs parents, les entretiens des mères et des enfants ont été codés simultanément pour faciliter la mise en dialogue et l’identification des expériences et des enjeux entourant les trajectoires des enfants.

Ce processus de codage simultané nous a permis de créer, de réviser et de définir des thèmes cohérents, interreliés (mais sans pour autant être mutuellement inclusifs), et succincts afin de bien guider la lecture de notre lectorat. Enfin, la présentation de nos résultats nous a permis de peaufiner davantage certains thèmes qui, après avoir été examinés de plus près, semblaient s’éloigner de notre question et de nos objectifs de recherche. Les thèmes identifiés sont les suivants : (1) se dévoiler à ses parents en étant simplement soi-même; (2) le processus de transition en dehors de la maison : un processus de négociation et d’accompagnement; (3) l’école comme principal lieu de tensions; (4) s’affirmer à travers le processus de transition : répercussions des obstacles et retombées positives; et (5) se projeter dans l’avenir : la transition médicale. Chacun des thèmes contenait des sous-thèmes; par exemple, le thème « le processus de transition en dehors de la maison » contenait des sous-thèmes comme « processus de négociation des besoins », « processus de négociation du pouvoir » et « processus de négociation de la visibilité ». Chaque sous-thème contenait à son tour les extraits de retranscription qui y faisaient référence.

Tout comme dans le cadre de la recherche principale, l’analyse des données a été effectuée à l’aide du logiciel de traitement des données MAXQDA. Étant donné l’habileté que nous avons développée à travailler avec ce logiciel dans le cadre de notre travail, nous avons décidé de poursuivre l’utilisation de MAXQDA pour les fins d’analyse du présent mémoire.