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CHAPITRE 5 : RÉSULTATS

5.1. Se dévoiler à ses parents en étant simplement soi-même

5.1.3. Être soi-même dans sa famille

Au moment de l’entretien, toustes les enfants ont été invité·e·s à décrire la dynamique familiale suite à la concrétisation de l’expression de leur identité à la maison. Les récits ont mis en évidence que malgré le décalage entre les perceptions du développement de l’identité de genre de l’enfant, toustes les enfants se sont senti·e·s accepté·e·s par leurs parents depuis le tout début. Dans les faits, les enfants ont exprimé n’avoir vécu aucune difficulté à la maison et que leur identité de genre n’a jamais causé de conflits ou de changements au niveau de la dynamique familiale. Concrètement, le seul élément qui a changé était le prénom et les pronoms qui étaient utilisés avec l’enfant, et les jeunes participant·e·s ont rapporté qu’être elleux-mêmes à la maison était tout simplement normal :

I: Euh, comment est-ce qu’ils te montrent qu’ils acceptent ton identité de genre?

Kevin: Euh, bien, ils n’en parlent pas vraiment, donc ça me rend confortable quand je suis avec eux.

I: Donc c’est juste…c’est juste…ce n’est pas une grosse affaire. K: Mm-hmm (affirmatif). (Kevin, garçon de 10 ans)

I: Bon. Euh, qu’est-ce que ça fait d’être une fille dans ta famille?

Katie: Eh bien [pause]. C’est juste comme, normal, c’est pas vraiment différent. (Katie, fille de 11 ans)

Similairement, les récits des parents ont permis de constater que lorsqu’il y avait un·e coparent dans le portrait, il n’y avait pas de difficultés au niveau de l’acceptation de l’enfant. Dans le cas de Catherine et de son enfant Elisa, ainsi que dans le cas de Kylie et de son enfant Katie, l’autre parent était décrit comme très soutenant à travers tout ce processus. Cependant, le récit d’Alma, mère de Kevin, révèle que l’acceptation n’est pas toujours synonyme de soutien, et que, dans leur famille, le coparent ne s’impliquait pas dans le processus de transition de l’enfant malgré la reconnaissance de son identité :

Et avec papa, les conversations ne sont pas fluides avec papa. Je sais pas si c’est assez commun. Mais mon mari est très, très soutenant, très présent, mais je trouve qu’il ne fait pas ses propres recherches, et il ne fixe pas les rendez-vous. Je crois qu’il pense que tout est juste rose et, t’sais, que je serai toujours là quand il aura besoin de moi. […] Ils sont juste père et fils. Mais je me demande, est-ce qu’il devrait lui en parler? Je sais pas. (Alma, mère de Kevin)

En ce qui concerne la fratrie, deux enfants ont rapporté avoir des difficultés avec leurs frères. Alors que le frère de Debbie, une fille de 9 ans, tentait toujours de s’adapter à la manière de parler de sa sœur aux autres au moment de la collecte de données, le frère d’Elisa, fille de 10 ans, était rendu à une étape où la reconnaissance de l’identité de sa sœur ne présentait plus un enjeu, et ce, grâce aux explications qu’Elisa lui a fournies :

Mon frère avait de la difficulté, euh, de la difficulté à comprendre là. Et j’ai pris des chips [rire] et je lui ai dit : « Regarde, ça c’est moi avant, ça c’est moi après ». Et après je les ai échangés et j’ai dit : « L’autre n’est plus là. Mais là c’est celui-là ». Et après il a dit : « Oh, okay ». (Elisa, fille de 10 ans)

À l’inverse, Kylie, mère de Katie, a décrit une dynamique positive où la sœur de Katie a toujours été une grande source de soutien et défendait même Katie dans des situations où son prénom n’était pas respecté :

[…] Une chose que j’aimerais dire c’est que sa sœur [prénom de la sœur] a toujours été parfaite dans cette situation. Quelle défenseure (advocate)! Comme, même à la garderie (daycare), les enfants disaient : « Oh, c’est [prénom de naissance de Katie], c’est [prénom de naissance de Katie]! » et [sœur] ne le laissait pas passer, c’était comme : « Ça c’est ma sœur [Katie], son nom c’est [Katie] maintenant! » [rire].[…] Et, comme, ne s’est même pas trompée de pronoms ou quoi que ce soit, c’était toujours juste « elle ». Elle n’a plus jamais dit « il ». […] Donc, je dirai juste qu’elle a e eu beaucoup de chance sur ce front, et même avec la différence d’âge, elles sont des sources de soutien solides, donc je pense que, c’est vraiment génial, qu’elles seront toujours là l’une pour l’autre. (Kylie, mère de Katie) Dans ce contexte d’acceptation et de soutien, les enfants ont toustes exprimé avoir une relation très proche avec leur famille immédiate, et plus particulièrement avec leur mère, qui se trouvait être la personne interviewée dans le cadre de ce projet de recherche. Dans tous les cas, les parents représentaient une source de soutien importante :

I: Et ta mère, elle te soutient aussi? Debbie: Hum hum (affirmatif). I: Donc, elle a l'air quand même—. D: Beaucoup.

I: Donc, ce que tu me dis, c'est que quand tu vas mal—. D: Elle m'aide.

I: Pis t'es à l'aise de lui dire quand tu vas mal? D: Oui. (Debbie, fille de 9 ans)

En somme, les enfants de notre échantillon ont rapporté avoir une conscience forte de leur identité de genre dès le plus jeune âge, mais leur processus de transition sociale n’a débuté que lorsque les parents en ont pris conscience aussi. Indépendamment de la manière dont les événements se sont déroulés, que ce soit par un dévoilement explicite d’une identité de genre qui diffère de celle assignée à la naissance ou par une évolution naturelle des choses, les enfants ont exprimé s’être toujours senti·e·s reconnu·e·s et validé·e·s par leurs parents. Or, si le parcours vers une expression authentique de soi s’est fait plutôt en douceur avec les parents, la transition sociale à l’extérieur de la maison s’est avérée beaucoup plus complexe.