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La lanterne magique

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 64-80)

MATÉRIAUX POUR CONSTRUIRE UNE APPROCHE

2- ARCHÉOLOGIE COMMUNICATIONNELLE DE L’AUDIOVISUEL ÉDUCATIF

2.1 La lanterne magique

La première période que nous allons étudier se situe à la fin du XIXème siècle, au moment du développement de la « Lanterne magique ». À cette époque, l'audiovisuel n'en est qu'à sa préhistoire et l'éducation ne concerne qu'une minorité de jeunes « bien nés ». Deux conceptions de la lanterne magique et deux sortes d’usages vont cohabiter au XIXème siècle, l’une est dans la lignée des « fantasmagories » de Robertson et l’autre est « porteuse de connaissances sur les progrès de la science » (Perriault, 1981b, p. 97). Avant qu'elle ne devienne un outil éducatif, la lanterne magique est donc un outil de divertissement, puis sous le Second Empire et la Troisième République elle fait partie des outils pédagogiques d'avant-garde. Cette période est aussi celle de son industrialisation, elle occupe jusqu’au début du XXème siècle des dizaines de pages dans les catalogues de fabricants (Renonciat, 1996, p. 13). Pour Annie Renonciat, cet objet s’avère « aussi dense à l'analyse qu'il semble transparent au regard et léger à la main » (Renonciat, 1996, p. 15). Néanmoins, dès le XIXème siècle le mythe de la nouveauté permanente en matière d'outils et médias éducatifs est rendu obsolète par les usages de la lanterne magique (Perriault, 2002, pt. 1). Même si cet arrière-plan historique de l’audiovisuel a peu été étudié, on peut citer deux travaux remarquables : Mémoires de l'ombre et du son : une archéologie de l'audio-visuel, que Jacques Perriault écrit en 1981, et Le Grand Art de la lumière et de l’ombre.

Archéologie du cinéma de Laurent Mannoni, écrit en 1994. Ce dernier a d’ailleurs piloté l’exposition Lanterne magique et film peint : 400 ans de cinéma qui s’est tenue entre octobre 2009 et mars 2010 à la Cinémathèque de Paris.

79 « Le processus de démocratisation peut être grossièrement caractérisé par un triple mouvement d'égalisation des rapports sociaux, de libéralisation du système politique et de renforcement de la participation populaire dans la conquête et l'exercice du pouvoir. L'extension du capitalisme se définit tout aussi rapidement par l'intégration d'un nombre croissant d'espaces de production dans les circuits d'échanges marchands : dans ces univers, l'investissement privé devient alors principalement guidé par une recherche d'accumulation des profits qui engendre une évaluation purement commerciale de la valeur des produits » (Chupin et al., 2012, p. 6).

Pour Jacques Perriault, le succès que la lanterne magique rencontre auprès des enseignants renvoie à l’assentiment pour le projet d’éducation, dans les années 1890, elle est perçue « comme l'outil de ce projet, nanti d'une caution sociale» (Perriault, 1981a, p. 9). De ce point de vue, le rôle des sociétés philanthropiques est prépondérant. En effet, de son invention à la reconnaissance de son usage éducatif, la lanterne magique pose les bases d’une réflexion sur l’usage de l’image et les moyens de son introduction à l’école et plus généralement dans un contexte éducatif.

A Aux)origines)de)la)lanterne)magique)

Comme le rappelle Jacques Perriault, la projection lumineuse fascine les Hommes depuis l’Antiquité80, et particulièrement la projection d’images animées (Perriault, 2013, p. 9). La lanterne magique s’inscrit dans cette longue histoire. Son invention peut-être attribuée au Père jésuite Athanase Kircher (1602-1680) et ses premiers prototypes d'Ars Magna lucis et umbrae en 1671, ou encore, à l'astronome hollandais Christiaan Huygens en 1659. Pour Laurent Mannoni, Christiaan Huyguens est conscient de ses effets spectaculaires, c’est pourquoi il la baptise « lanterne de peur »81 (in Lefebvre, 2011). On retrouve les premières traces du terme « lanterna magica » dans l'édition de 1668 du Dictionnaire de Furetière, qui entérine définitivement sa signification en 1690, et la définit comme « une petite machine d'optique qui fait voir dans l'obscurité sur une muraille blanche plusieurs spectres et monstres si affreux, que celui qui n'en sait pas le secret croit que cela se fait par magie... » (Furetière, 1690). Deux siècles plus tard, l'Abbé Moigno (1804-1884), une des grandes figures de l'enseignement scientifique par projection lumineuse, préfère la définir plus sobrement comme « un appareil d'optique pourvu de lentilles, ayant pour fonction de projeter sur un mur ou sur un écran les images agrandies de tableaux transparents placés en avant de la lumière qui les éclaire »82 (in Renonciat, 1996, sec.

1.1). Cette volonté de dissocier la lanterne magique de son usage récréatif, nous le verrons, est un des aspects majeurs de son appropriation éducative.

Malgré quelques évolutions techniques, d'un point de vue pratique le principe ne change guère : derrière un foyer lumineux, alimenté par une combustion d'huile, de bougie, ou d'esprit-de-vin, se trouve un miroir concave réfléchissant une lumière qui, par un jeu de lentilles, renvoie une image agrandie sur l'écran de projection. Pour certains, elle matérialise de ce fait la période du « pré-cinéma » (Mannoni, 1995).

Aussi, on peut relier la lanterne magique à des traditions de projection plus anciennes,

80 Cf. Didier Travier, Robert Barbault (2009), Histoire naturelle de Pline L’Ancien, Riveneuve Ed., Marseille, 173 p.

81 « il l’utilise pour la première fois en 1659 devant sa famille et choisit de projeter un squelette animé, (…) pour un protestant et scientifique rigoriste comme Huyguens, ces applications de l’instrument posent problème (…) il a du mal à accepter l’idée que cet instrument puisse avoir des usages récréatifs » (Manoni in Lefebvre, 2011, p. 201).

82 « L'Art des projections », Journal Les Mondes 1872, p. 54

telles que la camera obscura ou encore les ombres portées, voire la Dioptrique de Descartes (Perriault, 1981b, p. 33 et 211). Mais à la différence de la camera obscura, la lanterne révèle à ceux qui la regardent le monde de l'imaginaire et non l'espace environnant. Les premières lanternes utilisent des plaques de verre comme support aux images, celles-ci sont réalisées à la main jusqu’aux années 1840. Elles relevaient d'un véritable travail artisanal, parfois réalisé par des artistes ou des miniaturistes pour la clientèle aristocratique. Dès l’origine, il y a toujours eu une volonté de substituer d'autres matériaux au verre, trop fragile, trop lourd et trop coûteux. C'est alors qu’apparaissent les « vues sur papier » qui remplacent les « plaques de verre ». Les premières éditions papier sont produites par la maison Larousse et dateraient de 1895.

Néanmoins, les deux catégories d'images lumineuses sont bien distinctes, « par leur époque, leur forme et leur destination, l'une plus familiale et récréative, l'autre plus scolaire et didactique » (Renonciat, 1996, p. 6). Ces dimensions récréatives et scolaires des images lumineuses seront toutefois concomitantes. Les contraintes techniques, en terme d'alimentation énergétique par exemple, permettront aux différents acteurs du marché naissant de se différencier : certains revendiquent une meilleure luminosité tandis que d'autres vantent le peu de fumée dégagée par leur lanterne. C'est le début d'une concurrence qui attestera de l'enjeu commercial du

« marché » des lanternes magiques, qu'elles soient utilisées à des fins pédagogiques ou ludiques.

B Contexte)d’insertion)

Pour comprendre l'histoire de la lanterne magique, il est intéressant d'étudier les circuits de diffusion lui ayant permis de connaître un succès commercial au XIXème siècle (Monnerat, Lefranc, & Perriault, 1979, p. 29), tout en identifiant les multiples acteurs de ce succès.

· De)la)rue)au)salon,)de)l'artisanat)à)l'industrialisation):))

Figure 5 - "Lanterne Magique. Bataille de Jemmappes. Bataille de Valmy " (source : Gallica)

A l'origine, les projections lumineuses trouvent leur premier public dans la rue (cf.

Figure 5). Ce sont alors les « montreurs de lanterne » qui se promènent de villes en villes au cri de « lanterne magique ! Pièces curieuses à voir ! ». Les succès populaires que rencontrent ces derniers, annoncent l'émergence d'une véritable « industrie de la rue » (Frederic Dillaye in Renonciat, 1996, p. 19). Au début du XIXème siècle, les lanternes de salon se développent et s'installent au cœur des foyers, débute alors le commerce des « lanternes-jouets » à destination des enfants et à visée ludique. Petit à petit, les plaques de verres vont ainsi élargir et diversifier leur public. Des curieux badauds jusqu'aux familles dans leurs salons, les lanternes magiques réussissent à devenir un élément central du foyer bourgeois sous la Restauration, autour duquel s'organisent des réunions familiales (Renonciat, 1996, p. 20). L'Abbé Moigno,

« apôtre des projections » (Mannoni, 1995), s'extasie par exemple devant ce qui devient, pour lui, un symbole de lien social intergénérationnel : « qu'elles sont délicieuses les réunions dans lesquelles l'enfance, la jeunesse et l'âge mûr prennent, par différents motifs, un intérêt égal aux scènes, même comiques, si vivement projetées sur l'écran. Quel doux spectacle que celui d'enfants si agréablement transportés par les changements rapides de forme et de couleur, par ces formes grotesques et dont les éclats de rire, naïvement contagieux, trouvent dans la jeunesse et la vieillesse des échos spontanément sympathiques » (in Renonciat, 1996, p. 20).

C'est finalement sous la Monarchie de Juillet que le marché de la lanterne de salon prend son ampleur. Devenant très florissant sous le Second Empire, l'expansion du marché de la lanterne entraîne inéluctablement le déclin du métier de lanterniste ambulant. Le commerce des livrets d'accompagnement se développe également, à travers les « quatre pages » qui sont généralement vendus avec les catalogues de vues.

Au départ en situation de monopole, les fabricants de lanternes (i.e. Aubert, Molteni) se livrent ensuite à une concurrence esthétique. On voit alors apparaître les lanternes

« riche », « salon », « carrée », « bijou », « chinoise », « boudha », « tour Eiffel » etc.

(Renonciat, 1996, p. 22). Chacun cherche à se démarquer et à développer des marchés

« de niche ». À force de spécialisation et d'industrialisation, ce marché s'éloigne de plus en plus de la démarche artisanale. Il instaure même une circulation internationale des plaques de verre, parfois destinées à être utilisées dans plusieurs langues. Ce mouvement va s’accélérer avec le développement des vues sur papier.

Par ailleurs, ce développement s’effectue conjointement au processus d’industrialisation de l’éducation qui débute avec le XIXème siècle. La première révolution industrielle, l’explosion de la demande, la pénurie de main-d’œuvre, la mécanisation et la massification de la production caractérisent ce phénomène. Et depuis 1830, la massification des produits éducatifs va de pair avec le développement de l’enseignement de masse ou « démocratisation quantitative » (Moeglin, 2010b, p.

3). Les directives de François Guizot (1787-1874) sur l’enseignement collectif et simultané (Moeglin, 2010b, p. 8) facilitent également l’usage d’outils d’enseignement

collectif comme la lanterne magique. Avec l'arrivée des vues sur papier, cet usage s’accélère. L’inventaire mené en 1993 par le Musée National de l'Education, révèle que le fond de vues accumulées par cette institution chargée de les diffuser est constitué d'environ 1607 vues sur papier contre 800 plaques sur verre. C'est la confirmation qu'à l'ère des vues sur papier, l'imagerie lumineuse est devenue une industrie bien plus structurée. Ses productions sont diffusées plus largement, à travers des catalogues de plus en plus conséquents (Delagrave, Mazo, etc.). Pour comprendre ce passage de l’artisanat à une ère plus industrielle, il est important de s’intéresser aux nombreux acteurs qui ont alors contribués à une utilisation éducative de la lanterne magique.

· Des) militants) au) Ministère,) des) volontés) collectives) au) volontarisme) d’État.)

En parallèle du développement du secteur commercial, un vaste mouvement associatif et militant se saisit de la lanterne magique pour en assurer la promotion et l'utilisation.

D’abord réclamé par la presse St-Simonienne (Perriault, 1981b, p. 98), l'emploi éducatif de la lanterne va ensuite mobiliser l'État. Une enquête menée en 1895 par l'inspection générale de l'instruction publique, confirme la dissémination importante de l'appareil pour les cours du soir. Cette enquête relève aussi que ces cours sont largement assurés par les associations pédagogiques et philanthropiques comme la Ligue de l'enseignement83 ou la Société nationale des conférences populaires84. Ainsi,

« deux institutions s’aperçoivent alors qu'il est urgent de prendre le train en marche : le Clergé et l'État » (Perriault, 1981b, p. 226). L'Etat s’efforce de suivre cet élan, notamment sous la Troisième République, dans un effort d'éducation populaire et de rénovation pédagogique (Renonciat, 1996, p. 149). Les projections lumineuses

« deviennent des marqueurs de stratégies institutionnelles [et] de politiques publiques » (Dubost, Massit-Folléa, & Pastre, 2004, pp. 7–19).

Dès le 19 octobre 1895, le Ministère en charge de l'éducation décide d'équiper chaque inspection académique d'appareils de projection mis à la disposition des enseignants.

Un an plus tard, le Musée National de l'Education fonde un service de prêt de vues sur verre, rue Gay-Lussac à Paris, à l'intention du personnel de l'enseignement public (recteurs, inspecteurs, instituteurs) (Renonciat, 1996, § II.2.2). Ce service ne fermera ses portes qu'en 1953. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le MNE intègre le fond de la Société Nationale des Conférences Populaires au moment où le président de

83 Créée en 1866 par Jean Macé (1815-1894) : « La Ligue est une confédération où les associations sont regroupées au niveau départemental dans 89 Fédérations des œuvres laïques. Cette organisation est doublée d’un regroupement par secteur d’activité (cinéma, sport, art, vacances) dans les Unions françaises des œuvres » (Laborderie, 2012).

84 Fondée en 1890 par Emile-Jean Guérin Catelain afin de « répandre gratuitement l’enseignement primaire supérieur parmi les adultes des deux sexes, dans toutes les communes de France, d’Algérie et des Colonies… ainsi que dans les Régiments et la Marine »

l’association devient chef de service au sein du Musée National de l'Education (Perriault, 1981b, p. 228). La promotion de l'utilisation de ces vues, nouvellement acquises, est assurée à travers des revues comme Après l'Ecole. Cette revue est créée par un Inspecteur Général de l'Instruction Publique en 1895 et elle est rédigée par des enseignants, parfois assistés d'écrivains. La revue propose des conférences illustrées accompagnées de vues sur papier, la commercialisation est assurée par la fabrique Elie-Xavier Mazo, promoteur d'appareils, d'accessoires et de vues pour la projection entre 1900 et 1920. C'est justement par le biais de ces conférences illustrées que les militants du mouvement éducatif et le Ministère de l'éducation vont se retrouver. Le projet d'éducation populaire de la Ligue de l'Enseignement notamment85, va alors rencontrer le volontarisme politique qui se manifeste à l'époque pour les questions éducatives au sujet des enfants, des jeunes adultes et plus largement de tous les citoyens.

Dans la tradition de ce que défendait Condorcet à l'Assemblée nationale en avril 1792, le mouvement de l'éducation populaire se définit comme un « projet de démocratisation de l’enseignement porté par des associations dans le but de compléter l’enseignement scolaire et de former des citoyens ». Il est composé de trois courants majeurs : républicain-laïque, ouvrier et catholique (Poujol in Champy &

Étévé, 1996). Sa collaboration avec l'éducation « formelle » ne sera pas toujours aisée, et l’exemple de la lanterne magique en témoigne. Le parcours d'Henry Arnould, militant socialiste et laïque proche de la Ligue de l'enseignement, est à ce titre emblématique des aléas de ce travail commun. Henry Arnould développait un projet de « tableaux » pour vues lumineuse, il y voyait une « idée originale pour renouveler la pédagogie visuelle » (Renonciat, 1996, p. 75). Ses productions étaient entièrement pensées pour être diffusées à l'écran et « interpellent par (leur) volonté de délivrer un enseignement plein d'attraits », grâce notamment à un recours à l'humour (Renonciat, 1996, p. 175). Mais son projet est refusé par le ministère, dans une réponse qu'il juge assez sèche. Il décide alors de fonder L'Ecran scolaire, un trimestriel de six pages, avec le soutien du Syndicat National des Instituteurs et Institutrices Publics de France et des Colonies puis de l'Union Nationale des Institutrices et Instituteurs Laïcs Français pour l'Education Sociale. Ce trimestriel connaîtra un certain succès, puisqu'en 1933 il édite encore plus de 3600 vues. Mais, dès lors que l’usage de la lanterne déroge au strict cadre scolaire et à sa tradition magistrale, l'institution éducative est visiblement moins enthousiaste à promouvoir la lanterne magique.

Mais que ce soit dans sa dimension commerciale ou institutionnelle, les contenus des vues ont été déterminés par les objectifs assignés aux projections lumineuses et le réseau par lequel elles sont diffusées. Le contexte d'insertion des lanternes magiques

85 Sur le rôle des mouvements philanthropiques et des politiques publiques pendant la « longue dépression » (1873-1896), cf. Laot Françoise (2013), L’image dans l’histoire de la formation des adultes, L’Harmattan, Paris, pp. 15-29

dans les foyers ou les écoles a donc particulièrement influé la production des plaques sur verre et des vues papier. Comme le souligne Annie Renonciat, « l'industrialisation progressive de la lanterne-jouet a pour conséquence une profonde transformation des plaques de lanterne magique, dont les techniques et le répertoire vont connaître – de 1840 au début du XXème siècle – d'importantes évolutions » (Renonciat, 1996, p. 24).

Les vues sur papiers seront encore utilisées jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale avant de tomber en désuétude (Renonciat, 1996, p. 149).

C Contenus)

La structuration d'un secteur commercial et d'une filière institutionnelle, plus portée sur les contenus à valeur éducative, vont modifier les thèmes traditionnels des vues lumineuses. Au départ destinées à un public adulte en quête de frissons, de nouveaux thèmes vont émerger. La forme que prennent alors les vues lumineuses n'est pas étrangère à l'évolution de ses acteurs. Tout d'abord, on peut dire que de manière générale, les images lumineuses sont « formellement parentes de l'imagerie par ses sources et ses mode d'expression, cousin des histoires en image par ses formes (« bande » dessinée), héritier du livre illustré auquel il emprunte nombre de ses gravures, homologue des tableaux par sa destination murale, semblable aux vitraux par sa luminosité colorée » (Renonciat, 1996, p. 14). Elles s'inscrivent donc, d'un point de vue formel, dans une longue lignée.

· Quelques)fantômes)de)la)fantasmagorie):)

Si, à l'origine, la lanterne est employée pour des entreprises de conviction (Perriault, 1981b, p. 61), elle est rapidement orientée vers des thèmes faisant écho aux fantasmagories, dont la mode s'est développée à partir des années 178086. Les diableries, les drôleries et les fantaisies seront les plus prisées. Elles seront mises en valeur par des bricolages techniques prompts à plonger les spectateurs dans un véritable spectacle 87. La fumée dégagée par la lanterne et les mouvements donnés aux images par des effets d'agrandissements, permettent de faire surgir des spectres et des squelettes, voire à simuler l'« apparition » de fantômes. On garde, par exemple, trace des projections de la « Mort avec sa faux » et des « têtes de mort qui battent des

86 La fantasmagorie « est un spectacle entièrement nouveau, qui s’impose peu avant la Révolution.

Pour la première fois, des organisateurs de spectacle ouvrent des salles entièrement dédiées à la lanterne magique. Un dispositif innovant s’impose : la rétroprojection mobile. Une machine, montée sur rails et cachée derrière l’écran translucide, projette des vues fixes et animées dans un dispositif théâtral très macabre, fortement inspiré du romantisme pré- révolutionnaire. Les spectacles atteignent des niveaux de sophistication extraordinaires. On va jusqu’à envoyer des décharges électriques aux spectateurs, pour les faire sortir de la torpeur dans laquelle les ont plongés, au préalable, des fumées plus ou moins hallucinogènes ! » (Manoni in Lefebvre, 2011, p. 202).

87 « Simulacre pour l' œil et l'oreille dans des formes codées, culturelles et sociales, qui provoquent un effet de réalité » (Perriault, 1981b, p. 207).

ailes » (cf. Figure 6). Athanase Kircher, lui-même, a promu sa lanterne magique comme un instrument pouvant faire apparaître les créatures les plus morbides, au point d'en faire une « lanterne de peur » (Mannoni, 1995, p. 53).

Figure 6 - Une séance de lanterne magique par Philidor, Gravure (fin du XVIIIe siècle)

À cette époque également, les caricatures occupent une place importante, notamment à travers les séries de « grosses têtes ». Elles reproduisent les caricatures parues entre 1867 et 1870 dans les journaux comme La Lune ou L'Eclipse et caricaturent entre autres Victor Hugo, Ernest Renan, Giuseppe Garibaldi, Otto von Bismark, Charles Dickens, Alexandre Dumas, Jacob Offenbach. Mais le public étant de plus en plus enfantin avec le développement des lanterne-jouets, les thèmes abordés vont évoluer.

On passe alors des caricatures et diableries qui amusaient toute la famille, aux contes, légendes et autres fables. Ces histoires morales et récits édifiants remplacent petit à petit le fantastique (et sa dimension métaphysique) par le comique et les références culturelles spécifiques à l'enfance (Renonciat, 1996, p. 43). On voit donc se développer à côté des vues distractives une production destinée à transmettre des connaissances avec les « séries » (récréation instructive) et les plaques didactiques. Le domaine littéraire illustre bien ces utilisations récréatives et didactiques.

· Quelques)illustrations)littéraires))

La place des œuvres littéraires au sein des productions d’images lumineuses nous rappelle que la lanterne magique n'est pas tant en rupture qu'en continuité vis à vis des

La place des œuvres littéraires au sein des productions d’images lumineuses nous rappelle que la lanterne magique n'est pas tant en rupture qu'en continuité vis à vis des

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