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Les lahars suite à l’éruption de 2010 du volcan Merapi – Province de Yogyakarta et de Java Centre

Chapitre 3 – Analyser le processus de reconstruction : approche par les risques, les sociétés et les territoires

3.3. Présentation des cas d’étude

3.3.2. Les lahars suite à l’éruption de 2010 du volcan Merapi – Province de Yogyakarta et de Java Centre

L’éruption de 2010 a débuté le 26 octobre 2010 et s’est terminée autour du mois de janvier 2011. 353 personnes sont décédées pendant cette éruption, dont le « Juru Kunci » : le gardien des clés du volcan. 350 000 personnes ont été sinistrées et les dommages se sont élevés à plus de 500 millions d’euros. Entre les familles sinistrées par l’éruption et celles sinistrées par les lahars29, ce sont 2 083 foyers à reloger réparties en 12 centres dans la province de Yogyakarta et neufs dans celle de Java Centre. Les fonds débloqués pour la reconstruction par le gouvernement indonésien et le fonds International pour la Réponse aux Catastrophes (International Disaster Response), s’élèvent à plus de 80 millions d’euros. Au lendemain de la saison des pluies de 2011, d'énormes lahars ont eu lieu sur les vallées qui descendent le Merapi, ensevelissant tout sur leur passage. Face à l’ampleur des destructions, le gouvernement a mis en place un programme de reconstruction en-dehors des zones définies comme représentant un risque de péril pour les vies humaines.

Le travail de terrain a porté sur deux vallées du flanc sud du volcan Merapi : la vallée de la Gendol, localisée sur le Territoire Spécial de Yogyakarta, et la vallée de la Putih, située dans la province de Java Centre. Le travail d’enquêtes a été réalisé en trois temps (cf. tableau 4). La première mission a été dédiée au repérage des villages (desa en bahasa indonesia) et des hameaux (dusun en

bahasa indonesia) sinistrés et reconstruits, à la prise de contact et à l’élaboration et au test des

questionnaires et de la grille d’entretien. Lors de la deuxième mission nous avons réalisé les enquêtes sur six villages : Kayen et Jelapan sur la Gendol et Sirahan, Salakan, Glagah et Berokan sur la Putih. Les populations de ces hameaux ont été enquêtées par le biais de questionnaires et des entretiens ont été réalisés auprès des chefs de villages, des gestionnaires de la reconstruction et des risques naturels, ainsi qu’avec des associations et des universitaires de l’Université Gadjah Mada. Les questionnaires portaient sur les thèmes suivants : bâtiments et maisons reconstruction, de l'aide au processus de récupération, des bâtiments et des infrastructures communautaires, de subsistance, transmigrasi et programme relocasi, la perturbation de la vie quotidienne, la perception des nouveaux logements et perspectives d'avenir. En ce qui concerne les chefs de villages, les questions ont porté sur l'ensemble du processus de la reconstruction (depuis l'évacuation et les questions d’abris et de logement temporaire, jusqu’à la comparaison de la qualité avant et après). Les entretiens menés avec les

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Le mot lahar est un terme indonésien qui peut être définit comme un flux hyper-concentré d'eau et de dépôts volcaniques (cf. glossaire).

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gestionnaires ont été porté sur leur rôle dans la reconstruction et la stratégie qu'ils ont adoptée. Les questions posées aux chefs de villages et aux communautés locales étaient essentiellement les mêmes que celles adressées aux organismes gestionnaires des risques et des reconstructions (gouvernementaux et non gouvernementaux). Ceci dans le but de recouper les données pour vérifier les informations et appréhender les différentes positions sur les problématiques majeures de la stratégie de reconstruction. La troisième et dernière mission a été l’occasion de réaliser une étude diachronique sur un groupe de personnes originaires du hameau de Sirahan que nous avons enquêté au centre de relogement temporaire lors de la deuxième mission et au centre de relogement permanent lors de la troisième mission.

La carte ci-dessous (cf. figure 15) a été réalisée en utilisant les données du Bureau de Volcanologie à Yogyakarta (BPPTK) ainsi que les données collectées par les entretiens auprès des chefs de village. Une large majorité des villages enquêtés ont un taux de destruction supérieur à 5 %. Le zonage rose foncé correspond à la zone de plus fort danger (KRB 3) qui est fréquemment touchée par des coulées pyroclastiques, le zonage rose pâle correspond à la zone de danger modéré (KRB 2) qui est exposée aux coulées pyroclastiques, coulées de lave et de boues ainsi qu’aux projections de matériaux volcaniques (cendres et bombes). Le zonage jaune (lahar area) correspond à la zone de danger liée aux lahars ou aux inondations. C’est ce dernier zonage qui nous intéresse et la sélection des villages à enquêter s’est faite en partie grâce à ce document réglementaire.

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Figure 15 : Pourcentages des destructions causées par les lahars sur les communes étudiées (flanc sud du Merapi)

La politique de réduction des risques du gouvernement indonésien est fondée sur cette cartographie mise à jour après l’éruption de 2010. Une bande de 300 mètres à partir des berges des rivières a été classée inconstructible en raison de la forte exposition au risque de lahars. Tous les foyers dont le logement est situé dans ce secteur ont eu la possibilité d'être déplacés : relogés dans un village construit ex nihilo dans une zone moins exposée aux aléas volcaniques. Les autorités indonésiennes, à travers le programme Rekompak (Programme de réhabilitation et de la reconstruction, du Ministère des Affaires Publiques (PU)), ont fourni à chaque foyer qui souhaitait être relocalisé une maison de 36m² construite aux normes parasismiques sur un terrain de 100 m². Ce sont environ 3 500 maisons qui ont été construites, financées par Rekompak (dont les fonds proviennent du gouvernement indonésien et d’organismes étrangers). Le programme a également financé la construction d'infrastructures dans les centres de relogement permanents.

L’étude de ce processus de reconstruction permet d’illustrer les problématiques spécifiques liées à une extension géographique des lahars relativement limitée (plus grande que tornade Nord mais plus petite que l’éruption du Merapi) sur deux territoires étudiés (Java Centre et la Province de Yogyakarta). La comparaison des temporalités de réhabilitation, restauration, reconstruction et

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relèvement, des modalités de reconstruction sur le Territoire Spécial de Yogyakarta et dans la province de Java Centre permet de comprendre les disparités entre ces deux territoires pourtant soumis à la même politique de délocalisation et relocalisation des foyers sinistrés. L’échelle d’étude est principalement celle des communautés et individus, mais aussi celle des communes et des vallées.

3.3.3. Inondations des 12 et 13 novembre 1999 dans l’Aude

Le bassin versant de l’Aude s’étend sur 5 500 km². Il correspond grossièrement aux limites du département du même nom. Le bassin de l’Aude a été durement touché par les inondations des 12 et 13 novembre 1999 dans l’Aude faisant 25 morts et plus de 413 millions d’euros de dégâts. Les départements voisins (Hérault, Pyrénées-Orientales, Tarn) furent également touchés pour un bilan total de 35 décès. 228 communes ont été sinistrées et ont fait l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle le 17 novembre 1999. Les dommages ont été homogènes dans le sens où toutes les catégories d’enjeux ont été sinistrées : les infrastructures et bâtiments publics, les entreprises, le secteur agricole et les particuliers (qui représentent 36 % du coût des dommages). En termes de répartition géographique, les basses plaines de l’Aude dans leur ensemble concentrent la majorité des dommages avec 74 % des dégâts matériels.

Nous avons collecté des données sur l’ensemble du territoire sinistré afin d’obtenir des éléments de contexte pour comprendre les logiques et choix stratégiques élaborés par les institutions. Ces données nous ont permis d’identifier des territoires particulièrement sinistrés, ainsi nous avons recentré l’étude sur les Hautes-Corbières, le Lézignanais et le Narbonnais. Une liste de communes a émergé (cf. figure 16) du travail de mise à jour du bilan de la catastrophe et de synthèse bibliographique. Dans les Hautes-Corbières, nous avons choisi d’enquêter plus finement les communes de Durban-Corbières et Cascastel-des-Corbières. Dans le Lézignanais, nous avons soumis à l’enquête les communes de Lézignan-Corbières et Tournissan. Et sur le territoire Narbonnais, nous avons étudié la reconstruction des communes de Bize-Minervois, Sallèles-d’Aude, Cuxac-d’Aude et Coursan. La commune de Cabrespine a elle aussi été soumise à l’enquête parce qu’elle présente l’intérêt d’être une petite commune rurale ayant eu beaucoup de dommages et relativement éloignée du cœur du département. L’étude de ces communes présentait un intérêt particulier au regard des objectifs de caractérisation des processus d’adaptation mis en œuvre pendant la phase de reconstruction post-catastrophe.

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Figure 16 : Coût de l’indemnisation (valeur absolue en euros) dans l’Aude par commune pour l’ensemble du marché (suite

aux inondations de novembre 1999)

La phase de réalisation des enquêtes s’est étendue sur une année, de janvier 2014 à décembre 2014. Certaines personnes ont été interrogées plusieurs fois et en parallèle nous avons analysé des documents « d’époque » mis à disposition par les personnes rencontrées. Leur analyse a permis de compléter et de valider les informations données par les personnes enquêtées mais aussi de mettre à jour les bilans et informations collectées par la lecture des travaux et REX réalisés à la suite des évènements.

L’effort de reconstruction a été à la hauteur de l’importance des dégâts : sur une grande partie du territoire départemental, sur toutes les activités, et sur tous les secteurs de la société, des biens publics aux biens privés en passant par les entreprises et exploitations agricoles. Une cérémonie officielle a clôturé la phase de programmation des crédits de la reconstruction le 12 novembre 2002 au troisième anniversaire des crues dévastatrices. Mais certains dossiers ont traîné comme celui des digues de Cuxac-d’Aude qui furent promises aux cuxanais après les inondations de 1999 dont l’inauguration a eu lieu en décembre 2014. Les dispositifs d’aide et d’accompagnement de la

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reconstruction ont été discutés et décidés en réunions interministérielles entre préfets et représentants des différents Ministères. Il s’agissait d’une part de faire remonter les besoins du terrain ; et d’autre part, de prendre des décisions sur les modalités de reconstruction, surtout pour le volet économique. Pour le ce faire, en mars 2000, le sous-préfet de l’Aude est nommé chef de la mission de reconstruction des collectivités. Cette mission reconstruction permettait de centraliser les dossiers des collectivités, les instruire et veiller à la bonne utilisation des fonds de l’Etat.

L’étude de ce processus de reconstruction permet d’analyser les difficultés liées au fait qu’une grande partie du territoire ait été sinistrée par les inondations. L’échelle d’analyse est celle du bassin versant et des communes les plus sinistrées. Cette étude de cas servira notamment pour illustrer les questions de la restructuration de la gouvernance de la reconstruction.