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CHAPITRE 2 PROBLÉMATIQUE ET PRÉSENTATION

2.1 Description de la problématique liée à la gestion des déchets

2.1.2 Lacunes dans les outils disponibles

Dans un contexte où le « développement durable » est au centre des préoccupations, le concept de gestion intégrée des déchets devrait viser l’atteinte de bénéfices environnementaux, d’optimisation économique et d’acceptabilité sociale. Pour assister les décideurs et les législateurs dans leurs processus de prises de décision liés à la gestion des déchets, de nombreux outils sont proposés. Le plus souvent, ces outils se basent sur l’ACV, les analyses multicritère et coût-avantage, ainsi que les SIG. Toutefois, aucun de ces outils n’intègre à la fois les caractéristiques géographiques, les aspects sociaux, les transports, les flux de matières, les modes de valorisation ou d’élimination et les coûts. De plus, ces outils excluent les aspects spatiaux et temporels qui sont intrinsèques aux systèmes et qui sont essentiels à la compréhension et à l’analyse des problèmes de gestion

(Leao et al., 2004). Il est donc inadéquat de greffer des valeurs fixes aux paramètres, alors qu’en réalité ces derniers fluctuent continuellement (Costi et al., 2004).

De façon à corriger certaines lacunes mentionnées précédemment, le développement des outils de gestion des déchets devrait notamment s’appuyer d’une part sur les lois dynamiques du marché spécifiques à chaque débouché (produits générés par les activités de la filière) et, d’autre part, les contraintes associées à leur approvisionnement qui portent tant sur la diversité des sources que sur les caractéristiques (quantités et qualités) des matières résiduelles qui y sont associées (Rojo et al., 2008).

Bien que certains outils, tels que l’ACV, soient utilisés pour accompagner la prise de décision, ceux-ci renferment des lacunes quant à l’interdépendance entre les variables, pouvant alors influencer significativement les résultats (Petersen et Solberg, 2005). Notamment, les systèmes étudiés à l’aide de ces outils sont linéaires et rigides, les fluctuations dans la disponibilité des ressources et dans la productivité sont négligées, l’aspect dynamique des transports n’est pas considérée, la synergie inter-industries n’est pas favorisée et le choix du mode de valorisation doit être déterminé dès le départ (Rojo, 2007). À l'opposé, il est essentiel de prendre en considération les flux de matières, les opérations de collecte et de transport, puis les options de traitement et d’élimination ultime (Thomas et McDougall, 2005).

À l’heure actuelle, l’ACV demeure l’outil favorisé pour la gestion des déchets (Korhonen

et al., 2004). Selon Petts (2000), il n’est pas répandu d’impliquer la participation du public

lors d’une ACV, car cette approche est davantage un outil spécifique et fortement technocratique utilisé avant tout pour faire le bilan des charges environnementales. Pourtant, l’importance de l’opinion publique est primordiale dans la mesure où les aspects sociaux représentent un enjeu majeur dans la prise de décision. Les aspects sociaux incluent notamment les problèmes de communication, l'acceptation par la population, la compatibilité avec les riverains (syndrome du NIMBY), la participation du public dans la planification et la mise en œuvre, le comportement des consommateurs, les facteurs intergénérationnels et

l’évolution des valeurs (Morrissey et Browne, 2004). Toujours selon Petts (2000), si trop d’emphase est mise sur les résultats d’une ACV, au dépend de la considération des autres critères décisionnels importants (en accord avec l’opinion publique), la crédibilité du processus est remise en question. Joos (1999) ajoute que la gestion des déchets doit impérativement intégrer les aspects sociaux, à défaut de quoi le système est voué à l’échec. À cet effet, d’autres auteurs (McDougall et al., 2001) proposent que la prise de décision, lorsqu’elle est basée sur les résultats d’une ACV, soit faite à la suite d’un débat public en tant que partie intégrante du processus démocratique.

Tel que mentionné précédemment, l’analyse des impacts environnementaux est considérablement influencée par le lieu, les conditions et les technologies de traitement. De plus, au stade actuel de son développement, l’ACV ne permet pas d’intégrer les notions de priorités sociales et d’économie face aux impacts locaux engendrés (ISO-14040, 2006), par exemple les répercussions des odeurs émises par une installation. Les modèles actuels, qui étudient le cycle de vie complet d’un produit et qui servent à appuyer les prises de décision dans les systèmes de gestion des déchets sont complexes et très détaillés. En conséquence, les utilisateurs potentiels de l’ACV, tels que les autorités municipales, possèdent rarement les compétences et l’expertise nécessaires pour utiliser de tels procédures complexes (Morrissey et Browne, 2004). Une autre difficulté associée à l’ACV réside dans la fixation des limites ainsi que dans la définition de l'unité fonctionnelle (Ekvall et al., 2007). Notamment, l’ACV n’est pas adaptée pour comparer des impacts qui évoluent dans le temps, comme ceux imputables aux considérations intergénérationnelles par exemple (Petts, 2000).

Selon Powell (2000), plus les données environnementales sont complexes et prêtent à confusion, plus les décideurs se penchent vers les données financières pour appuyer leurs choix. Dans de telles circonstances, l’utilisation de l’approche de l’ACV devient superflue. Cependant, Craighill et Powell (1996) portent l’ACV vers de nouvelles perspectives en y intégrant des facteurs économiques et sociaux. Il faut toutefois souligner que ces modèles traitent uniquement de la phase d’inventaire de l’analyse et que l’ACV demeure un outil destiné à l’analyse d’impacts environnementaux. L’ACV est donc un instrument dans le « coffre à outils » pour la gestion des déchets, les prises de décision ne devraient donc pas

s’y limiter lorsqu’il est nécessaire de décider quelles sont les options à prioriser dans un système (Finnveden et Ekvall, 1998).

À l’heure actuelle, les outils disponibles servent principalement à comparer différents scénarios établis. Comme les méthodes d’analyses, les outils de calcul des flux et les SIG, l’ACV ne permet pas d’effectuer de façon simple et efficiente des simulations dans une optique d’optimisation. Parmi les obstacles qui freinent l’emploi élargi des outils, les utilisateurs critiquent la complexité et la lourdeur de ceux-ci. Cette problématique est accentuée dû au fait que les utilisateurs potentiels de ces outils sont contraints d’acquérir l’expertise nécessaire à leur emploi et à l’interprétation des résultats. De plus, les outils en question requièrent généralement l’intégration et l’étude de nombreux paramètres, ce qui ralentit considérablement le processus de prises de décision. Pour ces raisons, plusieurs décideurs choisissent plutôt de recourir aux approches empiriques de gestion ou de prendre les décisions de façon instinctive (Rojo, 2007).

Les outils disponibles présentent également des lacunes quant à leur flexibilité, à leurs limites d’utilisation, à leur capacité de résoudre des problèmes étendus et à leur applicabilité. De plus, ces outils ne permettent habituellement que l’analyse d’une filière à la fois et ne peuvent donc pas évaluer d’un seul coup le comportement de l’ensemble d’un système (Karagiannidis et Moussiopoulos, 1998). Selon Leao, Bishop et Evans (2004), les modèles mathématiques proposés doivent être dynamiques et s’adapter aux fluctuations démographiques. L’absence d’outils adéquats est en partie provoquée par les limites des méthodologies sur lesquelles se basent les modèles existants, par exemple l’incapacité d’analyser des procédés dynamiques avec les SIG ou d’intégrer des propriétés physiques spatiales avec les outils d’analyses. Contrairement à la vision d’une gestion intégrée, les modèles actuels ne prennent pas en considération les facteurs temporels et spatiaux. Les modèles spatiaux pour la gestion des matières résiduelles sont intrinsèquement statiques, puis les modèles dynamiques pour les systèmes de gestion ne prennent pas en considération les paramètres spatiaux liés aux transports et à la localisation des installations concernées (Leao et al., 2004). Cette problématique indique que de nouvelles méthodes sont nécessaires en matière de gestion des déchets.