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Chapitre 3. Questionner le nouveau souffle de la Biennale de Montréal

3.2. Le renouvèlement de la Biennale de Montréal (2014) : regard analytique

3.2.1. La vision du renouvèlement : miser sur l’international

Tel que vu dans les deux précédents chapitres du mémoire, le désir de renouveau s’est manifesté plus d’une fois au fil de l’histoire de la Biennale de Montréal. La dernière tentative de renouvèlement est de loin la plus marquée étant donné l’envergure des changements planifiés et exécutés. Au fil de l’histoire de BNLMTL, ce sont donc plusieurs acteurs qui lui ont souhaité un nouveau souffle, tous selon leur propre vision. Claude Gosselin et Nicole Gingras entrevoyaient certes pour la Biennale un futur prolifique sur le plan international, mais sans y compromettre la vitalité de la scène artistique québécoise ; leur priorité était d’offrir aux Montréalais et aux Québécois un événement qui leur ressemble en proposant, entre autres, une juste représentation des artistes de « chez nous » (Burke et Gale 2012). Tandis que le récent renouvèlement, celui présentement étudié, de par son objectif d’intégrer le phénomène des biennales, aspire surtout à l’international (global).

Une biennale qui se renouvèle, se restaure, se réactualise, signifie inévitablement qu’il s’agit d’une biennale qui s’estime en marge du phénomène des biennales et qui cherche à se repositionner afin de l’intégrer pleinement. Or, depuis les années 1980, la prolifération mondiale des biennales et la compétition ne cessent d’augmenter, ce qui complexifie l’établissement et/ou la réorganisation d’une biennale. Par exemple, face à son désir d’installer une nouvelle biennale, la ville de Bergen a cru nécessaire de réfléchir à l’avènement d’une autre biennale, à Bergen ou ailleurs, dans ce contexte de prolifération continue. Tel qu’évoqué en introduction, la Bergen Biennial Conference de 2010 ainsi que son important produit dérivé, l’ouvrage The Biennial Reader (2010), traduisent la complexité d’installer et d’affirmer une nouvelle biennale dans le contexte actuel de prolifération d’événements de ce type, complexité à laquelle la Biennale de Montréal ne peut échapper face à son désir de renouvèlement.

Or, la directrice Sylvie Fortin ne semble pas nécessairement percevoir cette complexité comme un obstacle au renouvèlement de BNLMTL, et ce, malgré la controverse et le peu de temps dont disposait l’équipe tardivement constituée pour monter la huitième édition. Sa vision est tout autre, elle y perçoit plutôt une occasion en or : « Comme biennale, on est le petit

nouveau et on a une opportunité, dit-elle. Il n’y a pas de biennale importante en Amérique du Nord. Santa Fe se cantonne dans une optique des Amériques. La Biennale du Whitney est celle de l’art américain. Montréal a la force et la capacité d’attirer les gens. C’est maintenant qu’il faut prendre la place, sinon, un autre le fera » (Clément 18 octobre 2014). L’optimisme de la nouvelle directrice générale et artistique de l’événement est réitéré par ses paroles lorsqu’elle annonce publiquement, dans le communiqué de presse du 6 mai 2014, qu’ « en 2018, BNLMTL sera un des “événements-références internationaux” qui positionnera Montréal en tant que “destination-découverte incontournable pour l’art contemporain” » (Communiqué de presse de BNLMTL: 6 mai 2014). Percevoir la Biennale de Montréal de la sorte l’apparente, ou du moins cherche à l’apparenter, aux plus influentes biennales telles que celle de Venise, de Sao Paulo, d’Istanbul, etc. En fait, en annonçant son renouvèlement, BNLMTL annonce du même coup sa quête de ressembler davantage aux plus influentes biennales de la planète. Autrement dit, elle s’offre elle-même en comparaison avec les plus grandes biennales de la scène artistique internationale afin de démontrer la pertinence de sa tenue, ce qui appuie notre hypothèse selon laquelle la nouvelle BNLMTL s’est définie par rapport aux critères d’évaluation que se sont données les biennales établies et influentes entre elles.

Face à la monumentalité de la tâche, ce renouvèlement de la Biennale de Montréal n’est pas le projet d’une seule édition, mais bien de trois. Il s’agit d’un plan lancé en 2014 et censé atteindre son objectif en 2018. La directrice Sylvie Fortin souhaitait en 2014 installer la Biennale montréalaise dans l’imaginaire des gens en véhiculant l’idée que son accomplissement est important. En d’autres mots, elle désirait que l’édition 2014 signale « qu’il se passe quelque chose » à Montréal et que c’est à surveiller (Ledoux 16 octobre 2014). Le communiqué de presse du 6 mai 2014 précise qu’il s’agit de « la première édition dans le positionnement de BNLMTL comme référence dans le réseau des biennales internationales » (Communiqué de presse de BNLMTL : 6 mai 2014). La directrice confirme ensuite aux médias que cette première étape fut accomplie, étant donné l’attente – avec appréhension négative ou avec enthousiasme – impatiente du public à l’endroit de la nouvelle Biennale de Montréal (Ledoux 16 octobre 2014). L’objectif de l’édition 2014 étant accompli, celle de 2016 peut ainsi espérer se voir atteindre son but : « En 2016 on continuera sur notre lancée et on visera plus haut, avec des collaborations plus larges », entrevoit Sylvie Fortin (Delgado 7 mai 2014 : B07). En 2016, l’objectif est de faire rayonner, d’exploiter et d’affirmer l’ensemble du milieu artistique et du milieu académique

qui occupent tous deux une place centrale à Montréal (Delgado 7 mai 2014 : B07). Dans l’optique de Sylvie Fortin, l’édition 2016 atteindra un plus large public. Si elle se dit satisfaite d’avoir pu attirer des « gros canons » pour la huitième édition, elle croit impératif, en 2016, d’attirer plus de soutien étranger afin de réellement montrer l’exportation des pratiques artistiques, d’écritures et de commissariats québécois (Delgado 7 mai 2014 : B07). Cela représente pour la directrice une mesure de succès qui n’est pas sans rappeler notre description du phénomène des biennales. Face à ce dynamisme, Sylvie Fortin croit que le regret des absents de la seconde édition les mènera à planifier leur visite de l’édition suivante ; c’est à ce moment qu’une biennale devient un incontournable, croit la directrice de BNLMTL (Ledoux : 16 octobre 2014). Ce serait aussi à ce moment que la Biennale de Montréal cesserait de se définir comme un renouvèlement, pour désormais se définir par ce renouvèlement. En effet, en 2018, BNLMTL souhaite atteindre l’objectif final de ce renouveau en trois étapes qui consiste à faire de la Biennale de Montréal un événement incontournable dans le monde (Delgado 7 mai 2014 : B07).