• Aucun résultat trouvé

Partie I : De la naissance d'une « esthétique du local » à l’invention de traditions décoratives

Chapitre 3 : Vers une esthétique de la tradition

3.1. La tradition en expérimentation Le cadre éducatif

De concert avec les premières entreprises de recréation d’une architecture régionale moderne, les premières années du XXe siècle assistèrent donc à la naissance d’un mouvement de réinterprétation des anciennes pratiques décoratives locales dans le domaine des arts appliqués. En 1913, Maurice Maignan, en adaptant le principe d’harmonie décorative à la cause régionaliste, avait d’ailleurs reconnu dans un article publié dans la revue L’Art

décoratif que les arts décoratifs comme l’architecture, en s’inscrivant dans un lieu spécifique,

en devaient les motifs47. Or, si à ce jour les conditions de formation de cette sensibilité particulière aux créations populaires nous sont maintenant connues, celles de son application au champ de la décoration n'en demeurent pas moins, à ce stade, encore nébuleuses. En conséquence, il est maintenant essentiel de s'intéresser aux moyens mis en œuvre par les tenants de la pensée de Jean Charles-Brun afin de soutenir le développement d'un art décoratif régionaliste.

Aux sources d’une éducation pratique et artistique régionale.

Entre 1850 et 1860, alors que l’essor industriel et économique du pays avait conduit de nombreuses municipalités à venir en aide à des entreprises locales qui avaient alors besoin de dessinateurs de modèles, apparurent les premières formes d’éducation artistique pratique. Aussi, tandis que le dessin resta longtemps le fondement de l’instruction dispensée dans ces écoles, la fin du XIXe siècle vit apparaître un enseignement plus spécialisé nettement tourné vers la production industrielle. Charles Blanc, après être redevenu directeur de la section des Beaux-Arts au ministère de l’Intérieur entre 1870 et 1873 et qui était pourtant un vigoureux défenseur de l’ancienne hiérarchie esthétique et notamment de l’idée selon laquelle la production artisanale devait être contrôlée par un système identique à celui mis en place dans l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, avait ainsi défendu l’idée de la création d’un

47 Selon lui, en effet, « On affirme bien, par exemple, qu’un bibelot doit s’associer au meuble qui le reçoit, le meuble à l’appartement, l’appartement à la maison ; on admet encore que la maison doit s’harmoniser avec ses entours immédiats (jardins et dépendances), mais trop souvent, on s’arrête là. Pourtant, il reste à situer la maison et ses dépendances dans la région, c'est-à-dire en accord avec les caractéristiques d’un lieu. La maison devient un motif de la région, de même que nous avions considéré le bibelot, motif du meuble. » (Maignan 1913, p. 227).

enseignement d’un art appliqué haut de gamme fondé sur une fabrication en série limitée ou de pièces uniques faisant appel à des collaborations d’artistes et d’artisans réputés.

En 1884, Léon Charvet (1830 – 1916) alors directeur général de l’inspection de l’enseignement de dessin, souhaitant voir se multiplier des centres de formation adaptés à l’industrie locale, avait, quant à lui, demandé la réorganisation des différentes écoles de dessin existantes afin de les transformer en école d’art industriel. Par ailleurs, l’inspection avait proposé la signature d’une convention aux écoles des beaux-arts de province si elles accédaient au statut d’école régionale et si elles ouvraient une section d’art décoratif. Les premières sections d’art appliqué apparurent ainsi dans plusieurs écoles des beaux-arts autour de 1878 (Laurent 1998). En 1881, un Ministère des Arts fut créé qui scella les premières collaborations entre un enseignement professionnel et un enseignement artistique. Antonin Proust (1832 – 1905), devenu secrétaire d'État aux Beaux-Arts en 1881, institua une commission d’enquête chargée de veiller à la prise en compte des arts appliqués qui s’appuya notamment sur l’inspection des sections créées tout en créant de nouvelles (Roubaix, Bourges, Nice, Limoges).

Toutefois, ce ne fut véritablement qu’à la suite de l'Exposition universelle de 1900, que plusieurs critiques, inquiets de l'état de la formation artistique en France, proposèrent de réformer l’instruction technique et artistique dispensée dans les écoles des beaux-arts. Nombre d'entre eux trouvaient, en effet, leur enseignement beaucoup trop théorique contrairement à celui donné dans les Vereinijite Werkstatten fur Kunst und Handwerk (organisation créée en 1897 afin de produire et de diffuser les créations des ateliers allemands) ou dans les écoles anglaises notamment dans la Royal School of Art Needle Work. En 1904, Maurice Pillard-Verneuil, remarquant « qu'au lieu de créer des ateliers artistiques ainsi que cela existe en Allemagne, en Autriche, les artistes [français] continuent à lutter isolément et, semble-t-il, sans grand espoir de vaincre » et tout en reprochant notamment aux différentes écoles françaises d'avoir formé des êtres hybrides et incomplets, souhaita qu’on développe un enseignement destiné à de futurs artisans et

« non [à] de prétendus artistes. Car ceux-ci n’ont, d’un côté, aucune idée suffisante des connaissances pratiques, qu’ils devraient posséder comme artisans, et, d’un autre côté, ils manquent de la culture esthétique, de la connaissance approfondie des arts du dessin et du modelage que doit posséder l’artiste. » (Pillard-Verneuil 1904, pp. 101 – 102).

Concurremment à cette volonté d'assister à la naissance d'un enseignement artistique pratique, de nombreuses personnalités, proches des idées régionalistes, encouragèrent alors la fondation d'écoles et d'ateliers d'art sur l’ensemble du territoire national. En 1921, Victor- Émile Sedeyn souscrivit particulièrement à cette « régionalisation » de l’enseignement qui aurait permis, selon le rédacteur du Figaro illustré, de remédier principalement à un certain effet de mode pour le rustique :

« Revenus à leur pays d’origine, les ouvriers formés à cette école [celle d'Alfred Ely-Monbet], dans la paix et la beauté des Montagnes noires, ne pourront pas oublier cet enseignement puisé aux sources les plus profondes du terroir et de la race. Au milieu de la banalisation rapide du mobilier rustique, provoqué par l’accaparement des grandes villes, leurs travaux garderont l’empreinte des idées inculquées et des procédés appris » (Sedeyn 1921, pp. 100 – 101).

Il faut dire que toute la première moitié du XXe siècle, de nombreux fabricants et distributeurs de mobilier proposèrent des copies de meubles régionaux à un public urbain. Les catalogues des Etablissements Francisques Girard, du Printemps ou ceux des Galeries

Lafayette sont, à ce titre, particulièrement édifiants quant au nombre, à la qualité, mais plus

encore à la banalité de ces fabrications végétant généralement entre des copies et des adaptations de la notion de « style rustique » (c.f. annexe 41). En 1936, les Etablissements Girard publièrent justement un important catalogue, intitulé L’Art rustique et les styles

anciens dans la décoration d’intérieur, associant des considérations esthético-

ethnographiques à une démarche commerciale. Dès l’introduction, Francique Girard avait d’ailleurs prévenu :

« L’ouvrage que nous présentons aujourd’hui s’adresse en même temps au Décorateur, à l’Architecte, à l’Amateur, au Collectionneur et à tous ceux qui, pour la décoration de leur intérieur, pour l’ameublement d’une villa, d’un château, d’un appartement, d’un rendez-vous de chasse, ou d’une gentilhommière, aiment à trouver des renseignements précis sur la question si complexe de l’Ameublement » (Girard 1936, p. 7).

Après avoir consacré plusieurs chapitres aux meubles bressans, qui n’excédaient toutefois pas un dixième du volume de l’ouvrage, l’auteur du catalogue se proposait non seulement de montrer le « parti que l’on peut tirer des meubles d’autrefois qui, dans leur état actuel, ne répondent plus à nos besoins modernes », mais également de renseigner ses lecteurs « sur la décoration proprement dite : papiers peints, peintures, boiseries, tentures, rideaux, vitrages ; sur la ferronnerie d’art, sur les meubles marquetés, les meubles laqués » – c’est-à-

dire sur tout un « univers » rustique (Girard 1936, p. 8).

Face à de telles dérives, plusieurs critiques et adeptes d’une esthétique régionaliste s’élevèrent donc contre des fabrications industrielles qui avaient souvent réduit les répertoires décoratifs populaires à des formules stylistiques d’une indigente pauvreté et qui n’avaient souvent de « style » que le nom.

Le régionalisme et la question éducative.

Rapidement les régionalistes s’emparèrent ainsi de la problématique de la formation d’une éducation visant à faire des artistes des artisans. Il faut dire que la question du développement d'un enseignement technique et artistique et plus particulièrement celle de la création d’écoles régionales se trouvait singulièrement en résonance avec leur projet de rénovation des anciennes industries d’art local. Un article de Maurice Maignan consacré au VIIIe Salon de la Société des Artistes Décorateurs dans la revue L’Art décoratif fut, à ce titre, particulièrement éclairant quant aux liens existants entre le constat dressé par de nombreux critiques de la nécessité de réformer l’éducation pratique et esthétique dispensée dans les écoles d’art et le projet régionaliste visant à doter l’ensemble des provinces françaises d’un décor spécifique (Maignan 1913, pp. 321 – 326).

Dans celui-ci le sculpteur, reprochant à certains critiques leurs appels à faire de l’adéquation de l’œuvre et du milieu un principe esthétique sans que ces derniers n’aient fourni, selon Maignan, une quelconque méthode – « Ah ! comprenez-vous la déception de l’artiste qui, sincèrement, a cherché à s’éveiller à un concept d’art collectif, et qui ne s’est vu guidé que par des mots inexpliqués ? » (Maignan 1913, p. 326). Maignan proposa alors la poursuite des anciennes traditions décoratives locales. Selon lui, l’uniformisation artistique fondée sur la recherche d’un style moderne qui était alors préconisée par de nombreux critiques ne pouvait qu’être illusoire tant celle-ci était régie par des formules arbitraires et floues procédant avant tout de la volonté d’élaboration d’un style parisien. Par conséquent, il était indispensable que le régionalisme dépasse le « retour aux styles patoisants » et devienne une véritable entreprise de « mise en valeur des spécificités esthétiques locales » (Maignan 1913, p. 323). Pour Maignan, le régionalisme se devait donc d’être une « mise en pratique d’une science des harmonies ethno-topographiques, déterminant des modes de construction et de décoration appropriés » (Maignan 1913, p. 323). Or, selon ce dernier, un tel programme était particulièrement vaste et l’on se devait d’établir un « plan d’ensemble de ses efforts »,

par crainte « qu’un régionalisme parasitaire l’étouffe par ses petits salons d’amateurs, ses décentralisations de cabotins, ses petits musées d’archéologie bibelotière, et ses « syndicats d’initiative » mercantiles » (Maignan 1913, p. 323)48.

Trois ans auparavant, dans son article « Le régionalisme dans l’art », Charles Beauqiuer avait déjà appelé à la création « d’universités, de grands magasins, d’écoles des Beaux-Arts, etc… En un mot de tout l’outillage nécessaire à l’éducation des savants, des littérateurs et des artistes » (Beauquier 1910, n. p.). En 1910, la présentation, dans la revue

Art et Industrie, de l'École Nationale des Arts Industriels de Roubaix comme l'« un des plus

remarquables résultats de l’effort régionaliste », apparut, à ce titre, particulièrement révélateur du rôle désormais dévolu à la pensée régionaliste dans le mouvement de formation d'une éducation artistique provinciale (Anonyme 1910, n. p.). La création de cette école pourtant été le fait d'une nouvelle prise en compte de l'importance économique du secteur de la filature à la fin du XIXe siècle. Son auteur, en décrivant l'initiative prise par la municipalité de Roubaix comme la conséquence d'une impulsion régionaliste, atteste en cela parfaitement de l'emprise des prérogatives régionalistes en matière d'enseignement artistique49. Pourtant, il est aujourd’hui manifeste que le mouvement de création de ces différentes écoles d’art appliqué qui ponctua la fin du XIXe siècle ne fut pas l’une des conséquences de considérations régionalistes précoces en matière esthétique, mais celle d’une entreprise de restructuration des écoles d’enseignement artistique et pratique.

Lors de la fondation de l'Union Provinciale des Arts Décoratifs, plusieurs des membres de la fédération avaient souhaité assister à un réveil provincial initié par le soutien et le développement de véritables politiques locales et notamment d’un enseignement artistique régional. Certains d’entre eux, au premier rang desquels se trouvait Victor Prouvé, avaient d’ailleurs vivement insisté pour le développement d’une éducation esthétique et pratique. Devant un industrialisme dont l'emprise gagnait, selon ses membres, toutes les branches du travail, l’Union entendait ainsi non seulement s'opposer à une centralisation à outrance et de « susciter une organisation nationale nettement décentralisatrice en matière d'art décoratif »

48 Selon Maignan ce « qu’il faut « entendre par régionalisme artistique, c’est la mise en valeur des spécificités esthétiques locales. Et ce n’est pas plus à confondre avec un sentimental retour aux styles patoisants, qu’avec le volontaire mépris de ces écoles régionales qui n’en portent que le nom, telle l’école d’art de Nancy, dont le « moderne » peut-être curieux en soi, n’est qu’une pénible hérésie sur la terre lorraine. » (Maignan 1913, p. 323).

49

En 1876, le Conseil Municipal de Roubaix, souhaitant assister au développement d’une formation artistique adaptée aux besoins d’une ville industrielle, vota à l’unanimité la création d’un enseignement de tissage et de la teinture ainsi que la fondation d’un établissement « destiné à réunir les cours publics actuellement existants à Roubaix, avec leurs collections, le musée artistique et industriel, la bibliothèque, ainsi que tous les autres cours » (Anonyme 1910, n. p.).

(Grandigneaux 1908, p. 34)50. Dès 1908, Émile Grandigneaux avait particulièrement insisté, dans un article intitulé « Réveil des provinces », sur les méfaits de la centralisation artistique et sur la nécessité de réformer l’enseignement jusque-là dispensé dans les écoles du pays.

L'Union Provinciale des Arts Décoratifs et le relèvement de l’apprentissage

artisanal.

Imprégné des idées de Barrès, de Camille Mauclair ou encore de l’auteur de La Terre

qui meurt, René Bazin (1853 – 1932), qui voyait dans la ville un lieu de perdition, de

déracinement et d’aliénation culturelle, Grandigneaux et à travers lui les membres de l'Union se firent les chantres d'un mouvement de réaction régional contre le modèle culturel parisien dominant. Appelant à la rénovation des directions jusque-là suivies par les artistes et les artisans, ceux-ci souhaitèrent donc remédier à une situation qui condamnait régulièrement les initiatives régionales en matière d'enseignement artistique. Gaston Quenioux, dans le premier numéro de L'Art et les métiers, avait d’ailleurs annoncé que les objectifs de l'Union Provinciale des Arts Décoratifs devaient aussi se rapporter

« à l'éducation même des enfants qui seront les artisans futurs. D'où, d'une part une organisation que l'Union provinciale veut créer pour donner aux efforts trop peu fructueux, parce que disséminés, la cohésion nécessaire et, d'autre part une éducation qu'il faut améliorer, car cette éducation, laissée entièrement aux mains de l'État, est jusqu'ici restée trop générale pour intéresser particulièrement les ouvriers d'art ou les artisans. » (Quenioux 1908, p. 16). Et celui-ci de lancer tel un mot d'ordre que la « question de l'éducation est primordiale, et il faut sérier nos efforts, c'est à la résoudre que nous devons d'abord nous attacher. » (Quenioux 1908, p. 16).

Quenioux, soucieux du relèvement des industries artistiques nationales et rejoignant le désir de nombreux régionalistes de voir se développer en France une nouvelle organisation

50 À la suite du Congrès de Dijon de 1912 et de l’assemblée générale qui lui avait été associée, l’Union avait redéfini ses statuts. Selon l’article 2, l'Association avait désormais pour but : « De favoriser, dans différentes provinces de France, la rénovation et le développement des métiers et des industries d'Art et de veiller à la défense de leurs intérêts artistiques ; De préparer l'avenir, grouper les intelligences éparses, provoquer toutes les bonnes volontés, appeler tous ceux qui comprendront combien peut être salutaire, bienfaisant ''l'effort collectif'' en se vouant avec un entier désintéressement ''personnel'' au relèvement moral des hommes de métier ; D'établir des rapports constants et fraternels entre les artistes, artisans ou les groupes régionaux préoccupés des mêmes intérêts ; D'organiser dans les différentes régions des congrès chargés d'étudier successivement ces intérêts au point de vue tant général que régional. D'ouvrir des concours ; D'organiser des conférences et des expositions ; De provoquer l'organisation de musées, de bibliothèques fixes et roulantes et de faciliter l'achat d'œuvres artistiques ; De publier, qu'il [sic.] y a lieu, un Bulletin, etc., etc. » (Anonyme 1913, p. 1).

locale de l'enseignement artistique, encouragea ainsi un rapprochement entre les artistes, les artisans, les ouvriers d'art et les industriels tout en appelant à la rénovation des anciennes écoles provinciales :

« Dans les centres d'art provinciaux constitués, de nouvelles écoles d'art présentant une originalité native pourront se développer sans contrainte et nous ramener aux belles époques artistiques de notre histoire. L'Union Provinciale [...] pourra organiser tour à tour, dans chacun des grands centres commerciaux, des manifestations nationales montrant au pays tout entier les résultats utilement obtenus. Alors notre belle Patrie aura vite repris son ancienne prépondérance sur le goût mondial, car elle présentera à l'univers tout entier une admirable efflorescence esthétique composée d'œuvres variées, d'écoles diverses, mais toujours harmonieuses, grâce à la perfection reconquise et coordonnée par nos maîtres professionnels. Il importe, en effet, contrairement au déplorable état de chose actuel, que les artistes, artisans, ouvriers d'art et industriels d'art aient des rapports beaucoup plus directs et apprennent à mieux se connaître par les études de leurs syndicats respectifs. » (Quenioux 1908, p. 22).

Ce n'est toutefois qu'à la suite du Congrès de Toulouse de 1910 de l'Union Provinciale des Arts Décoratifs que la question d'un enseignement artistique régional fut véritablement évoquée, et cela bien que l'idée d'une formation fondée, selon Émile Sedeyn, sur une volonté de « continuer » les traditions locales avait déjà pris corps dans de nombreuses écoles régionales51. Aussi, afin de se prémunir d’une concurrence étrangère et d’une décadence urbaine, les membres de l’Union, au regard de l’échec de la formation dispensée dans les écoles professionnelles, appelèrent alors à la création d’« écoles d’apprentis » qui permettraient de compléter l’enseignement que les élèves avaient jusque-là reçu dans les ateliers patronaux. Maurice Alet, professeur d'art industriel à Toulouse et membre de la Société des Artistes Méridionaux, en vint, lors du Congrès de 1911, à mettre sur pied un programme éducatif mêlant principes rationalistes, soucis pédagogiques et préoccupations régionalistes :

« Tous les congrès ou les groupements qui ont étudié la question de l'apprentissage, Vachon et Nocq dans leurs enquêtes sur les industries d'art en France, ont constaté que si l'atelier patronal possède et peut encore faire de bonnes mains, ouvrier, contremaitre et patron sont incapables de créer : on pastiche les styles anciens, on ne crée pas les formes nécessaires à nos besoins nouveaux du XX siècle. Si donc l'atelier peut continuer à former la main, il est inapte à l'éducation du cerveau et il faut lui adjoindre l'organe de cette éducation : l'École d'apprentis.

51 Les élèves de l'École des beaux arts de Nantes avaient, en effet, commencé, dès les premières années du XXe siècle, « à composer, selon Émile Sedeyn, des motifs décoratifs modernes en empruntant à l’art breton ses éléments les meilleurs et les plus caractéristiques » (Sedeyn 1921, p. 98).

Tout le monde est d'accord sur la faillite de l'École professionnelle, créée cependant pour ce but. Son défaut consiste à recruter au hasard ses élèves et en nombre trop élevé pour les besoins de l'industrie, pour les enfermer chez elle sans aucune relation avec la vie artisane extérieure et avec un programme qui fait des déclassés ou des fonctionnaires et non des artisans. L'atelier patronal au contraire proportionne automatiquement le nombre aux besoins des industries de la région. » (Alet, 1, 1911, p. 66).

Alet, en reprenant la proposition émise par l'Association des inventeurs et des artistes industriels de Paris d’encourager la formation de groupements professionnels qui assureraient une éducation artistique dans les diverses régions françaises, proposa la création d'un nouveau système d'enseignement fondé sur un rôle accru des ateliers patronaux, tout en leur assignant la mission de la conservation d'un style régional52. L'école, selon ce dernier, se devait d’être

« un laboratoire d'expériences d'où sortiront les procédés nouveaux, les nouvelles adaptations de la matière, où on recherchera les caractères propres à donner et conserver à la production le style à la fois contemporain et régional. » (Alet, 1, 1911, p. 69).

Le projet décentralisateur de l'Union Provinciale des Arts Décoratifs, au même titre que la création d'une section artistique au sein de l'Union régionaliste bretonne, furent ainsi particulièrement éclairants quant à l'importance accordée à la question d'un enseignement régional en France. Il faut dire que ces fédérations, en souhaitant faciliter les collaborations entre les artisans et industriels, n’avaient pas pour seul objectif de remédier à la faillite d’une