• Aucun résultat trouvé

4 La théorie des systèmes socio-écologiques

CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE

I- 4 La théorie des systèmes socio-écologiques

La théorie des systèmes socio-écologiques (SSÉ ou SES pour Socio-Ecological Systems) est l’expression d’une approche à la fois holistique et intégrée. Elle permet de dresser un diagnostic incluant les processus décisionnels, économiques, sociaux et environnementaux pour un enjeu territorial identifié. Les systèmes socio-écologiques ont donc pour objectif d’analyser la nouvelle dialectique économie/sociologie/écologie de manière holistique ; ils correspondent de ce fait parfaitement aux relations ville-port.

C’est pourquoi les SSÉ incluent des sous-systèmes sociaux et écologiques en interactions fortes les uns avec les autres. Des composantes économiques sont le plus souvent incluses dans l’axe social, mais apparaissent rarement en tant que telles. Nous souhaitons pour notre part les distinguer, compte-tenu du caractère premier et fondamental des processus économiques dans les relations ville-port.

Par ailleurs, les SSÉ sont des systèmes évolutifs (ou adaptatifs) modélisant le territoire, à partir de l’identification d’un risque, d’une vulnérabilité et d’une résilience spécifique au territoire. Des mesures d’atténuation et d’adaptation permettent au système de perdurer. En effet, alors que Haeckel, le père de l’écologie, ne différencie pas un groupe humain d’un groupe animal dans un écosystème, les écologistes et plus encore les chercheurs en écologie politique le font. En effet, une des différences majeures entre les sociétés humaines et les systèmes biologiques est que les premiers développent des réponses à la fois proactives (adaptation) et réactives (atténuation), alors que les systèmes biologiques n’ont que des réponses réactives (Gallopin 2006 ; Holling 2001). La capacité d’adaptation des SSÉ est donc plus complexe que celle des systèmes biologiques (Holling 2001).

Nous pensons donc que les SSÉ sont particulièrement bien adaptés à notre démarche. Nous souhaitons donc amorcer notre réflexion par l’analyse du territoire (vulnérabilités) pour poser un diagnostic le plus juste possible, grâce à une analyse multidimensionnelle et multiscalaire du SSÉ.

I-5 Schéma du cadre théorique et conceptuel selon une approche d’écologie

territoriale

Nous allons analyser les processus de gouvernance ville-port puis, successivement, les processus économiques, sociaux et environnementaux de leur interface. Nous croiserons ensuite les résultats entre eux pour parvenir à la compréhension du SSÉ, dans le but d’abaisser la vulnérabilité du territoire ville-port. Celle-ci peut être décisionnelle, économique, sociale, environnementale, ou au croisement de ces différents processus territoriaux. Nous identifions des opportunités de résilience, d’adaptation ou d’atténuation.

Les méta-concepts de positionnalité et de proximités relationnelles n’y apparaissent pas car nous considérons qu’ils appartiennent à notre approche générale d’écologie territoriale.

Ainsi, nous voulons donc : premièrement identifier les vulnérabilités portuaires, urbaines puis territoriales en fonction des processus de gouvernance de la ville et du port sur leur interface ; deuxièmement déterminer les opportunités du système socio-écologique de l’interface, en croisant les vulnérabilités précédemment déterminées.

Notre cadre théorique et conceptuel peut se résumer ainsi (fig. 16) :

Figure 16. Schéma du cadre théorique et conceptuel selon une approche d’écologie territoriale

1. Analyse des processus de gouvernance ville-port, identification et définition des vulnérabilités pour le territoire (Cenci et al. 2014) commun à la ville et au port. 2. Analyse des processus économiques ville-port, identification et définition des

vulnérabilités pour le territoire commun à la ville et au port.

3. Analyse des processus sociaux ville-port, identification et définition des vulnérabilités pour le territoire commun à la ville et au port.

So ur ce : aut eur

4. Analyse des processus environnementaux ville-port, identification et définition des vulnérabilités pour le territoire commun à la ville et au port.

5. Croisement des différentes vulnérabilités identifiées pour déterminer les vulnérabilités de système socio-écologique. Synthèse sur les opportunités du territoire commun.

IICADRECONCEPTUEL

L’importance du territoire émerge dans la littérature et nous apparaît comme centrale. Cela constitue un des fondements de notre cadre conceptuel. Nous développerons donc successivement notre définition du territoire, puis celles de l’interface, du territoire commun et de notre concept central, la vulnérabilité territoriale.

II-1 Les concepts associés à la gouvernance territoriale

Les enjeux de gouvernance dominent à présent la littérature. L’interface ville-port est de plus en plus un espace aménagé, façonné par la volonté des acteurs. Ainsi, le croisement des perspectives selon le contexte local acquiert une importance majeure, et la littérature, notamment portuaire, en rend compte de façon croissante.

II-1-1 Territoire et processus de reterritorialisation

Parmi toutes les acceptions possibles du terme, la définition de « territoire » que nous adopterons ici est celle d’un système complexe adaptatif ouvert, reflétant les processus politiques, économiques, sociaux et environnementaux à l’œuvre.

Les territoires ont connu un bouleversement majeur dans la phase industrialiste, fordiste, qui se caractérise par son indifférence au contexte géoculturel (Pecqueur 2006). Cela a conduit à une déterritorialisation massive des chaînes logistiques. La rupture consommée entre les flux logistiques et les territoires provoque de nombreux conflits entre acteurs.

Une phase post-fordiste de la globalisation émerge depuis les années 1970-1980, qui connait un processus de reterritorialisation des activités et des réseaux, mais à une échelle plus vaste. Des territoires plus intégrés et plus mondialisés, plus fragmentés et multiscalaires, voire transcalaires, se constituent, selon un « nouveau paysage » (Woudsma 2012). Les lieux ne sont plus considérés comme des arènes homogènes où interagissent des acteurs mais des espaces où se côtoient, sans forcément interagir, des acteurs insérés dans de multiples réseaux. Ce sont donc les acteurs et non les lieux qui forment les nœuds de ces nouveaux territoires en constellation. La proximité euclidienne devient moins importante que les proximités relationnelles entre acteurs pour comprendre les processus décisionnels façonnant le territoire (Hall et Jacobs 2010).

Le contexte territorial redevient fondamental dans une approche d’écologie politique. Les impacts locaux des enjeux globaux peuvent être atténués par la gouvernance, à des échelles emboîtées (actions multiscalaires) et conjointes (actions transcalaires). Le territoire lui-même s’adapte progressivement. La maîtrise de l’espace-temps conjugue préoccupations portuaires (maîtrise du temps) et préoccupations urbaines (maîtrise de l’espace), et se matérialise sur le territoire commun ville-port. La positionnalité du territoire, l’adéquation entre le territoire et les flux économiques (Sheppard 2002 ; Hesse 2008 ; Hesse 2010 ; Woudsma 2012) doit aider à en réduire la vulnérabilité territoriale.

II-1-2 L’évolution du concept d’interface

Le champ des relations ville-port possède comme concept spatial central l’interface. L’interface, espace relationnel où se joue la rencontre entre la ville et le port, est donc soumise à de multiples enjeux empiriques : financement et congestion des infrastructures, compétition pour l’occupation du sol, pollutions riveraines et nuisances, valorisation ou dépréciation du prix du foncier, etc. Les conflits mais aussi les collaborations s’y développent.

Le concept d’interface a beaucoup évolué depuis les années 1990, en raison de l’évolution macro-économique, politique et sociétale. En intégrant « la société de l’information » (Castells 2001), les interfaces entre deux espaces ou deux acteurs ne sont plus des espaces de cohabitation

l’interface ville-port actuelle ne ressemble plus à l’interface traditionnelle fondée sur la symbiose fond-forme (Wiegmans et Louw 2011).

Ainsi, dans le « nouveau paysage de la gouvernance » (Woudsma 2012), l’interface ville-port n’est plus simplement affaire de proximité euclidienne car celle-ci a cédé le pas aux proximités relationnelles. L’interface se fait donc territoire commun (Collin 2005 ; Daamen 2010 ; Merk 2013) aux acteurs, à toutes les échelles.

Les conflits qui résultent du processus de reterritorialisation sont la manifestation des inadaptations entre les chaînes logistiques et les espaces aménagés. Le but est d’ancrer durablement l’industrie dans le territoire, de reterritorialiser de manière positive les activités portuaires sur l’espace régional, en lien avec l’espace mondial (Sheppard 2002 ; Woudsma 2012). Cependant, les différents acteurs peinent souvent actuellement à se construire un territoire commun en raison de ces inadaptations.Celles-ci sont dangereuses pour les territoires, car elles peuvent entraîner la surexploitation des ressources, humaines comme physiques et une gestion inéquitable.

Comprendre ces inadaptations doit aider les décideurs à les résoudre de façon mutuellement profitable.

L’analyse conjointe des processus décisionnels et économiques de la ville et du port doit permettre d’identifier les vulnérabilités de l’interface ville-port. Celles-ci sont analysées dans ses différentes composantes éco-socio-environnementales, dans l’objectif de construire un territoire commun moins vulnérable, mieux valorisé.