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Les œufs émis en milieu extérieur sont naturellement dotés d'un pouvoir d'adaptation et de résistance à leurs nouvelles conditions d'évolution que leur confère la structure de leur coque et sa nature physico-chimique. L'œuf est le stade le plus résistant du cycle de vie d'un parasite. Les propriétés de la coque permettent une certaine protection face aux agressions physico-chimiques.

Les pathologistes et les environnementalistes intéressés par le devenir des œufs d'helminthes actuels en milieu extérieur, notamment dans les bacs à sable et les stations

d'épuration, ont testé expérimentalement la résistance des œufs d'Ascaris sp. par divers

procédés : acides sulfurique, nitrique et chlorhydrique à des concentrations variant de 5 à 20 % (Yanagisawa, 1955) qui endommagent la couche externe. Les antiseptiques organiques ne les détruisent pas (solution de formol à 10 %), et les basses températures semblent même avoir un effet favorable à leur conservation (Krasnonos, 1978). Outre ces procédés, des études ont été menées sur l'effet des radiations solaires, de la température, de l’humidité, de la centrifugation, de l’oxygène. Elles montrent la résistance plus ou moins importante de la

coque de l’œuf (Clarke et Perry, 1988 ; Mei et al., 1997).

Cette résistance est en relation avec la composition chimique et structurale de leur coque. La solidité structurale de l'œuf est conférée par la composition de sa coque formée d'une succession de couches protectrices (de 3 à 5 selon les espèces) (Wharton et Jenkins, 1978; Wharton, 1980). L'œuf d'helminthe est structurellement préparé à résister hors de l'organisme parasite, la pérennité de l'espèce dépend de ce pouvoir d'adaptation aux conditions environnementales.

Prenons comme premier exemple l'œuf d’Ascaris (fig. 8) et celui de Toxocara sp. (Fig.

9). Les études de la paroi des œufs réalisées en microscopie électronique à transmission (M.E.T) et en microscopie électronique à balayage (M.E.B) révèlent la présence de 4 couches concentriques qui sont de l'extérieur vers l'intérieur (tableau 8) :

- une couche utérine de nature protéique formée de manière

exogène par les cellules utérines,

- une membrane vitelline de nature lipoproteique,

- une couche chitineuse solide et épaisse

Configuration Ascaris

(Christenson et al., 1950 ; Monné et Höning, 1954 ; Lysek et al., 1985)

Configuration Toxocara

(Foor, 1967 ; Ubelaker et Allison, 1975)

Couche externe utérine = dépôt irrégulier

responsable de la forme mamelonnée Couche externe utérine = dépôt régulier

Couche vitelline Couche vitelline

Couche chitineuserégulière, lisse

Couche chitineuseirrégulière, non lisse

formée de crêtes et de dépressions = surface mamelonnée

Couche lipidique interne Couche lipidique interne

Tableau 8 - Composition de la coque des œufs d’Ascaris et de Toxocara

Fig . 8 -Représentation de la configuration de la coque d’Ascaris avec seule la couche externe mamelonnée et irrégulière (Foor, 1967)

Fig . 9 -Représentation de la configurationde la coque de Toxocara avec la couche

externe et la couche chitineuseirrégulières et mamelonnées (Bouchet-Bruyet, 1987)

Cette succession d'enveloppes pariétales permet la survie des œufs. Elle favorise la préservation de la coque qui dès lors, reste généralement identifiable du point de vue morphologique et morphométrique, cela même après un séjour de plusieurs siècles dans le milieu tellurique. Même si la couche utérine externe est sensible et peut être détruite, la membrane vitelline lipoprotéinée est responsable de la grande imperméabilité de l’œuf, et de

sa résistance à de nombreux facteurs chimiques (Fairbain et Passey, 1955 ; Meyer et al.,

1978). Elle reste tout de même attaquable dans certaines conditions chimiques et thermiques. D’après les deux exemples présentés ci-dessus et les données recueillies concernant les couches d’autres nématodes (Ubelaker & Allison, 1975 ; Wharton & Jenkins, 1978 ; Wharton,

1979 ; Lysek et al., 1985 ; Bouchet-Bruyet, 1987 ; Capizzi, 2000), il est possible d’émettre

une première hypothèse quant à la conservation différentielle des œufs au cours du temps.

Les œufs d'Ascaris et de Trichuris semblent être les plus résistants de part leurs

compositions chimiques. Cependant, les œufs de Toxocara, de part la configuration de leurs

différentes couches gardent, au cours du temps, leur morphologie type, même après

disparition de la couche supérieure (Bouchet et al., 2003c). A l’inverse, les œufs d’Ascaris,

s’ils perdent cette couche externe, n’ont plus l’apparence mamelonnée qui leur est caractéristique.

Cependant, d'après les résultats obtenus au cours de l’étude, il reste de nombreuses zones d'ombres dans le phénomène de conservation de ces marqueurs parasitaires au sein des différents contextes, milieux archéologiques et milieux telluriques.

La nature physico-chimique de l'œuf ne peut à elle seule expliquer cette perdurabilité, ni les disparités rencontrées en matière de quantité et de nature parasitaire. Dès lors l'étude se concentre sur le cortège de processus paléoenvironnementaux directement liés à la nature sédimentaire. L'importance de l'impact du milieu environnant se précise.

Les aléas de la fossilisation dans les milieux parfois oxydants et en perpétuel remaniement sédimentaire, permettent de supposer que le panel parasitaire retrouvé ne représente qu'une partie des organismes originels. Cette perte d'information est à prendre en compte dès le départ. L'évolution diagènétique d'un ensemble sédimentaire donné est normalement due à l'enfouissement, il en est de même pour l'œuf d'helminthe qui subira, dès son arrivée dans le sol tous les processus taphonomiques. Entre le temps passé et le milieu d'enfouissement, quel est le facteur prédominant en matière de perte d'information et de paléo-représentativité, et dans quelles proportions ?

C'est précisément ce que doit explorer l'étude paléoparasitologique en se plaçant à l'interface temporelle entre actuel et fossile afin de pallier la perte d'information, en essayant de la quantifier. Pour cela, des analyses morphoscopiques et biochimiques des coques d'œufs seront entreprises en veillant à replacer l'œuf dans son contexte sédimentaire.

Parallèlement à leur constitution biochimique, et de part ses caractéristiques physiques et son évolution lors de l'enfouissement, le sédiment joue un rôle primordial dans la conservation des éléments parasitaires. Les minéraux entrant dans la composition du sédiment (carbonates, silicates, matière organique, oxydes de fer) tendent à réagir principalement sous l'action de l'eau chargée en éléments chimiques divers. Les caractéristiques physiques d'un sol, telle sa granulométrie, sa perméabilité, et sa porosité seront autant d'indicateurs pour la conservation des œufs d'Helminthes. Ainsi, un sol argileux ou fortement organique piégera plus facilement les œufs et ne permettra pas leur migration verticale ni leur circulation latérale, alors qu'un sol sableux ou limoneux, de par sa porosité permettra ces déplacements.

Le passage rapide en milieu anoxique, et l'humidité constante favorisent la préservation des substances organiques résistantes, telles la chitine et les scléroprotéines qui seraient détruites en milieu aérobie. Ce n'est pas tant l'âge de l'élément parasitaire qui importe, mais bien l'influence de son milieu d'enfouissement.

processus différents, mais entièrement en relation avec le contenant sédimentaire, des œufs de parasites vont :

- perdre une partie de leurs informations par l'action de bactéries détritivores

qui vont gommer les caractéristiques de la coque (fig. 10), ou,

- être recouvert par un précipité de calcite ou d'aragonite qui va masquer la

morphologie naturelle de la coque.(fig. 11)

Fig . 10 -Destruction partielle de la coque d’un œuf d'Ascaris

(Photographie MEB, F. Bouchet)

Fig . 11 -Minéralisation de la coque d'un œuf de Fasciola sp.

(Photographie MEB, F. Bouchet) Une question n’a pas pu être développée totalement : quels phénomènes biologiques, physiques et/ou chimiques du milieu, permettent aux œufs de parasites de résister à l’emprise du temps ?

L’observation d’œuf de Toxocara préhistoriques (Bouchet et al., 2003c), d’œuf de

Trématodes à la paroi si fine au Pléistocène (Jouy-Avantin et al., 1999), la quasi-absence

d’Oxyuridés si solide dans l’Ancien Monde, amènent l’observateur, le découvreur a rechercher et tester avec un plus grand nombre d’œufs l’action du temps, du milieu, …

Les œufs de parasites sont, comme les momies naturelles, conservés sans action de l'homme, mais par action du milieu. Ils subissent donc peut être une sorte de "momification

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