2.2.1 Définition
Les unités consonantiques et vocaliques se regroupent à l’intérieur des mots en des séquences phoniques appelées syllabe. La syllabe est définie, de manière générale, par Dubois, J. et alii (2007 : 459) comme étant « la structure fondamentale qui est à la base de tout regroupement de phonèmes dans la chaîne parlée »
D’un point de vue structural, la syllabe est composée de deux parties : - une partie centrale ou noyau syllabique qui assume une fonction syllabique ; - une partie marginale ou marge syllabique qui assume une fonction asyllabique.
Le noyau syllabique, représenté par une voyelle, détermine le nombre de syllabes, c’est-à-dire, dans un mot, plus les voyelles sont distinctes, plus les syllabes sont distinctes.
La syllabe wolof analysée dans cette section repose sur cinq principes fondamentaux qui sont les suivants :
1. Le noyau syllabique consiste en V ou VV ;
2. L’attaque est obligatoirement une unité consonantique qui peut être une consonne simple ou une prénasale ;
3. La coda de la syllabe est facultative ; elle est représentée au cas où elle apparaît par une consonne simple, une géminée ou une prénasale.
4. La séquence de consonnes comme attaque et coda ne peut être qu’une prénasale sonore.
5. La consonne géminée est non attestée en attaque de syllabe.
Compte tenu de ces principes directeurs de la structure de la syllabe wolof, nous proposons de définir cette dernière comme une unité phonologique supérieure comprenant trois parties : l’initiale consistant en une consonne (simple ou complexe) ; le noyau consistant
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en une voyelle (brève ou longue) et la finale consistant en une consonne (simple ou complexe) si elle n’est pas simplement absente.
2.2.2 Structures syllabiques
Les études menées sur la typologie de la syllabe en wolof ont principalement révélé, dans le cadre du lexème, six structures différentes.
Nous retrouvons les mêmes types syllabiques dans tous les parlers. La seule particularité relevée concerne la voyelle d’appui / ë / après complexe consonantique en fin de mot simplement attestée en wolof de Dakar (cf. exemples 021) et en faana-faana et effectivement réalisée en faana-faana et en lébu de Ouakam. Elle renvoie à / ë /, / u / ou / i / 1. / CV /
013 jë [ɟə] « front »
fo [fɔ] « jouer »
jí [ɟi] « semer »
WOFAA et WOLEB
014 jë fo jí
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en faana-faana (cf. exemples 022, 026) et / a / en lébu de Ouakam (cf. exemples 022, 026) (cf.
ci-dessous, 2.3.6, pp. 74-88).
2. / CV1V1 /
015 woo [wɔ:] « appeler »
yoo [jɔ:] « moustique »
daa [da:] « encre »
WOFAA WOLEB
016 hoo [hɔ:] ʔoo [ʔɔ:]
daha daa
yoo yoo
Dans la suite du texte, nos exemples seront présentés sous le modèle de l’exemple 016, ci-dessus. Après les formes en WODAK (qui constitue ici le wolof de départ) et leurs définitions, nous donnons les formes correspondantes en WOFAA et en WOLEB (sans les définitions qui sont les mêmes presque partout), avec une mise en évidence par le caractère gras des particularités caractéristiques de chaque parler par rapport à l’autre. Les lexèmes et les énoncés sont disposés de façon à présenter d’abord les formes divergentes, ensuite les formes convergentes avec un saut d’une ligne entre elles. Si les formes sont identiques partout, après voir donné les exemples en WODAK, nous donnons un exemple commun aux
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deux autres variantes (le faana-faana et le lébu de Ouakam), cf exemples 013 et 014 ci-dessus.
3. / CVC /
017 xol [xɔl] « cœur »
def [dεf] « faire » nag [nag] « vache »
WOFAA et WOLEB
018 xol def nag
La consonne initiale C peut correspondre, dans ce type syllabique (CVC), au coup de glotte qui est simplement constaté en wolof de Dakar à l’initiale de tout mot commençant par une voyelle par Sauvageot, S. (1965) et considéré par Dialo, A. comme un phonème (1981) (cf. ci-dessus, 2.1.1.1.2, pp. 19-21).
019 (ʔ)5am [(ʔ)am] « avoir » (ʔ)at [(ʔ)at] « année »
5 La parenthèse s’explique par le fait que, cette consonne n’est pas notée dans l’écriture par les descripteurs du wolof de Dakar par contre elle est notée en lébu dans Diop, A.K. (2000).
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(ʔ)ër [(ʔ)ər] « tâche dermique »
WOFAA WOLEB
020 ham [ham] ʔam [ʔam]
hat [hat] ʔat [ʔat]
hët [hət] ʔër [ʔər]
4. / CVC1C1 (V) /
021 tëdd(ë) [təd:(ə)] « se coucher » wàcc(ë) [wa:c:(ə)] « descendre » génn(ë) [gen:(ə)] « sortir » tàng(ë) [ta:ηg(ə)] « être chaud »
WOFAA WOLEB
022 tëdd(ë) [təd :(ə)] tëdda [təd:a]
wàccí [wa:c:i] wàcca [wa:c:a]
génn(ë) [gen:(ə)] génna [gen:ə]
tàng(ë) [ta:ηg(ə)] tànga [ta:ηga]
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5. / CV1V1C /
023 xool [xɔ:l] « regarder »
néeg [ne:g] « chambre » ñúul [ɲu:l] « être noir »
njaay [ɲɟa:j] « vente »
WOFAA et WOLEB
024 xool néeg ñúul njaay
6. / CVNC(V)6/
025 bant(ë) [bant(ə)] « bâton » démb(ë) [demb(ə)] « hier »
pénc(ë) [peɲc(ə)] « place publique »
WOFAA WOLEB
026 bant(ë) [bant(ə)] banta [banta]
démbu [dembu] démba [dembə]
6 Le symbole N représente une consonne nasale.
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pénci [peɲci] pénca [peɲcə]
Les types syllabiques 4 (CVC1C1) et 6 (CVNC) correspondent respectivement en faana-faana et en lébu de Ouakam à CV1C1C1V2 et CV1NCV2 ou V2 représente la voyelle d’appui effectivement réalisée et qui varie de façon interdialectale et intradialectale.
En wolof tous les types de syllabe peuvent être précédés d’une consonne nasale. Ainsi on peut avoir les formes suivantes :
type 1 : N + CV → NCV
027 njí [ɲɟi] « semis »
type 2 : N + CV1V1 → NCV1V1 : 028 ndaa [nda:] « canari »
type 3 : N + CVC → NCVC :
029 mbey [mbεj] « culture » ndox [ndɔx] « eau »
type 4 : N + CVC1C1 → NCVC1C1 : 030 mbedd [mbεd:] « rue »
type 5 : N + CV1V1C → NCV1V1C : 031 mbaam [mba:m] « âne »
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ngooñ [ɲgɔ:ɲ] « paille d’arachide »
type 6 : N + CVNC → NCVNC :
032 ndënd [ndənd] « tambour »
La combinaison d’une nasale à tous les types de syllabes existe aussi dans les deux autres variétés.
WOFAA WOLEB
033 mbedd- mbedda ndënd- ndënda njí njí ndaa ndaa ndox ndox mbaam mbaam
Compte tenu de l’existence en wolof de Dakar d’une consonne dans l’attaque (coup de glotte) phonologiquement interprétée comme un phonème, la forme canonique qui se dégage de l’analyse structurale de la syllabe wolof est la forme CV(V)(C)(C), soit CVXY où X est une voyelle facultative et Y, une consonne simple ou complexe facultative.
La forme CV est la plus fréquente devant la forme CVC.
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2.2.3 Combinaison de syllabes
La combinaison de syllabes est analysée à travers des unités dissyllabiques, des unités trisyllabiques et autres polysyllabes.
2.2.3.1 Les dissyllabes CV + CV
034 go-lo [gɔlɔ] « singe »
xa-le [xalε] « enfant »
CV + CVC
035 de-ret [dεrεt] « sang » na-wet [nawεt] « hivernage »
CVC + CVC
036 fíf-tin [fiftin] « franc » bëc-cëg [bəc:əg] « journée »
CVV + CVC
037 taa-líf [ta:lif] « poème » xaa-lís [xa:lis] « argent »
CVV + CVVC
038 yaa-kaar [ya:ka:r] « espoir »
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CV + CVVC
039 ba-gaas [baga:s] « bagage » gú-noor [guno:r] « insecte »
CVV + CV
040 daa-ra [da:ra] « école coranique » kaa-ní [ka:ni] « piment »
CVC + CV
041 gúd-dí [gud:i] « nuit » nop-pí [nɔp:i] « se taire »
sox-la [soxla] « besoin » sox-na [soxna] « époux »
En wolof, dans les dissyllabes ou les mots de plus de deux syllabes, la voyelle finale de la dernière syllabe peut correspondre à la voyelle d’appui variable d’un parler à l’autre ou à l’intérieur d’un parler. Ainsi, nous avons les formes suivantes en WODAK et leurs correspondantes en WOFAA et en WOLEB.
WODAK
042 dëb-b(ë) [dəb:(ə)] « piler » dém-b(ë) [demb(ə)] « hier » jàl-l(ë) [ɟa:l:(ə)] « passer »
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wàc-c(ë) [wa:c:(ə)] « descendre »
WOFAA WOLEB
043 dëb-bú [dəb:u] dëb-bá [dəb:ə]
dém-bú [dembu] dém-bá [dembə]
jàl-l(ë) [ɟa:l:(ə)] jàl-la [ɟa:l:a]
wàc-cí [wa:c:i] wàc-ca [wa:c:a]
CV + NCV
044 dí-ndí [dindi] « enlever » gú-mbá [gumbə] « être aveugle » ba-nt(ë) [bant(ə)] « bâton » de-nc(ë) [dεɲc(ə)] « garder »
WOFAA WOLEB
045 ba-nt(ë) ba-nta [banta]
de-ncí [dεɲci] de-nca [dεɲca]
dí-ndí dí-ndí [dindi]
gú-mbá gú-mbá [gumbə]
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2.2.3.2 Les trisyllabes CV + CV + CV
046 sa-ta-la [satala] « bouilloire » ta-ba-la [tabala] « large tambour »
CV + CV + CVVC
047 Se-ne-gaal [sεnεga:l] « Sénégal » Sí-gi-coor [sigicɔ:r] « Ziguinchor »
CVV + CV + CV
048 taa-lí-be [ta:libε] « élève à l’école coranique »
CVV + CV + CVVC
049 taa-xú-raan [ta:xura:n] « chant composé pour célébrer un chef spirituel musulman »
CVV + CVVC + CVV
050 yaa-kaar-loo [ya:ka:rlɔ:] « faire espérer »
(C)V + CVC + CV
051 (ʔ)Ú-séy-nú → (ʔ)Ú-sey-nu [(ʔ)usejnu] « Ousseynou »
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CVC + CVC + CV
052 yàk-kam-tí [ya:k:amti] « être pressé »
CVC + CVC + NCVVC
053 wal-lax-njaan [wal:axɲɟa:n] « larve de moustique »
NCV + CV + CV
0054 mba-xa-na [mbaxana] « coiffe d’homme »
NCVV + CV + CVVC
055 ndaa-ma-raas [nda:mara:s] « noix d’acajou »
WOFAA WOLEB
056 taa-lí-be taa-li-be taa-xú-raan taa-xu-raan yàk-kam-tí yàk-kam-ti sa-ta-la sa-ta-la ta-ba-la ta-ba-la Se-ne-gaal Se-ne-gaal Sí-gi-coor Sí-gi-coor yaa-kaar-loo yaa-kaar-loo (ʔ)ú-sey-nu ʔú-sey-nu wal-lax-njaan wal-lax-njaan
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mba-xa-na mba-xa-na ndaa-ma-raas ndaa-ma-raas
2.2.3.3 Les autres polysyllabes CVC + CV + CV + CV
057 wal-ba-tí-kú → wal-ba-tí-ku [walbatiku] « se retourner »
CVC + CV + CV + CV
058 yàk-ka-lí-kú → yàk-ka-lí-ku [ya:kaliku] « être élargi »
CVC + CV + NCV + CV
059 moy-ta-ndí-kú → moy-ta-ndí-ku [mɔjtandiku] « éviter, se méfier »
CVC + CV + CV + CV + CVVC
060 wal-ba-tí-kú-waat → wal-ba-tí-ku-waat [walbatikuwa:t] « se retourner de nouveau »
Ces formes n’existent pas toutes en WOFAA et WOLEB, elles correspondent aux polysyllabes suivants :
WOFAA WOLEB
061 jàl-lar-bí-ku [ja:l:arbiku] wal-ba-ti-ku [walbatɪkʊ]
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yàk-ka-lí-kú [ya:k:aliku] yàk-ka-li-ku [ya:k:alɪkʊ]
moy-tú [mɔjtu] moy-ta-ndi-ku [mɔjtandɪkʊ]
jàl-lar-bí-kú-haat [ja:l:arbikuha:t] ʔal-ba-ti-ku-ʔaat [ʔalbatɪkʊʔa:t]
L’étude contrastive de la syllabe en wolof expose les mêmes types de syllabe entre les
parlers de cette étude. Les particularités constatées se situent au niveau de mots à finale vocalique où la voyelle finale peut correspondre à la voyelle d’appui variable d’une variante à l’autre et au sein même du parler du Saloum. Elles se retrouvent aussi au niveau des mots à initiale consonantique où l’attaque est assurée en WODAK et en WOLEB par le coup de glotte (ʔ). Cette consonne initiale est simplement notée par les descripteurs du wolof de Dakar et analysée comme telle en lébu. Elle renvoie à la constrictive laryngale h en WOFAA.
Concernant les combinaisons, nous retrouvons les mêmes structures (dissyllabes, trisyllabes et plus de trois syllabes) dans les trois parlers.
A la suite de l’analyse contrastive de la syllabation entre les parlers étudiés, nous passons à la révision de faits morphophonologiques du wolof de Dakar pour ensuite les confronter à la réalité linguistique qui caractérise les deux autres variantes.
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