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2.2. Le syndrome cardiométabolique et la stéatose hépatique

2.2.2. La stéatose hépatique : pathogenèse et mécanismes

Si des facteurs génétiques et nutritionnels ont été identifiés dans le développement de la stéatose hépatique non-alcoolique, il convient de préciser que cette dernière n'est habituellement associée à aucun symptôme. On la découvre lors d'analyses de sang de routine indiquant des anormalités métaboliques et pathologiques. Il convient à présent de recenser certains mécanismes à la base du développement de ces anomalies.Trois hypothèses ont été avancées pour expliquer la pathogenèse de la SHNA, soit, (1) l’hypothèse du microbiote intestinal ou l’axe gastro-hépatique, (2) l’hypothèse des “two-hit” et (3) la résistance à l’insuline (RI).

2.2.2.1. L’hypothèse de l’axe gastro-hépatique

L’hypothèse du microbiote intestinal repose sur l’association entre l’obésité et les perturbations de la composition du microbiote intestinal (Moschen et al., 2013). Brièvement, selon cette hypothèse les microbes du tractus gastro-intestinal ou leurs produits affectent le foie et les tissus adipeux, provoquant ainsi la stéatose hépatique (Moschen et al., 2013). D’un côté, des glucides complexes fermentés par des enzymes bactériennes favoriseraient la formation des acides gras à courte chaîne (AGCC) qui à leur tour activeraient des récepteurs, tels le Gpr43 (G-protein coupled receptor 43), qui provoquent la baisse des réponses immunitaires aux inflammations intestinales (Moschen et al., 2013). Il convient de rappeler que le Gpr43 est impliqué dans certaines conditions pathophysiologiques tels l’obésité, les colites, l’asthme et l’arthrite (Ang et al., 2015). D’un autre côté, l’augmentation de la production d’éthanol par les enzymes bactériennes du tractus gastro-intestinal a été associée à la pathogenèse des SHNA (Moschen et al., 2013). En résumé, l’hypothèse du microbiote intestinal explore les voies métaboliques qui partent des régimes alimentaires riches en lipides ou glucides complexes en passant par des perturbations des réponses inflammatoires qui se produisent au niveau des tissus adipeux et les déséquilibres du microbiote intestinal. Même si la littérature scientifique abonde pour soutenir cette hypothèse, la plupart des études sur le rôle du microbiote intestinal dans la pathogenèse des SHNA ont souvent utilisé des modèles animaux, et il n’est pas toujours facile de traduire les résultats obtenus au contexte humain.

2.2.2.2. L’hypothèse des « two-hit » ou « deux-coups »

Dans sa forme la plus succincte, l’hypothèse des “deux-coups » comprend la pathogenèse des SHNA comme étant initiée par un premier “hit” ou « coup » provoqué par la résistance à l’insuline (RI), l’obésité et un réseau d’adipokines et cytokines qui aboutissent à l’accumulation des lipides dans le foie (Petta et al.,

2009). La résistance à l’insuline se développe dans ce cas comme une conséquence de la combinaison des facteurs tels le flux des acides gras libres dans le foie, une augmentation de la lipogenèse de novo (DNL) et le stress oxydant. L’obésité contribue au premier “hit” par la libération des AGL et la production des cytokines à partir des tissus adipeux. Et le réseau des cytokines contribue au second “hit” en stimulant la réponse inflammatoire et en interférant avec les réseaux de signalisation de l’insuline (Petta et al., 2009).

2.2.2.3. L’hypothèse de la résistance à l’insuline

L’hypothèse de la RI soutient que la RI et l’hyperinsulinémie qu’elle engendre sont les causes majeures de la pathogenèse des SHNA. Une question se pose à savoir si c’est le foie gras qui cause la RI ou si c’est l’inverse qui se produit (Takamura et al., 2012). D’une part, la RI favorise la lipolyse au niveau des adipocytes et donc une augmentation de la libération des AGL vers le foie. D’autre part, l’hyperinsulinémie favorise la DNL (Aubert et al., 2011). Même si les mécanismes impliqués dans la pathogenèse des SHNA ne sont pas encore complètement élucidés, l’hypothèse de la résistance à l’insuline –à laquelle l’hypothèse des “two-hit” se réfère- semble la plus étudiée (Hassan et al., 2014; Kim & Younossi, 2008).

Tous ces éléments pathogéniques indiquent que la stéatose hépatique n’est pas un phénomène isolé. Qu’elle soit associée à des perturbations du métabolisme lipidique, des dysfonctionnements mitochondriaux ou de la résistance à l’insuline, la stéatose hépatique est la résultante d’une conjugaison des phénomènes métaboliques et biochimiques qui permettent d’expliquer la complexité des mécanismes d’accumulation des TG dans le foie.

2.2.2.4. Mécanismes biochimiques d’accumulation des triglycérides dans le foie

L’accumulation des lipides dans le foie peut résulter de plusieurs voies métaboliques dont une hausse de la lipolyse au niveau des tissus adipeux et de la synthèse hépatique des acides gras, une baisse de la synthèse/excrétion des lipoprotéines de très faible densité (VLDL), une hausse de l’estérification des TG et une baisse du taux de la β-oxydation mitochondriale (Ferramosca & Zara, 2014; Wei et al., 2013). Parmi ces causes, il a été suggéré que la DNL jouerait un rôle significatif dans le développement de la SHNA (Donnelly et al., 2005; Ferre & Foufelle, 2010; Postic & Girard, 2008).

Il convient tout d’abord de noter que, dans les conditions physiologiques normales, le foie n’est pas considéré comme un organe de réserve des lipides. Le foie assemble des TG à partir des acides gras et synthétise ces derniers à partir des glucides et acides aminés quand ceux-ci sont en excès. Le foie synthétise aussi des phospholipides, cholestérol et lipoprotéines qui sont ensuite exportés dans le système circulatoire. Par ailleurs, l’hydrolyse des TG dans le foie produit des acides gras qui sont b-oxydés, générant ainsi de l’énergie pour les hépatocytes. C’est pour cela qu’il existe une circulation et une sécrétion continues des TG et des acides gras par le foie (Poumes-Ballihaut et al., 2001). Donc, l’accumulation des TG dans le foie résulte principalement d’un déséquilibre entre l’apport en gras alimentaire, la production des lipides et la DNL, et l’utilisation des lipides par la b-oxydation des acides gras et l’exportation à jeun des TG par les VLDL (Kawano & Cohen, 2013). Par la DNL, le foie synthétise des acides gras, qui sont ensuite estérifiés en TG, à partir des sucres alimentaires. À présent, une exploration de chacun des mécanismes suspectés permettra de mettre en lumière la complexité de la pathogenèse de la stéatose hépatique.

2.2.2.4.1. Le rôle des acides gras libres dans la pathogenèse du foie gras

L’accumulation des lipides dans le foie est principalement associée à une augmentation du flux des AGL vers le foie. Donnelly et collaborateurs ont montré qu’environ 60% des TG hépatiques proviennent des AGL soit exogènes (tissus adipeux) soit provenant de la DNL à partir du glucose (Donnelly et al., 2005). Alors que Puri et collaborateurs n’ont pas trouvé de différence significative entre les concentrations hépatiques en AGL des foies normaux et des foies des personnes affectées par la SHNA (5,53±1,21 nmol/g et 5,93±1,87 nmol/g, respectivement) (Puri et al., 2007), une autre étude a rapporté que les patients atteints de SHNA avaient des concentrations plasmatiques élevées en AGL provenant des tissus adipeux (Fabbrini et al., 2008). Cette situation favorise la synthèse des TG accompagnée d’une baisse de l’exportation des TG du foie à cause d’une baisse dans la synthèse et la sécrétion des VLDL et une baisse de la b-oxydation (Donnelly et al., 2005; Dowman et al., 2010).

2.2.2.4.2. Le rôle de la b-oxydation dans la pathogenèse du foie gras

La relation entre la b-oxydation et l’accumulation des lipides hépatiques peut être schématisée succinctement de la manière suivante. La b-oxydation des acides gras fait intervenir une variété d’enzymes dont les activités sont cruciales pour la production de l’ATP et des corps cétoniques. Il est connu que la b- oxydation hépatique est favorisée par le glucagon (et les PPARa) pendant les périodes de jeûne alors que l’insuline et le glucose réduisent ce processus en favorisant la lipogenèse à travers l’augmentation de l’activité du sterol regulatory element binding protein 1c (SREBP1c) et l’inhibition de la carnitine palmitoyl- transferase 1 (CPT-1) (Kawano & Cohen, 2013). On peut donc remarquer qu’une perturbation de l’un de ces processus peut conduire à l’accumulation des lipides et une baisse de la b-oxydation.

Mais il convient de préciser que toutes les études n’observent pas de consensus quant à cette conclusion. Cortez-Pinto et collaborateurs ont observé une détérioration de la production d’ATP chez des patients affectés par les MHNA et la RI (Cortez-Pinto et al., 1999), alors qu’une autre étude (Sanyal et al., 2001) observe une augmentation de la b-oxydation chez les patients souffrant de la SHNA. Il est possible que ces résultats contradictoires soient une démonstration de la complexité des mécanismes qui sous-tendent le spectre des MHNA. Dans le cas d’une augmentation de la b-oxydation, il est possible qu’une telle situation conduise au stress oxydant dans le foie, favorisant le développement de la stéatose couplée à l’inflammation à partir de la simple stéatose, comme le suggère l’étude de Pessayre et Fromenty (Pessayre & Fromenty, 2005).

2.2.2.4.3. Le rôle de la lipogenèse de novo dans la pathogenèse du foie gras Concernant la lipogenèse de novo, il a déjà été noté plus haut que l’accumulation des TG dans le foie est en partie due à la baisse de la sécrétion des VLDL. L’hyper- insulinémie due à la résistance à l’insuline favorise à la fois une baisse de la sécrétion des VLDL et la stimulation de l’activité des enzymes impliquées dans la DNL résultant en une production et stockage des TG (Petta et al., 2009). Pour rappel, la contribution de la DNL à l’accumulation des TG dans le foie est en deçà de 5% chez les sujets normaux alors qu’elle est de 26% chez les sujets affectés par les MHNA (Schwenger & Allard, 2014). Comme la surproduction des particules de VLDL a été observée dans des conditions de SHNA, un accroissement de la DNL et une lipolyse des lipides intra-hépatiques et intra- abdominaux ont été observés (Fabbrini et al., 2008). Ces données montrent que la pathogenèse des SHNA peut aussi être reliée à une perturbation de l’assemblage en plus de la sécrétion des VLDL (Kawano & Cohen, 2013).

On peut donc conclure que les quatre facteurs que sont le flux des AGL, la synthèse des TG, la b-oxydation des acides gras et la sécrétion des VLDL ont un point commun : la résistance à l’insuline. La résistance à l’insuline et son

corollaire, l’hyperinsulinémie, conduit doublement à l’accumulation des lipides hépatiques. D’une part, la RI réduit le frein de l’hormone sur la lipolyse dans les tissus adipeux qui libère des acides gras libres, résultant en un accroissement du flux de ces derniers vers le foie. D’autre part, la RI induit une augmentation de la synthèse des acides gras et des TG en favorisant la DNL (Aubert et al., 2011). Dans ces conditions, on comprend que certains auteurs considèrent que la résistance à l’insuline joue un rôle majeur dans l’accumulation des lipides dans le foie (Aubert et al., 2011). Mais, en plus de ces mécanismes, il ne faudrait pas négliger le rôle des mitochondries.

2.2.2.5. Perturbations du métabolisme lipidique : rôle des mitochondries Compte tenu du rôle des mitochondries dans la b-oxydation des acides gras, des études ont suggéré que la stéatose hépatique non-alcoolique serait un problème résultant des dysfonctionnements mitochondriaux (Outlaw & Ibdah, 2005; Pessayre & Fromenty, 2005; Sanyal, 2001; Sanyal et al., 2001). Des lésions structurales, des déplétions de l’ADN mitochondrial, la baisse de l’activité des complexes des chaînes respiratoires ainsi qu’une dérégulation de la β-oxydation peuvent constituer des obstacles au bon fonctionnement mitochondrial. Ces dysfonctionnements engendreraient l’accumulation des lipides dans le foie, la génération d’espèces réactives oxydées et la production des cytokines, enclenchant ainsi l’inflammation et la fibrose hépatique (Wei et al., 2006). Des altérations de la fonction mitochondriale peuvent générer l’accumulation des lipides dans le foie, en partie à cause des activités des enzymes lipolytiques et lipogéniques. En particulier, une étude a conclu que le transporteur de citrate mitochondrial agirait comme une sonde des changements affectant la lipogenèse hépatique qui à son tour contribuerait au dépôt des lipides dans le foie (Ferramosca et al., 2012; Ferramosca et al., 2008). Comme il existe une coordination entre les activités des enzymes lipolytiques et lipogéniques (Ferramosca & Zara, 2014), les enzymes impliquées dans ces voies métaboliques peuvent être considérées comme des indicateurs fiables de l’homéostasie lipidique. L’inhibition de l’acide gras synthase (fatty acid synthase, FAS, une

enzyme lipogénique) entraîne une accumulation de malonyl-CoA hépatique occasionnant du même coup l’inhibition de la carnitine palmitoyltransférase (CPT-1) qui est une enzyme lipolytique. Donc une étude des activités des enzymes lipolytiques et lipogéniques peut mettre en lumière le mécanisme d’accumulation des lipides dans le foie.

En conclusion, une augmentation du flux des AGL vers le foie peut conduire à l’augmentation de la RI qui à son tour conduit à l’augmentation de la lipolyse du tissu adipeux. En effet, dans les conditions normales, l’insuline inhibe la lipolyse des TG du tissu adipeux qui génère des acides gras. En état de jeûne, les TG sont hydrolysées et les acides gras sont libérés dans la circulation pour être utilisés. Cependant, en situation postprandiale cette libération est inhibée par l’insuline dont la sécrétion est favorisée par les sucres alimentaires (Karpe et al., 2011). La RI ne permettant plus cette inhibition, il en résulte une augmentation des AGL dans le foie qui peut favoriser la synthèse des TG, la peroxydation des lipides et peut-être la production des cytokines pro-inflammatoires (Bugianesi et al., 2006). Une augmentation du flux des AGL au foie peut non seulement accroître les risques de développer la résistance à l’insuline, mais elle peut aussi conduire à ce que les capacités pour la b-oxydation mitochondriale soient dépassées, potentiellement enclenchant davantage le stress oxydant et l’inflammation (Schreuder et al., 2008).

2.3. Le syndrome cardiométabolique, l’inflammation