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Les résultats de l'analyse des dossiers et des questionnaires

Chapitre 3. Caractéristiques socio-démographiques et problématiques particulières: description et analyse de l'incidence dans la prise de

C. La situation socio-économique de la famille

En ce qui concerne la situation socio-économique du mineur - donc de sa famille - les pièces du dossier ne fournissent généralement que des indications par nature très imprécises ou sujettes à interprétation. Même si la grille de collecte de données proposait au chercheur, au vu des éléments objectifs du dossier, de classer lui-même le mineur dans l’une ou l’autre catégorie socio-économique (aisée, moyenne ou précaire), il s’est le plus souvent abstenu de procéder à cette qualification, la jugeant alors trop subjective.

Pour explorer cette dimension de la situation familiale, nous avons retenu deux types d’indicateurs: ceux relatifs à la situation professionnelle des parents, et ceux relatifs soit à une situation d’endettement, soit au signalement d’une incapacité à subvenir aux besoins du mineur.

Qualifier la situation socio-économique à partir de la situation professionnelle des parents n’est pas chose simple étant donné que les structures familiales, nous l’avons vu, ont des configurations très variables. La situation professionnelle du père peut toutefois être un indicateur déterminant: nous avons regroupé en une même catégorie les mineurs dont le père est signalé dans le dossier comme étant soit au chômage, soit sans emploi, soit invalide, soit encore détenu. Le même exercice a été fait en ce qui concerne la mère du mineur. L’interprétation des données est cependant dans ce cas différente: le fait d’être sans profession peut renvoyer tout autant à une situation de mère au foyer - qui n'est pas a priori socialement préjudiciable - qu’à une réelle situation d’absence d’emploi, économiquement préjudiciable. Nous avons dès lors construit une troisième variable tenant compte dans tous les cas de la situation précaire du père (chômeur, sans emploi, invalide ou détenu) et de celle de la mère lorsque l’on a affaire à une famille monoparentale. Ces variables peuvent évidemment porter à critique mais elles peuvent à tout le moins permettre d’approcher une réalité difficilement cernable.

Tableau 113. Situations de précarité professionnelle dans les deux échantillons Echantillons “parquet” et “juges” – Situations de sans emploi dans la famille

Echantillon “parquet”

Sans emploi, invalide ou détenu

Pas sans emploi, invalide ou détenu

Information disponible Total dossiers

père 41 24% 131 76% 172 27% 649

mère 32 17% 159 83% 191 29%

père ou mère (si famille "mono")

41 24% 131 76% 172 27%

Echantillon “juges”

Sans emploi, invalide ou détenu

Pas sans emploi, invalide ou détenu

Information disponible Total dossiers

père 85 30% 200 70% 285 60% 476

mère 63 22% 218 78% 281 59%

père ou mère (si famille mono)

105 37% 180 63% 285 60%

Le premier constat est celui d’une information disponible très réduite dans les

dossiers du parquet : une information ne figure que dans 27 à 29% (selon les

indicateurs) des dossiers examinés. Des hypothèses prudentes devront donc être déduites de ces informations. A nouveau l’information est plus souvent disponible lorsque le magistrat prend une décision de renvoi du dossier vers le juge. En d’autres termes, dans les dossiers où l’information est disponible, la proportion de renvoi vers le juge est plus élevée.

Tableau 114. Information disponible sur la situation de précarité professionnelle dans les deux échantillons

Parquet – Situation professionnelle – Disponibilité de l’ information

Information Info non disponible

alternatives 11 6% 30 6%

classement 105 61% 384 81%

renvoi juge 50 29% 52 11%

SAJ/CBJ 6 3% 11 2%

Dans l’échantillon de dossiers soumis à une mesure du juge de la jeunesse,

on trouve une information dans 60% des cas. Parmi ces cas où l’information est donnée, on constate que 30% des mineurs concernés ont un père dans une situation professionnelle précaire: soit chômeur, soit sans emploi, soit invalide ou encore détenu. Si l’on tient compte en outre de la situation de la mère quand la famille est monoparentale, le pourcentage de familles

précaires professionnellement s’élève alors à 37% . Dans les dossiers pour

lesquels nous disposons d’une information au niveau du parquet, cette proportion est réduite à 24%, ce qui constitue déjà néanmoins une proportion importante

Il se peut que l’information figure au dossier de façon plus fréquente lorsqu'elle est négative. Le chiffre de 37% de jeunes issus de familles

professionnellement précaires parmi les jeunes soumis à une mesure du juge de la jeunesse est donc probablement exagéré. On évitera donc de s'arrêter à ce chiffre. Toutefois, même en tenant compte des dossiers ou ne figure aucune information sur la situation professionnelle des parents, les mineurs issus d’une famille dont la position professionnelle est précaire représentent encore 22% de l'ensemble des mineurs soumis à une mesure du juge de la jeunesse. Ce pourcentage, qui doit alors être considéré comme un minimum, est de toute façon plus élevé que les proportions observables dans la population globale52. L'hypothèse d'une surreprésentation de catégories

sociales précarisées parmi les mineurs soumis à une mesure du juge de la jeunesse semble donc bien pouvoir être posée.

Les deux autres indicateurs tendent à confirmer le constat d'une population davantage précarisée sur le plan socio-économique. Les problèmes financiers

d’endettement tout d’abord: il en est fait explicitement mention dans 4% des dossiers sujets à une décision du parquet, mais dans 17% des dossiers soumis à une mesure du juge (on sait que l’information est dans ces dossiers est aussi plus abondante). L’incapacité d’un des deux parents à subvenir aux besoins du mineur est quant à elle constatée dans 5% des dossiers au niveau du parquet, et dans 18% dans la phase décisionnelle relevant de la compétence du juge.

Tableau 115. Situations d'endettement et d'incapacité à subvenir aux besoins du mineur, dans les deux échantillons

Echantillons “parquet” et “juges” - Problèmes financiers d'endettement - Incapacité de subvenir aux besoins

Echantillon “parquet” Echantillon “juge”

Problèmes financiers d'endettement 29 4% 80 17%

Incapacité de subvenir aux besoins 33 5% 88 18%

Total dossiers 649 100% 476 100%

52

Pour information, le taux de chômage pour la Belgique était en 1999 de 10,9% (ce taux de chômage calculé par l'Office National de l'Emploi est le rapport entre le nombre de demandeurs d'emploi reconnus et la population active).

(1) Incidence de la précarité professionnelle sur le traitement du dossier par le parquet

Une relation significative est effectivement dégagée. Même si elle ne se base que sur un tiers de l’échantillon, l’analyse confirme l’incidence de la situation

de précarité professionnelle sur le traitement du dossier par le parquet.

Orientations parquet - Précarité professionnelle

Chi-square df p Pearson Chi-square 7.750871 df=3 p=.05146 M-L Chi-square 9.081413 df=3 p=.02823 Phi 0.2122809 Contingency coefficient 0.2076537 Cramér's V 0.2122809

La proportion de renvois vers le juge est effectivement accrue lorsqu’il y a précarité familiale au niveau de la situation professionnelle: elle est en fait

presque doublée. Parallèlement, les classements sans suite sont plus fréquents lorsqu'aucune précarité professionnelle n'est relevée.

Tableau 116. Incidence de la situation de précarité professionnelle sur la décision prise par le parquet

Orientations parquet - Précarité professionnelle Père ou

mère

Sans emploi, invalide ou détenu

Pas sans emploi, invalide ou détenu alternatives 1 2% 10 8% classement 22 54% 83 63% renvoi juge 18 44% 32 24% SAJ/CBJ 0 0% 6 5% Total 41 100% 131 100%

(3) Incidence de la précarité professionnelle sur le traitement du dossier par le juge

Aucune incidence significative ne peut par contre être dégagée sur le choix de la mesure par le juge de la jeunesse.

Mesures juge - Précarité professionnelle

Chi-square df p Pearson Chi-square 3.33834 df=4 p=.50288 M-L Chi-square 3.336679 df=4 p=.50315 Phi 0.1116087 Contingency coefficient 0.11092 Cramér's V 0.1116087

Toutefois, parmi l’ensemble des relations examinées, il en est une qui apparaît significative à savoir celle entre l’existence d’une scolarité

problématique et une situation professionnelle familiale précaire. En effet,

ceux qui dans leur famille vivent une situation professionnelle précaire font plus fréquemment état de problèmes scolaires que ceux chez qui aucune difficulté de ce type n’a été signalée.

Juges - Précarité professionnelle familiale – Problématique scolaire

Chi-square df p

Pearson Chi-square 10.81438 df=1 p=.00101

M-L Chi-square 11.08493 df=1 p=.00087

Phi for 2 x 2 tables -0.200878

Tetrachoric correlation -0.325699 Contingency coefficient 0.1969442

Tableau 117. Situation de précarité professionnelle et scolarité problématique dans l'échantillon "juges"

Juges - Précarité professionnelle familiale – Problématique scolaire

Pas de précarité professionnelle Précarité professionnelle Total

Problèmes scolaires 51% 72% 58%

Pas de problèmes scolaires 49% 28% 42%

Total 100% 100% 100%