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La responsabilité délictuelle précontractuelle

32. La nature délictuelle de la responsabilité civile précontractuelle en

l’absence de contrat de négociation ŕEn lřabsence de contrats préparatoires, une faute liée

à la négociation dřun contrat de vente portant sur un immeuble doit-elle être sanctionnée sur le terrain de la responsabilité contractuelle ou sur celui de la responsabilité délictuelle ? Pour illustrer cette question et définir les termes de la controverse, il convient de se référer aux propos de H. Mazeaud : « Puisqu’il n’y a pas de contrat il peut sembler illogique de parler de responsabilité contractuelle, et, cependant, peut-on ne pas tenir compte de cette situation

spéciale dans laquelle on est placé, de la considération que c’est à l’occasion de la conclusion d’un contrat que la responsabilité est engagée ; la nature même de la responsabilité en serait-elle modifiée ? » En faveur de la responsabilité contractuelle, la thèse culpa in contrahendo

soutenue par Ihering65défend lřidée selon laquelle le contrat principal, dont la conclusion est lřobjectif des négociations initiées entre les parties, exercerait « une force d’attraction comme

par anticipation »66 pour reprendre lřexpression de M. Dissaux. De cette façon, quand bien même le contrat ne serait pas encore conclu, la seule perspective de sa conclusion future justifierait la nature contractuelle de la responsabilité précontractuelle. Saleilles résume cette pensée par la phrase suivante : « la responsabilité qui devait dériver du contrat s’attache déjà

à la proposition de contrat »67. Réfutée par la majeure partie de la doctrine68, lřexistence de cet

65 R. von IHERING, De la Culpa in contrahendo ou des dommages et intérêts dans les conventions nulles ou restées imparfaites, in Œuvres choisies, 1893. En faveur du positionnement de la phase des pourparlers sous lřégide de la responsabilité contractuelle et non délictuelle, il avait avancé au XIXelřidée selon laquelle, lors des pourparlers, il existait une convention implicite aux termes de laquelle chacune des parties sřengageait à faire

preuve de diligence sous peine de commettre une « culpa in contrahendo », cřest-à-dire une faute en contractant.

66 N. DISSAUX, « Fonds de commerce : Cession, formation», JCC, octobre 2010, fasc. 202. p. 8.

67 R. SALEILLES, Étude sur la théorie générale de l’obligation d’après le premier projet de Code civil pour

l’Empire allemand, Paris, LGDJ, 3ème éd., 1925.

68 Il existe cependant des partisans de la responsabilité contractuelle pour la phase précontractuelle, voir en ce sens : G. BAUDRY-LACANTINERIE, Traité théorique et pratique de droit civil, de la vente et de l’échange,

38 avant-contrat semble bien relever pour J. Huet de la fiction divinatoire69. La jurisprudence reprend très nettement cette position70, y compris au niveau européen71.

33. La faute, fondement de la responsabilité délictuelle précontractuelle ŕ

Dans le Code civil, la responsabilité délictuelle était fondée initialement sur la faute. Elle

poursuivait lřobjectif dřimposer à celui par la faute duquel un dommage était survenu de le

réparer. Lřévolution de la responsabilité civile, notamment au regard de lřindustrialisation, a abouti à lřintroduction en 1898 dřune responsabilité « du fait des choses », puis dřune

responsabilité « du fait dřautrui» découverte par la jurisprudence dans lřalinéa premier de lřarticle 138472 du code précité. Par la suite, les développements de la technologie ont permis

lřessor dřune responsabilité propre aux accidents de la circulation73, ainsi quřune responsabilité du fait des produits défectueux74 dont le champ dřapplication a été étendu aux produits

agricoles. En considération de ces ajouts, les fonctions du droit de la responsabilité civile ont évolué pour se centrer sur la réparation du préjudice subi. Nous avons alors assisté à une évolution des fondements de la responsabilité délictuelle, reléguant la faute au rang de fondement résiduel au profit de « la théorie de la garantie » qui fonde à elle seule lřexistence du principe dřindemnisation. Cette responsabilité sans faute permet lřindemnisation du

préjudice en considération de la seule exigence du dommage75.

69 J. HUET, Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle. Essai sur la délimitation entre les deux ordres de responsabilité, Thèse, Paris 1978,op. cit..

70 Voir en ce sens notamment : Cass. com., 23 mai 1989, JCP. E 1989, I, nº 18761 ; Cass. com., 11 janvier 1984,

Bull. civ. 1984, IV, nº 16 ; Cass. com., 20 mars 1972, Bull. civ. 1972, IV, nº 93.

71 Voir en ce sens : CJCE, 17 septembre 2002, aff. C-334/00, Tacconi, Defrénois, 2003, p. 254, note R. Libchaber.

72Lřalinéa premier de lřarticle 1384 du C. civ dispose en ce sens que lř« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde».

73 Voir en ce sens : Loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.

74 Voir en ce sens : Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.

75 Tel est le principe en matière dřaccident de la circulation où le conducteur est systématiquement tenu

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Au regard de lřémergence des « responsabilités objectives », la faute a fait peu à peu place nette. Néanmoins, dans le cadre de la phase des pourparlers, cřest bien la démonstration de son existence qui va permettre lřindemnisation du préjudice au titre de la responsabilité délictuelle dont elle est indubitablement le fondement. Il nřexiste pas de définition spécifique

de la faute inhérente aux pourparlers ; il convient donc de se reporter à la définition classique de la faute délictuelle dont le contenu varie en fonction des auteurs76. Dans le cadre du présent travail, nous la définirons telle quřelle a pu être appréhendée par H. Mazeaud, à savoir comme

étant lřerreur de conduite quřun homme normalement avisé (en lřoccurrence un négociateur

diligent se conduisant en bon père de famille) nřaurait pas commise dans une situation de fait équivalente à celle envisagée en lřespèce. Il faut alors tenir compte dřune faute quelconque

sans exiger quřelle présente un caractère de gravité particulier ou encore un caractère intentionnel.

34. La gestion du risque lors de la négociation ŕ À lřoccasion de la négociation

initiée dans le cadre de la procédure de data-room, il est possible pour les parties dřengager

leur responsabilité délictuelle précontractuelle en cas de commission dřune faute. Ainsi, la maitrise du risque juridique tenant à cette possibilité dřengagement nous impose-t-elle

dřappréhender le régime de cet ordre de responsabilité (§1), avant dřanalyser ses conditions de

mise en œuvre (§2).

§1 : Le régime de la responsabilité délictuelle précontractuelle applicable à la procédure de data-room

35. La liberté contractuelle, principe directeur des pourparlers ŕ En droit

interne, il nřexiste pas de standard : aucun carcan législatif ou réglementaire nřest imposé aux

76 Planiol définit la faute comme « le manquement à une obligation préexistante» in M. PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, 7è éd., t.2, LGDJ, 1917, Paris, nº 863. Domat la définie comme « constitutive de tout fait illicite » cité chez in J.L CHAPUIS, La faute chez Domat, Mémoire de D.E.A., Histoire du Droit, Dijon, 1994, p. 67, H. MAZEAUD la définit pour sa part comme « une erreur de conduite telle qu’elle n’aurait pas été commise par une personne avisée placée dans les mêmes circonstances externes que l’auteur du dommage» in H. MAZEAUD, La "faute objective" et la responsabilité sans faute, Recueil Dalloz Sirey, 1985, Chr. 13.

40 parties, lesquelles pourront organiser librement le déroulement de la négociation. Par conséquent et avant la signature de tout accord définitif, chaque partie dispose dřune faculté de

céder ou dřacquérir lřimmeuble. Cette alternative est la traduction juridique du principe de liberté contractuelle qui confère aux parties un droit : celui de rompre unilatéralement et à tout

moment les pourparlers. Lřusage de ce droit nřest intrinsèquement pas fautif77et nřa pas à être

motivé78. En considération du fait que la liberté est le principe régissant le domaine des relations précontractuelles, les juges du fond en ont déduit lřexistence de son corollaire tenant à la liberté de rompre les négociations à tout moment79.

36. La responsabilité délictuelle en tant que tempérament au principe de la

liberté contractuelleŕ Partant, il ne faudrait pas en conclure que la phase de préparation du

contrat permet aux parties dřagir à leur guise au nom du principe de la liberté contractuelle. Ce dernier ne saurait leur permettre dřorganiser le déroulement des pourparlers en fonction de leur seule volonté, à lřexclusion de toute règle de droit. En effet, la responsabilité délictuelle

vient amoindrir la marge de manœuvre des parties et restreindre leur possibilité dřaction en

qualifiant de faute délictuelle certains de leurs comportements. Ainsi, la condition primordiale

de mise en œuvre de cette responsabilité reposant sur la nature fautive de lřagissement des

parties présuppose-t-elle quřune « norme comportementale » ait préalablement été définie par les juges du fond. Dans le silence du législateur, les tribunaux ont alors intégré la règle de droit au sein de la phase précontractuelle en prévoyant la sanction de la faute de comportement. Ils contrôlent de cette manière lřexistence dřune éventuelle faute délictuelle

que lřune des parties pourrait commettre dans lřacte de négocier. Cette vérification consiste pour les juges du fond à apprécier dřune part la régularité dans lřexercice par les parties de leur droit de rompre unilatéralement les pourparlers au nom du principe de la liberté contractuelle (I). Elle porte dřautre part sur le respect du principe général de bonne foi que les

négociateurs se doivent de respecter lors des pourparlers (II).

77 Voir en ce sens : Cass. 2ème civ., 4 mars 2004, nº 02-14.022, inédit. Pour une reprise dans le corps de lřarrêt du principe de lřabsence de faute commise dans le fait de rompre les pourparlers.

78 CA Aix-en-Provence, 28 février 1990, Bull. Aix, janvier 1990, n° 6. Pour une illustration de ce quřil nřappartient à lřauteur de la rupture des pourparlers de motiver sa décision.

79 Voir en ce sens : Cass. com., 20 mars 1972, JCP. G 1973, II, nº 17543 et CA Riom, 10 juin 1992, RJDA, 1992, nº 893. Pour lřillustration de lřapplication du principe tenant à la liberté contractuelle et donc à la possibilité de rompre à tous moments les pourparlers sans que la rupture soit intrinsèquement constitutive dřune faute.

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I : La rupture des pourparlers, première cause d’engagement de la responsabilité

délictuelle précontractuelle

37. La sanction de la faute de rupture, fondement juridique et économique ŕ

La rupture des pourparlers ne peut être intrinsèquement fautive en considération du principe de la liberté contractuelle. Cependant, les circonstances qui lřentourent, tout comme les motifs qui président sa mise en œuvre, peuvent sous certaines conditions être qualifiés de fautes délictuelles et la contaminer en lui conférant une nature fautive. Le négociateur qui commet une faute dans lřexercice de son droit de rompre unilatéralement les pourparlers sřexpose alors

à lřengagement de sa responsabilité délictuelle sur le fondement de lřabus de droit.

La sanction de ce comportement peut se justifier dřun point de vue juridique : en application de lřarticle 1382 du Code civil80, celui qui par sa faute cause un dommage générant

un préjudice est tenu de le réparer. Lřabus de droit satisfait cette exigence, la réparation du

dommage étant le corollaire du préjudice engendré.

La sanction de la faute peut également se justifier dřun point de vue économique. En effet, la négociation dřun contrat qui sřéchelonne dans le temps peut avoir de fortes répercussions financières pour les parties. Cela est particulièrement vrai pour la procédure de data-room, durant laquelle les candidats-acquéreurs vont devoir couvrir des frais élevés de

conseil (lors de la phase dřaudit de la data-room). Pour un professionnel, il est normal de

considérer lřéchec des pourparlers comme un risque dřentreprise et donc dřinscrire les

dépenses induites par les négociations dans ses frais généraux, en dehors de toute

considération de lřéchec ou du succès des pourparlers. Cette approche de la négociation nřest valable quřà la seule condition que les parties aient accepté le risque inhérent à lřacte de

négocier et donc à lřaléa tenant à lřissue de la négociation ; encore faut-il que celle-ci ait été

menée loyalement et raisonnablement. Dans le cas contraire, lřengagement des dépenses

correspondant à la période précontractuelle perd tout son sens. En cas de faute commise à

lřoccasion de la rupture, la relation dřaffaires devient viciée : lřaléa initialement anticipé et comportant le risque de ne pas conclure ne prend pas en considération la mauvaise foi du partenaire qui est appréciée à lřoccasion de la rupture et constitutive dřune faute délictuelle.

80Lřarticle 1382 du Code civil dispose que« tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».

42 Celle-ci fonde lřabus de droit et donc lřengagement de la responsabilité délictuelle

précontractuelle du négociateur qui le commet.

38. La définition prétorienne de la faute de rupture ŕ Dřorigine prétorienne, le

régime de responsabilité délictuelle considéré sous lřangle de la rupture des pourparlers passe

nécessairement par une analyse de la faute dont la jurisprudence a défini tant la consistance (A) que les critères (B).

A : La consistance de la faute

39. L’approche objective et morale de la faute ŕ La jurisprudence a procédé à

un double mouvement en matière dřappréciation de la faute commise à lřoccasion de la

rupture des pourparlers : celui-ci consiste dřune part en une approche objective de la faute (1)

et dřautre part en une approche morale de celle-ci (2).

1 : L’objectivisation de la faute

40. La faute qualifiée, condition originelle de l’abus de droit ŕ La sanction de

la rupture des pourparlers sřeffectue sur leterrain de lřabus de droit dont il nous faut, dans un premier temps, apprécier les conditions de mise en œuvre. Classiquement, lřabus de droit est caractérisé lorsquřil est établi que le titulaire dřun droit a exercé ce dernier en étant dominé par la mauvaise foi ou lřintention de nuire. Ces deux éléments nécessitent de rapporter la preuve dřune faute qualifiée. Tel est le cas pour lřintention de nuire qui, considérée à lřoccasion des

pourparlers, permettra la sanction de lřauteur de la rupture qui nřa entrepris des négociations que pour empêcher son partenaire de traiter avec un tiers81 ; ou encore pour obtenir la

divulgation dřinformations confidentielles82. Ainsi, la sanction de la rupture fautive fondée sur

lřabus de droit était-elle originellement complexe dans sa mise en œuvre puisquřelle supposait

dřanalyser lřexistence de lřintention de son auteur lorsquřil mettait un terme à la négociation. Au-delà de la question probatoire, cette difficulté tenant à lřexigence de la faute qualifiée

faisait la part belle à la liberté contractuelle, limitant la question de la responsabilité aux cas

81 Cass. com., 3 octobre 1978, Bull. civ. 1978, IV, nº 208.

43 particulièrement graves. Les garde-fous imposés aux parties quant à leurs agissements étaient donc particulièrement réduits, illustrant la volonté de faire prévaloir la liberté de contracter au détriment de la sécurité juridique. Il était alors manifeste que lřintervention du droit dans la

sphère précontractuelle relevait plus de la casuistique que dřune véritable volonté dřencadrement. Cependant, lřabandon progressif de la faute qualifiée par les tribunaux a mis en évidence la détermination des juges du fond à limiter la toute-puissance de la liberté contractuelle en permettant une sanction plus accessible des agissements des négociateurs. Cette évolution a été permise grâce à lřadmission du recours à la faute simple en vue de caractériser lřabus de droit.

41. L’admission progressive de la faute simple ŕ Si lřintention de nuire peut

toujours être invoquée, la Cour de cassation a néanmoins admis, par un arrêt du 3 octobre 197283, que « la responsabilité délictuelle prévue pour les articles 1382 et 1383 du Code civil

peut être retenue en l’absence d’intention de nuire ». Ainsi, le recours à lřintention de nuire ne présente-t-il plus quřun caractère marginal dès lors que la démonstration de la mauvaise foi est

suffisante pour établir lřabus de droit. La jurisprudence de la Cour de cassation relative à la rupture des pourparlers vise spécifiquement et à plusieurs reprises cette notion84. La mauvaise foi présuppose une analyse subjective des conditions ayant entrainé la rupture, en se fondant

sur lřétat dřesprit de son auteur. Les magistrats ont peu à peu renoncé à cette analyse pour procéder à une objectivisation de la faute, cřest-à-dire une appréciation de la conduite objective de lřauteur de la rupture. Il nřest alors plus nécessaire de chercher à caractériser la mauvaise foi et donc dřavoir recours à la faute qualifiée puisquřil suffit de démontrer que

lřauteur de la rupture a adopté une attitude objectivement critiquable, c'est-à-dire contraire à

celle que chacun est en droit dřattendre de tout « bon contractant »85. Le point culminant de ce

travail dřobjectivisation, actant de lřadmission de la faute simple en vue de démontrer le caractère abusif de la rupture, procède de lřarrêt de la chambre commerciale du 13 octobre 199386 : pour rejeter le pourvoi dřune société et approuver le raisonnement de la Cour dřappel,

83 Cass. 3ème civ., 3 octobre 1972, Bull. civ. 1972, III, 1972, nº 491.

84 À titre dřexemple : Cass. com., 26 oct. 1993, nº 91-16.593, Fontaine et SCI du Mûrier, inédit.

85 Voir en ce sens : B. FAGES, « Le comportement du contractant», PUAM, 1997, nº 573.

86 Cass. com., 12 octobre 1993, nº 91-19.456, S.A.R.L. HUBO c/ Petit et coopérative agricole du syndicat

dřArras, inédit. La faute simple est retenue en dehors de la mauvaise foi et permet de caractériser lřabus de droit

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lřarrêt retient que « sans avoir à caractériser l’existence de la mauvaise foi ou d’une intention

de nuire, la société demanderesse avait agi avec légèreté, attitude intrinsèquement constitutive

d’une faute ».

42. Vers une autonomie de la faute simple en dehors de la caractérisation de la

mauvaise foi ? ŕ Une analyse de la jurisprudence en la matière nous révèle que les

magistrats ont dans un premier temps admis le recours à la faute simple pour qualifier la mauvaise foi. Par la suite, la faute simple a été retenue seule pour démontrer lřexistence de lřabus, et ce, en dehors de tout recours à la notion de mauvaise foi quřelle servait auparavant à

caractériser, y compris dans des cas où celle-ci aurait pu être facilement rapportée87. Il en résulte que la faute simple semble prendre son autonomie au regard de la mauvaise foi et peut à elle seule fonder lřabus de droit. Nous pourrions alors en conclure que la responsabilité

délictuelle précontractuelle lors de la rupture des pourparlers ne serait in fine quřune

responsabilité pour faute procédant du régime de droit commun fondé sur lřarticle 1382 du

Code civil. Une fois démontrée, lřexistence de la faute permettrait de sanctionner la rupture en

dehors de la caractérisation de la mauvaise foi et donc de lřabus de droit.

43. La solution de principe : l’absence d’autonomie de la faute simple ŕ Cette

conception autonome de la faute simple appréciée de façon objective appelle un certain nombre de critiques. Dans un premier temps, de nombreux arrêts de la Cour de cassation ont associé directement la faute simple et lřabus de droit. Lřarrêt Manoukian du 26 novembre 200388 émanant de la chambre commerciale, dont la solution a été reprise par la troisième chambre civile dans un arrêt en date du 28 juin 200689, a retenu lřexistence dřune faute relevée à lřoccasion de lřexercice du droit de rompre unilatéralement les pourparlers comme fondement de la responsabilité délictuelle précontractuelle. Or, la faute commise à lřoccasion de lřexercice dřun droit renvoie directement à la notion dřabus. De plus, le lien préexistant