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La maîtrise du risque lors de la phase précontractuelle

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Partie 1. La maîtrise du risque lors de la phase

précontractuelle

28. Des différents risques auxquels peuvent être confrontées les parties lors de

la négociation ŕ Lors de la procédure de data-room, la phase des pourparlers61 sřinscrit le

plus souvent dans la durée. Elle correspond au temps dévolu à lřappréciation du risque tant juridique quřopérationnel, qui une fois évalué et maîtrisé conditionnera la réalisation de lřopération contractuelle. Il est donc nécessaire que durant cette période de négociation aucune

des parties ne puisse être forcée par lřautre à la conclusion de la vente. En effet, quel que soit le chef de préjudice que lřun des négociateurs demanderait à lřautre de réparer, les juges se refusent par principe à la conclusion forcée du contrat.

De prime abord, une contradiction manifeste peut apparaître entre cette logique de maîtrise du risque et la phase des pourparlers. Effectivement, cette dernière est par nature source dřun risque juridique qui lui est propre, lequel est matérialisé par la possibilité pour les

négociateurs dřengager leur responsabilité, et ce, du simple fait de leur participation à cette négociation. Il est certain que négocier nřest pas exempt de risque en droit français. Bien que

le législateur nřait pas assorti la période précontractuelle dřun régime de responsabilité

spécifique, la jurisprudence a largement admis lřintervention de différents régimes de responsabilité tant civile que pénale au stade de la formation du contrat.

Partant, lorsque les parties souhaitent opérer une gestion optimale du risque, il est fondamental quřelles lřabordent selon deux composantes. La première est dřordre juridique ; elle correspond à cette possibilité pour un négociateur dřengager sa responsabilité lors de la phase précontractuelle soit par la commission dřune faute (dont nous verrons quřelle peut être

civile, délictuelle ou pénale) soit par lřinexécution dřune obligation de nature contractuelle en

cas de contractualisation des pourparlers. La seconde, dřordre financière, reflète la logique dřinvestissement qui préside à la réalisation la vente. En effet, les parties analyseront moins

61 Voir en ce sens : G. CORNU, Vocabulaire juridique, éd PUF, Coll. Quadrige Dicos Poche, Paris, 2011. La formation du contrat y est définie tant comme « La phase d’élaboration du contrat que l’aboutissement de celle -ci marquée par la réunion de toutes les conditions nécessaires à la perfection de l’accord et à la naissance de l’obligation».

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lřimmeuble dans lřacception première quřil convient de donner à ce terme (à savoir un

bâtiment) que comme lřensemble des revenus quřil est susceptible de créer (la vente est perçue par les parties comme portant sur la cession des revenus garantis de lřimmeuble pour le futur). Au regard de la procédure de data-room, il incombe aux candidats-acquéreurs de déterminer

une valeur dřacquisition. Celle-ci sera définie en fonction dřune part de lřemploi de

méthodologie financière fonction du revenu et dřautre part de lřévaluation du niveau de risque opérationnel corrélé à cet investissement. En effet, par opposition à la cession dřautres classes dřactifs (actions, obligations), la nature immobilière du bien dont la vente est envisagée

impose aux candidats potentiels dřanalyser chacune des composantes de lřimmeuble (technique, fiscale, environnemental …) lors de lřaudit de la data-room qui lui est afférente.

Maîtriser ces deux composantes du risque présuppose dřune part dřanalyser le régime de responsabilité précontractuelle applicable à la procédure de data-room (Titre I) et dřautre part dřapprécier comment la data-room, véritable clef de voûte de cette procédure, permet de

circonscrire le risque dřinvestissement (consistant à acheter lřimmeuble à un prix surévalué) par une évaluation des différents risques opérationnels portant sur chacune des composantes

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Titre I : Le régime de responsabilité précontractuelle applicable à

la procédure de data-room

29. La maîtrise du risque juridique propre à la phase précontractuelle passe

par l’analyse du régime de responsabilité applicable à la procédure de data-room ŕ Le

législateur nřa pas souhaité doter la phase des pourparlers dřun régime qui lui soit propre,

toutefois, il ne faudrait pas traduire ce silence comme matérialisant une absence de pénétration de la norme juridique au stade de la formation du contrat, mais plutôt comme induisant une application des règles générales de la responsabilité civile délictuelle ainsi que de la loi pénale durant cette période. Ainsi, la phase des pourparlers est-elle inclusive dřun risque juridique

tenant au possible engagement de la responsabilité des parties appréciées en fonction droit commun de la responsabilité civile précontractuelle (et plus exceptionnellement pénale), dont

les conditions de mise en œuvre ont été définies par les tribunaux.

Au regard de la pratique en matière de vente dřimmeuble réalisée par le biais dřune

procédure de data-room, force est de constater que les parties ont systématiquement recours à

lřutilisation de documents préparatoires que sont les lettres de confidentialité et dřintention. Il

en résulte une pénétration de la responsabilité contractuelle lors de la phase précontractuelle. Celle-ci est motivée par la protection des « intérêt particuliers des parties » quřelles

souhaiteront tout particulièrement protéger durant cette période et qui ne pourront être réellement pris en compte que par une contractualisation de la négociation propre à intégrer la

casuistique de chaque vente dřimmeuble.

30. La distinction entre le « droit police » et le droit de l’avant-contratŕ Pour

apprécier cette interpénétration des différents régimes de responsabilité lors de la période de formation du contrat, il convient de se reporter aux propos de M. Mousseron, qui distingue

dřune part « le droit police de l’avant-contrat »62et, dřautre part, « les instruments de l’avant

62 Voir en ce sens : J.M MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant-contrat, éd. Francis Lefebvre,

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contrat »63. La première de ces deux notions renvoie à lřidée dřune effectivité du droit dans la sphère précontractuelle par une application des règles de la responsabilité majoritairement civile délictuelle, et plus exceptionnellement pénale. Il sřagit dřencadrer la gestation du contrat en filtrant les agissements des parties en considération de normes ayant vocation à sřappliquer soit en lřabsence de stipulations contractuelles particulières, soit parce que relevant non du supplétif, mais de lřimpératif de volonté. La seconde de ces notions renvoie à lřutilisation dřoutils contractuels ayant vocation à encadrer la négociation en protégeant certains des intérêts spécifiques à chacune des parties.

La maîtrise du risque juridique inhérent à la négociation initiée dans le cadre de la procédure de data-room doit nécessairement être analysée au regard de cette dichotomie. Ainsi

sřagira-t-il dřune part dřanalyser la formation du contrat de vente à lřaune des règles du droit commun (entendu ici comme inclusif tant de la responsabilité civile délictuelle que de la responsabilité pénale) afin de permettre, par une appréciation de leurs conditions de mise en

œuvre, une juste gestion du risque tenant à lřengagement de lřune ou lřautre de ces

responsabilités (Chapitre 1). Dřautre part, nous devrons considérer cette procédure à lřaune

de la pénétration de la loi contractuelle réalisée par le biais des lettres de confidentialité et

dřintention. Il nous faudra alors traiter les contrats de négociation au regard dřune double

réalité : sřils sont effectivement un facteur de risque juridique tenant à lřengagement de la

responsabilité contractuelle des négociateurs, ils nřen demeurent pas moins un moyen de protection de leurs intérêts particuliers durant toute la phase des pourparlers (Chapitre 2).

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Chapitre 1 : Le droit commun de la responsabilité

précontractuelle

31. La pénétration du droit dans la sphère des pourparlers par l’entremise du « droit

police » ŕ La période des pourparlers nřest pas inconnue du droit positif. Il ne sřagit pas,

pour reprendre la formule de Jean Carbonnier, dřune « zone de non-droit »64. Bien que le

législateur ne lřait pas positionnée sous lřégide dřun système de responsabilité spécifique, elle

nřen demeure pas moins soumise au respect des principes de la responsabilité de droit

commun. En ce sens et en considération de la pénétration de ce « droit police » dans la phase des pourparlers, les parties seront tenues au respect des règles procédant tant de la responsabilité civile délictuelle (Section1) que de la responsabilité pénale (Section 2).

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