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1.3 La représentation des instructions opératoires élémentaires

C HAPITRE IV – E PISTEMOLOGIE ET DIDACTIQUE : UN REGARD CROISE SUR L’ETUDE DES SYMBOLES

IV. 1.3 La représentation des instructions opératoires élémentaires

Plutôt que décrire chronologiquement l’apparition de tels signes, nous soulignerons dans ce paragraphe leurs principales caractéristiques en accordant davantage d’attention à leur nature épistémologique. Les signes (« figures », dirait M. Serfati) auxquels nous faisons ici allusion sont ceux utilisés pour représenter les quatre opérations élémentaires (l’addition, la soustraction, la division et la multiplication) ainsi que celui relatif à l’extraction de racines.

Si M. Serfati parle de « figures » c’est parce que les signes choisis pour représenter telles opérations se différencient de ceux désignant les inconnues, les nombres ou encore le « donné » dans un problème (cf. paragraphe précédent). Ce ne sont donc ni des « lettres » ni des « chiffres », ni même des signes cossiques – les trois seuls signes que nous avons analysés jusqu’à présent. Le souci de distinguer les différents « styles » de signes en y incluant des « figures » n’apparut que tardivement dans l’histoire des mathématiques :

« (…) les premiers signes historiques modernes pour l’addition et la différence (la "croix" et le "trait") apparurent-ils simultanément à la fin du XVIème siècle seulement. (…) A la fin du XVIIème siècle, le système de signes ayant vocation à codifier les "quatre opérations" et l’extraction de racines était stabilisé conformément à celui aujourd’hui en vigueur. »6 [ibid., p.58]

5 Et plus : dans cette nouvelle notation se trouva inscrite la nécessité même à l’avancement des mathématiques. 6 Cajori (1928) décrit la complexe histoire concernant la mise en place des signes de soustraction et addition, qui

Epistémologie et didactique : un regard croisé sur l’étude des symboles mathématiques

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Quant au registre combinatoire des « figures » relatives aux opérations élémentaires par exemple, nous pouvons observer qu’elles créent deux « places » dans le texte : une avant le signe et l’autre après. Pour déchiffrer un texte symbolique7, le lecteur doit ainsi, selon Serfati, procéder en trois

étapes, en commençant par reconnaître la « figure », puis en interprétant sa signification pour ensuite interpréter les signes placés des deux côtés de la « figure ». Prenons un exemple : face à « 3 + 2 », le lecteur reconnaît d’abord la « croix », l’interprète comme un symbole traduisant une addition et interprète les « chiffres » comme étant des nombres. Il lit alors l’instruction8: « ajouter le nombre de

signe 2 au nombre de signe 3 », et par abus de langage : « ajouter 2 à 3 ». On doit alors dire qu’une telle lecture ne se fait plus de gauche à droite, mais depuis le centre (emplacement de la « figure ») vers les côtés, ce qui contredit toute lecture selon le fil du texte. Sur le plan combinatoire nous parlerons donc d’assembleurs (terme emprunté de Bourbaki) plutôt que de « figures ». Observons également que si les assembleurs désignant les opérations élémentaires créent deux « places » sur la ligne de l’écriture, celui de l’extraction de racines n’en crée qu’une (de même que le « ∂ » Leibnizien), la (les) « place(s) » crée(s) pouvant cependant être remplie(s) par le même type de forme : une « lettre » ou un « chiffre » (ou encore un assemblage de « lettres » et « chiffres »9).

Arrêtons-nous un moment sur le statut de l’interprétation du texte. Nous avons à ce propos évoqué dans le paragraphe précédant le fait que le lecteur lit « 3+2 » comme une « instruction », ce qui relève en quelque sorte l’idée d’action, de procédure. Cette interprétation n’est pas la seule possible : un assemblage pourrait également être interprété en tant que résultat. Tandis que le résultat de 3+2 ou de 10/2 est le même, la procédure est différente ; et il n’y a pas de raison pour que l’on privilégie une interprétation plutôt que l’autre (en fait, c’est l’usage de cette écriture dans le problème qui tranchera le débat). Il est toutefois important d’observer que l’exemple que nous avons évoqué ne relève que du registre numérique et que son résultat peut ainsi être rendu explicite. Un texte symbolique où figure un signe d’inconnue ne permet cette explicitation qu’à partir du moment où une valeur est attribuée à celle-ci. L’assemblage - 7, par exemple, comme le note Serfati, comporte « organiquement une effectuation suspendue, son interprétation devant être ainsi précisée : "en supposant connue la valeur attribuée à , retranchez le nombre 7 de cette valeur". » [ibid., p.61]. Si la confusion entre les deux interprétations perdura, notons-le, jusqu’à la fin du XIXème siècle, « il convient néanmoins » selon Serfati,

« de considérer aujourd’hui que, dans tous les cas, la fonction première véritable de tous les assemblages élémentaires est bien (…) d’assurer la codification d’une instruction d’exécution et non la valeur du résultat, cette convention à l’usage du lecteur étant de surcroît conforme aux intentions initiales de l’auteur. Dans ces conditions cependant, cette règle n’assure pas la représentation, elle aussi évidemment indispensable du résultat ! » [ibid., p.61]

7 C’est-à-dire reconnaître sa structure combinatoire. 8 Nous reviendrons par la suite sur le choix de ce terme.

9 Nous ne traiterons pas ici des instructions composées (traitées par la suite), nous limitant donc à des exemples très simples.

Chapitre IV

Nous reviendrons à la question de l’interprétation d’assemblages en termes de procédure ou résultat dans la section suivante, où interviendront des assemblages plus complexes.

Avant d’amorcer la description de la quatrième figure de la représentation, faisons le point sur les éléments que nous possédons jusqu’à présent pour analyser un signe sous une perspective épistémologique.

Deux concepts sont présents dans un signe : le combinatoire et le signifiant ; le combinatoire étant, quant à lui, composé de deux éléments : la matérialité et la syntaxe.

Signe

combinatoire signifiant

matérialité syntaxe

La matérialité d’un signe est, comme le nom l’indique, en rapport avec l’aspect physique du signe ; ce peut être le « graphique » qui le définit ou encore « l’appartenance à une certaines sous- catégories du magasin général : lettres de divers alphabets (…) » [ibid., p.65]. Ainsi, par exemple, la « croix » « + » caractérise la matérialité d’un signe qui possède deux symétries.

La syntaxe combinatoire d’un signe est définie par M. Serfati comme étant « l’ensemble des règles qu’il est assujetti à vérifier dans le cours de l’écriture symbolique : nombre de places ouvertes par exemple, niveau hiérarchique local (cf. paragraphe suivant)10 , légitimité de sa juxtaposition avec

d’autres signes. » [ibid., p.65]

D’un autre côté, en dehors du plan combinatoire du signe, il y a aussi le plan signifiant, c’est- à-dire la signification que le signe apporte dans un contexte donné. Ainsi, comme la « croix » représente usuellement une addition, le « point » représente une multiplication, etc.