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1 Écrits logiques et philosophiques de G Frege

Dans Sens et dénotation, Frege procède à une analyse des différentes composantes d’un signe ainsi qu’à l’étude de propositions affirmatives et subordonnées. Son travail est essentiellement bâti autour de deux notions principales : le sens et la dénotation d’un signe. La synthèse que nous proposons respecte cette priorité dans la mesure où nous accordons plus d’importance aux définitions et exemples relatifs au sens et à la dénotation d’un signe qu’aux analyses de propositions. Nous verrons par la suite que l’accent mis sur les deux composantes d’un signe est repris par les didacticiens, qui se servent de ces notions pour leurs travaux relatifs aux symboles mathématiques.

Frege entend par signe « toute manière de désigner qui joue le rôle d’un nom propre » [Frege, 1971, p.103], pouvant être un nom, un groupe de mots ou de caractères. Un signe est composé, d’après lui, de deux éléments : son sens et sa dénotation. La dénotation d’un signe est précisément ce qu’il désigne, et son sens est son mode de donation. Empruntons un exemple cité par Frege : « Soient a, b, c les médianes d’un triangle. Le point d’intersection de a et de b est le même que celui de b et de c » [ibid., p. 103]. Le point d’intersection des médianes peut être désigné de plusieurs façons différentes ; ici ce sont les différentes constructions géométriques qui servent de mode de donation (« point

1 Traduit par C. Imbert dans Écrits Logiques et Philosophiques, 1971. Nous citerons désormais la traduction de C. Imbert.

Chapitre II

d’intersection de a et de b », par exemple). Ces différentes désignations sont ce que Frege appelle les sens. Et si d’un côté l'objet désigné présente plusieurs modes de donation, plusieurs sens (car plusieurs expressions permettent de le décrire, telle « point d’intersection de a et de b »), il ne possède qu’une dénotation : c’est l’objet déterminé ; ici, le point en question. De même, les expressions « l’élève de Platon » et « maître d’Alexandre le Grand » ont des sens différents, cependant une seule dénotation : toutes les deux se réfèrent à Aristote.

Frege observe qu’il est possible de concevoir un sens à un signe sans qu’il lui corresponde avec certitude une dénotation et étaye son propos à l’aide d’un exemple mathématique : « L’expression "la suite qui converge le moins rapidement" a un sens, mais on démontre qu’elle n’a pas de dénotation » [ibid., p.104].

Outre le sens et la dénotation d’un signe, composantes dira-t-on intrinsèques du signe, Frege fait référence à ce qu’il dénomme la représentation du signe, caractéristique essentiellement subjective de celui-ci.

Le schéma ci-dessus reproduit la répartition « hiérarchique » des trois composantes d’un signe. La représentation d’un signe est entièrement subjective, elle est inhérente à un sujet et datée. C’est l’ « image » que le sujet se fait à propos du signe en question ; c’est, comme le décrit Frege, un tableau que le sujet se représente. La dénotation est au contraire entièrement objective car c’est l’objet même désigné par ce signe. Entre les deux se situe le sens du signe, qui n’a pas un caractère subjectif et qui n’est pas non plus l’objet lui-même. L’exemple qu’emploie Frege pour illustrer son discours est très représentatif et dispense de toute définition complémentaire de ces termes.

« On peut observer la lune au moyen d’un télescope. Je compare la lune elle-même à la dénotation ; c’est l’objet de l’observation dont dépendent l’image réelle produite dans la lunette par l’objectif et l’image rétinienne de l’observateur. Je compare la première image au sens, et la seconde à la représentation ou intuition. L’image dans la lunette est partielle sans doute, elle dépend du point de vue de l’observation, mais elle est objective dans la mesure où elle est offerte à plusieurs observateurs » [ibid., p.106].

Si Frege évoque la représentation d’un signe, c’est plutôt en vue d’éviter des confusions avec les deux autres composantes de celui-ci que pour parfaire son découpage. Frege explicite d’ailleurs que, tout au long de son texte, seuls le sens et la dénotation d’un signe seront pris en compte.

représentation

dénotation sens objectivité

Quelques écrits épistémologiques autour de l’algèbre

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Après avoir exploité le sens et la dénotation d’un signe à travers plusieurs exemples, Frege s’intéresse à l’analyse du sens et de la dénotation d’une proposition principale, pour ensuite faire de même avec les propositions subordonnées.

Pour analyser les propositions, Frege commence par définir ce qu’il entend par « valeur de vérité » d’une proposition (à savoir le fait qu’elle soit vraie ou fausse), et ensuite précise la particularité de la dénotation d’une proposition affirmative: la dénotation d’une proposition affirmative est sa valeur de vérité, c’est-à-dire le vrai ou le faux. Quant à son sens, Frege observe : le rapport de la pensée (c’est-à-dire le contenu de la proposition affirmative) au vrai est celui du sens à la dénotation. Il affirme de plus que puisque la dénotation d’une proposition est sa valeur de vérité, celle- ci ne doit pas changer lorsqu’on substitue à une partie de proposition une expression de même dénotation (ayant éventuellement un sens différent). 2

Frege conclut son travail avec l’analyse de propositions subordonnées nominales, adjectives et adverbiales, conditionnelles et circonstancielles. Dans un souci de synthèse, nous ne garderons que la conclusion générale de ses analyses : dans la plupart des cas, la subordonnée a pour sens une partie de pensée seulement, et donc sa dénotation n’est pas une valeur de vérité.