• Aucun résultat trouvé

BASES CEREBRALES DE LA CATEGORISATION

3 la reconnaissance visuelle : propositions

la sélection de cible par inhibition

Dans les aires corticales où la sélectivité des neurones permet l’encodage de représentations élaborées, la reconnaissance d’objets peut être réalisée par un mécanisme de compétition. Nous proposons que cette compétition ne soit pas seulement restreinte aux traits visuels inclus dans le même champ récepteur d’un neurone, comme l’a proposé Desimone, mais que cette compétitivité soit étendue au sein d’une aire cérébrale composée de neurones aux sélectivités proches ; cette compétition va de pair avec l’inhibition des neurones non sélectionnés. Cette proposition est sous-tendue par nos résultats d’IRMf, où les activations ont été trouvées plus amples en réponse aux distracteurs qu’aux cibles, et où le décours de ces activités semble davantage provenir de mécanismes inhibiteurs qu’excitateurs.

Une illustration de cet effet est proposé Figure 44 : nous mesurons l’activité globale d’un grand nombre de neurones aux sélectivités proches. La première hypothèse est que la préparation attentionnelle augmente l’efficacité des synapses des neurones sélectifs à des traits cibles. La seconde hypothèse est que nous mesurons l’activité globale d’une aire activée par la catégorie cible : chaque neurone est sélectif à un exemplaire de cette catégorie, ou à une composante de cet exemplaire.

En réponse aux stimuli distracteurs de la tâche, de nombreux neurones de cette aire sont activés de façon moyenne, aucun neurone de cette aire ne répondant optimalement à un objet de la scène. En réponse à un stimulus cible de la tâche, la petite assemblée répondant préférentiellement aux traits du stimulus actuel est fortement activée. Cette forte activité est causée par l’activité des neurones afférents rendue plus efficace par la préparation attentionnelle. De la même façon, les projections inhibitrices de ce réseau sont aussi plus efficacement activées, et produisent une vaste inhibition de tous les autres neurones voisins. Mesurée globalement, l’aire a donc moins d’activité en réponse à un stimulus cible par rapport à un stimulus distracteur. Lors d’une présentation d’un autre stimulus cible, une autre assemblée sera sélectionnée, mais l’activité globale de l’aire sera réduite comme précédemment.

Ainsi nous proposons que l’effet observé à l’IRMf lors de la tâche soit le reflet d’un tel mécanisme. Ce mécanisme est rendu possible si l’attention de préparation a pour effet d’augmenter l’efficacité des synapses excitatrices et inhibitrices des neurones, comme proposé par Reynolds, Chelazzi et Desimone 1999.

Figure 45 : potentiels ‘Animal’ et ‘Non-Animal’ lors de la tâche de catégorisation

Malgré les différences de polarité, les potentiels évoqués par les distracteurs sont toujours plus amples que ceux des cibles, pour l’activité différentielle principale ; cet effet est observable sur tous les sites où cette différence est significative. Le signe de cette différence est analogue à l’effet observé en IRMf. Pour l’activité précoce visible entre 110 et 140 ms, cet effet ne peut être mis en évidence de la même façon. Les données sont celles de l’expérience ‘la couleur dans les scènes’.

Figure 46 : Modèle des activités ‘Animal vs Non-Animal implicite’

Les données sont celles de l’expérience ‘détection de couleur dans les scènes’. Les potentiels sont ceux des différences ‘Animal vs Non-Animal’ dans le cas des deux tâches duales (les sujets sont différents). Sur les sites frontaux, il est remarquable d’observer que malgré des tâches et des sujets différents, les potentiels possèdent les mêmes variations sur 180-400 ms. Cette propriété ne peut provenir que d’une activité propre liée à ‘Animal vs Non-Animal’.

Deux conclusions peuvent être tirées de ces modèles : d’abord, les localisations sont identiques aux sources ‘Animal vs Non-Animal explicite’ de toutes les expériences, laissant penser qu’il s’agit des mêmes aires corticales recrutées dans le cas implicite et lors de la tâche Animal (la première est identique à l’activité ‘précoce’, la seconde à ‘l’activité différentielle à 150 ms’). Ensuite, la polarité de ces sources (le signe de la différence) est l’opposé du cas explicite. Cette propriété est très consistante avec notre hypothèse de suppression d’activité lors de la tâche : une aire plus activée par les scènes d’animaux que par les autres scènes lors d’une reconnaissance implicite verra son activité très réduite lorsque les animaux sont cibles de la tâche, par inhibition de tous les neurones non sélectionnés de la même aire. Cet effet de sélection rend l’activité évoquée par les distracteurs comparativement plus élevée.

Figure 47 : modèle des activités ‘Animal vs non-Animal explicite’

Les données sont celles de l’expérience ‘la couleur dans les scènes’ : les sujets effectuent la tâche de catégorisation des stimuli animaux vs autres scènes. Nous avons effectué une modélisation des différences sur l’intervalle le plus long possible, contrairement aux autres modèles présentés dans les comptes-rendus expérimentaux (chapitres 2 et 3). Ce modèle est globalement consistant avec tous ceux présentés auparavant. Il indique surtout que l’activité différentielle principale doit être divisée en deux phénomènes, le premier à dynamique lente sur 150-250 ms proche de la jonction occipito-pariétale, le second plus restreint sur 200-250 ms plus antérieur et temporal. L’activité préfrontale gauche a son pic à 310 ms.

suppression visible en potentiels évoqués ?

Par prolongement, nous proposons à titre d’hypothèse d’interpréter les résultats de potentiels évoqués comme un effet du même mécanisme d’inhibition. Un retour sur les potentiels évoqués nous montre en effet un phénomène analogue à celui observé à l’IRMf : sur toutes les électrodes où la différence cible vs distracteur est visible à partir de 150 ms, les potentiels distracteurs sont toujours plus amples que les potentiels cibles1, comme l’illustre la Figure 45. Cet effet est identique à la ‘négativité de sélection’, en référence au signe de la différence.

Mais un examen plus détaillé des modèles des activités ‘Animal vs Non-Animal’ dans les cas explicite et implicite nous montre un phénomène très compatible avec notre proposition de suppression d’activité, lors de la tâche. Comme montré sur les Figures 46 et 47, le modèle ‘Animal vs non Animal implicite’ possède des sources localisées aux mêmes endroits que le modèle explicite : les mêmes aires sont différentiellement activées par comparaison des mêmes stimuli (stimuli identiques, tâches et sujets différents). Ce premier résultat permet de conclure au partage des bases cérébrales des reconnaissances implicite et explicite de la catégorie Animal dans des scènes. Seulement, le fait crucial est que ces différences ‘Animal vs Non-Animal’ localisées dans les mêmes aires sont de signe opposé entre les conditions implicite et explicite, ce qui est exprimé par la rotation proche de 180° des dipôles, et par le signe des potentiels. Voici comment nous en envisageons l’interprétation.

Dans la condition implicite, posons l’hypothèse que ces aires peuvent être davantage activées par les scènes d’animaux que par les autres scènes : cette aire rassemble des neurones de sélectivités voisines, sélectivités à des formes plus proches d’être vivants et d’animaux que d’autres formes souvent rencontrées dans des scènes naturelles. L’activation évoquée par les autres scènes est cependant non nulle. Dans le cas d’une reconnaissance implicite, l’activité ‘Animal’ est plus grande en valeur absolue que celle évoquée par ‘Non-Animal’, et leur différence est ici positive.

Dans le cas explicite, lors de la tâche de catégorisation Animal, l’attention de préparation portée à cette catégorie a pour effet d’amplifier dans cette aire la sensibilité des neurones à leurs entrées dendritiques. Lorsqu’une scène cible est présentée, l’activation des quelques neurones très sélectifs aux formes de l’animal actuel produit également une vaste inhibition des autres neurones de la même aire. Cette inhibition a pour double effet de lever la sensibilité accrue par l’attention, et d’agir comme une sélection des neurones représentant l’animal ‘reconnu’. Si une scène distracteur est présentée, l’activité des neurones afférents est insuffisante, ou incohérente, et ne produit pas de sélection