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VARIATIONS AUTOUR DE LA CATEGORISATION VISUELLE RAPIDE

B. Histogrammes des réponses aux deux types de scènes, tâches séparées Séparer les analyses sur les

4 images contenant des formes simples

Nous avons vu que l’activité différentielle ‘Animal – Non Animal’ à 150 ms provenait de deux phénomènes liés : d’une part, une réponse des structures cérébrales à la présence de la catégorie ‘Animal’ (mise en évidence par l’encodage automatique de cette catégorie quand les sujets sont engagés dans une autre tâche), et d’autre part une réponse des structures cérébrales au statut cible et distracteur (visible lorsque les stimuli sont contrebalancés dans deux tâches où les cibles de l’une sont distracteurs de l’autre). Ainsi, la rapidité de cette tâche de catégorisation est d’autant plus marquante, puisqu’à 150 ms un indice de la décision à prendre est déjà visible.

Nous allons compléter ici cette série d’études en nous demandant si la même tâche effectuée sur des formes géométriques simples permet de conclure à la même vitesse de décision. Les formes à discriminer seront des carrés et des ronds. Pour ces formes, des éléments de décision peuvent être disponibles dès les aires visuelles primaires, étant donné la présence de cellules répondant préférentiellement à des angles dans leur champ récepteur, pouvant fournir des informations fiables sur la présence de carrés.

4.1 expérience et résultats

a) protocole et hypothèses

17 sujets (9 femmes) ont effectué au cours des mêmes séances la catégorisation de photographies ‘Animal vs Non Animal’ en tâche contrôle, et une tâche de catégorisation d’images ‘Carrés vs Ronds’. Les deux tâches étaient effectuées alternativement, par séries de cent images chacune. Il était demandé aux sujets un minimum de sept séries de chaque. La tâche ‘Animal’ était inchangée par rapport aux autres expériences. Sur les 17 sujets, 15 participaient à l’expérience pour la première fois.

Lors de la tâche ‘Carrés vs Ronds’, les sujets avaient pour consigne de relâcher le bouton d’une souris le plus rapidement possible dès que l’image affichée contenait des carrés. Les stimuli étaient des images achromatiques sur fond gris moyen, contenant aléatoirement soit des carrés soit des cercles. Pour éviter que la tâche se réduise à une détection simple, la disposition aléatoire des formes dans l’image changeait à chaque essai et les contours étaient remplis aléatoirement d’un niveau de gris (voir Figure 34). Les dix formes affichées étaient de même surface, mais pouvaient être masquées les unes par les autres. Les autres caractéristiques du protocole restaient inchangées : présentations centrées sur le point de fixation, affichage 20 ms, intervalle interstimulus aléatoire entre 1.8 et 2.5 s, stimuli de 384 x 256 pixels soit 6.7° x 4.5° d’angle de vue à 1 m. L’enregistrement de l’EEG était effectué au moyen d’un bonnet 32 voies ; seuls les essais réussis et non-artefactés étaient utilisés pour le calcul des potentiels évoqués moyens.

hypothèses du protocole

• S’agissant d’images contenant des formes simples au lieu de scènes naturelles complexes contenant des animaux, nous cherchons préalablement à vérifier si la tâche ‘Carrés vs Ronds’ est effectuée plus rapidement que la tâche ‘Animal vs non-Animal’.

• La complexité de cette tâche est moindre, au regard des informations à traiter pour décider de la présence d’un carré. Cette information peut être disponible dès le cortex visuel primaire, ce qui n’est pas le cas pour la tâche ‘Animal’ : l’analyse des potentiels évoqués dans les deux tâches, enregistrés chez les mêmes sujets, permettra d’observer si un indice électrophysiologique de décision « cible ou distracteur » est décelable plus tôt que dans la tâche ‘Animal’.

• De manière similaire, nous tâcherons d’observer si un encodage visuel des stimuli peut être décelé plus tôt, montrant alors l’implication d’une aire visuelle plus précoce de la voie ventrale.

b) résultats comportementaux

La performance des sujets est bien meilleure lors de la tâche ‘Carrés vs Ronds’ que dans la tâche ‘Animal’ : les taux de réussite sont de 96,6% et 91,6% respectivement, et les temps de réaction médians de 444 ms et 483 ms (moyennes 454 et 496 ms, voir Figure 36). Ces différences entre les résultats comportementaux des deux tâches sont significatives à p<0.0001 (t apparié). L’histogramme des temps de réaction (Figure 35) illustre le biais des réponses ‘go’ correctes par rapport aux réponses ‘no-go’ incorrectes (p<0.001) à partir de 300-310 ms pour la tâche ‘Carrés vs Ronds’, et à 330-340 ms pour la tâche ‘Animal’, pour l’ensemble des 17 sujets.

Comparée aux expériences précédentes, la tâche ‘Animal’ a cependant été moins réussie et plus lente1 : les résultats précédents étaient de 445 ms, 417 ms et 441 ms en médiane, et 270 ms, 280 ms et 290 ms pour les temps de réaction les plus courts. Les sujets de cette expérience ont donc été bien moins performants. D’autre part, un examen plus précis des histogrammes de temps de réaction pour les essais les plus rapides (Figure 35) montre que le décalage des histogrammes observé dans la tâche précédente par exemple (voir Figure 26) est bien moins clair ici. Les temps de réaction sont donc globalement plus rapides de 40 ms dans la tâche ‘Carrés vs Ronds’ mais cette différence n'est pas aussi clairement visible pour les essais les plus rapides. Ces résultats demandent donc à être confirmés, par des sujets dont les résultats comportementaux seraient plus proche de ceux observés précédemment.

c) résultats électrophysiologiques

potentiels évoqués

Les potentiels évoqués par les stimuli simples ont une allure identique à ceux évoqués par les scènes jusqu’au premier pic négatif à 100 ms (Figure 37 A) visible sur les sites occipitaux. Les formes simples évoquent ensuite un deuxième pic d’activité à 130 ms, absent dans le cas des scènes. Ce premier résultat indique qu’un traitement supplémentaire est effectué pour les stimuli simples entre 100 et 150 ms ; cette activité ne permet pas de conclure à un traitement différents pour carrés et ronds.

différences cibles – distracteurs

Les cibles et distracteurs des deux tâches divergent nettement et de manière identique à partir de 150 ms, comme représenté sur la Figure 37 B. Ces activités différentielles restent identiques jusqu’à 220 ms, latence à partir de laquelle les stimuli simples évoquent des différences de plus grande amplitude tant sur les sites occipitaux que frontaux. Si la latence et l’amplitude de ces deux activités différentielles sont identiques, leur topographie mesurée sur 170-220 ms, bien que proche, n’est pas similaire sur tous les sites (Figure 38). Si, comme il a été suggéré lors de l’expérience précédente, ces activités différentielles reflètent un processus de décision, ce dernier résultat indique que les décisions ‘cibles vs distracteurs‘ sont l’œuvre de processus de même latence et similaires sur 150-220 ms, qui ne partagent toutefois pas des bases cérébrales identiques pour ‘carrés vs ronds’ et ‘animal vs non animal’.

activités précoces

Nous avons vu qu’aucune différence ‘carrés vs ronds’ n’était observable avant 150 ms. Par contre, comme indiqué sur la Figure 38 B et C, une différence ‘Animal – non animal’ est clairement significative sur 110-140 ms. Chez ces nouveaux sujets, cette activité possède un signe, une latence et une amplitude comparable à celles observées dans les expériences précédentes pour ‘Animal vs Non-Animal précoce’ ; sa topographie est déplacée légèrement en frontal. La présence de cette activité confirme qu’un encodage différent pour deux types de scènes peut être observé à ces latences, visible chez de nouveaux sujets.

d) modèles dipolaires

Nous avons ici cherché à vérifier les localisations des sources pouvant refléter les activités successives liées à la catégorie animal. La Figure 39 montre que les résultats obtenus chez ces sujets sont consistants avec les localisations précédemment obtenues : l’activité précoce modélisée sur 110-140 ms semble une nouvelle fois résulter de processus clairement temporaux, alors que l’activité différentielle à partir de 150 ms est plus antérieure et plus pariétale.

Figure 34 : Stimuli de la tâche ‘Carrés vs Ronds’

Les stimuli sont constitués d’images achromatiques sur fond gris moyen, contenant aléatoirement soit des carrés soit des cercles au nombre de dix, disposés et colorés aléatoirement d’un niveau de gris à chaque essai. Les formes sont de même surface, mais pouvaient être masquées les unes par les autres. Les présentations sont centrées sur le point de fixation, et sont de même taille que les stimuli constitués de scènes naturelles. L’affichage dure 20 ms ; les cibles sont les carrés.

Figure 35 : Résultats comportementaux de l'expérience 'formes simples'