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La révélation chrétienne par la Parole de Dieu

Dans le document La révélation selon Guy Lafon (Page 50-55)

2. La révélation chrétienne selon l’exhortation apostolique Verbum Domini

2.1 La révélation chrétienne par la Parole de Dieu

Il n’est pas surprenant que la première partie de l’Exhortation apostolique commence par le thème de la Parole de Dieu. Elle nous fait d’emblée entrer dans le mystère même de la révélation. Comme il a été vu précédemment avec la constitution Dei Verbum, Benoît XVI parle de Dieu comme un Dieu qui parle et qui entre en dialogue23. Très vite, la parole est mise en lien avec le dialogue. C’est un aspect important de la révélation biblique. Car, précise l’auteur de l’exhortation, « comme ils l’ont affirmé les Pères synodaux, "quand il se réfère à la Révélation, le dialogue comporte le primat de la Parole de Dieu adressée à l’homme"24 ». Dès le départ, Benoit XVI met en lien le dialogue et la Parole de Dieu dans la compréhension de la révélation biblique. Ce dialogue est situé au premier plan. Cette considération fait suite à ce que nous avons souligné dans nos précédentes analyses sur la constitution dogmatique Dei Verbum. En effet, commencer son Exhortation avec la Parole de Dieu et le dialogue montre l’importance de cette approche de la révélation. « La Parole de Dieu introduit chacun de nous dans un dialogue

22 Benoît XVI, Verbum Domini, n°3. 23 Benoît XVI, Verbum Domini, no 6. 24 Benoît XVI, Verbum Domini, no 22.

41 avec le Seigneur25 ». Le Dieu qui parle est continuellement en dialogue avec l’homme. De ce point de vue, l’Écriture Sainte est comprise comme la manière par laquelle Dieu se fait entendre, à travers le dialogue, et s’entretient avec l’homme.

Avant d’aller plus loin dans sa réflexion, Benoît XVI commence par faire ressortir « les diverses modalités avec lesquelles nous utilisons l’expression "Parole de Dieu"26». Le plus important est de favoriser sa meilleure compréhension, étant donné que Dieu se révèle par et dans sa Parole. L’un des sous-titres de la première partie de l’Exhortation parle d’ « Analogie de la Parole de Dieu27 ». Cette dernière est comprise comme « une parole unique qui s’exprime de différentes manières. C’est comme un chant à plusieurs voix28 », précise Benoît XVI. En ce sens, pour entrer en communication avec l’homme et pour se faire comprendre, Dieu se révèle en utilisant le langage humain. De ce point de vue, jamais cette Parole ne finirait de parler parce qu’elle touche le mystère même de l’homme.

Pour rester dans cette analogie de la Parole de Dieu, le texte souligne plus d’une expression. Il y a le fait de dire que Dieu parle à travers la création ; que Dieu fait entendre sa Parole dans l’histoire du salut, l’histoire des hommes. Cette histoire trouve son achèvement dans le Christ. Toutes ces considérations montrent à quel point la Parole de Dieu est si importante dans la vie de l’Église. La Parole de Dieu est à la fois vécue, annoncée et célébrées. La référence constante faite au Prologue de Saint Jean permet de comprendre que, par l’Incarnation, la chair est devenue entièrement Parole de Dieu. À cet effet, souligne le texte, « la Parole ne s’exprime plus ici […] à travers des discours, faits de concepts ou de règles. Ici, nous sommes mis face à la Personne même de Jésus. Son histoire unique et singulière est la Parole définitive que Dieu dit à l’humanité29 ». La Parole de Dieu devient le lieu d’une rencontre. C’est un tournant décisif auquel les pères

25 Benoît XVI, Verbum Domini, no 25. 26 Benoît XVI, Verbum Domini, n° 7. 27 Benoît XVI, Verbum Domini, no 50. 28 Benoît XVI, Verbum Domini, no 7. 29 Benoît XVI, Verbum Domini, no 11.

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synodaux ont mis leur importance pour souligner le dynamisme dans la compréhension de la Parole et de l’Écriture Sainte. Car, cette Parole de Dieu est aussi celle qui est mise par écrit, c’est l’Écriture Sainte, Parole de Dieu « attestée et divinement inspirée30. »

On comprend par-là que le Christ devient alors la clef d’interprétation de l’Ancien Testament comme du Nouveau Testament. Cette réflexion n’est pas loin de la vision de la constitution dogmatique Dei Verbum. Tout tourne autour de la compréhension de l’expression « Parole de Dieu ». Cette dernière donne sens au dialogue, à la communication et à la relation. De ce qui précède, on peut comprendre que c’est dans la mesure où on arrivera à articuler ces différentes modalités de l’expression « Parole de Dieu » qu’on pourra arriver à comprendre ce qu’est l’Écriture Sainte, et donc ce qu’est la Révélation et son importance dans la vie de l’Église.

Par ailleurs, en s’appuyant sur le prologue de saint Jean, Benoît XVI affirme que, « le prologue johannique nous met en face du fait que le Logos est réellement depuis toujours, et depuis toujours, il est Dieu lui-même. Par conséquent, il n’y a jamais eu en Dieu un temps où le Logos n’était pas31 ». Il veut confirmer que la notion de la « Révélation » est en lien direct avec le Logos. C’est un passage décisif qui part du Dieu qui parle au Dieu fait Homme, du Dieu qui parle au Dieu qui se fait Parole. Dans ce mouvement, le Christ devient le visage même de cette Parole de Dieu. « La Parole de Dieu ne s’exprime plus ici d’abord à travers un discours, fait de concepts ou de règles. Ici, nous sommes mis en face de la Personne même de Jésus. Son histoire unique et singulière est la Parole définitive que Dieu dit à l’humanité32 », écrit Benoît XVI. De ce point de vue, la Révélation n’est plus abstraite, elle a un visage qu’est le Christ, Verbe fait chair.

30 Benoît XVI, Verbum Domini, no 7. 31 Benoît XVI, Verbum Domini, no 49. 32 Benoît XVI, Dei Verbum, nos 2 et 4.

43 En outre, Benoît XVI met en évidence différents aspects qui soulignent l’importance et la place de la Parole de Dieu dans la révélation biblique. Tout d’abord, la Parole de Dieu a une dimension existentielle et anthropologique. Pour lui, « l’homme est créé dans la Parole et il vit en elle ; il ne peut se comprendre lui-même s’il ne s’ouvre à ce dialogue. La Parole de Dieu révèle la nature filiale et relationnelle de notre vie33 ». Vue sous cet angle, « parler » devient alors une partie intégrante de l’homme et de son être ; la Parole de Dieu comme celle de l’homme deviennent ouverture à l’existence. L’homme ne peut se comprendre en dehors de cette relation, en dehors de l’entretien avec Dieu. Autrement dit, l’homme ne pourra se comprendre en dehors de la relation de dialogue avec Dieu. Dans la vision synodale, la Parole revêt une dimension anthropologique, et son accueil fait entrer l’homme dans la relation filiale à partir du Verbe fait chair. Toujours par rapport au paragraphe précédent, Benoît XVI veut montrer que l’homme est un être de relation. La Parole de Dieu vient lui révéler cela. Voilà un autre aspect important de la Parole de Dieu qui permet de révéler à l’homme sa nature de fils et sa nature relationnelle. Cette révélation est rendue possible grâce au dialogue.

Outre l’aspect anthropologique et existentiel de la Parole de Dieu, Benoît XVI souligne un autre élément important. Pour lui, la Parole de Dieu rejoint l’expérience humaine. Elle ne « […] s’oppose pas à l’homme, ne mortifie pas ses désirs authentiques, bien au contraire, elle les illumine, les purifie et les mène à leur accomplissement34». Ce qui veut

dire que la Parole de Dieu a la force de rejoindre l’homme dans son humanité issue de Dieu. Cette vision va faire que chaque situation humaine sera prise en compte, dans le processus de la révélation chrétienne. C’est un nouveau déploiement de la Révélation qui marque son dynamisme depuis la constitution dogmatique Dei Verbum jusqu’à l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini. Dieu, Parole vivante, épouse la nature humaine, épouse chaque nouvelle expérience de l’homme. Benoît XVI veut signifier par là que la Parole de Dieu ne détruit jamais la vraie nature de l’homme. Dieu entre en dialogue avec l’homme et à partir de l’homme. Il s’adresse à lui dans un langage

33 Benoît XVI, Verbum Domini, n° 22. 34 Benoît XVI, Verbum Domini, n° 23.

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humain. L’interprétation devient ici important par le fait qu’elle rend la Parole de Dieu plus active et plus actuelle pour chaque génération.

Ainsi, la Parole de Dieu, au-delà de toutes les modalités qu’elle exprime, ne sera plus une parole abstraite, mais plutôt une parole vivante, en la Personne de Jésus. D’où l’importance, pour Benoît XVI, de la formation et de l’approfondissement pour que le peuple de Dieu soit partie prenante dans ce processus de la vie ecclésiale. À cette condition le dialogue ne se fera pas en sens unique, mais elle se fera dans la parfaite altérité. C’est un signe que la révélation ne se situe pas seulement ou exclusivement au niveau de la chaine de transmission. Elle est à l’œuvre à travers la réception dans la foi. Et, au regard de la Constitution dogmatique Dei verbum, la transmission de la révélation ne pourra être possible sans la réception de l’homme. C’est le caractère unique et total de l’acte de réception qui est inclus dans le processus de la révélation, bien que la perspective du dialogue n’exclue pas la dimension de la transmission du contenu de la foi. La constitution Dei Verbum nous le fait savoir lorsqu’elle affirme que « la Tradition Sacrée […] transmet dans son intégrité aux successeurs des Apôtres la Parole de Dieu confiée aux Apôtres par le Christ Seigneur et le Saint Esprit35 ». Précisons aussi que l’Exhortation apostolique Verbum Domini s’inscrit dans l’esprit d’interprétation de la Parole de Dieu. C’est un processus qui favorise la réappropriation et la relecture de l’Écriture Sainte, signe visible du dynamisme ecclésial. Autrement dit, on s’inscrit dans ce qui a été déjà dit pour le redire autrement, dans un langage propre à chaque époque.

Voici qui nous amène au deuxième point de notre réflexion. Bref, après avoir parlé de l’importance de la Parole de Dieu, de sa compréhension et de son statut, Benoît XVI veut aborder dans la deuxième partie de son exhortation, de l’accueil de cette Parole de Dieu. Il s’agit de savoir « […] comment la Parole de Dieu peut être accueillie de façon vivante dans l’Église de façon à pouvoir produire de fruit ».

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