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Influences

Dans le document La révélation selon Guy Lafon (Page 33-38)

Comme nous l’avons signifié dans l’introduction du présent chapitre, pour nous engager dans un processus de compréhension de la pensée de Guy Lafon, il convenait de bien

35 Parmi ces textes, nous citerons : Pour lire l’évangile de Matthieu, Paris, Golias, 1998; L’Esprit de la lettre, Lectures de l’évangile selon saint Luc, Paris, Desclée de Brouwer, 2001; La Table de l’Évangile (20

tomes), Nice, École de lecture, 1995-2002; Le Temps de croire (Jean 11, 1-46), Bruxelles, Lumen Vitae, 2004 ; La Parole et la Vie, lectures de l’Évangile selon saint Jean, Bruxelles, Lumen vitae, 2005; Foi et

vérité, Bruxelles, Lumen Vitae, 2010.

36 Albert Deschamps, Jean, Ladrière, Guy, Lafon et coll., Genèse et structure d’un texte du Nouveau Testament. Étude interdisciplinaire du chapitre 11 de l’évangile de Jean, Paris, Cerf, (coll. Lectio Divina

104), 1981.

37 Guy Lafon, « Éloge de la limite. Sur un texte de saint Augustin », dans Joseph Dore, (dir.), Éthique, Religion, Foi, Paris, Beauchesne, 1985.

38 Guy Lafon, Marianne Alphant et Daniel Arasse, L’apparition à Marie-Madeleine, Paris, Desclée de

Brouwer, 2001.

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situer le contexte dans lequel il a évolué. Il fallait aussi et surtout déterminer si sa pensée théologique pouvait être rattachée à des auteurs qui l’avaient précédé. Autrement dit, nous avons annoncé que le chapitre premier tenterait d’établir ou de dégager l’existence des sources d’inspiration dont Guy Lafon se serait servi ou, mieux, d’éventuels liens avec ses prédécesseurs. De qui hérite-t-il sa pensée théologique ? Existe-il des sources intellectuelles qui ont eu une influence sur ses convictions ? A-t-il été influencé par quelqu’un ou quelque chose ? De qui détient-il sa pensée théologique ? Sa pensée théologique a-t-elle connu une influence extérieure ? Autant des questions que nous pouvons nous poser. Les réponses à ces questions pourront, sans nul doute, nous amener à parler de ses influences.

En effet, la difficulté à répondre à toutes les questions semble se dégager. Il faut préciser que Guy Lafon s’était déjà poser la même question lorsqu’il écrivait son ouvrage Le Dieu

commun : « De quelles pensées s’inspire la nôtre dans ce livre où les références et les

citations sont rares40 ? » À cette question, Guy Lafon affirme de lui-même qu’il s’est inspiré de plusieurs penseurs à qui il attribue le qualificatif de « créanciers ». Il précise ensuite que « s’il faut choisir parmi les créanciers les plus notoires, le nom de Kant, comme on peut s’en douter, vient avant tous les autres. La philosophie transcendantale n’est pas pour rien dans notre méfiance à l’égard d’une certaine métaphysique. Nous lui devons plus sans doute qu’aux réflexions de Kant sur la religion elle-même41 ». Aussi, parmi ceux qu’il appelle « des créanciers », Guy Lafon confirme d’une part, l’influence de Maurice Merleau-Ponty lorsqu’ « il met en garde contre un chauvinisme humain42 ». D’autre part, il se réclame également s’inspirer d’autres penseurs de son époque lorsqu’il déclare ce qui suit :

nous avons lu et médité les leçons de penseurs plus proches de nous dans le temps. On le reconnaitra facilement. Elles nous permettaient de mieux entendre, et d’entendre philosophiquement, ce que nous lisions des

40 Lafon, Le Dieu commun, p. 12. 41 Lafon, Le Dieu commun, p. 13. 42 Lafon, Le Dieu commun, p. 13.

25 linguistiques et des praticiens des sciences de la société. Les auteurs que nous venons d’évoquer sont des points de repère, non des cautions. Nous ne prétendons pas nous autoriser d’eux pour achever leur propre démarche, comme si elle était imparfaite, en la prolongeant jusque dans le champ religieux et théologique43.

Mais, comme on vient de le lire, Guy Lafon précise qu’il ne prétend pas s’engager dans une poursuite des démarches de ces prédécesseurs. Ce qui laisse entendre que, tout en se référant à d’autres penseurs, Guy Lafon s’est tracé son propre chemin ou sa propre direction. Dans ce cas, la question demeure en quelque sorte : À quel auteur l’on pourrait se permettre de rattacher Guy Lafon ? Sa réponse à cette question est bien claire et précise : « C’est au lecteur lui-même d’en décider44 ». Alors, étant donné que l’ouvrage

Chemins de liberté. Mélanges en l’honneur de Guy Lafon est une œuvre collective,

constituée entre autres d’un groupe des lecteurs de Guy Lafon, il nous a semblé logique de nous y référer. Cet ouvrage aborde cette question de rattachement de Guy Lafon à ses prédécesseurs. Il commence par relever la difficulté liée à la rareté des références bibliographiques. En effet, cette difficulté relève du fait que Guy Lafon écrit « un texte dense, qui relève de la théologie, qui s’inscrit donc dans une tradition, et qui pourtant ne s’appuie sur aucune note de bas de page, aucune citation, ni aucune référence à d’autres penseurs. Voilà donc un auteur qui revendique d’être cru sur parole. Qui donne sa parole comme la seule garante d’elle-même45 ». De ce point de vue, Guy Lafon est identifié et considéré comme « un auteur sans notes de bas de page46. »

Dans l’ouvrage Chemins de liberté, Guy Lafon évoque différents auteurs philosophes qui l’auront marqué47. Il y a entre autres Jean Lacroix (1900-1986) avec son ouvrage sur Le

sens du dialogue48; Maurice Blanchot (1907-2003) de par les analyses de son ouvrage

43 Lafon, Le Dieu commun, p. 13. 44 Lafon, Le Dieu commun, p. 14.

45 Weiser, « La surface avant la profondeur … », p. 1. 46 Weiser, « La surface avant la profondeur … », p. 1. 47 Weiser, « La surface avant la profondeur … », p. 2.

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intitulé L’entretien infini49; Gabriel Marcel (1889-1973) avec Du refus à l’invocation50; Henry Bergson (1859-1941) à travers ses réflexions présentées dans son ouvrage Les

deux sources de la morale et de la religion51, et enfin de Maurice Merleau-Ponty (1908- 1961) avec La phénoménologie de la perception, Éloge de la philosophie52. On pourra déduire que ces influences ont eu un impact important sur sa manière propre d’orienter sa pensée théologique. Il a aussi connu l’influence des certains théologiens comme saint Augustin, saint Jean de la Croix, saint François de Sales, Bultmann, etc. Toutes ses influences lui ont permis d’approfondir sa réflexion théologique sur l’entretien et le dialogue. Il reconnaît surtout l’impact de la simplicité de l’écriture de ces auteurs sur sa propre pensée, en particulier le style du philosophe Bergson.

De plus, Guy Lafon reconnaît l’impact de deux courants philosophique, l’existentialisme et le structuralisme, sur la pensée. François Weiser l’a bien dit lorsqu’il déclarait que le structuralisme est considéré « comme une discipline qui permettait de tenir au plus près le vif de l’existence – la communication […]. Le structuralisme a aidé Guy Lafon à formuler dans des termes contemporains ce sur quoi la foi tient […]53 ». En outre, c’est pendant toute la période de sa carrière d’enseignement que s’ajoutent, aux influences intellectuelles déjà mentionnées, celles qui lui venaient de sa réflexion sur les sciences humaines comme la linguistique.

L’autre aspect qui pourra attirer notre attention dans les écrits de Guy Lafon est cette dimension poétique qui est présente. À ce propos, il a été influencé par le poète français René Char (1907-1988). C’est ce que démontre François Weiser, dans les Chemins de

liberté. Il précise que Guy Lafon avait « le goût pour le poète, tels René Char, et le mode

49 Maurice Blanchot, L’entretien infini, Paris, Gallimard, 1983. 50 Gabriel Marcel, Du refus à l’invocation, Paris, Gallimard, 1940.

51 Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, Presses Universitaires de France,

1982.

52 Maurice Merleau-Ponty, La phénoménologie de la perception, Éloge de la philosophie, Paris, Gallimard,

1952, 1945.

27 de création que représente l’écriture poétique54 ». En effet, il ne serait vraiment pas surprenant de rencontrer un théologien qui soit en même tant poète, et se demander comment concilier les deux. Pourtant Guy Lafon l’a effectivement été. Voici les propos qu’il tient lui-même à ce sujet :

J’écris parfois ce qu’on appelle, communément, des poèmes. Pourquoi? Sans doute parce que je pense que la parole, toute parole, même la plus anodine, est toujours prononcée poétiquement. J’entends par là que nous parlons tous d’abord, mais sans bien l’apercevoir toujours, pour dire l’effet des choses et des événements sur nous et, aussi, notre alliance, heureuse ou néfaste, avec tous, alors que nous imaginons que nous parlons seulement pour rendre un compte exact du monde et de l’histoire aux autres et à nous-mêmes. Pour moi, le poème est l’occasion de me souvenir que nous ne vivons vraiment que d’une parole qui est la répercussion étonnée de notre rencontre. Oui, nous vivons poétiquement, et nous l’oublions. Le poème nous rappelle à la vérité de notre condition d’hommes qui parlent55.

C’est dans La Table de l’Évangile56 que se retrouve défini le poème exergue à la première page de chacun des tomes. Toute sa réflexion se déploie, avons-nous dit, dans un esprit de plein partage des interrogations et des préoccupations de la culture dans laquelle le christianisme s’inscrit et ce texte introductif – poème-prière - ci-après célèbre ce déploiement de sa pensée poétique :

«De ton livre Fais de la foi.

De ta foi Fais une parole.

De ta parole Fais de l'amour.

Comme du blé On fait du pain.»

54 Weiser, « La surface avant la profondeur … », p. 2.

55 [http://lafon.guy.free.fr/?page_id=32] (consulté le 20 mai 2013).

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Même dans le poème, Guy Lafon fait toujours référence à la foi ou plutôt il la mentionne toujours. Cette foi l’amène à une parole vivante, une parole qui prend corps dans l’amour et dans la pratique de l’approche des textes bibliques. Cette pratique se fait à partir d’un texte de la liturgie dominicale. De ces expériences de lectures bibliques, Guy Lafon dira :

En définitive, le poème résiste à l’interprétation, non point parce qu’il serait plus fort qu’elle, mais parce que, lorsqu’elle s’exerce, il succombe toujours. De là vient sans doute qu’en ne nous lassant pas de commenter un poème, nous concevions le désir de l’étreindre, non pour le posséder, mais pour devenir, à son contact, poètes à notre tour57.

Dans le document La révélation selon Guy Lafon (Page 33-38)

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