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L’entretien est un champ auquel rien n’échappe

Dans le document La révélation selon Guy Lafon (Page 66-68)

1. La théologie de l’entretien chez Guy Lafon

1.1 L’entretien est un champ auquel rien n’échappe

Guy Lafon commence son livre Le Dieu commun par un constat important : « il y a un champ auquel rien n’échappe. Il soutient toutes les opérations que nous pouvons accomplir. Ce champ c’est celui de langage123 ». Ce sont les termes choisis par Guy Lafon qui, par la suite, seront

rapportés au terme d’entretien et vont définir et résumer ce concept qui lui est cher. C’est pourquoi, pour y arriver, Guy Lafon se donne la peine d’expliquer et de décrire tout ce qui constitue ce terme de « champ ». Toute sa préoccupation sera tournée vers ce mot qui englobe et soutient tout. Alors, que renferme-t-il ?

Guy Lafon définit ce « champ » en adoptant la dimension linguistique. Il souligne plusieurs possibilités qui s’ouvrent au terme de langage. Il reconnaît, pour autant, la difficulté de pouvoir définir ce « champ » en terme de langage. Il va même jusqu’à dire qu’« en donnant ce nom [de langage] au champ dans lequel il n’y a pas d’humanité, nous courrons le risque de nous faire mal comprendre. Car, la tentation est grande d’assimiler ce champ à la réalisation dans les seules langues dites naturelles qui sont l’objet de la linguistique124». À l’analyse des facteurs entourant le terme de langage, Guy Lafon fait remarquer que leur complexité peut « laisser dans l’ombre le caractère universel du langage, son lien à la constitution de la société humaine125 ». En

123 Guy Lafon, Le Dieu commun, Paris, Seuil, 1982, p. 15. 124 Lafon, Le Dieu commun, p. 15.

57 réfléchissant sur le lien qui existe entre les hommes, Lafon pense que ce vaste champ dans lequel tout humain se retrouve mériterait un autre qualificatif. Il trouve qu’ « […] il est utile de confier un terme qui ne soit pas celui de langage la charge de signifier l’extrême diversité du langage lui- même126 ». C’est ainsi qu’il arrive à confier à ce champ le terme d’entretien. Pour lui, c’est le terme qui convient pour définir le champ qui englobe tout. Ainsi, il pense à ce propos que « […] le terme français d’entretien peut remplir cette mission127 ». Alors, si Guy Lafon identifie ce « champ » non plus au langage mais à « l’entretien », cela veut donc dire que l’entretien devient « ce champ auquel rien n’échappe, le champ hors duquel il n’y a pas d’humanité ». Cependant, pourquoi alors Guy Lafon choisi-t-il le terme d’entretien ? À cette question, François Weiser, dans Chemins de liberté, pourra nous donner la réponse lorsqu’il parle de Guy Lafon et de sa réflexion sur les liens qui lient les hommes. Voici ce qu’il dit à ce propos :

Le structuralisme […] comme une discipline qui permettait de tenir au près vif de l’existence – la communication. L’amenant à réfléchir au lien qui est entre nous, entre tous, le structuralisme a aidé Guy Lafon à formuler dans les termes contemporains ce sur quoi la foi tient – « elle tient du fait que nous sommes de êtres en relation ». Comment nommer cela ? Parole, échange symbolique. Non. Entretien. Parce que le mot est simple128.

Cette réponse fait écho à ce que nous avons déjà dit dans le premier chapitre sur ses influences. Pour rappel, la lecture de certains philosophes, plus spécialement Henri Bergson, a eu un important impact sur la pensée de Guy Lafon, surtout sur le style de l’écriture et la simplicité des mots. C’est dans ce style qu’il a trouvé son originalité avec le concept d’entretien. Chez lui, tout part de la relation qui existe entre les hommes sans oublier son expérience de la foi. C’est à l’intérieur de toute cette réalité que surgit son concept cher d’ « entretien ». La raison est tout simplement la simplicité que renferme ce terme.

126 Lafon, Le Dieu commun, p. 16. 127 Lafon, Le Dieu commun, p. 16.

128 François Weiser, « La surface avant la profondeur… » dans Guy Basset et François Weiser (dir.), Chemins de liberté. Mélanges en l’honneur de Guy Lafon, Paris, Nouvelle Alliance, 2011, p. 3.

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Guy Lafon, à plusieurs reprises, identifie l’entretien à un « champ » auquel rien n’échappe et hors duquel il n’y a pas d’humanité. Comme par exemple ce qu’il dit dans son ouvrage Croire,

espérer et aimer. À la question de savoir ce qui est premier entre la parole ou l’écoute, la lecture

ou l’écriture. Il répond : « Il est sans doute impossible d’en décider […]. Ce qui est sûr, c’est notre appartenance à un champ où nous parlons et où nous écoutons, où nous lisons et où nous écrivons. Convenons de nommer ici entretien ce champ auquel nous appartenons129 ». Or, vue sous cet angle, l’entretien devient le lieu de notre appartenance où chacun existe humainement, car « hors de ce champ pas d’humanité ».

Par ailleurs, Guy Lafon souligne un autre élément important. Pour lui, l’entretien est ce champ où chacun vit non pas d’une manière isolée, mais avec les autres. C’est la raison pour laquelle Guy Lafon affirme que « l’entretien n’est pas un champ impersonnel. Nous ne pouvons pas nous en isoler, nous qui en parlons130 ». Cela veut dire que ce champ n’exclut pas les autres, il a un caractère communautaire et social. Bref, l’entretien englobe toute cette réalité qui unit les hommes et leur permet de communiquer. Ce qui explique pourquoi l’entretien est « un champ auquel rien échappe, un champ qui soutient toutes les opérations que nous pouvons accomplir ». L’entretien est donc le lieu de notre appartenance, le lieu qui fait vivre les hommes ensembles.

Dans le document La révélation selon Guy Lafon (Page 66-68)

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