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La pratique esthétique pour des apprentissages approfondis en

2. LA STRATEGIE ET SES LEVIERS DE PERFORMANCE :

2.2. L’art et l’esthétique créateurs d’une valeur pour l’organisation

2.2.3. La pratique esthétique pour des apprentissages approfondis en

Depuis quelques années, les méthodes d’intervention dans les organisations fondées sur l’art (tels que la peinture, la sculpture, le théâtre, la musique, la danse, l’écriture, etc.), ont connu un essor considérable, aussi bien dans le domaine de la pratique managériale que dans celui

de l’éducation (Taylor et Ladkin, 2009 ; Shrivasta, 2010 ; Sutherland, 2013 ; Antal, 2018). Ces méthodes sont utilisées à la fois pour aider les individus sur leur chemin de développement personnel et professionnel, mais aussi pour aider les organisations à faire face à des problématiques de développement stratégique ou de changement organisationnel comme par exemple la stratégie, l’innovation, le leadership, la communication, le management, la gestion de projet, l’entrepreneuriat, etc. (Bognar, 1999 ; Roos et., 2004 ; Salgado, 2008 ; Adler, 2011, 2015 ; Antal, 2014, 2018). Les interventions fondées sur des méthodes artistiques apportent aussi des résultats intéressants pour les organisations comme cela a déjà été montré par la recherche académique sur ce sujet. Elles permettent de développer la cohésion des équipes, aident les managers à gérer des situations difficiles et incertaines, forgent l’envie d’envisager d’autres possibilités de développement, favorisent la créativité, l’innovation et le changement (Taylor et Ladkin, 2009 ; Antal et Strauß, 2013 ; Becker et Tews, 2016 ; Antal, 2014, 2018 ; Nair et al., 2018)53. Des études ont également mis en avant les spécificités des méthodes fondées sur l’art par rapport à des approches plus rationnelles et cognitives en termes de fonctionnement (Darsø, 2004; Nissley, 2004; Taylor et al., 2002 ; Taylor, 2008 ; Taylor et Ladkin, 2009). L’accent est notamment mis à ce niveau sur leur habileté à révéler le sens, à développer la créativité ainsi que d’autres compétences liées aux arts et à générer des engagements intenses, corporels et émotionnels, pouvant provoquer une prise de conscience et des changements (54).

S’inscrivant dans le courant « Art Based Method », et dans le prolongement de nos travaux de réflexion théorique sur la contribution de l’art et de l’esthétique sur le DD et le management stratégique des organisations, nous avons également engagé une recherche empirique de type recherche intervention sur des problématiques dont la finalité était double ((12), (23), (28) 53 Par exemple, Antal et Strauß (2013) dans une étude d’ampleur internationale fondée sur plus de deux cents interventions artistiques dans des entreprises européennes, identifient 29 catégories d’effets organisées en 8 groupes principaux: 1) impact stratégique et opérationnel (rentabilité, chiffre d’affaires, etc.), marketing ; 2) relation (externe et interne) ; 3) développement organisationnel (culture organisationnelle, leadership, climat de travail) ; 4) développement personnel (croissance personnelle, compétences) ; 5) méthodes de travail collaboratives (qualité du travail d'équipe, communication) quantité et qualité ; 6) manières astucieuses de travailler (gérer des événements inattendus et être ouvert au nouveau, faire confiance au processus) ; 7) voir plus et différemment (refléter et élargir son point de vue) ; 8) activation (stimulation, émotion), énergie.

54 Une revue de littérature réalisée par Taylor et Ladkin (2009 : 56) nous livre en quatre points les mécanismes subjacents aux méthodes fondées sur l’art :

 Transfert de compétences : développement des compétences spécifiques aux arts et aux artistes, transférables et utiles aux organisations : improvisation, performance, maîtrise de soi, succès, leadership, contrôle, finesse, harmonie, coordination, etc.

 Technique projective : implication corporelle et dépense d’énergie dans des activités artistiques révélant des pensées et des sentiments pas accessibles par le biais de méthodes faisant appel à la réflexion ; vivre les situations organisationnelles avec sa propre intériorité, tant émotionnelle que physique.

 Illustration de l’essentiel : comprendre la signification des concepts et des situations en rendant évident le sens caché et les connections entre des éléments : compréhension par l’intermédiaire de l’expérience émotionnelle qui révèle et fixe sur le long terme ce qui est important, évident et essentiel.

 Faire : vivre des expériences enrichissantes sur soi-même et sur la manière d’exister et de se connecter au monde et aux autres : révéler l’authenticité personnelle, dans la façon d’agir et de mettre en œuvre nos idées.

(31), (32)) : 1) Concevoir et expérimenter des méthodologies d’intervention fondées sur l’art et 2) comprendre leur mécanisme de fonctionnement et leur contribution quant à l’efficacité et la performance de l’action stratégique. Ainsi, une série d’études exploratoires a porté sur la problématique de management stratégique et elle avait pour objectif d’explorer les questions suivantes : 1) Quelle est la nature des apprentissages réalisés en matière de management stratégique par l’intermédiaire d’une approche esthétique ?, 2) Comment ces apprentissages sont-ils réalisés ? et 3) Quelles sont les incidences en matière d’engagement des individus dans l’action et dans le changement ?

Notre travail de recherche a commencé par le développement d’une méthode d’intervention sur le terrain fondée sur l’art que nous avons appelée « pratique esthétique » à partir d’une revue de la littérature, mais aussi à partir de notre expérience professionnelle en tant qu’artiste plasticienne. Notre travail de recherche se situe dans le prolongement du travail doctoral de Debra Orr (Orr, 2009) sur la « pratique esthétique » dans les organisations et leur pouvoir de transformation des organisations. La « pratique esthétique » peut être définie comme

« l’utilisation des méthodes artistiques pour impliquer les membres d’un groupe dans un apprentissage collaboratif favorable à la production de sens et de changement » (Orr, 2009,

p. 63). L’approche est fondée sur la synergie de quatre courants théoriques (Orr, 2009, p. 71-72) : 1) intégration artistique : la vérité, la beauté des émotions et des valeurs émergent à travers l’art ; 2) co-création collective : l’avenir d’un groupe doit être cosigné afin d’être accepté et réalisé ; 3) qualités expansives de la métaphore : la pensée se développe plus vite et mieux grâce à la comparaison analogique d’un concept connu avec un concept nouveau et 4) apprentissage par l’expérimentation : en s’engageant dans un processus concret, on apprend et on applique mieux les concepts abstraits. L’approche d’intervention est intéressante dans la mesure où elle permet d’intégrer dans le même processus les réponses à la fois « mentales », « corporelles » et « émotionnelles » générées par les éléments esthétiques présents dans toute chose.

La méthode invite les participants à suivre un processus pédagogique composé de phases clés guidant les participants pas à pas dans leurs processus d’apprentissage. Les phases clés de cette méthode sont présentées dans l’encadré 5. La méthodologie de la pratique esthétique est conçue pour aider les participants à comprendre les phénomènes managériaux de manière intégrée en liant « pensée », « action » et « émotion ». La pédagogie tente de rendre accessible la notion avancée par Cooperrider (2001: 30) selon laquelle «la création artistique d’images

individus et les organisations puissent exercer, si leur but est de contribuer à la construction d’un avenir positif et humainement significatif ». Bien que l’art englobe un large éventail

d’activités telles que le théâtre, la musique, la poésie, le chant, la danse et la culture, notre pédagogie de la pratique artistique s’appuie sur la peinture et le dessin comme médiums artistiques pour aider les membres du groupe à créer une vision et à élaborer des stratégies pour l’avenir de manière collective.

Pour chaque étape de la méthode, des échanges entre les participants et avec les intervenants se mettent en place au fur et à mesure de l’avancement d’une session. Le processus pédagogique a été adapté en fonction des besoins de chaque groupe et des problématiques rencontrés. Par exemple, une dernière phase peut être ajoutée au processus mentionné dans l’encadré 5 : l’installation et l’exposition des œuvres créées de façon permanente dans les lieux de travail des participants, ce qui nécessite un travail collaboratif pour décider des modes d’installation ou d’exposition des œuvres.

Encadré 5 : Le processus pédagogique de la méthode de « pratique esthétique » adapté de

Orr (2009) ((12), (23)).

Le travail avec le groupe s’effectue selon un processus qui suit les étapes suivantes :

IDENTIFIER : identification d’une problématique managériale de travail ou d’une problématique de formation sur un sujet de management : Problème/Projet /Désir/Souhait. Quel est le problème ? Qu’est-ce qui va bien ? Qu’est-ce qui ne va pas bien ? Quels sont les symptômes et les conséquences du problème ?

RESULTAT : décider quels sont les résultats souhaités face au problème rencontré. Définir de nouvelles missions ou activités orientées vers l’action ou la compréhension. Comprendre la situation plus clairement et/ou engager des actions d’amélioration.

APPLIQUER : concevoir une « métaphore » sur le problème considéré, permettant d’atteindre les résultats souhaités. Identifier les caractéristiques des résultats à atteindre et utiliser ces caractéristiques pour concevoir sa « propre » métaphore.

DESSINER : dessiner la métaphore : réalisation d’un dessin de façon créative et accessible à tous. Permettre au cerveau de penser différemment grâce à des images mentales et à des symboles.

EXTRAPOLER : élargir et redéfinir la métaphore avec les données en provenance des autres groupes. Analyser et discuter le dessin des autres (groupes et/ou personnes), afin d’en expliquer la signification. Présenter oralement les interprétations, en vue de permettre une compréhension partagée.

COMPLETER : préciser et compléter le dessin et la métaphore initiale avec des éléments nouveaux, inspirés des explications et interprétations données par les autres groupes.

REAPPLIQUER : appliquer la métaphore à la réalité en discutant ce que peut représenter la mise en place des changements désirés. Discuter chaque aspect du dessin en posant la question : qu’est-ce que ceci signifie dans le cas concret relatif à la situation abordée ? Quelles actions peut-on entreprendre concrètement pour résoudre les problèmes posés ?

REALISER : élaborer une vision partagée et une stratégie d’action commune formulée sous forme d’une déclaration ou d’un slogan. Réaliser un « chef-œuvre » artistique représentant cette vision collectivement avec la contribution personnelle de chaque membre du groupe.

De même, comme le travail réalisé peut aboutir à la formulation d’un plan d’action pour faire face aux problèmes posés, une phase d’application peut également être envisagée, notamment

quand on travaille sur des problématiques d’entreprise. Enfin, à la fin de chaque intervention, une séance de feedback est effectuée pour travailler sur les apprentissages, à la fois sur la méthode de travail et sur les contenus des apprentissages.

La mise en place de la méthode de « pratique esthétique » nous a permis de réaliser ensuite tout un ensemble de sessions de recherche intervention sur des problématiques différentes de management stratégique : 1) stratégie, 2) innovation, 3) produit et service, 4) crise environnementale, 5) coopération, 6) esprit d’équipe ; 7) entrepreneuriat. Une synthèse de ces sessions apparait dans le tableau 21. Ces sessions ont eu lieu à la fois dans des organisations publiques et privées et elles ont mobilisées des publics différents : cadres dirigeants, ingénieurs, manageurs, techniciens, employés, étudiants etc. Les problématiques ont été définies au préalable, en collaboration avec les dirigeants des organisations concernées. Elles répondent à des questions principales dont les réponses fournies lors des ateliers permettent d’élaborer une vision stratégique qui se traduit ensuite dans des axes de développement organisationnel futur et des actions concrètes à mettre en œuvre par les organisations.

Tableau 21 : Synthèse de sessions de pratiques esthétiques ((12), (23), (28), (31))

Sessions Organisations Problématiques Participants

Esprit d’équipe Grandes écoles (ENSIC, ICN Business School), 2017, 2018, 2019

Que peut-on faire pour améliorer notre esprit d’équipe ?

122 personnes : 62 étudiants de 3année en école d’ingénieurs : 60 étudiants en MBA Stratégie Université (Université de

Lorraine), 2016 Quelle Université dans 10 ans ? 60 personnes : Participants : Dirigeants, cadres dirigeants, enseignants-chercheurs Produits et services Grande Entreprises (GRDF),

2013

Comment se mettre au service du client et améliorer sa satisfaction ?

25 personnes : dirigeant, cadres et techniciens

Innovation PME (Fives Cryogénie), 2013

Comment l’imaginez-vous notre usine du futur ?

60 personnes : Dirigeants, manageurs, ingénieurs, techniciens

Entrepreneuriat Université (Université de

lorraine), 2013, 2014 Quelle est la valeur ajoutée de votre projet entrepreneurial ? 45 personnes : étudiants entrepreneurs (ingénieurs, manageurs, artistes, etc.) Crise

Environnementale

Conférence Internationale (Balance Unbalance), 2011

Que peut-on faire professionnellement et

individuellement pour améliorer la situation ?

40 personnes: artistes, scientifiques, économistes, philosophes, politiciens, sociologues, ingénieurs, experts en management et en politiques Coopération Etablissement public de

santé (IFCS), 2011, 2012

Que peut-on faire pour mieux coopérer ?

69 personnes: infirmières, physiothérapeutes, ergothérapeutes

Lors de ces sessions, nous avons utilisé le dessin et la peinture de même que la métaphore, pour faire travailler les groupes (voir quelques photos dans l’encadré 6). Nous avons organisé et animé des séminaires interactifs d’une durée de 4 à 6 heures. Les participants ont travaillé en individuel et en groupe (4-6 personnes), en fonction de la problématique abordée en suivant globalement les grandes phases de la méthode de la pratique esthétique. Même si chaque groupe et chaque atelier étaient différents, nous avons constaté que la méthode

permettait aux participants de participer pleinement au processus de groupe consistant à créer une vision stratégique commune et à exprimer cette vision dans une œuvre d’art. Chaque session a débuté par une présentation orale et visuelle du thème de travail en rappelant les objectifs de la séance, de même que les principaux concepts. La présentation visuelle est illustrée par des peintures et des dessins issus de notre travail d’artiste. Les images sont choisies de façon subjective en lien avec les concepts abordés, afin de familiariser les participants avec la nature du travail à faire et de créer un climat de travail propice à la création.

Pour chaque session, nous avons collecté des données en utilisant une triangulation de plusieurs méthodes qualitatives : observation directe, entretien de groupe, questionnaires semi-directifs, vidéos, photographies, évaluation orale et écrite, etc. Après chaque session, nous avons reçu beaucoup de commentaires directs des participants lors d’une évaluation basée sur la question ouverte suivante : « Comment avez-vous vécu cet atelier? ». Les participants nous ont également envoyé les commentaires écrits dans les deux semaines suivant la session aux questions qui apparaissent dans le tableau n° 22. Le contenu des données collectées sous format à la fois textuel, visuel et auditif, a été analysé qualitativement par un processus de codage et classification manuels des contenus dans des thématiques clés définies au préalable.

Tableau 22 : Questions ouverts pour la collecte des données après les séminaires (12), (23),

(28), (32)

1. How did the aesthetic practice workshop engage you in the learning process about your project? a) Mentally, b) Emotionally, c) Corporeally?

2. How did the metaphor influence the understanding and the vision of your project?

3. How did the act of drawing and painting influence your ideas about the topic of the workshop? 4. How did the interpretation of drawings and paintings from other groups influence your work?

5. How did the process of the workshop (working with others, in a structured way, embedded discussions) affect: a) Your own identity b) Your values c) Your relationship to others d) Your view of the project?

6. What are the learning outcomes of such an experience: a) About you b) About the others c) About your project 7. How is this experience different from other learning experiences that you have encountered during your training

process?

Encadré 6 : Photos des ateliers et des productions artistiques lors des séminaires (12)

Stratégie Innovation

Crise environnementale Esprit d’équipe

Coopération Entrepreneuriat

Les résultats de notre recherche ont démontré que la méthode de pratique esthétique peut susciter une compréhension personnelle profonde des problématiques de DD, ainsi qu’un engagement mental, affectif et physique intense. Nos principaux résultats concernant les trois principales questions posées au départ sur le contenu des apprentissages, le processus, et l’impact sur l’engagement dans l’action et le changement peuvent se résumer ainsi :

 Une meilleure compréhension du sens et de la signification de concepts complexes via des

représentations symboliques et imagées : la formulation et l’illustration d’un problème de

façon symbolique, par le biais de métaphores, de dessins ou de peintures permettent de comprendre plus vite et mieux les éléments essentiels et les plus significatifs d’un

problème complexe. Les représentations imagées rendent tangible une vision plus globale et synthétique du problème, qui peut se matérialiser par un cadre de référence partagé et une vision commune (Weick, 1995 ; Booth, 1997).

 Un apprentissage facilité par une implication corporelle et émotionnelle intense dans une

activité considérée comme plaisante : le processus de création d’un dessin ou d’une

peinture par l’utilisation de crayons, de pinceaux, de couleurs, immergent les individus dans une expérience d’apprentissage corporelle et émotionnelle dynamique et intense qui est source d’énergie positive. L’implication instinctive et corporelle dans une activité que l’on trouve agréable, sollicite notre désir de progresser et permet de vaincre les peurs et la crainte de l’échec. Elle développe l’engagement, la motivation et le goût du défi (Taylor et Ladkin, 2009). Les apprentissages sont ainsi incarnés de façon sensorielle et émotionnelle (Heron et Reason, 2001).

 Un travail collaboratif qui enrichit et stimule la créativité et développe la confiance en soi

et en les autres : peindre et dessiner en groupe, par le biais de retours positifs et

d’échanges de perspectives de travail, permettent de s’ouvrir à des compréhensions différentes et complémentaires des phénomènes. La diversité des représentations visuelles et symboliques et la beauté des créations qui en résulte amènent une compréhension plus large et plus riche des concepts. De plus, la création dans une ambiance de travail bienveillante, qui favorise la libre interprétation esthétique des sujets, pousse les participants à une libération intérieure et à la créativité. Cette attitude positive permet aux personnes de se sentir à l’aise et en confiance. Le sentiment d’appartenance est renforcé grâce à des liens implicites qui se tissent en peignant ensemble, en partageant les ressources matérielles et cognitives. On prend du plaisir à aider les autres et on reçoit de l’aide plus facilement dans une ambiance de travail détendue et amusante (Smollan, 2006).

 Un changement de comportements et d’attitudes favorisant l’engagement et l’action

durable : au fur et à mesure de l’avancement du travail en groupe, les comportements et

les attitudes changent, tout en douceur, sans résistance explicite. Les bons exemples et les bonnes pratiques se transmettent de façon implicite par ajustement émotionnel mutuel et par l’adaptation. Les participants apprennent à se connaître, à connaître les autres et à intégrer les enjeux d’une nouvelle situation du travail en équipe grâce au sens qu’ils donnent à leur propre réalité émotionnelle et au résultat de la création artistique. Les difficultés rencontrées à dessiner, à concevoir une métaphore, renseignent les participants sur leurs comportements et leurs systèmes de valeurs et leur montrent en quoi ceux-ci

peuvent constituer des obstacles au changement. Les contraintes sont gérées plus par le « faire » et l’action, et moins par la pensée et la réflexion. Les participants apprennent à fonctionner comme une entité cohérente, qui marche dans la même direction, en partageant ressources, compétences, valeurs et vision (Shrivastava, 2010).

En conclusion, une pédagogie de « pratique esthétique », qui permet d’intégrer dans un modèle cohérent la « pensée », l’« action » et l’« émotion », semble pouvoir contribuer aux stratégies organisationnelles grâce un certain nombre de mécanismes qui sont synthétisés dans l’encadré 7.

Encadré 7 : contribution de la pratique esthétique à la stratégie (12)

Pensée holistique et systémique: reconnaissance des modèles et des organisations à relations entre des d'informations et de connaissances disparates en mettant l'accent sur la compréhension et l'expérience holistiques ; développement des formes, des processus et des solutions imaginatifs qui communiquent ou créent de nouvelles relations et de nouvelles structures.

Engagement émotionnel intense : engagement des individus et des groupes de manière affective et positive, suscitant un intérêt profond pour le sujet à l'étude.

Collaboration et travail en équipe: collaboration interdisciplinaire, en respectant ce que les membres de l'équipe apportent à la résolution de problèmes ; prise de décision démocratique, partage du pouvoir et de responsabilité, résolution des conflits. Apprentissages individuel et de groupes : intégration des boucles d’apprentissage rétroactif pour évaluer de manière constructive

les efforts individuels et collectifs afin que les méthodes et les résultats du travail puissent être plus efficaces et résilients. Improvisation et créativité : travailler dans des environnements dynamiques aux ressources incertaines pour conceptualiser et

exécuter des actions en temps réel visant à atteindre les objectifs. Établissement de nouveaux liens et identification de nouveaux modèles.

Leadership : Sensibilisation et sensibilité affectif emphatique pour rendre les collègues plus efficaces.

Valeur de l’art et de rationalité esthétique : Travailler avec de l’art et produire des œuvres d’art pour se positionner différemment par rapport à des compétences et savoir rationnels existants.