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Diversité de genre et attractivité organisationnelle :

2. LA STRATEGIE ET SES LEVIERS DE PERFORMANCE :

2.1. Le management de la diversité comme levier de performance

2.1.1. Diversité de genre et attractivité organisationnelle :

Dans une première recherche en lien avec la diversité ((5), (39)), nous nous sommes concentrés sur des programmes stratégiques relatifs au Management de la Diversité de Genre (MDG). Ces programmes visent à favoriser l’intégration ou l'avancement des femmes au travail pour répondre à des exigences légales ou managériales (Cox et Blake, 1991 ; Ely et Thomas, 2001). Notre recherche se situe dans le prolongement des travaux de Martin et Pearson (2007), co-auteurs de ce travail, qui portent sur le lien entre les programmes de MDG et l’attractivité organisationnelle. Dans cette recherche, nous sommes partis de l’hypothèse que ces programmes peuvent s’apparenter à des signaux envoyés par les organisations dans le but de valoriser leurs actions auprès d’employés potentiels. La perception positive de ces signaux pourraient rendre une organisation plus attrayante (Thorsteinson et Highhouse, 2003 ; Avery et McKay, 2006). Nous nous sommes ainsi appuyés sur la théorie du signal (Signal Theory, ST) de Spence (1973) afin de comprendre les effets des efforts de communication en matière de management de la diversité sur l’attractivité organisationnelle en lien avec des travaux antérieurs (Konrad et Hartmann, 2001 ; Smith et al., 2004 ; Walker et al., 2012). En effet, cette littérature avait essayé de comprendre si les signaux relatifs à des programmes

proactifs de MDG pouvaient favoriser l'attrait des femmes pour les organisations. Cependant, les résultats empiriques indiquaient des résultats mitigés : certaines bénéficiaires pouvaient être attirées par les signaux de MDG alors que d’autres pouvaient être repoussées (Martins et Parsons, 2007). Ces recherches avaient montré une variation des résultats en fonction de caractéristiques démographiques ou de différences individuelles. Or ces caractéristiques ne permettaient pas de tout expliquer (Williamson et al., 2008). Dans ce contexte, nous avons alors supposé que les effets pouvaient être encore plus complexes si d’autres variables, notamment de nature macro organisationnelle, pouvaient intervenir pour modifier la relation. La prise en compte du contexte national nous est apparue comme une piste de recherche intéressante, notamment si l’on tient compte des difficultés rencontrées dans le transfert des pratiques de MDG des Etats-Unis vers d’autres pays (Wrench, 2005). Nous avons ainsi posé la question principale suivante : existe-il des différences entre pays dans la manière dont les employés potentiels pourraient réagir face aux mêmes types de signaux de MDG envoyés par les organisations ? Notre postulat de base a été que la manière dont les femmes pouvaient interpréter les signaux de MDG pouvait varier selon le contexte national. Ce contexte pourrait induire des différences importantes en termes de caractéristiques institutionnelles, juridiques et réglementaires concernant les questions d’employabilité de façon générale ou des programmes de MDG de façon plus particulière. Afin d’explorer cette nouvelle piste de recherche, nous avons mené une étude empirique de nature expérimentale afin de comparer les effets des programmes de MDG sur les évaluations de l’attractivité organisationnelle par les femmes dans deux pays : les États-Unis et la France. La comparaison entre ces deux pays nous a semblé pertinente pour plusieurs raisons. Tout d’abord, étant donné qu’une grande partie des travaux sur le MDG a été réalisée aux États-Unis, nous avons décidé de mettre ce pays dans notre enquête. Toutefois, afin de permettre une comparaison significative, il était important de choisir un autre pays distinct des États-Unis en matière de MDG. La France pouvait jouer le rôle d’un bon exemple de comparaison. En effet, la France et les États-Unis sont tous les deux des pays occidentaux développés n’étant pas culturellement très éloignés en termes de valeurs et de pratiques culturelles et sociétales (House et al., 2004). Cependant, la France contraste beaucoup avec les États-Unis sur les plans institutionnel, juridique et réglementaire (McGauran, 2001 ; D'Iribarne, 2002 ; Battagliola, 2004 ; Wolkinson, 2008 ; Ollier-Malaterre, 2009). En effet, une analyse détaillée de la littérature sur les effets des programmes de MDG et aussi celle sur les différences institutionnelles, juridiques et réglementaires entre la France et USA, nous a permis de concevoir un modèle de recherche explicatif qui tient compte de l’influence directe et indirecte de la variable pays dans

l’explication des différences entre les femmes quant à l’évaluation de l’attractivité organisationnelle (liée directement à la mise en place de programmes proactifs de MDG). Ce modèle apparait dans la figure 6.

Figure 6 : Modèle de recherche sur l’impact de MDG sur l’attractivité organisationnelle (5)

Le modèle tient compte d’abord d’une première variable, qui est supposée intervenir dans la relation entre les programmes de MDG et «l’attractivité organisationnelle » selon l’étude de Martins et Parsons (2007). Il s’agit du « potentiel d’avancement perçu » par les femmes, défini selon Jackson (2001) comme le degré auquel les individus pensent pouvoir progresser dans la hiérarchie au sein d’une organisation. En effet, étant donné que les programmes de MDG sont habituellement conçus pour faciliter l’égalité des chances des femmes en matière d’avancement au sein d’une organisation, nous avons fait l’hypothèse que les femmes pourraient percevoir les organisations dotées de ce type de programmes comme plus attrayantes à l’origine. Cependant, le modèle suggère que cette perception peut être modérée par le contexte national. Ainsi, bien que nous puissions attendre un effet global positif des signaux MDG sur la perception de l’attractivité organisationnelle et du potentiel d’avancement perçu, nous supposons que la relation varie d’un pays à l’autre.

Dans notre modèle, nous avons également tenu compte d’une autre variable de nature individuelle dont l’impact a été également déjà étudié par Martin et Paerson (2007) et qui peut intervenir ou modérer l’impact de la variable pays. Il s’agit de l’attitude individuelle envers des programmes spécifiques de MDG, du type « discrimination positive » (Affirmative

Action attitude, AA). Les attitudes individuelles envers ce type de programmes peuvent varier d’une femme à l’autre, en fonction d’une sensibilité personnelle, qui peut d’ailleurs dépendre d’un nombre significatif de facteurs en lien notamment avec les croyances, les valeurs, les expériences passées de stigmatisation, etc. Cette sensibilité peut pousser les femmes à réagir soit positivement soit négativement envers les programmes de MDG et intervenir dans l’évaluation de l’attractivité organisationnelle (Truxillo et Bauer, 2000 ; Martins et Parsons, 2007).

Dans l’ensemble, notre modèle de recherche stipule un certain nombre d’hypothèses sur les liens entre les trois variables et sur la nature de leurs influences (effets d’interaction, modérateurs ou directs) sur l’évaluation de l’attractivité organisationnelle (voir tableau 16). En résumé, le modèle de recherche postule que les efforts faits en termes de MDG au sein d’une organisation envoient des signaux aux employés potentiels. Ces signaux sont perçus et interprétés à la fois en fonction des incidences perçues des MDG sur le plan individuel et du potentiel de progression perçu au sein de l’organisation. Cependant, l'interprétation et l'évaluation des signaux sont déterminées par le contexte national et, en outre, par les attitudes individuelles envers la discrimination positive, ce qui peut générer une variation selon les pays et les attitudes individuelles. Enfin, l’interprétation des signaux en termes de potentiel d’avancement influence l’évaluation de l’attractivité organisationnelle, bien que cette évaluation soit également modérée par le contexte national.

Tableau 16 : Les hypothèses de recherche (5)

Signaux MDG et contexte national

H1 L'effet des programmes de MDG sur les évaluations par les femmes de (a) l'attractivité organisationnelle et (b) le potentiel d'avancement perçu sera modéré par le contexte national, de sorte que la relation pour les femmes américaines sera plus forte (plus positive) que pour les femmes françaises.

Variation des réactions des femmes envers les signaux MDG selon les pays

H2 L'effet des programmes de MDG sur les évaluations par les femmes de (a) l'attractivité organisationnelle et (b) le potentiel d'avancement perçu dans chaque pays sera modéré par les attitudes individuelles vis-à-vis des AA, mais cet effet variera d'un pays à l'autre, résultant d’une triple interaction entre les programmes de MDG, le contexte national et les attitudes des AA. Plus précisément, les attitudes plus positives des AA seront associées à un effet positif plus fort des programmes de MDG sur les perceptions organisationnelles aux États-Unis, tandis que les attitudes des AA n'auront aucune incidence sur la relation entre MDG et les perceptions organisationnelles en France.

H3 Les effets d’interaction des programmes de MDG, de l’attitude des pays et des AA sur les évaluations de l’attrait organisationnel des femmes par les femmes seront partiellement médiatisés par le potentiel d’avancement perçu.

H4 L’effet du potentiel d’avancement perçu sur les évaluations de l’attractivité des organisations par les femmes variera entre les États-Unis et la France. Plus précisément, la relation sera plus forte (plus positive) pour les femmes américaines que pour les femmes françaises.

Le modèle de recherche a été testé à l’aide de données recueillies via une étude expérimentale réalisée auprès de 230 femmes françaises et américaines : 70 étudiantes en MBA dans une

université américaine ; 52 étudiantes en Licence et 108 étudiantes en MBA dans une université française. Seules les femmes d'origine américaine et française ont été incluses dans l’échantillon. La collecte des données s’est effectuée par un questionnaire qui évalue les caractéristiques et les attitudes personnelles des participantes, mais également l’attractivité pour une organisation fictive qui sert de stimuli expérimental. La description de l’organisation fictive est celle utilisée dans l’étude de Martins et Parsons (2007). Elle fournit aux participantes deux types d’informations : des informations sur les caractéristiques de l’entreprise, mais aussi des signaux explicites sur l’ampleur des efforts déployés par l’entreprise en matière de MDG. A ce sujet, deux niveaux d’engagement de l’entreprise ont été décrits dans le scénario : niveau faible et niveau fort. La description de l’entreprise fictive (un conglomérat d’EM) est présentée dans l’encadré 3.

Les autres variables («l'attractivité organisationnelle », « le potentiel d’avancement perçu » et « l’attitude individuelle envers les programmes AA ») ont été mesurées via des échelles de mesures utilisées par des recherches antérieures50. Le test des hypothèses s’est effectué via des analyses multidimensionnelles (notamment des équations de régressions multiples), permettant de mesurer à la fois des effets de médiation et de modération entre les variables (Edwards et Lambert, 2007). Afin de mieux comprendre les résultats issus du traitement des données quantitatives en provenance des questionnaires, des entretiens en profondeur ont été réalisés ex-post. Un échantillon de convenance composé de cinq femmes par pays a été interrogé à l’issue de l’étude. Ces femmes n’avaient pas participé à l’enquête par questionnaire et elles étaient toutes en situation professionnelle au moment des entretiens. Les résultats de cette étude ont permis de valider partiellement le modèle de recherche de départ. Les hypothèses 1 et 4 n’ont pas été validées dans le sens du modèle de départ alors que les hypothèses 2 et 3 ont, quant à elles, été confirmées. Ainsi, nous n’avons pas trouvé l’effet supposé d’interaction bidirectionnelle entre les signaux de MDG et le contexte national sur la perception de l’attractivité organisationnelle. Cependant, nous avons trouvé l'effet d'interaction triple prévu entre les signaux de MDG, le contexte national et les attitudes à l'égard des programmes « AA ». Plus spécifiquement, nous avons constaté que les attitudes des femmes américaines envers les « AA » avaient une incidence sur leurs évaluations des signaux de MDG, de sorte que les femmes ayant des attitudes plus positives étaient plus 50 L'attractivité de l'organisation a été mesurée à l'aide d'une échelle de Likert en 7 points combinant deux échelles utilisées dans des recherches antérieures (Schwoerer et Rosen, 1989; Turban et Greening, 1997). Le potentiel d’avancement perçu a été mesuré à l’aide d’une échelle de Likert en 4 points construite sur la base de l’article de Jackson (2001). L’attitude des AA a été mesurée à l’aide de l’échelle différentielle sémantique à 7 points de Bell et al. (2000).

attirées par les organisations signalant des programmes de MDG proactifs, que les femmes ayant une attitude négative envers les AA. Cette relation a été inversée pour les programmes de MDG moins proactifs aux États-Unis. Cependant, les attitudes des AA et les signaux de MDG n’ont pas eu d’effet d’interaction significatif en France. La différence des résultats entre les deux pays était ainsi cohérente avec les hypothèses de départ. De plus, comme supposé, ces effets sur l’attractivité de l’organisation ont été partiellement médiés par le potentiel d’avancement perçu. Cependant, la force de l'effet médiateur n'a pas varié de manière significative selon le contexte national, comme nous l'avions initialement prévu.

Encadré 3 : Une organisation fictive pouvant constituer un employeur potentiel et son niveau

d’engagement en matière de MDG Description de l’entreprise :

La société est un conglomérat international qui possède de nombreuses entreprises multinationales opérant dans divers secteurs de l’industrie et des services. Cette société est connue pour être un employeur de qualité qui met en avant l’épanouissement professionnel, le développement des carrières individuelles et l’accroissement des responsabilités ainsi que le bien-être des employés et l’équilibre entre le travail et la vie privée. La société offre des opportunités de carrière dans des domaines de compétence variés (par ex., finance et comptabilité, opérations, marketing, technologies de l’information et e-business, affaires internationales, développement stratégique et commercial, etc.). La société recrute les talents en management dans plusieurs des plus importants MBA, à la fois aux Etats-Unis et dans d’autres régions du monde disposant d’infrastructures et/ou de marchés de premier ordre.

Faible niveau de MDG :

La déclaration d’intention de la société affirme qu’elle est dédiée au recrutement et à la fidélisation d’une force de travail variée et hautement qualifiée ainsi qu’au maintien d’un environnement de travail qui accorde de la valeur à la diversité et qui en bénéficie tout en encourageant l’ensemble des employés à atteindre un haut niveau de compétence dans leur travail.

Fort niveau de MDG :

Cette entreprise a de vastes programmes pour la diversité hommes-femmes à destination des femmes ; par exemple, des programmes de tutorat, du conseil en carrière, des groupes de soutien financés par l’entreprise, soutien financier aux femmes pour les déplacements à des conférences, ‘filature de cadres’ (assister à ‘un jour dans la vie’ d’un cadre), des comités électoraux d’employées, des coachs en leadership personnels pour les femmes, des fonctions d’intégration à un réseau spécialement conçues pour les femmes afin de rencontrer les cadres supérieurs, des systèmes d’évaluation qui tiennent les cadres supérieurs pour responsables du développement des candidatures féminines aux promotions et des primes pour augmenter le nombre de fournisseurs dont les propriétaires sont des femmes.

Contrairement donc aux prévisions, notre étude n’appuie pas l’hypothèse selon laquelle le contexte national influe de manière différenciée le lien entre le potentiel d’avancement perçu et l’attractivité des organisations. Les résultats ont montré que cette relation était positive et significative à la fois aux États-Unis et en France, mais l’intensité du lien ne varie pas de façon considérable d'un pays à l'autre, alors que dans notre hypothèse nous avions postulé que ce lien serait plus fort pour les femmes américaines que pour les femmes françaises. Ceci pourrait peut-être s’expliquer par le fait que les différences entre les deux contextes nationaux ne sont pas suffisamment importantes pour permettre de dégager une différence significative. Il se peut aussi que l’effet soit plus complexe que nous l'avions initialement supposé et que les

attitudes et les croyances individuelles puissent également jouer un rôle modérateur, ce qui devrait être exploré plus finement lors de recherches futures.

En revanche, les différences dans les effets identifiés en termes de pays peuvent s’expliquer par le fait que les femmes américaines qui soutiennent les programmes de MDG (de type AA) voient plus et mieux les avantages de ces programmes pour elles-mêmes que les femmes françaises. Telle qu’elle a été suggérée par Williams et Bauer (1994), cette attitude pourrait les amener à évaluer positivement les organisations faisant preuve de plus d’efforts en matière de MDG. Alors que les femmes qui soutiennent moins les « AA » pourraient voir derrière ces programmes un effet de stigmatisation les empêchant d’apprécier ces organisations positivement (effet déjà mis en évidence dans l’étude de Martins et Parsons, 2007). Ainsi, il se peut que les femmes françaises n’arrivent pas à associer les programmes de MDG à des résultats positifs pour elles-mêmes en termes de potentiel d'avancement. De ce fait, leurs attitudes envers les programmes « AA » ne jouent pas un rôle important. Ceci peut être également dû à des politiques d’égalité des chances en matière d'emploi perçues comme moins proactives et moins efficaces en France qu’aux Etats-Unis (McGauran, 2001 ; Klarsfeld, 2009 ; Brewster et Hegewisch, 2017). L’absence de perception d'effet significatif des programmes de MDG en termes de potentiel d'avancement perçu en France pourrait alors se refléter sur la perception d'attractivité organisationnelle.

Les entretiens d’approfondissement nous ont permis d’aller plus loin dans nos interprétations. Aux États-Unis, les femmes semblent plus sensibles aux signaux de MDG quand ils s’expriment en termes de respect des exigences légales et de respect des proportions hommes-femmes. Elles auraient tendance à plus apprécier les organisations qui vont dans ce sens. Leur attitude semble être favorisée par un environnement juridique et réglementaire aux États-Unis, qui met l’accent de façon plus stricte sur l’application légale des principes d’égalité des chances. En revanche, les femmes françaises semblent moins sensibles aux chiffres. Au lieu de cela, elles pensent que le management de la diversité de genre est plus un moyen pour gérer et respecter les différences hommes-femmes, ces dernières pouvant s’exprimer plus en termes de perspectives et de préférences « naturelles », qui nécessiteraient un recours à des styles et des pratiques de management différents. Une pensée stéréotypée, plus marquée en France qu’aux Etats Unis, semble exister sur les différences entre les hommes et les femmes. Ces différences devraient d’ailleurs être mieux prises en considération sur le plan managérial (Gerhart, 2009).

2.1.2. Diversité cognitive et performance d’équipe : enjeux de conflits relationnels et de