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ELEMENTS DE REPONSE DU SYSTEME FERROVIAIRE

CHAPITRE 5 LA PLACE DU FERROVIAIRE DANS LES POLITIQUES DE

PLANIFICATION TERRITORIALE

L’objectif de ce chapitre est de mettre en perspective et de problématiser la façon dont le mode ferroviaire est appréhendé par les politiques de planification territoriale, notamment dans sa capacité à constituer une alternative à la voiture particulière. Ce travail est mené par une analyse des documents actuels de planification en Île-de-France, et des courants théoriques et opérationnels qui les sous-tendent. L’urbanisme orienté vers le rail est ainsi au cœur de l’analyse, dans la mesure où il est au fondement de ces politiques publiques.

Le chapitre 5 s’ouvre sur un rappel historique des fondements du lien entre urbanisation et développement du transport ferroviaire en Île-de-France, dans la mesure où les problématiques actuelles sont en grande partie éclairées par les actions et les décisions passées. Une approche rétrospective permet d’en souligner les enjeux : rapprochement des politiques d’aménagement et de transport en Île-de-France, développement des réseaux de transports individuels et collectifs, charge du réseau ferroviaire (5.1.). L’analyse des documents d’urbanisme actuels (projet de SDRIF de 2008, projet du Grand Paris de 2010, et SDRIF de 2012) permet ensuite d’interroger le rapprochement des politiques d’aménagement et de transport : quelle effectivité, et quelle vision du mode ferroviaire comme alternative à la voiture particulière (5.2.) ? Enfin, une analyse des limites des approches étudiées conduit à relier les enjeux du rapprochement des politiques publiques à la question de l’alternative offerte par le ferroviaire à la voiture particulière. La méthodologie retenue pour répondre à ce questionnement est directement issue de sa problématisation (5.3.).

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5.1. Rétrospective du lien entre urbanisation et transport ferroviaire en

Île-de-France

Du point de vue méthodologique, l’approche rétrospective semble la plus efficace pour analyser les liens qui unissent développement des transports et urbanisation, pour identifier les raisons qui font du mode ferroviaire un élément central de la planification territoriale, et pour comprendre en quoi les approches actuelles portent en elles leurs limites. La première période étudiée court de la mi-XIXe à la mi-XXe siècle et se caractérise par une absence de planification, et un développement spontané des réseaux et de l’urbanisation (5.1.1.). De la moitié du XXe siècle au tournant du XXIe siècle, la planification territoriale et le rapprochement des politiques d’aménagement et de transport s’affirment, quoiqu’avec des limites (5.1.2.). Dans les deux cas, l’analyse se concentre à la fois sur l’effectivité de du rapprochement urbanisme/transport, et sur la place accordée aux modes ferroviaire et automobile, avec un regard particulier sur la valeur d’alternative du premier par rapport au second.

5.1.1. De la mi-XIXe à la mi-XXe siècle : croissance spontanée du réseau ferroviaire et de l’urbanisation

Cette période s’ouvre par la réalisation des premières infrastructures ferroviaires dès 1837, et se clôt avant la massification de l’automobile et l’affirmation de la planification après la Seconde Guerre mondiale. Elle voit la succession de deux moments forts : la constitution de la quasi-totalité du réseau ferré lourd dès la fin du XIXe siècle, et un développement urbain sans précédent dans son ampleur spatiale entre les deux Guerres mondiales. Leur étude est suivie d’une analyse des enseignements, dans la mesure où ils éclairent la situation actuelle.

Un réseau ferroviaire au développement spontané et quasiment achevé à la fin du XIXe siècle

Une pensée théorique émerge dès la seconde moitié du XIXe siècle sur le rapprochement entre transport et développement urbain, donnant lieu à plusieurs réalisations86. Ce rapprochement est cependant peu appliqué à l’Île-de-France87, et le développement du réseau s’organise de façon spontanée.

86 Au niveau théorique, nous renvoyons aux travaux de Ildefons Cerdà, Arturo Soria y Mata ou encore Ebenezer Howard, qui considèrent l’espace urbain comme étant composé d’éléments en réseaux, indissociables de leur mise en relation et devant être planifiés (voir ainsi : Choay, 1979 ou Dupuy, 1991).

87 Le plan d’extension de la ville de Paris de Léon Jaussely, en 1919, est le seul exemple de travail planificateur à cette époque, quoique tardif par rapport aux réalisations espagnoles ou anglaises, et sans concrétisation.

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Extérieure à toute volonté planificatrice, la constitution du réseau ferré francilien répond avant tout à des enjeux économiques.

Il s’agit en premier lieu de réaliser des lignes à vocation locale, accompagnant le développement de lotissements pour classes aisées (Bastié, 1964 ; Mollat, 1971 ; Soulignac, 1993). La première ligne relie Paris Saint-Lazare au Pecq en 1837, desservant le lotissement du Vésinet, puis à Saint-Germain-en-Laye. S’ouvrent par la suite les lignes de Denfert-Rochereau à Sceaux (1845) puis à Bourg-la-Reine et Orsay, et de la Bastille à Vincennes (1859) puis à Boissy-Saint-Léger, desservant le lotissement de Saint-Maur (Merlin, 1982). La création de ces lignes n’est pas à l’origine du phénomène de lotissement (Merlin, 1967 ; Voldman, 1989)88, mais accroît cette tendance, et trouve sa rentabilité dans les mouvements de population qu’elle génère (DREIF, 2008).

Le second mouvement qui occasionne le développement du réseau ferroviaire francilien répond à l’enjeu stratégique de relier Paris aux grands centres urbains nationaux selon le schéma radioconcentrique dit de « l’étoile de Legrand »89(Bowie et Texier, 2003), et surtout à un objectif de rentabilité économique des compagnies privées. Les années 1840-1880 voient donc, en parallèle des lignes à vocation locale, la constitution de l’essentiel du réseau ferré tel que nous le connaissons actuellement (Mollat, 1971). Les communes de banlieue parisienne en profitent peu : les arrêts des trains de grandes lignes y sont peu nombreux, car jugés non rentables, et ne correspondent pas aux horaires d’éventuelles migrations pendulaires (Merlin, 1982). Au cours de cette période, ce sont donc principalement les grandes lignes et le transport de marchandises qui bénéficient du rail, du fait de leur caractère rémunérateur. Ces activités conduisent à implanter les nouveaux réseaux dans les vallées, selon des pentes faibles (Marchand, 1993), et à des fins de développement industriel (Carrière, 1998).

Au regard des enjeux qui nous concernent, cette phase est primordiale dans la mesure où se constitue l’ossature du réseau ferré lourd tel que nous le connaissons actuellement, comme le montre la carte 1 :

88 Le lotissement du parc de Maisons-Laffitte, dans les Yvelines, est ainsi réalisé à partir de 1833.

89L’étoile de Legrand est un schéma de réseau ferroviaire national proposé en 1838 par Baptiste Alexis Victor Legrand, directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines. Il s’agit d’un schéma radioconcentrique à sept branches autour de Paris, en direction de la Belgique, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la Méditerranée, de l’Espagne, de l’océan Atlantique et du centre de la France. Ce schéma est repris dans la loi relative à l’établissement des grandes lignes du chemin de fer du 11 juin 1842, dans le but d’impulser une politique et de rattraper le retard du pays dans ce domaine.

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