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La partition : notation d'une écriture du temps

La musique dans la continuité

3.2 La partition : notation d'une écriture du temps

Dans Langages de l'art, Goodman consacre le cinquième chapitre à La théorie

de la notation, et cela après un quatrième chapitre intitulé Art et authenticité au cours

duquel la classification que l'on vient de présenter dans la section précédente est formulée. L'analyse soignée des réquisits grammaticaux qui constituent tout système notationnel, est sans doute nécessaire en musique dès lors que le travail du compositeur s'arrête avec l'achèvement de la partition ; elle soutient le fait indéniable que lorsqu'un compositeur note une idée musicale, il cherche les moyens notationnels les plus efficaces. Il cherchera par exemple à éviter l'ambiguïté sémiotique des caractères, et à établir une concordance symbolique entre les différentes apparitions d'un même caractère. Mais si pour le compositeur la partition est le point d'arrivée, pour le musicologue elle est généralement placée comme point de départ, exigeant ainsi une attitude critique. A propos de la partition, le philosophe américain dit ceci :

Une partition, que l'on l'utilise ou que l'on s'en passe pour conduire une exécution, a pour fonction primordiale d'être l'autorité qui identifie une œuvre, d'exécution à exécution. (…) toutes les propriétés théoriques indispensables à des partitions et au systèmes notationnels dans lesquels on les écrit dérivent de là.

Si pour Goodman la partition identifie l'œuvre, c'est qu'il la conçoit avant tout comme moyen de transmission. L'identification de réquisits notationnels minimaux qui permettent de distinguer les partitions qui garantissent cette transmission de celles qui n'y parviennent pas s'impose dans ce sens. Pour donner un exemple d'une notation qui pose problème à l'identification de l'œuvre, Goodman cite l'une des pages du Concerto pour piano et orchestre que John Cage composa en 1958 (voir ex. 1). Selon les critères des systèmes notationnels, dans ce cas précis, il n'y aurait pas de notation de l'œuvre à proprement parler. En effet, les caractères dans l'écriture de cette page ne correspondent pas à des valeurs discrètes dans l'un ou l'autre des paramètres du son. Il y manque « une stipulation des unités significatives minimales (…) et de différenciation syntaxique. »110

Exemple 1

John Cage, Concert for Piano and Orchestra,Edition Peters 6705 © C.F. PETERS Musikverlag Frankfurt Leipzig, London, New York, p. 53. Les points représentent des sons distincts. Les lignes concernent les paramètres suivants :

Duration, Frequency, Ocurrence, Amplitude, Overtone. Le rapport des points aux lignes

permet à l'interprète de choisir la nature de chaque note.

On serait tenté de voir ici une stratégie pour contrôler un processus qui, en fin de compte, reste aléatoire. Mais ce qui est absent ici, ce par quoi la notation fait défaut, est la notion même de contrôle. Des musiques extrêmement contrôlées par une notation stricte, peuvent conduire à des résultats sonores imprévisibles et souhaités par le compositeur : c'est le cas de l'effet de « nuage sonore » auquel parvient G. Ligeti par une écriture micro-tonale, ou des saturations mathématiquement contrôlées chez Xenakis. C'est aussi le cas des processus graduels très lents et épurés que l'on trouve dans des pièces comme Piano phase de Steve Reich, « où l'on entend le détail du son échapper à l'intention, et agir selon ces propres raisons acoustiques ».111 L'écriture de Cage semble

se limiter ici de manière délibérée, à l'établissement de contraintes, de limites ; par là, l'œuvre n'est pas ouverte dans le sens que donne Umberto Eco à ce concept, elle n'est non plus allographique au sens strict, elle est simplement à créer. La partition ne fait que stipuler les conditions de sa création qui se renouvelle à chaque performance. Une dissociation de ce type entre les différentes instanciations de l'œuvre, altère donc sa modalité d'existence et pose des questions incontournables à son analyse. Si l'œuvre est en permanence créée par l’interprète, la connaissance de la partition ne garantit nullement la connaissance de « l'œuvre » ; inversement, la connaissance exclusive d'une exécution ne permet pas de cerner toutes les implications de cette notation. Autrement 111 Steve Reich, « Music as a gradual process », in Writings on Music 1965-2000, Oxford

dit, la pondération entre les niveaux d'autographisme et allographisme qui y cohabitent ne peut pas être cernée. Cette dysfonction que l'analyse doit d'une manière ou d'une autre surmonter, et qui apparaît de manière évidente dans la page du Concerto pour piano de Cage, n'est pourtant pas étrangère aux œuvres faisant l'objet d'une notation traditionnelle. L'écart ontologique entre les objets d'immanence notés et acoustiques, reste incommensurable même si une notation adéquate et maîtrisée nous donne l'impression de le supprimer. La meilleure manière de surmonter l'obstacle de l'incommensurabilité, est, me semble-t-il, de l'appréhender dans la mesure du possible.

Dans l'assimilation de la partition à une « fonction primordiale » d'identification, dont « dérivent toutes ses propriétés théoriques », il y a un formalisme qui isole la notation de son contexte écologique. Or, le paradigme de la continuité, en intégrant l'esprit au corps et le corps à son milieu écologique, propose une perspective d'inclusion dont un produit culturel ne peut s'abstraire. Certes, on peut décrire un système notationnel dans les termes d'un mécanisme fermé ; on pourra d'ailleurs parler dans les mêmes termes du système limbique, mais si « l'homme n'est pas un empire dans un empire »,112 un quelconque système notationnel ne peut pas être à son tour

hermétiquement fermé sur lui-même. Si cela est le cas dans l'ouvrage de Goodman, le chapitre concerné porte bien son titre, il s'agit d'une « Théorie » de la notation. Dans la pratique, comme on va essayer de le montrer, la notation porte des responsabilités qui dépassent son cadre purement théorique.

Conclure que le rôle de la partition est de constituer un test d'identification de l'œuvre, c'est postuler que l'œuvre précède sa notation. Or, l'histoire de la notation musicale en Occident permet de cerner combien la relation entre le support papier et la poïétique musicale est complexe et réciproque. Dès la première page de Du son au

signe, Jean-Yves Bosseur nous rappelle que,

Aiguillonné par les nécessités d'une esthétique en constante évolution, le compositeur est sans cesse amené à transgresser les règles de la notation existante. Les nouvelles implications qu'il contribue à mettre au jour par rapport à celle-ci lui laissent consécutivement supposer des multiples extensions à sa réflexion créatrice.113

112 Espinoza, L'étique, III, Préface.

Sur ce sujet, il convient de marquer une distinction entre les termes de notation et d'écriture : si la notation doit se dissocier de l'écriture, c'est par son caractère non- intentionnel et systémique ; elle est un mécanisme soigneusement calibré, une interface de formatage pré-réglée à l'image des horloges des cathédrales gothiques qui notent le temps.114 L'écriture quant à elle, en tant qu'acte créateur, est délibérément intentionnelle.

Mais puisque l'écriture est irrémédiablement dépendante d'un quelconque système notationnel, l'intentionnalité de l'acte créateur doit soit l'assimiler, soit s'y soumettre. Comme résultat de cette concomitance, le cadre théorique par lequel Goodman définit la notation peut avoir une incidence sur le processus poïétique d'écriture. Il est donc impropre de considérer la notation comme un système autarcique qui ne ferait que transposer l'œuvre de l'imaginaire abstrait, à la surface concrète du papier. Comme on va le voir avec quelques exemples, la notation est un aspect dynamique participant de l'écriture.

Si dans la main de l'artiste virtuose la notation peut ressembler à un pur exercice calligraphique, traduisant fidèlement un élan créateur libre de toute contrainte, elle n'est pas moins le seuil d'irréductibilité de cette force poïétique. Lorsque l'écriture est l'acte créatif, ce dernier peut avoir lieu entièrement dans l'esprit du compositeur : c'est une écriture immatérielle. C'est ainsi qu'on imagine Vivaldi ou Mozart coucher sur papier ce qui est déjà entièrement conçu dans leur imagination. Mais même dans ce cas là, la notation n'a pas un rôle secondaire, elle reste le moyen d'expression liminal ayant une existence tacite dans l'esprit du compositeur. Par conséquent, la partition n'est pas réductible à une fonction de transmission mais participe de l'invention. Si la situation décrite dans la lettre polémique publiée par Rochlitz – dont il n'est pas sûr qu'elle soit de la main de Mozart – nous parle de cette capacité du compositeur à contempler dans son esprit l'œuvre pas encore écrite, comme s'il s'agissait d'une image complexe ou d'une statue achevée, ce que Mozart a présent à l'esprit, est probablement l'intuition solidement fondée de la compatibilité entre un besoin poïétique aussi puissant que précis, et un support logistique lui garantissant sa réalisation. Ce support n'est autre que

114 En effet, le passage de l'horloge hydraulique à l'horloge mécanique illustre une mutation dans la conceptualisation du temps au cours du XIVe siècle. Si le premier mime l'écoulement du temps, le second en donne une notation. Voir à ce propos : « Temps, mesure et monnaie »,

La rationalisation du temps au XIIIe siècle. Catherine Homo-Lechner (ed), Paris, Créaphis,

la notation.115

Dans le cas où la notation n'est pas au service d'une intention créative, mais elle est utilisée simplement comme support d'inscription, son but est en effet réduit à l'identification. C'est une situation artificielle, celle dans laquelle se trouve l'ethno- musicologue qui transcrit en notation occidentale un chant issu d'une tradition orale. Comme l'explique Nicholas Cook :

To transcribe music into western notation is to assume, or at least to take as a starting- point, a division of the musical flow into a series of discrete rhythmic values, and a division of the pitch continuum into a series of discrete intervallic values.116

C'est-à-dire que dans le cas de l'ethnomusicologie, la notation occidentale se fait au détriment d'une musique à laquelle elle impose ses propres catégories taxonomiques. Or, cela est loin d'être le rôle que joue le système de notation dans l'histoire de la musique en Occident. D'ailleurs, peut-on penser l'histoire de la notation sans penser en même temps l'histoire de la musique ? L'une des particularités du développement de la musique savante a été la distinction entre deux corps de métier qui sont les interprètes et les compositeurs. Bien que souvent exercés par la même personne, ces deux métiers ne se confondent pas.117 En effet, il suffit de jeter un regard à l'iconographie des

compositeurs pour remarquer qu'ils ont été le plus souvent représentés comme des écrivains, plume et papier à la main, que comme des exécutants. Si l'on pense aux portraits très connus de Haydn, Beethoven ou Schubert,118 on pourrait croire que cette

tendance iconographique relève de l'avènement du culte de l'artiste propre à la

Geniezeit. Mais il n'en est rien : pendant la Renaissance et le Baroque, périodes où

pourtant les compositeurs étaient plus concernés par l'interprétation qu'au cours des siècles suivants, les portraits nous montrent encore une fois les compositeurs comme des écrivains : pensons au célèbre portrait de Bach que peint Elias Gottlob Haussmann en 115 On peut trouver des descriptions semblables de cette représentation mentale de la musique chez Beethoven : « Dans ma musique instrumentale aussi, j'ai le tout devant les yeux ». Cité dans H. Schenker, L'écriture libre, trad. Nicolas Meeus, Liège, Mardaga, 1993, p. 130. 116 Nicholas Cook, Music, imagination and culture, Oxford University Press, 1990, p. 137. 117 Bien sûr la pratique de l'improvisation si répandue au XVIIe et au XVIIIe siècles oblige à

nuancer cette affirmation. Mais la trace qui nous permet d'appréhender l'évolution historique de la tradition musicale, d'abord en Europe et puis en Occident, est faite d'œuvres écrites. 118 Voir portrait de Haydn par Ludwig Guttenbrunn 1791, Beethoven par Joseph Karl Stieler

1746 où le Kapellmeister tient dans sa main une feuille où l'on peut lire un canon, ou à celui de 1630 de Monteverdi par Bernardo Strozzi où le compositeur pose ses mains avec avidité sur ce qui semble le manuscrit d'un de ses opéras. Si l'on remonte à la fin du Moyen Âge, moment décisif dans l'évolution du système notationnel, l'iconographie d'un compositeur et écrivain comme Guillaume de Machaut nous montre systématiquement l'image de l'écrivain.

À chaque fois que le système notationnel a évolué, une appropriation artistique des nouvelles possibilités a vu le jour. Ainsi, le renouveau que connait l'écriture rythmique dans la période de l'ars nova non seulement répond au besoin d'une pratique polyphonique déjà en cours, mais permet aussi la généralisation de certains procédés comme l'isorythmie. Ce principe courant durant le XIIIe et XIVe siècles, notamment en France, consistait dans l’association d'un schéma rythmique, appelé Talea, à une suite de notes appelée Color. Puisque le nombre d'unités rythmiques de la Talea pouvait ne pas être équivalent au nombre de notes du Color, le résultat sonore devient à la fois préétabli et imprévu (voir ex. 2). Le principe fut souvent appliqué à toutes les parties d'un motet, donnant ce qu'on appelle des motets pan-isorythmiques dont un exemple est le Bone Pastor de Guillaume de Machaut. Le motet pan-isorytmique est donc l'exemple d'une collaboration étroite entre les possibilités d'un système notationnel et l'intention créatrice de l'artiste/artisan. C'est cette symbiose qui engendre l'objet d'art pour lequel la partition n'est pas une copie mais une présence constitutive.

Exemple 2

Talea et Color composant le procédé isorythmique.

d'une concomitance entre la notation et l'écriture ; c'est-à-dire qu'en prenant un système notationnel comme garantie d'une réalisation calligraphique déchiffrable par l'interprète, l'écriture en tant qu'inventio, peut se voir réduite à la conception d'un procédé – en l’occurrence l'isorythmie – et d'un matériau minimal – talea et color. Il me semble donc, que même lorsque l'œuvre fait l'objet d'une préconception abstraite, et que sa notation sur papier intervient après son invention, la notation n'est pas réduite à l'acte calligraphique, mais participe au processus de conception. Dans un corpus de douze motets attribués à Philippe de Vitry, M. P. Ferreira trouve qu'il y a :

Au-delà d'une étroite correspondance entre texte et musique et d'une surprenante exploitation du symbolisme numérique, des particularités de construction formelle explicables seulement par une planification mathématique de l'ensemble de l'œuvre préalable à sa composition matérielle.119

Dans cette « planification mathématique préalable », sont projetées des possibilités poly-rythmiques et formelles qui correspondent à une réalité notationnelle concrète dont Vitry, auteur du célèbre traité Ars nova, a pleinement conscience. La notation comporterait donc un premier aspect conditionnel par lequel elle établit un domaine en puissance – par exemple toutes les combinaisons rythmiques possibles dans l'ars nova –, et un deuxième aspect purement calligraphique qui projette le temps procédural de l'écoute dans l'espace-temps de l'écrit. En tant que processus créateur, l'écriture correspondrait donc à la définition platonicienne de la poïèsis comme « la cause qui, quelle que soit la chose considérée, fait passer celle-ci du non-être à l'être ». 120 Lorsque la notation est donnée comme condition préalable, la non-existence

de l'œuvre n'altère pas son existence en tant que potentialité du système notationnel. L'écriture est le souffle créateur qui lui donne une existence factuelle dont la présence calligraphique est la condition. La partition dans cet ordre d'idée se présente comme la notation d'une écriture du temps ; elle n'identifie pas l'œuvre, mais se confond avec elle.

Un autre exemple d'un développement dans l'écriture stimulé par des conditions notationnelles nouvelles, est l'adoption progressive, au cours du XVIIIe siècle, d'un

119 Manuel Pedro Ferreira, « Mesure et temporalité : vers l'ars nova », dans Catherine Homo- Lechner (ed), Paris, Créaphis, 1991, p. 66.

tempérament permettant l'utilisation des 24 tonalités. La tentation théorique de systématiser la modulation dans des cycles chromatiques se refermant sur eux-mêmes – à l'image du cycle des quintes corrigées dans le tempérament égal (fig. 2) –, n'a pas tardé à façonner la création musicale.

Figure 2

Cycle de quintes égales permettant la transposition exacte d'une tonalité à une autre.

Un exemple tout à fait représentatif en est le Canon per tonos que Bach inclut dans l'Offrande musicale : la modulation est faite systématiquement un ton au-dessus à la fin de chaque section, ce qui emmène naturellement le retours de la tonalité de départ après un cycle hexatonique. Les nombreux cycles de pièces en nombre de 12 ou 24 utilisant toutes les tonalités, sont aussi une conséquence du tempérament égal. Mais les conséquences vont plus loin, car il est impossible de concevoir l'essor de la musique pour piano, et le développement d'un langage harmonique aussi exubérant que celui de Chopin, Schumann ou Liszt, sans cet acquis notationnel qui garantit l'équivalence intra- tonale, ainsi que la notion de tonalité comme un système clos et géométriquement cohérent.

C'est justement cette possibilité inhérente à la tonalité dodécatonique qui est exploitée dans l'Etude op. 10 n° 3 de Chopin (ex. 3). Dans cet extrait la modulation entre do dièse mineur – suggéré par la septième de dominante à la m. 3 – et si majeur – tonalité de la dominante – est allouée à une section où l'accord de septième diminuée parcours toute la gamme chromatique, jusqu'à se poser sur l'accord de sixte augmentée française à la mesure 53 – avant dernier dans l'ex. 3. Ce type d'enchaînement harmonique où se produit une sorte de glissement, tout comme dans les marches

harmoniques chromatiques, n'avait été envisageable de manière récurrente que dans le domaine de la musique vocale. Mais depuis l'avènement de la basse continue, l'écriture pour les instruments à clavier est contrainte par des tempéraments inégaux.121 Ce geste

dont le prototype n'est autre que le glissando, devient idiomatique dans l'écriture pour clavier seulement après que le système de notation, en tant que support technique, assiste l'imagination de l'artiste. L'exemple de Chopin trouve un précurseur dans le

Prélude en ré mineur du premier livre du Clavier bien tempéré (ex. 4).

121 En effet, pendant la période baroque la notation musicale n'est pas un système tout à fait univoque. Non seulement le tempérament pouvait changer d'une ville à l'autre selon le diapason, mais dans tous les cas, les signifiés des hauteurs discrètes notées sur la portée était sensiblement moins concordants entre les instruments tempérés (claviers et vents) et les instruments à cordes sans frettes, qu'ils ne le sont avec le tempérament égal.

Exemple 3

Fréderic Chopin, op. 10 n°3, mesures 35-54.

La section commentée commence à la quatrième mesure de l'exemple avec la fausse résolution de la septième de dominante de do dièse. La sixte augmentée française apparaît dans l'avant dernière mesure.

Exemple 4

J. S. Bach, prélude BWV 851.

Glissement chromatique d'un accord de quinte diminuée entre les mesures 24 et 25.

Dans la partition il y a donc l'évidence d'un système notationnel qui exerce à la fois une force contraignante et une force stimulante sur l'écriture. Ces forces n'appartiennent pas en propre à la partition, mais au système notationnel qu'elle exploite.

Le deuxième aspect de la notation, l'aspect figuratif de la calligraphie,122 participe lui

aussi, dans la tradition occidentale, au processus poïétique de l'écriture du temps. Matériellement c'est la calligraphie, l'encre sur le papier, qui manifeste un mode d'existence radicalement différent de celui de l'objet acoustique qu'elle symbolise. L’expression graphique des caractères signifiants du système notationnel, devient à son tour un outil expressif et d'invention.

Dans son célèbre rondeau Ma fin est mon commencement, Guillaume de Machaut conçoit la partition comme un palindrome : à partir de la moitié de la pièce ce que nous entendons n'est autre chose qu'une lecture rétrograde de la section entendue