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3. Reproduction asexuée chez les termites

3.2. La parthénogenèse : définition, classification et conséquences génétiques

réduction de l’hétérozygotie, allant jusqu’à une homozygotie totale selon le type de reproduction asexuée. La reproduction sexuée présente un avantage sélectif, en augmentant le nombre de combinaisons indispensables à la survie dans un environnement en constante évolution et notamment dans la lutte contre les parasites, la maladie ou encore la prédation (Neaves and Baumann, 2011). Cependant, les meilleures combinaisons ne sont pas toujours conservées car sont souvent perdues d’une génération à la suivante. De plus, les variations géniques proposées par un système sexué ne sont pas nécessairement favorables, voire défavorables (Meeûs et al., 2007). Il est souvent évoqué le « double coût » des systèmes sexués dû à l’investissement nécessaire des femelles pour la production de mâles, qui à leur tour investissent peu dans la descendance et à la dilution du génome parental dont seule la moitié est transférée à la génération suivante. Cependant, les avantages apportés par l’utilisation de la reproduction sexuée sont suffisants pour compenser ses effets négatifs, expliquant l'évolution et le maintien d'un tel système. La reproduction asexuée contre ce « double coût » du système sexué en limitant l'investissement pour produire des mâles et en permettant à chaque individu femelle, dans le cas de la thélytoquie (voir 3.2), de produire seule une descendance.

3.2. La parthénogenèse : définition, classification et conséquences génétiques

La parthénogenèse (du grec parthenos = vierge et genesis = naissance) est un terme générique utilisé pour parler de reproduction asexuée mais elle rassemble plusieurs types de reproduction dont certains ne correspondent pas à la définition de la reproduction asexuée. Cette dernière, aussi appelée reproduction clonale, se définit au sens strict comme la production de nouveaux individus génétiquement identiques (« clones ») à tous les loci du génome du parent à partir de cellules/structures somatiques (c’est-à-dire non impliquées dans les organes reproducteurs ou les gamètes). La parthénogenèse, relativement courante chez les animaux, a été décrite pour la première fois chez les pucerons (Bonnet, 1745). Des cas de parthénogenèse ont été décrits chez les poissons, les amphibiens, les oiseaux, les squamates ou encore les mammifères, ainsi que chez les insectes (Mittwoch, 1978). La question de l’origine évolutive de la parthénogenèse n’est pas clairement élucidée. Des études réalisées sur les chordés, les mollusques ou les arthropodes, ont montré une origine multiple de ce mode de reproduction avec une évolution indépendante apparue plusieurs fois au cours du temps (Simon et al., 2003). Cependant, il existe quelques cas, comme les rotifères, chez qui la classe des Bdelloïdes est unisexuée, impliquant une origine unique de la parthénogenèse

35 (Simon et al., 2003). Plusieurs origines possibles à la parthénogenèse ont été proposées : (i) une apparition spontanée due à une mutation sur des gènes impliqués dans la reproduction sexuée, ce qui peut générer une asexualité obligatoire ou facultative en conservant une certaine variation génétique (Schwander and Crespi, 2009), (ii) une hybridation entre deux espèces bisexuées, qui est sans doute l’origine la plus fréquemment évoquée chez les animaux et notamment chez les insectes (Simon et al., 2003) ou encore (iii) une infection par un micro-organisme parasite ou symbiotique dont le plus connu est l’endosymbionte Wolbachia, détecté dans plusieurs centaines d’espèces d’Arthropodes, en particulier chez les Hyménoptères chez qui une induction de la parthénogenèse par cette bactérie a été montrée pour les guêpes parasitoïdes (genre Trichogramma) (Rabeling and Kronauer, 2013, Timmermans and Ellers, 2009).

Ce système, permettant de produire des individus par filiation sans avoir besoin de gamètes mâles, et donc de fécondation, se divise en trois catégories selon le mode de détermination du sexe : arrhénotoquie, thélytoquie et deutérotoquie.

 L’arrhénotoquie engendre des individus mâles à partir d’œufs non fécondés qui sont de ce fait haploïdes et génétiquement différents de la mère. Ce type de parthénogenèse est associé au système de reproduction haplo-diploïde dans lequel, les femelles diploïdes sont généralement produites par voie sexuée tandis que les mâles haploïdes se développent partir d’œufs non fécondés. Il ne s’agit donc pas de reproduction asexuée stricto sensu (Meeûs et al., 2007, Rabeling and Kronauer, 2013). Ce processus fait partie du cycle de vie des Hyménoptères sociaux.

 La thélytoquie, à l’inverse de l’arrhénotoquie, produit uniquement des femelles à partir d’œufs haploïdes non fécondés (Meeûs et al., 2007, Rabeling and Kronauer, 2013). On distingue deux formes : la thélytoquie apomictique (= améiotique = parthénogenèse mitotique) et la thélytoquie automictique (= parthénogenèse méiotique). La thélytoquie apomictique (aussi appelée apomixie) forme les gamètes sans méiose à partir d’œufs non fécondés avec une descendance qui a une composition génétique similaire à la mère et l’hétérozygotie est maintenue au cours des générations (absence de recombinaison génétique). L'apomixie peut donc être considérée comme de la reproduction asexuée véritable. Néanmoins, ce mode de parthénogenèse n'a jamais été clairement démontré chez les insectes sociaux mais simplement suspecté chez deux espèces de fourmis, Cerapachys biroi (Kronauer et al., 2012) et

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Mycocepurus smithii (Rabeling et al., 2009). La thélytoquie automictique (aussi

appelée automixie) produit des gamètes à partir d’œufs non fécondés mais en impliquant la méiose, contrairement à l'apomixie, ce qui peut entrainer des recombinaisons géniques (Meeûs et al., 2007, Rabeling and Kronauer, 2013, Simon et

al., 2003). La restauration de la diploïdie est alors effectuée à travers quatre procédés

ayant différentes conséquences sur la composition génétique de la descendance : la fusion terminale, la fusion centrale, la duplication des gamètes et la fusion aléatoire (Figure 3).

 Lors de la fusion terminale, la diploïdie est restaurée par la fusion de deux cellules haploïdes sœurs. Les taux moyens de transition vers l’homozygotie pour un locus hétérozygote vont de 1 (pour un locus proche du centromère, en absence de recombinaison entre le locus et le centromère) à 1/3 (pour un locus éloigné du centromère, en supposant que plusieurs événements de crossing-over séparent le locus considéré et le centromère) (Pearcy et al., 2006). Cela a pour conséquence d’entrainer une réduction rapide de l’hétérozygotie et une homozygotie complète si aucune recombinaison n’a lieu (Rabeling and Kronauer, 2013).

 La restauration de la ploïdie par fusion centrale se fait par fusion des deux cellules haploïdes non-sœurs en deuxième division méiotique (Rabeling and Kronauer, 2013). Ici, le génome maternel est restitué pour tous les loci en absence de recombinaisons et l’hétérozygotie est conservée ou, en cas de crossing-over, se voit diminuer faiblement (Meeûs et al., 2007, Rabeling and Kronauer, 2013). Les taux moyens de la transition à l'homozygotie vont de 0 pour un locus proche du centromère à 1/3 pour un locus éloigné du centromère (Pearcy et al., 2006). Ainsi, en cas de faibles taux de recombinaison, l’hétérozygotie est préservée.

 La fusion aléatoire rassemble les mécanismes alternatifs de la restauration de la diploïdie. Ici, chaque locus hétérozygote présente un taux de transition vers l’homozygotie de 1/3, indépendamment de sa position sur le chromosome (Pearcy et al., 2006).

37  La duplication gamétique provoque la restauration de la diploïdie par fusion des deux cellules haploïdes qui résultent de la division de la cellule haploïde issue de la seconde division méiotique. Une des conséquences génétiques de cette forme de thélytoquie automictique est une homozygotie totale des individus avec ou sans évènements de recombinaison (Rabeling and Kronauer, 2013).

 La deutérotoquie produit des mâles et des femelles à partir d’ovules non fécondés mais les mâles ne jouent aucun rôle dans la reproduction.

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Figure 3 : Les différents modes de parthénogenèse thélytoque automictique. Sont illustrés les mécanismes avec et sans recombinaison génétique (crossing-over) : fusion centrale, fusion terminale, fusion aléatoire et duplication gamétique (d’après Pearcy et al. (2006)).

39 Chez les insectes eusociaux, la thélytoquie est un événement relativement rare. Sur près de 16000 espèces et sous-espèces de fourmis et près de 3000 espèces de termites, seulement treize espèces de fourmi (Masuko, 2013, Masuko, 2014, Rabeling and Kronauer, 2013) et dix espèces de termite ont été décrites comme capable de se reproduire via la parthénogenèse thélytoque (Tableau 2). L’évolution de la thélytoquie chez les insectes eusociaux reste difficile à comprendre car il existe une multitude de stratégies reproductives impliquant la reine fondatrice de la colonie ou encore par les ouvrières, comme cela existe chez certaines fourmis. De ce fait, il semblerait que la thélytoquie ait évolué à plusieurs reprises au cours de l’histoire évolutive des insectes eusociaux (Rabeling and Kronauer, 2013, Wenseleers and Van Oystaeyen, 2011). L'organisation coloniale rend souvent difficile l'observation et la description des systèmes de reproduction. En effet, sur le terrain, les nids sont parfois difficiles d’accès quand ils se trouvent dans le sol (nids endogés) ou quand ils n'ont pas de structure bien définie. Ainsi, l'ensemble des castes nécessaires à l'étude des systèmes de reproduction est souvent difficile à récolter.

Tableau 2 : Liste des termites identifiés comme parthénogènes. ? : mécanisme de restauration de la diploïdie non identifié.

Famille Espèce Thélytoquie Mode de

restauration de la diploïdie Références Archotermopsidae Zootermopsis nevadensis Facultative ? Light (1944)

Z. angusticollis Facultative ? Light (1944)

Kalotermitidae Kalotermes flavicollis Facultative ? Grassé (1949)

Bifiditermes beesoni Facultative ? Afzal and Salihah (1985)

Neotermes koshunensis

Facultative Fusion terminale Kobayashi and Miyaguni (2016)

Rhinotermitidae Reticulitermes hesperus

Facultative ? Weesner (1956)

R. speratus Facultative/AQS Fusion terminale Matsuura and Nishida (2001), Matsuura et al. (2004), Matsuura et al. (2009)

R. virginicus Facultative/AQS Fusion terminale Howard et al. (1981), Vargo et al. (2012)

R. lucifugus Facultative/AQS Fusion terminale Buchli (1950), Luchetti

et al. (2013b)

Termitidae Velocitermes paucipilis

Facultative ? Stansly and Korman

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