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Article 3: « Asexual Queen Succession and its life history implications in the termite

1. L’AQS chez les Termitidae

1.2. Implications du système AQS dans le cycle de vie des espèces

L'étude du système AQS chez E. neotenicus, S. minutus et C. tuberosus a été initiée par l'observation sur le terrain de nombreuses colonies possédant de multiples femelles néoténiques accompagnées le plus souvent d'un unique roi primaire, sans reine primaire. Cette stratégie est apparue stable dans le cycle de vie des espèces, alors que la présence de reproducteurs néoténiques reste rare au sein des Termitidae (Hartke et Baer, 2011, Myles, 1999). Dans cette famille, la stratégie de reproduction est le plus souvent basée sur la présence

177 d'un couple monogame de reproducteurs primaires avec une reine présentant une physogastrie très développée et une durée de vie importante (Hartke et Baer, 2011, Myles, 1999). Dans la stratégie AQS, la conservation et la transmission des allèles maternels sont permises par le remplacement de la reine primaire par des femelles nymphoïdes produites via la parthénogenèse thélytoque, entrainant d'un point de vue génétique un prolongement de la monogamie, et cela malgré la présence de multiples reproductrices secondaires. Si l'AQS présente des intérêts communs à l'ensemble des espèces utilisant ce mode de reproduction, comme le développement rapide des colonies, nous avons montré que le rôle adaptatif qu'il jouait variait de manière assez claire selon les espèces et leur cycle de vie.

Chez E. neotenicus, le remplacement de la reine primaire par ses filles parthénogènes semble s’effectuer relativement tôt dans le cycle de vie. En effet, un seul très jeune nid, de petite taille, a été trouvé avec le couple primaire sans néoténiques au cours des différentes missions d’échantillonnage (article 1). Un autre nid, un peu plus avancé, a été trouvé avec seulement une dizaine de femelles néoténiques physogastres en présence du couple primaire (données non publiées). Dans ce cas, la reine était sénescente, illustrant sans doute un stade de transition avec une reine sur le point d'être remplacée (transition entre la colonie primaire et secondaire). Cependant, la partie du cycle de vie correspondant à la fondation et au stade nid très jeune est très difficile à reconstruire chez E. neotenicus. Cette partie du cycle correspond à une phase le plus souvent souterraine et les nids ne deviennent réellement visibles et analysables qu’à partir du moment où les femelles néoténiques interviennent de manière significative dans la production de la colonie. De ce fait, la grande majorité des nids observés sur le terrain a montré une taille importante, abritant plusieurs dizaines voire centaines de femelles nymphoïdes physogastres (jusqu'à 225 dans une colonie). Ces femelles se reproduisent avec le roi primaire et produisent une seconde génération de femelles néoténiques, comme l’atteste l’observation de jeunes néoténiques peu physogastres dans certaines colonies. Les colonies d'E. neotenicus semblent ainsi se développer rapidement après l'apparition des femelles néoténiques, donnant de grands nids populeux pouvant subsister pendant plus de quatre ans, avec plusieurs vagues d'essaimages.

Le cycle de vie de S. minutus a pu être étudié en détail du fait des dimensions réduites des colonies et du faible effectif des populations (article 3). De plus, les différents stades étaient accessibles sur le terrain, y compris les très jeunes colonies. L'étude approfondie du cycle de vie nous a permis de constater que l'AQS présentait un intérêt différent chez cette espèce, du fait de la durée de vie réduite des colonies. Dès la première année suivant la

178 fondation de la colonie, la reine primaire produit des nymphes femelles parthénogènes destinées à se différencier en néoténiques. Au cours de la deuxième année, des stades intermédiaires sont observés avec une reine primaire sénescente accompagnée de la première génération de néoténiques non matures sexuellement (physogastrie peu développée). Ces néoténiques prennent la tête de la colonie aux côtés du roi primaire dès la fin de cette deuxième année et atteignent leur potentiel reproductif maximum (physogastrie très développée). Durant la troisième année, une seconde génération de femelles nymphoïdes est engendrée par parthénogenèse par les femelles néoténiques de première génération. La colonie s’étend encore et un grand nombre de nymphes, majoritairement issues de l'accouplement entre les femelles nymphoïdes et le roi primaire, est produit et devient les imagos qui essaimeront. Un seul essaimage massif a lieu à la fin de cette troisième année. À ce stade, les colonies sont composées presque uniquement d'imagos et d’individus stériles. L'absence de tout reproducteur ou futur reproducteur dans les colonies après l'essaimage entraine la mort des colonies. Dans le cas de S. minutus, le remplacement rapide de la reine par des femelles nymphoïdes parthénogènes permet le développement rapide de la colonie et optimise l’essaimage unique par la production de très nombreux reproducteurs ailés. En comparaison des autres espèces AQS, le nombre de femelles néoténiques trouvé dans les nids de S. minutus est relativement faible (jusqu'à 34) mais ce nombre est compensé par une physogastrie extrême des femelles, bien supérieure à celle observée chez la reine primaire. L’AQS peut être vu chez cette espèce comme une réponse à son apparente vulnérabilité aux contraintes environnementales dues à la taille réduite des individus et des nids, situés à seulement quelques centimètres du sol, et la durée de vie restreinte des colonies.

Contrairement aux cas décrits précédemment, le remplacement de la reine primaire par des femelles secondaires semble être un événement facultatif chez C. tuberosus et quand il a lieu, celui-ci semble survenir tardivement dans le cycle de vie des colonies (Fournier et al., 2016). En effet, sur l'ensemble des colonies collectées, 41% d'entre elles possédaient une reine primaire sans femelles néoténiques contre seulement 29% des colonies où des femelles secondaires ont été trouvées. Les femelles néoténiques collectées (jusqu'à 667) étaient de petite taille et non physogastriques ce qui laisse sous-entendre que leur fécondité était limitée.

Chez C. tuberosus, l'AQS semble jouer un rôle différent de celui décrit chez les autres espèces. Une hypothèse serait que la reine primaire puisse se maintenir dans les colonies et assurer seule le développement de celles-ci pendant quelques années et atteindrait ensuite dans les colonies matures un plateau ou un déclin dans sa fécondité, ce qui expliquerait son

179 remplacement par les femelles néoténiques. Les auteurs proposent également que le remplacement de la reine puisse être un moyen d'augmenter rapidement le taux de croissance des colonies dans les cas où l’espèce coloniserait les nids abandonnés par d'autres espèces. Cela a été observé avec des C. tuberosus collectés dans des nids de Labiotermes labralis et de

Silvestritermes heyeri (Fournier et al., 2016).