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1. INTRODUCTION

1.2 L’épigénétique des MCV

1.2.1 Définition de l’épigénétique

1.2.1.1 La modification post-traductionnelle des histones

Les histones sont les protéines autour desquelles s’enroule l’ADN par séquences de 146 pb pour former les nucléosomes, sous-unités de la chromatine. Plus précisément, le cœur des nucléosomes est constitué d’un octamère d’histones composé de deux copies de chacune des histones H2A, H2B, H3 et H4 (Kornberg & Lorch 1999). L’histone de liaison H1 permet l’organisation de ces nucléosomes pour former les chromosomes (Figure 13). Structurellement parlant, les nucléosomes se caractérisent par une forme globulaire présentant à leur surface une chaîne flexible appelée « queue de l’histone » (Luger et al. 1997). Ces domaines font l’objet de diverses modifications post-traductionnelles ayant pour effet d’altérer l’affinité des histones envers l’ADN et divers complexes protéiques contrôlant ainsi l’activité transcriptionnelle (Allfrey & Mirsky 1964). Ces modifications incluent l’acétylation, la méthylation, la phosphorylation, l’ubiquitinylation, la sumoylation et autres (Strahl & Allis 2000; Biel et al. 2005; Tan et al. 2011). Cependant, seules l’acétylation et la méthylation des histones seront discutées, puisqu’elles sont les modifications les plus étudiées et les mieux caractérisées, particulièrement dans des contextes pathologiques.

Figure 13. Composition d'un nucléosome : 146 bp d’ADN enroulées autour d’un octamère d’histones avec

1.2.1.1.1 L’acétylation des histones

Les histone acetyltransférases (HAT) sont responsables de l’ajout d’un groupement acétyle sur les résidus lysine (K) situés dans l’extrémité N-terminale de la queue de l’histone (Kurdistani & Grunstein 2003). Inversement, les histone déacétylases (HDAC) se chargent du clivage de ce groupement acétyle (Kurdistani & Grunstein 2003). L’impact de l’acétylation des histones sur l’activité transcriptionnelle se fait par deux mécanismes. D’abord, l’ajout d’un groupement acétyle chargé négativement annule la charge positive des lysines et diminue donc l’affinité des histones avec l’ADN, ce qui favorise l’ouverture de l’ADN, un arrangement propre à l’euchromatine et favorable au recrutement et à la liaison des facteurs de transcription (Vidali et al. 1968). Ensuite, il a été postulé que l’acétylation de la queue de l’histone agit comme site d’ancrage facilitant les interactions protéine-protéine et, puisque ce domaine émerge du noyau de l’histone, il devient un site favorable au recrutement des facteurs de transcription (Dhalluin et al. 1999; Cheung et al. 2000).

L’expression de certains gènes inflammatoires peut être favorisée par l’acétylation des histones et un débalancement à ce niveau participerait au développement de maladies inflammatoires chroniques telles que les MCV (Gillette & Hill 2015; Yiew et al. 2015). À titre d’exemple, le facteur de transcription pro-inflammatoire NF- B peut être régulé par ce mécanisme d’acétylation. En effet, la perte d’expression de HDAC augmente le niveau d’acétylation du résidu lysine 9 de l’histone 3 (H3K9) situé au niveau du promoteur des gènes ciblés par NF- B, ce qui augmente l’activité de ce dernier et déclenche la cascade de signalisation pro-inflammatoire subséquente. Cette cascade favorise in vitro la sénescence cellulaire prématurée dans différentes lignées cellulaires humaines dont des cellules embryonnaires rénales 293T et des cellules HeLa (Kawahara et al. 2009). Cette cascade favorise également le développement de la maladie pulmonaire obstructive chronique, une maladie inflammatoire du poumon (Barnes et al. 2005). Le gène de la eNOS est également soumis à un mécanisme d’acétylation des histones : en condition d’hypoxie, une diminution globale de l’acétylation des histones H3 et H4 au niveau du promoteur de son gène NOS3 a été observée (Fish et al. 2010), ce qui induit une diminution de l’expression de la eNOS et qui se traduit par une dysfonction endothéliale, un état précurseur au développement des MCV (McQuillan et al. 1994).

Les HAT et HDAC, enzymes respectivement responsables de l’acétylation et de la déacétylation des histones, font présentement l’objet d’études évaluant leur potentiel thérapeutique. Par exemple, l’inhibition des HAT par le curcumin, un polyphénol naturel, produit des effets prometteurs contre le cancer du sein en inhibant la prolifération cellulaire et l’induction de l’apoptose via l’inactivation des voies des facteurs de transcription NF- B et la protéine activatrice-1 (AP-1; activator protein- 1) (Bachmeier et al. 2007). Le curcumin permet également de prévenir la défaillance cardiaque chez le rat en inhibant le recrutement du facteur de transcription GATA4 dans le cardiomyocyte, prévenant ainsi le déclenchement des voies de signalisation menant au remodelage du myocarde (Morimoto et al. 2008). D’autre part, l’inhibition des HDAC est une stratégie exploitée particulièrement dans le traitement de cancers, dans le but d’induire l’apoptose et de sensibiliser les cellules cancéreuses à d’autres médicaments, ce qui a valu une approbation de la FDA (Food and Drug Administration) pour le traitement du lymphome T cutané par l’acide suberanilohydroxamique (SAHA; Vorinostat®) (Mann et al. 2007). L’inhibition des HDAC produit également des effets anti-inflammatoires dans des modèles animaux de colite via la diminution de la production de médiateurs pro-inflammatoires tels que l’IL-6 et l’interféron- (IFN ) (Felice et al. 2015). Finalement, de récents travaux soulignent le potentiel anti- athérogénique des inhibiteurs des HDAC via l’inhibition de l’activation des macrophages M1 reflétée par une diminution de la production de TNF- et IL-6 (Van den Bossche et al. 2014).

1.2.1.1.2 La méthylation des histones

La méthylation des histones se trouve sur les résidus lysines et bien qu’elle puisse être observée ailleurs (histidines, arginines), la méthylation sur les lysines (K) des histones H3 (H3K4, H3K9, H3K27, H3K36 et H3K79) et H4 (H4K20) sont les plus couramment étudiées et les mieux caractérisées (Taverna et al. 2007). Au même titre que les autres modifications post- traductionnelles apportées aux histones, la méthylation permet de réguler l’état de condensation de la chromatine et l’expression de ses gènes (Taverna et al. 2007). Initialement considérée comme étant une marque permanente (Byvoet et al. 1972), la méthylation des histones est un processus réversible et dynamique (Zee et al. 2010). La méthylation des lysines est assurée par deux familles d’histone lysine méthyltransférases (HKMT) : les protéines comprenant un domaine SET (SET-

domain-containing proteins) (Rea et al. 2000) et les protéines DOT1-like (DOT1-like proteins) (Feng et al. 2002). Il est important de noter qu’il existe trois degrés de méthylation : les résidus lysines peuvent être soit mono-méthylés (me1), di-méthylés (me2) ou tri-méthylés (me3). Les histone déméthylases comportent également deux classes d’enzymes distinctes : les amine oxydases (Shi et al. 2004) et les dioxygénases comprenant un domaine JmjC (jumonji C (JmjC)- domain-containing, iron-dependent dioxygenases) (Tsukada et al. 2006). Les effets de la méthylation sur l’activité transcriptionnelle nécessitent le recrutement de diverses protéines liant le groupement méthyle et ce recrutement est favorisé par la charge positive et l’hydrophobicité apportées par le ou les groupements méthyles (Nielsen et al. 2002). De ce fait, il n’est pas possible, en regardant uniquement le type de méthylation, de prédire avec certitude si l’effet de la méthylation des histones sur la transcription sera une stimulation ou une inhibition; il est crucial d’identifier la nature des protéines recrutées, ce qui dépend du contexte. Prenons comme exemple la triméthylation du résidu lysine 4 de l’histone 3 (H3K4me3) : cette empreinte est généralement associée avec des gènes constitutivement actifs (Santos-Rosa et al. 2002). Cependant, cette même empreinte peut également être inhibitrice après le recrutement d’un complexe protéique répresseur comprenant la famille des inhibiteurs de croissance ING (inhibitor of growth) en réponse aux dommages à l’ADN dans le but de bloquer l’expression de gènes de prolifération (Shi et al. 2006).

On observe l’implication de la méthylation des histones dans diverses mécanismes physiologiques incluant la régulation du cycle cellulaire, la réparation de l’ADN, le développement et la différentiation cellulaire (Greer & Shi 2012). Il n’est donc pas surprenant de découvrir que lorsque ces mécanismes sont dérégulés dans des contextes pathologiques, on détecte en parallèle une altération dans la méthylation des histones. Bien que ce lien soit largement documenté dans diverses formes de cancer chez l’humain, telles que la leucémie et le cancer du sein et de la prostate (Chi et al. 2010), l’implication de la méthylation des histones dans le contexte inflammatoire des MCV est encore peu étudiée. Une étude récente démontre cependant que l’exposition de macrophages à des LDL oxydées promeut l’apparition de H3K4me3 au niveau du promoteur de gènes inflammatoires tels que TNF- et IL-6 (Bekkering et al. 2014). De plus, il est possible de prévenir la production de cytokines pro-inflammatoires par les macrophages à l’aide d’un inhibiteur des histones méthyltransférases (Van den Bossche et al. 2014).