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1. INTRODUCTION

1.2 L’épigénétique des MCV

1.2.1 Définition de l’épigénétique

1.2.1.3 Méthylation de l’ADN

1.2.1.3.3 Fonctions biologiques de la méthylation de l’ADN

En théorie, la fonction de la méthylation de l’ADN est simple à énoncer : la méthylation de l’ADN régule des interactions protéine-ADN ce qui affecte l’activité transcriptionnelle. Cependant, cet énoncé se complique quand vient le temps de définir les types de protéines impliquées et les sites

de méthylation dans l’ADN. Concernant l’activité transcriptionnelle, on sait maintenant que la méthylation de l’ADN peut autant inhiber que stimuler l’expression des gènes ciblés selon la nature des protéines affectées par cette méthylation et la localisation de la méthylation dans le gène. Ceci réfute donc le cliché « la méthylation inhibe la transcription », une vue simpliste encore communément acceptée jusqu’à récemment (Jones & Takai 2001). La localisation de la méthylation dans le gène est un facteur décisif dans la régulation de l’expression. En effet, chaque séquence de nucléotides recrute spécifiquement certaines protéines pouvant réguler la machinerie transcriptionnelle. Par exemple la méthylation au site d’initiation de la transcription (TSS; transcription start site) peut inhiber la liaison de la machinerie transcriptionnelle (Brenet et al. 2011) alors que la méthylation à l’intérieur du gène peut se produire à des sites activateurs (enhancer) ou répresseurs (insulators) normalement responsables de stimuler ou d’inhiber la transcription, respectivement (Peters et al. 2015). Finalement, alors que pour les facteurs de transcription la liaison à l’ADN est bloquée par la présence de 5mC (Moore et al. 2013), d’autres protéines possèdent une affinité pour les 5mC et sont préférentiellement recrutées aux régions méthylées de l’ADN (Jones et al. 1998). Ces nuances importantes seront maintenant discutées plus en détail en mettant les différents sites de méthylation possibles en avant-plan.

1.2.1.3.3.1 Méthylation entourant la région 5’ du gène

Tel que mentionné précédemment, la majorité des promoteurs possède une région CpGi. Ces régions sont généralement caractéristiques d’une transcription active, par la présence de CpG non- méthylés et de régions dépourvues de nucléosomes flanquées d’histones actives telles que H3K4me3 (Tazi & Bird 1990; Mikkelsen et al. 2007; Ramirez-Carrozzi et al. 2009; Choi 2010). Ceci définit une organisation de la chromatine permettant le recrutement de facteurs de transcription et de l’ARN polymérase pour initier la transcription (Gal-Yam et al. 2006; Ozsolak et al. 2007). L’hypométhylation de ces régions est maintenue, puisqu’en plus d’être inhibée par H3K4me3, la méthylation de novo nécessite la présence de nucléosomes (Ooi et al. 2007). De plus, l’enzyme de déméthylation TET1 est abondante autour des TSS comprenant un ratio élevé de CpG, ce qui déméthylerait toute 5mC présente dans ses environs (Williams et al. 2012). Il existe toutefois des situations où ces régions riches en CpG sont méthylées dans le cadre de processus physiologiques définis, notamment afin de réprimer l’expression de gènes spécifiques lors du

développement et de la différenciation cellulaire (Shen et al. 2007; Weber et al. 2007; Mohn et al. 2008). Un exemple couramment utilisé pour illustrer ce mécanisme de régulation est l’inactivation du chromosome X, phénomène durant lequel un des deux chromosomes X est inactivé par méthylation de l’ADN, permettant l’expression d’une seule allèle (Mohandas et al. 1981). L’initiation de la transcription peut être bloquée par le co-recrutement d’histones déacétylases et de complexes protéiques possédant un domaine de liaison aux CpG méthylés tels que les protéines liant les CpG méthylés MBD (methylated CpG binding proteins) et MeCP2 (methyl CpG binding protein 2) (Jones et al. 1998; Nan et al. 1998a; Nan et al. 1998b; Nguyen et al. 2001). Au niveau du premier exon, la méthylation est également répressive (Brenet et al. 2011). Selon une étude sur la méthylation de l’ADN provenant de cellules immunitaires humaines, la méthylation du premier exon est le marqueur ayant le plus d’influence sur la répression de l’expression (Brenet et al. 2011). Le mécanisme proposé est que la méthylation à cet endroit bloque l’initiation de la transcription ou freine l’activité de la polymérase (Brenet et al. 2011).

Plusieurs études de détection pan-génomique de la méthylation sont parvenues à observer que la plupart des gènes spécifiquement exprimés par les cellules germinales finissent par être hyperméthylés au niveau du promoteur dans les cellules somatiques différenciées (Weber et al. 2007; Zilberman 2007; Smith & Meissner 2013). Ceci suggère que la méthylation de novo régule l’expression des gènes nécessaires à l’orchestration de la différenciation cellulaire durant le développement (Figure 17).

Figure 17. La méthylation du promoteur durant la maturation et la différentiation cellulaire dans a) le cadre

physiologique du développement et b) dans le cadre pathologique du cancer.

Réimprimé avec la permission de Macmillan Publishers Ltd: Nature Genetics, Zilberman D, The human promoter methylome. 39(4):442-3, Copyright (2007).

1.2.1.3.3.2 Méthylation dans le corps du gène

Contrairement au promoteur, le corps du gène possède généralement des CpG méthylés et parsemés, plutôt qu’agglomérés en CpGi et des CpG déméthylés (Jones 2012). La méthylation des CpG à l’intérieur du gène n’est pas toujours associée à une répression de l’expression, mais dans certains cas à une augmentation de l’expression (Hellman & Chess 2007; Ball et al. 2009; Aran et al. 2011). Cette observation est d’autant plus étonnante lorsqu’on note la présence de l’histone répressive H3K9me3 et du complexe protéique répresseur MeCP2 sur ces sites de méthylation, une marque épigénétique associée à l’inhibition de l’initiation de la transcription, mais qui dans ce

cas ne semble pas bloquer le processus d’élongation (Nguyen et al. 2001). De plus, l’observation que les exons sont plus riches en nucléosomes et en 5mC que les introns laisse présager un rôle dans l’épissage de l’ARN (Chodavarapu et al. 2010; Laurent et al. 2010). Premièrement, ce concept est supporté par l’observation qu’au niveau des jonctions exon-intron, un contraste important dans la méthylation est présent : le profil de méthylation est caractérisé par un taux élevé de méthylation vers la fin de l’exon, suivi d’une baisse subite de la méthylation au début de l’intron et l’inverse se produit dans la transition intron-exon par une augmentation franche dans la méthylation au début de l’exon (Laurent et al. 2010). Deuxièmement, le mécanisme d’épissage des transcrits d’ARN est dépendant de la structure de la chromatine, elle-même dépendante de la méthylation (Laurent et al. 2010). La combinaison de ces deux énoncés supporte un rôle de la méthylation dans l’épissage (Laurent et al. 2010).

En résumé, la méthylation des CpGi au niveau des promoteurs est bien caractérisée : lorsqu’on détecte de la méthylation dans cette région, c’est que le gène ciblé est réprimé et la méthylation est maintenue dans cette région par le recrutement de nucléosomes portant des histones modifiées répressives telles que H3K9me3. Dans le cas de la méthylation dans le corps du gène, l’effet n’est pas aussi unidimensionnel et dépend majoritairement du site où se trouve la méthylation.