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La mise en mots des savoir-faire éducatifs :

LA RHETORIQUE DE LA FORMALISATION DE LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE

2) La mise en mots des savoir-faire éducatifs :

Un métier s’organise avant tout autour d’un ensemble de savoirs (savoir-faire, savoir-dire, savoirs théoriques, savoir être) propres à un groupe d’individus dépositaires d’une technicité en la matière. Il importe donc pour parler de métier que les savoirs à l’œuvre dans son exercice puissent être transmis grâce notamment à la formation professionnelle.

Cette technicité propre au métier se fonderait ainsi autour de trois axes essentiels : - Les référentiels théoriques qui président au choix non pas arbitraire mais

réfléchi à des actes dits professionnels (CHAMP CONCEPTUEL). Grégoire CROZIER explique par exemple dans le domaine du dessin technique que le « champ conceptuel a pour situations de référence, les activités nécessitant de tracer, d’implanter dans le réel, conformément aux prescriptions contenues dans le dessin technique ».218

- Les activités et les gestes propres à l’accomplissement de ce métier (DOMAINE DE L’ACTION). Nous nous situons ici dans le domaine de l’opérationnalité, de la mise en acte des connaissances professionnelles. Notons que ces actes professionnels peuvent dans un second temps faire appel à des théories particulières et non pas uniquement émaner d’une théorie qui fonderait l’action.

- Le langage qui permet l’articulation entre l’activité, les concepts dans lesquels le métier s’inscrit, et la mise en mots de ces derniers (PRAXIS). C’est ce langage spécialisé qui permet la transmission des différents savoirs spécifiques au métier voire l’exécution même du métier si l’on considère que l’activité professionnelle est essentiellement langagière chez les éducateurs. Pour F. OSTY, la notion de métier se structure autour de trois pôles :

- La détermination d’un savoir savant

- Un corpus de connaissances associé à une pratique professionnelle - Une expertise propre et une maîtrise autonome de l’acte productif

Elle distingue plusieurs savoirs à l’œuvre dans un métier : des savoirs acquis, des savoirs pratiques, des savoirs institués et des savoirs informels, cette fois

217

MARTINI (F), « Sujets en travail – Histoires de rencontres » in Reconnaissances du travail, pour une

approche ergonomique, sous la direction de Y. SCHWARTZ, PUF, Paris, 1997, page 180. 218

CROZIER (G), Une entrée pour la praxis : la tâche de lecture trace dans les métiers du bâtiment, Mémoire de DEA sous la Direction de A. BESSOT et G. PRUDHOMME, Université Joseph Fourrier, Laboratoire de didactique des mathématiques, Grenoble, page 8.

difficilement accessibles. Ces savoirs informels « se situent à l’intersection des savoirs acquis et des situations de travail ».219 Elle fait référence aux fameux savoir-être

construits par l’expérience et les situations de travail particulières qui résistent à la technicité acquise. Elle invite aussi à prendre en compte dans toute activité de formalisation des savoirs à l’œuvre dans l’exercice d’un métier des « savoirs tacites intériorisés qui résistent à la rationalisation » et de « l’insuffisance d’outils conceptuels pour mettre à jour les processus mentaux engagés dans les modes d’acquisition et de mise en œuvre des savoirs ».220 Cette remarque oblige d’emblée à

affirmer que l’ensemble des capacités professionnelles et des savoirs nécessaires à l’exercice du métier d’éducateur, tels qu’ils ont été fournis par le corpus, est tout à fait limité et qu’il rend uniquement compte des éléments que les éducateurs ont réussi à formaliser.

¾ La détermination des capacités professionnelles comme enjeu de la professionnalité

La formalisation des compétences et des savoirs éducatifs spécialisés est particulièrement observable dans l’ensemble des protocoles de stage rapportés dans le corpus.

Elle subit une construction particulière où l’accent est mis sur la compétence à atteindre par le stagiaire :

Être capable de Capacité à Capacité de Aptitude à Savoir (+ verbe) Connaître Être en mesure de Acquérir Apprendre à Prise de connaissance de Pouvoir

Avoir (une bonne) connaissance de Avoir des connaissances de

Faire preuve de

Développer (des connaissances) Comprendre Travail sur Travailler Maîtriser Découvrir 219

OSTY (F), Le désir de métier, Engagements identité et reconnaissance au travail, PUR, Rennes 2003, page 58.

220

Cette récurrence de la compétence à apprendre ou à atteindre n’est pas seulement observable dans les protocoles de stage. Les écrits remis par les professionnels ainsi que leurs témoignages confirment l’importance pour un éducateur spécialisé de revendiquer un certain nombre de savoirs pratiques construits sur une telle modalité à savoir « être capable de ».

La formulation rend compte de deux hypothèses :

- Les entretiens ou les protocoles de stage appellent à un usage essentiellement pédagogique. Ainsi les éducateurs sondés légitiment leur spécificité par l’ensemble des apprentissages nécessaires à l’exercice du métier. En ce sens, ils ne se situent pas dans le métier inné, ou la disposition humaine permettant d’appréhender des populations en difficulté, mais véritablement une profession dont l’exercice est déterminé par l’acquisition d’un ensemble de savoir-faire et de capacités éducatives professionnelles.

- L’affirmation que le métier d’éducateur spécialisé s’opérationnalise dans un ensemble de capacités transmissibles en école ou sur le terrain fait apparaître un mouvement complexe où le passage entre un individu lambda et un individu pouvant se réclamer de la profession d’éducateur ne peut se faire qu’à condition qu’il se soit soumis à l’apprentissage de ces capacités, une évaluation par les professionnels eux-mêmes. Sans « capacité à faire », ce métier pourrait se réduire à un ensemble de dispositions personnelles. Au contraire, les éducateurs sondés revendiquent la capacité professionnelle comme fondatrice de la professionnalité. Ce n’est donc pas tant la relation avec les usagers sur le terrain professionnel qui prime dans la professionnalité que le fait de se soumettre à l’évaluation des compétences attendues par la profession.

Nous regarderons plus loin la manière dont les éducateurs évaluent l’acquisition ou pas des savoir-faire poursuivis par les maîtres de stage vis-à-vis de leurs stagiaires. Aussi, il apparaît signifiant de chercher dans le corpus la manière dont les éducateurs interrogés apprécient ce qui relève de la professionnalité ou non.

Prenons plusieurs exemples : 1) Valérie :

un éducateur c’est quelqu’un qui accompagne euh une personne en difficulté et à un moment de sa vie / et euh qui doit tout faire pour se rendre inutile / donc j’pense que y’a des tas de gens qui ont besoin d’être accompagnés dans des moments difficiles euh / enfant ou adulte et qu’euh on est une espèce de béquille peut-être / mais il faut pas il faut jongler entre euh savoir aider et en même temps savoir se retirer aussi et pas que les enfants ou les adultes tombent dans un assistanat / euh enfin je trouve ça rapide je trouve que ça arrive trop souvent surtout quand ils ont un passé en institution / il faut vraiment s’attacher à [ a] à s’rendre euh à pas se rendre indispensable justement dans leur vie

La jeune femme pose ici ce qui relève du domaine professionnel et du domaine profane. Elle oppose ainsi ce qui appartient à la généralité par l’usage du pronom indéfini « quelqu’un » qui évoque une personne d’ordre général sans préciser son identité et qui comporte une indication d’ordre qualitatif imprécise. L’expression « une personne en difficulté » ou le syntagme « y’a des tas de gens qui ont besoin qui ont besoin d’être accompagnés dans des moments difficiles » confirment le statut indéterminé du propos ; autrement dit tout un chacun peut éprouver des difficultés dans sa vie, l’éducateur est une personne parmi d’autres qui peut accompagner les gens lors de ces passages difficiles. Le caractère professionnel de l’accompagnement apparaît dans l’usage de l’expression « il faut » et du verbe « savoir » qui situent cette fois le propos dans l’ordre de la prescription professionnelle, l’éducateur n’étant plus quelqu’un qui aide des personnes indéterminées en souffrance, mais « une espèce de béquille » qui se doit d’ « aider et en même temps […] se retirer aussi », « vraiment s’attacher […] à pas se rendre indispensable ».

Ce court extrait d’entretien marque le passage à la professionnalité par la revendication de prescriptions professionnelles fortes (révélées par l’adverbe « vraiment ») qui fonctionnent comme des règles à tenir garantes du professionnalisme de l’éducateur spécialisé, a contrario d’un profane qui, par souci d’aider autrui, pourrait tomber dans l’assistanat.

2) Marie-Michelle :

Moi : d’accord / alors on est éducateur spécialisé / spécialisé en quoi ?

MM : ben quand / spécialisé euh spécialisé je dis quand même parce qu’on travaille plutôt avec des jeunes en difficulté / moi c’est comme ça que je définis le mot « spécialisé » / euh des jeunes en difficulté et que bon euh [eu] tout en sachant que c’est pas toujours facile et je me dis euh [eu] : le rôle de l’éducateur spécialisé c’est pas de se / euh [eu] / de se donner un défi dans son travail / c’est d’essayer de faire avec ce qu’il a avec le potentiel qu’il a ce qu’il peut apporter au mieux à ce jeune sans pour autant trop tomber dans l’affectif pour autant euh [eu] tomber dans la négation ou dans le subjectif / euh [eu] d’autant plus dans notre travail euh [eu] y’a pas une réponse il faut s’adapter on travaille par tâtonnements / donc euh il faut rester très objectifs et donc réalistes

L’éducatrice ici ne choisit pas l’affirmation de prescriptions formelles pour rendre compte de la professionnalité de l’éducateur. Néanmoins, elle oppose dans son discours ce qui relève de sa propre subjectivité (mise en avant du JE de la praticienne) avec ce qui relèverait du groupe des éducateurs dont elle fait partie ; pour ce faire, elle met de côté le JE ou le MOI, pour se référer à « l’éducateur spécialisé » dans sa globalité. Du « je définis » ou « je dis » ou « moi c’est », elle passe à la troisième personne du singulier, dénommant une personne abstraite qui voudrait représenter l’ensemble des éducateurs spécialisés. Les prescriptions professionnelles reprennent place par opposition à la parole subjective de la femme, dans les intitulés commençant par « c’est » suivi d’un verbe d’action sensé représenter une compétence professionnelle, l’affirmation du « on » et de l’expression « il faut ».

On s’aperçoit dans cet extrait d’entretien que la professionnalité se fonde certes par la revendication de principes généraux et de compétences spécifiques, mais aussi et surtout par l’affirmation d’une pratique qui soit objective, la subjectivité étant assimilée par l’éducatrice au domaine de l’affectivité et l’objectivité à la ce qu’elle nomme « la réalité ». Un métier ne peut donc se satisfaire de positions personnelles, il a besoin de se structurer autour d’un NOUS collectif qui actualise une certaine objectivité des principes d’action professionnelle défendus, ce que C. KERBRAT- ORECCHIONI décrit dans le discours comme « le masquage du sujet individuel derrière un sujet collectif »221

3) Alban :

Moi : d’accord / alors sinon les les les fonctions de l’éducateur dans ce type de [e] d’intervention ? est-ce que y’en a des propres ou est-ce que [e] ?

A : moi j’ai c’est un travail que j’ai effectué avec euh le stagiaire le stagiaire éducateur de ce service / qu’est-ce qui caractérise l’éducateur spécialisé de [e] d’autres professions ? on a [a] on a pu percevoir que c’était quand même difficile de repérer / et euh [eu] vraiment les nuances qui me semble-t-il est [è] est le peut-être le plus de l’éducateur spécialisé auprès d’un public comme celui-là et d’un service comme celui-là c’est euh [eu] la [a] la capacité à répondre immédiatement à des situations gérer euh

Moi : à gérer l’urgence ?

A : à gérer l’urgence / je pense que c’est un des plus / euh [eu] toute situation entraînant une réponse peut être assez rapide / et certainement aussi des modes d’entrée en communication avec les personnes

Moi : ouais

A : c’est-à- dire le ton euh [eu] l’humour euh [eu] euh aussi taper du poing sur la table quand il le faut etcetera tous ces modes de relation euh qui se jouent chez l’éducateur / c’est l’impression que j’ai

Moi : d’accord / est-ce que toi au vu de ça t’as des savoir-faire des trucs à toi enfin des ? ce qui te caractérise ? enfin ce que tu utilises dans ta pratique ?

A : (souffle, grand silence) euh [eu] Moi : je sais pas ça peut être l’entretien

A : ouais ouais / euh [eu eu] oui tout ce qui concerne euh l’entretien je [e] connaissais depuis longtemps euh [eu] que je connaissais aussi toutes [e] les capacités d’observation et notamment d’observation de euh [eu] danger auprès d’enfants / voilà / donc de mal- tout ces toutes ces observations / autrement j’ai découvert des choses que je pensais pouvoir me

221

débrouiller qu’était pas du tout inhérente à ma fonction les partenariats de réseau euh [eu] par exemple je pensais pas que je maîtrisais à à euh enfin c’était pas quelque chose que je [e] pensais connaître à ce point-là auparavant

Moi : d’accord / les fonctions de l’éducateur dans ce truc-là dans cette institution ? enfin du travailleur social où tu travailles peu importe ?

A : les fonctions ? (silence) / ouais les fonctions ? je vois pas (rires) / euh le problème c’est que des fois je me pose la question si on fait du travail social / donc c’est une des questions que je me pose / euh / hum voilà je réponds peut-être à côté de la plaque euh [eu] je me demande en quoi on est pas plus euh [eu] / derrière un lieu d’informations euh [eu] recherche recherche euh et de gestion de mouvements de masse de personnes de logements et de choses comme ça que que de fonctions éducatives

Moi : parce que donc dans tes représentations les fonctions éducatives ça serait quoi ? a contrario ?

A : et ben c’est a contrario c’est d’être d’avantage dans une relation suivie une continuité de la relation dans une euh [eu] un travail de mise en confiance euh / tout ce qui concerne la relation d’aide mais euh euh j’ai plutôt le sentiment que c’est de la relation d’aide qu’on a mais tellement ponctuelle et occasionnelle que y’a pas de continuité dans le travail relationnel Moi : ah ouais

A : donc en terme de projection notamment y’a peu de travail projectif / avec les personnes Moi : est-ce qu’il y a autres choses sur les euh rôle et fonctions dans l’idée que t’as de ce métier-là d’éducateur ?

A : l’idée que j’ai j’ai de ce métier-là ? euh [eu eu] je réfléchis (rires) rôles et fonctions de l’éducateur / hum [um] euh / non dans l’immédiat’ l’immédiateté non peut-être que ça me viendra plus tard mais j’ai pas là

Cet extrait d’entretien reprend des caractéristiques énoncées plus haut à savoir : - la capacité comme enjeu de professionnalité

- l’objectivité poursuivie versus la subjectivité

- le besoin pour l’éducateur de se référer à un collectif de professionnels afin de valider les compétences défendues

L’entretien apporte un élément de plus tout à fait intéressant : il n’y aurait pas de compétences prédéfinies ou de rôles pré-élaborés de l’éducateur spécialisé. En effet lorsque je l’interroge sur ses propres savoir-faire, il répond par une hésitation ; je suggère alors l’entretien comme outil professionnel pour poursuivre le dialogue. Plus tard, quand je le questionne sur les fonctions d’un éducateur, il fait part de son ignorance et de ses doutes autant sur les capacités sui generis d’un éducateur que sur sa propre position de travailleur social dans le service où il travaille.

Cet entretien montre que les capacités professionnelles de l’éducateur ne se construisent pas tant à partir d’un référentiel préexistant que partageraient l’ensemble des éducateurs de manière consciente ou pas, que dans l’interaction et le dialogue qu’ils peuvent avoir avec un individu à propos de leur identité professionnelle. D’ailleurs une expérience récente organisée par PROMOFAF, l’AFORTS et le GNI (2002) a tenté de mettre en place un référentiel de compétences de l’éducateur spécialisé en prévision de la mise en place de la VAE. Il en est ressorti un document qui n’est absolument pas parvenu à faire l’unanimité chez les éducateurs, malgré toute une année de réunions entre professionnels et consultants. J’en veux pour preuves des discussions interminables que nous avons pu avoir avec les professionnels de terrain et dans l’équipe pédagogique au sujet de ce référentiel, lorsque j’exerçais comme formateur à l’IRTS de Bretagne. Tout l’enjeu de ce travail était de produire un document unique qui aurait fixé ce qui relevait des compétences de l’éducateur spécialisé. Cela voulait dire que tout éducateur était en mesure de décrire de manière univoque ce que serait par exemple « d’être d’avantage dans une relation suivie une continuité de la relation dans une euh [eu] un travail de mise en confiance euh / tout ce qui concerne la relation d’aide », ce qui apparaît plus haut un parfait contre-exemple d’autant quand Alban avoue qu’il se situe plus dans « j’ai plutôt le sentiment que c’est de la relation d’aide qu’on a mais tellement ponctuelle et occasionnelle que y’a pas de continuité dans le travail relationnel » que dans l’éventuelle exactitude d’un référentiel professionnel. On verra plus loin dans cette thèse l’étendue polysémique d’une expression telle que « travailler avec un jeune ou un groupe de jeunes » employé par tous les informateurs de manière automatique, sans explication, et référant pourtant à une pluralité d’actions éducatives.

En tous les cas, cet exemple nous enseigne que la capacité professionnelle de l’éducateur spécialisé résulte beaucoup plus d’une co-construction langagière, d’une négociation et d’un dialogue permanents entre les éducateurs eux-mêmes et tous ceux qui ont à faire avec le monde des éducateurs, que d’un ensemble normatif de prescriptions éducatives. Bref, à cet endroit de la recherche, la professionnalité d’une activité éducative semble résulter beaucoup plus d’un exercice langagier particulier avec ses normes et ses variations, ses rites et ses effets communicationnels, que d’un ensemble prédéfini dont le langage ne serait qu’un simple média. Pour faire vite, ce qui fonderait la professionnalité de l’éducateur spécialisé c’est du langage avant toute chose !! Je veux dire par là plus sérieusement, que ce qui fait qu’un acte éducatif spécialisé est considéré comme professionnel n’est pas tant lié à l’acte lui- même qu’à la manière dont il est dénommé ou qualifié. Ce n’est pas le cas de tous les métiers : on reconnaîtra aisément le coup de main professionnel en électricité ou en maçonnerie selon qu’il est exercé par un professionnel formé ou un amateur sans qu’il y ait forcément besoin de langage ; chez un éducateur spécialisé, « faire la nuit » par exemple revient en fait à occuper la chambre de veille pendant que les enfants dorment ; l’activité devient professionnelle, certes parce qu’elle est exercée dans un cadre salarié, mais surtout parce qu’elle s’entoure de jargons spécifiques qui apportent à l’activité une dimension supplémentaire inaccessible aux novices. « Faire la nuit » invoque alors les notions de sécurisation, d’observation, de passage de relais, de médiation etc.

Plus largement cet exemple montre la nécessité de considérer les discours professionnels comme la résultante d’un dialogue entre les éducateurs eux-mêmes, les éducateurs et leurs clients, et pour le cas présent les éducateurs et le chercheur. En effet, le risque était grand de considérer ces discours professionnels comme détachés de la perspective dialogique et donc interactionnelle, c’est-à-dire comme des self-talk pour reprendre GOFFMAN. Je rappelle à ce sujet la règle de base immanente à toute activité langagière de C. KERBRAT-ORECCHIONI à savoir : « Tout discours est une construction collective, ou une réalisation interactive »222.

4) Dominique :

Moi : alors justement par rapport à / est-ce que toi t’as des outils qui te sont propres en tant qu’éducateur ? / je sais moi est-ce qu’il y a des outils qui vraiment caractérisent ta pratique ? et si oui lesquels ?

D : alors j’vais [é] / des outils qui euh qui me caractérisent le plus c’est peut-être un peu prétentieux / c’est euh c’est une capacité à mettre les gens en confiance / et euh je veux dire bon de [e] je promets jamais la lune parce que bon j’ai pas les moyens de l’atteindre de toutes façons / euh [eu] quand je dis je fais / quand je sais pas je sais pas / euh [eu eu] je [e] je pense être un [un] un bon intermédiaire dans les contacts / et euh [eu] / ouais je pense être quelqu’un effectivement de de chaleureux et de sûr / ça pour des qualités relationnelles