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Morphologie verbale de l’anglais

3.2 La grille flexionnelle

Les formes simples de l’anglais sont les suivantes1: (1) a. présent 1, 2, 3, 4, 5, 6 ;

b. prétérit 1, 2, 3, 4, 5, 6 ;

c. infinitif, gérondif, participe passé.

1. Nous laissons de côté les problèmes de négations contractées comme « won’t ». Ainsi que les formes qui sont des homophones systématiques du présent ou de l’infinitif comme l’impératif

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Pour établir la grille flexionnelle, on détermine l’affixe flexionnel de chaque forme en (1). On doit donc remplir la grille suivante :

(2) Formes finies

1 2 3 4 5 6

présent prétérit

Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

La procédure consiste à remplir les cases les unes après les autres. Commen-çons par la première : le présent 1.

Le présent 1 ne pose pas de problème, on ne trouve aucune partie commune à tous les verbes pour cette forme :

(3)

présent1 « list » (« lister ») [lIst]

« be » (« être ») [æm] « shall » [verbe modal] [Sæl] « analyse » (« analyser ») [æn@laIz]

« try » (« essayer ») [tôaI] « miss » (« manquer ») [mIs] « back » (« soutenir ») [bæk] « sum » (« additionner ») [s2m] « divide » (« diviser ») [dIvaId]

Son affixe flexionnel est donc nul. On peut donc commencer à remplir la grille : (4) Formes finies 1 2 3 4 5 6 présent prétérit Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

Les formes du présent 2, 4, 5, 6 ont le même affixe flexionnel nul puisqu’elles sont les mêmes que celles du présent 1 pour tous les verbes sauf « be ».

Les formes de l’infinitif sont également les mêmes que celles des présent 1, 2, 4, 5 et 6 sauf pour quelques verbes auxiliaire et modaux : « be », « shall », « can », « may », « must », « ought ». Mis à part « be », ces verbes sont

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défectifs à cette forme. L’absence de formes infinitives n’est, en aucun cas, un argument pour établir un affixe flexionnel nul puisque la défectivité sera gérée par la grille thématique et non par la grille flexionnelle. La présence de lacunes dans le paradigme de conjugaison d’un verbe défectif sera lexicalisée au niveau des thèmes concernés dans la grille thématique, nous la représenterons par un thème nul (φ).

On définit donc l’affixe flexionnel de l’infinitif : +Ø, comme ceux de pré-sent1, 2, 4, 5 et 6 (+Ø).

On complète la grille flexionnelle :

(5) Formes finies

1 2 3 4 5 6

présent

prétérit

Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

Reprenons les exemples en (3) au gérondif : (6) gérondif « list » [lIstIN] « be » [bi:IN] « shall » φ « analyse » [æn@laIzIN] « try » [tôaIIN] « miss » [mIsIN] « back » [bækIN] « sum » [s2mIN] « divide » [dIvaIdIN]

Cette fois, on observe clairement une partie commune à toutes les formes2. L’affixe flexionnel du gérondif est donc +IN.

(7) Formes finies

1 2 3 4 5 6

présent

prétérit

Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

+IN

2. Sauf bien sûr pour les verbes défectifs.

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La notion de partie commune à tous les verbes ne se substitue pas à la notion de morphème comme a pu le laisser croire l’exposé relativement mathématique de la première partie de ce travail.

Il s’agit bien de la même notion, l’étude des allomorphies va donc bien jouer un rôle primordial dans la détermination des grilles flexionnelles comme nous allons le constater dans la section suivante.

Toutefois, à la différence des cadres descriptifs classiques, nous nous inter-disons à priori d’utiliser des morphèmes flexionnels particuliers pour chaque conjugaison. Nous utiliserons des allomorphies conditionnées par la phonologie mais pas d’allomorphie conditionnée par des classes morphologiques comme les groupes de verbes. Les allomorphies non-conditionnées par la phonologie seront simplement lexicalisées en l’absence de description phonologique du phénomène. La notion de partie commune à l’ensemble des verbes garantit que les affixes flexionnels que nous supposerons valent pour tous les verbes à flexion régulière. Il existe évidemment dans la plupart des langues des verbes à flexion irrégulière mais le statut régulier ou irrégulier d’une flexion peut souvent être décidé comme nous le verrons précisément ici dans le cas de l’anglais après la discussion des allomorphies des affixes flexionnels restant à définir.

3.2.1 Les allomorphes conditionnés par la phonologie

Comme présent 1, 2, 4, 5, 6, infinitif et gérondif que nous avons exa-minés dans la section précédente, le présent 3 montre également des parties communes à la plupart des verbes :

(8) présent3 « list » [lIsts] « be » [iz] « shall » [Sæl] « analyse » [æn@laIzIz] « try » [tôaIz] « miss » [mIsIz] « back » [bæks] « sum » [s2mz] « divide » [dIvaIdz]

Une analyse des parties communes dans les formes de surface nous entraîne à reconnaître une fricative alvéolaire sous-spécifiée pour le voisement3.

3. à condition de considérer la flexion de « shall », « can », « may », « must » et « ought » comme irrégulière.

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Dans tous les cas, identifier un affixe flexionnel de ce type nous fait manquer la généralisation classique :

– l’affixe flexionnel du présent 3 est +z ;

– il possède trois allomorphes en distribution complémentaire : – +Iz : après s, z, S, Z ;

– +s : après f, k, p, t, T ; – +z : ailleurs.

L’affixe flexionnel du présent 3 à retenir est donc +z, les allomorphies sont prises en compte par la phonologie.

(9) Formes finies

1 2 3 4 5 6

présent +z

prétérit

Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

+IN

De la même façon, une analyse superficielle des parties communes pour les formes du participe passé en (10) nous entraînerait à poser comme affixe flexionnel une occlusive alvéolaire sous-spécifiée pour le voisement4.

(10) participe passé « list » [lIstId] « be » [bIn] « shall » φ « analyse » [æn@laIzd] « try » [tôaId] « miss » [mIst] « back » [bækt] « sum » [s2md] « divide » [dIvaIdId]

Mais la généralisation nécessaire, encore une fois, repose sur l’observation des allomorphies conditionnées par la phonologie dans le corpus :

– l’affixe flexionnel du participe passé est +d ;

– il possède trois allomorphes en distribution complémentaire : – +Id : après t, d ;

– +t : après f, k, p, s, S ;

4. À condition de négliger un grand nombre de verbes irréguliers comme « be » et « shall » (plus de 250).

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– +d : ailleurs.

Le choix de +d comme affixe flexionnel du participe passé, nous permet de continuer à remplir la grille :

(11) Formes finies

1 2 3 4 5 6

présent +z

prétérit

Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

+IN +d

On peut en fait généraliser cet affixe +d à toutes les formes du prétérit qui sont les mêmes que celles du participe passé pour les verbes que nous avons considérés pour établir l’affixe flexionnel du participe passé5.

Ce qui nous donne la grille flexionnelle suivante pour l’anglais :

(12) Formes finies

1 2 3 4 5 6

présent +z

prétérit +d +d +d +d +d +d

Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

+IN +d

Nous avons établi une grille flexionnelle pour l’anglais.

Dans un système de description traditionnel, le travail est en quelque sorte terminé. Nous allons maintenant pousser la réflexion un tout petit peu plus loin en étudiant le statut des verbes irréguliers de l’anglais par rapport à son système flexionnel tel que représenté par la grille ci-dessus en (12).

3.2.2 Les ambiguïtés

La méthode que nous avons utilisée pour remplir la grille flexionnelle de l’anglais peut ressembler à une procédure structuraliste.

Nous devons toutefois constater que la grille flexionnelle de l’anglais que nous venons d’établir est discutable à l’intérieur même de notre système de description.

En effet, il n’est pas possible de déterminer la partie flexionnelle d’une forme sans avoir à se poser la question suivante :

(13) Les verbes traditionnellement dits irréguliers ont-ils une flexion

irrégu-5. Donc cette généralisation est valable en négligeant approximativement les mêmes verbes que pour le participe passé.

II – 3. MORPHOLOGIE VERBALE DE L’ANGLAIS 90

lière?

En effet, en anglais, la grille de flexion peut être créée de deux façons : – On peut considérer, comme nous venons de le faire, que toutes les formes

du prétérit et le participe passé partagent le même affixe flexionnel /d/ et que les verbes irréguliers qui ne comportent pas de /d/ à leur marge droite ont une flexion irrégulière ;

– On peut aussi considérer que l’affixe flexionnel des formes du prétérit et du participe passé est +Ø et que les verbes irréguliers ont une flexion régulière. Dans ce cas, pour les verbes réguliers, les valeurs thématiques du prétérit et du participe passé seront dérivée par affixation de /d/ sur le thème-racine ou sur un autre thème. Autrement dit, +d n’est pas flexionnel mais thématique.

Les deux approches sont mathématiquement équivalentes pour l’anglais. En effet, au niveau du tableau de conjugaison, on retrouve les mêmes descriptions dans les mêmes cases pour les verbes réguliers :

(14) Formes finies

1 2 3 4 5 6

présent Th-Racine+Ø Th-Racine+Ø Th-Racine+z Th-Racine+Ø Th-Racine+Ø Th-Racine+Ø prétérit Th-Racine+d Th-Racine+d Th-Racine+d Th-Racine+d Th-Racine+d Th-Racine+d

Formes non-finies

infinitif gérondif participe passé Th-Racine+Ø Th-Racine+IN Th-Racine+d

Mais linguistiquement parlant, elles sont très différentes.

La grille flexionnelle générée dans le premier cas figure en (15a), celle pro-duite dans le second cas en (15b).

(15) a. approche flexionnelle Formes finies 1 2 3 4 5 6 présent +z prétérit +d +d +d +d +d +d Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

+IN +d

b. approche thématique

II – 3. MORPHOLOGIE VERBALE DE L’ANGLAIS 91 Formes finies 1 2 3 4 5 6 présent +z prétérit Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

+IN

L’approche flexionnelle met en avant l’existence de verbes faibles irréguliers (« hear », « heard », « heard » (« entendre »)), c’est à dire de verbes dont le radical varie mais qui prennent un /d/ au prétérit et au participe passé.

L’approche thématique met en avant l’existence de verbes forts (« sing », « sang », « sung » (« chanter »)), c’est à dire de verbes dont le radical varie et qui ne portent pas l’affixe /d/ caractéristique des verbes réguliers au prétérit et au participe passé.

En anglais, Quénelle et Hourquin (1997) recensent 53 verbes faibles irrégu-liers sur 336 verbes irréguirrégu-liers. Ces verbes faibles irréguirrégu-liers se divisent en deux catégories :

– les verbes sans changement vocalique entre présent et prétérit (« spell », « spelt », « spelt » (« épeler »)), 19 verbes ;

– les verbes avec changement vocalique entre présent et prétérit (« hear », « heard », « heard »), 34 verbes.

Or sur les 19 verbes faibles irréguliers de la première catégorie, 10 sont en fait des réguliers (« lay », « laid », « laid » (« poser »)). Ils sont cités comme irréguliers uniquement pour des raisons orthographiques6 (cf. Annexe D.1). On a donc en fait 43 verbes faibles irréguliers (13%):

– 9 verbes faibles irréguliers du type « spell » ; – 34 verbes faibles irréguliers du type « hear ».

Ces chiffres sont à comparer avec le nombre des verbes irréguliers qui pos-sèdent la même forme pour le prétérit et le participe passé indépendamment des marques /d/ (« dig », « dug », « dug » (« creuser »)), distribution mise en avant par l’approche thématique. Quénelle et Hourquin (1997) comptent 191 verbes irréguliers possédant cette caractéristique (58% des verbes irréguliers). Soit 191 − 43 = 148 verbes forts dont le prétérit et le participe passé ont la même forme sans comporter l’affixe /d/ (45% des verbes irréguliers).

Dans tous les cas, l’approche flexionnelle favorise les verbes forts ayant des réalisations de surface du type :

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(16) A, B+d, C+d

Tandis que l’approche thématique favorise des verbes forts ayant des réalisations de surface du type :

(17) A, B, C

Il n’existe aucun verbe du type (16) où A, B et C soient différents, alors qu’il existe des verbes du type (17), par exemple « sing » (« chanter »), « fly » (« voler »), « write » (« écrire ») :

(18) a. « sing » : sIN, sæN, s2N ; b. « fly » : flaI, flu:, floUn ; c. « write » : ôaIt, ôoUt, ôItn.

Nous rejetons donc l’approche flexionnelle pour adopter l’approche théma-tique. La grille flexionnelle que nous retenons pour l’anglais est :

(19) Formes finies

1 2 3 4 5 6

présent +z

prétérit

Formes non-finies

infinitif gérondif part. passé

+IN

Nous avons abordé dans cette section, les difficultés présentées par la déter-mination de la grille flexionnelle. Nous passons maintenant à l’étude corrélée à celle de cette grille, l’étude des thèmes.

Nous nous intéresserons tout d’abord à la construction de la grille thématique puis nous examinerons son organisation pour en tirer l’arbre thématique de l’anglais.