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La forme négative

Dans le document Grammaire du français (Page 73-76)

La phrase de forme négative se caractérise par la présence d’adverbes de néga‑

tion, du type ne…pas, ne… plus, ne…jamais, etc. : Elle viendra (forme positive) ➨ Elle ne viendra pas (forme négative).

La négation est fondamentalement un opérateur logique qui inverse la valeur de vérité de la proposition : si une proposition est vraie, sa négation est fausse et si une proposition est fausse, sa négation est vraie. Ainsi, puisque la proposition Marie Curie a obtenu le prix Nobel est vraie, la négation de cette proposition (Marie Curie n’a pas obtenu le prix Nobel) est fausse ; de même, puisque la pro‑

position Londres est la capitale de la France est fausse, sa négation Londres n’est pas la capitale de la France est vraie. Cependant, le fonctionnement de la négation dans les langues ne se réduit pas à celui d’un simple opérateur logique.

On peut distinguer trois types de négations : la négation totale, la négation par‑

tielle et la négation exceptive.

Négation totale, négation partielle, négation exceptive Négation totale

Elle se construit avec les adverbes ne… pas (ou les variantes ne… nullement ; ne… aucunement ; ne… point) et porte sur l’ensemble

de l’énoncé : Elle aime le cinéma français ➨ Elle n’aime pas le cinéma français ; Elle a besoin de vos conseils ➨ Elle n’a pas/

aucunement/nullement besoin de vos conseils.

Négation partielle 

Ses formes sont plus variées, selon le constituant particulier de l’énoncé sur lequel elle porte :

• la négation porte sur un pronom :

Personne ne l’a écoutée (négation de Quelqu’un l’a écoutée ou Certains l’ont écoutée au moyen du pronom personne,

antonyme de quelqu’un, certains, tous, etc.)

Rien ne changera (négation de Quelque chose changera au moyen du pronom rien, antonyme de quelque chose) Nul n’est censé ignorer la loi (négation de Certains sont censés

ignorer la loi au moyen du pronom nul, antonyme de certains) ;

• la négation porte sur un déterminant : Aucun/nul détail ne lui échappe (négation de

Certains détails lui échappent au moyen du déterminant aucun/nul, antonyme de certains, tous, etc.) ;

1.8.1

II

Grammaire du français • Terminologie grammaticale

• la négation porte sur un adverbe :

Elle ne travaille guère (négation de Elle travaille beaucoup au moyen de l’adverbe guère, antonyme de beaucoup) Elle ne travaille jamais (négation de Elle travaille toujours

(au sens de « sans cesse ») au moyen de l’adverbe jamais, antonyme de toujours)19.

Elle ne travaille plus (négation de Elle travaille encore (ou toujours au sens de « encore ») au moyen de l’adverbe plus,

antonyme de encore (ou toujours).

Négation exceptive

Elle se construit avec les adverbes ne… que, et véhicule une négation implicite : Je n’aime que les films français signifie à la fois J’aime les films français (valeur positive explicite)

et je n’aime pas les films qui ne sont pas français (valeur négative implicite sous la forme d’une double négation).

Remarques

• À la négation de phrase, s’oppose la négation lexicale au moyen de préfixes (possible ➨ impossible).

• Le ne dit « explétif » s’emploie dans certains cas supposant un contexte néga‑

tif : Je crains qu’Alice ne parte (= le départ d’Alice est redouté). Le ne explétif ne doit pas être confondu avec l’emploi de la négation : Je crains qu’Alice ne parte pas (= le départ d’Alice est souhaité). L’emploi du ne explétif est facul‑

tatif : Je crains qu’Alice parte. La phrase contenant un ne explétif n’est donc pas une phrase négative.

• On parle parfois de double négation pour désigner ou bien deux négations juxta posées (Je ne veux ni fromage ni dessert) ou bien deux négations en relation de dépendance, qui s’annulent pour donner une phrase posi‑

tive : Nous ne pouvons pas ne pas répondre (= Nous devons répondre).

La véritable double négation, qui équivaudrait à une double négation logique, n’est pas réalisable en français (*Il n’est pas pas malade au sens de « Il est malade »). En revanche, une forme de double négation est envisageable lors‑

qu’elle combine une négation lexicale et une négation grammaticale (*Il n’est pas inactif au sens de « Il est actif »).

• Dans la négation exceptive, la négation implicite est partielle si elle est construite avec l’adverbe plus : Je n’aime plus que les films français (valeur positive explicite  : J’aime les films français ; valeur négative implicite  : Je n’aime plus les films qui ne sont pas français).

19 D’autres interprétations sont possibles : Elle ne travaille jamais peut être la négation de Elle travaille souvent, Elle travaille un jour, etc.

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Le système de la langue

II

POUR ALLER PLUS LOIN

Si la négation linguistique ne se réduit pas à un opérateur logique, c’est que son fonctionnement pragmatique met en jeu des énonciations implicites.

La négation peut tout d’abord avoir un simple rôle descriptif : l’énoncé affirme un contenu négatif ; il décrit, sous une forme négative, un état de choses qui aurait pu aussi bien être formulé sous une forme positive. Par exemple, l’énoncé Elle n’a pas réussi son examen affirme un contenu négatif (ne pas réussir) et peut être interprété comme équivalent à Elle a échoué à son exa‑

men. De même, Elle n’est pas grande peut être équivalent à Elle est petite.

On parle dans ce cas de « négation descriptive ».

La négation peut d’autre part se présenter comme la réfutation d’un énoncé positif antérieur. Par exemple, l’énoncé Le Misanthrope de Molière n’a pas été représenté la première fois en 1665 (mais en 1666) est la réfutation d’une énonciation antérieure du type Le Misanthrope de Molière a été représenté la première fois en 1665. Il s’agit dans ce cas d’une négation polémique20. Enfin, la négation peut avoir pour rôle de nier le fait même qu’on puisse énon‑

cer la phrase négative. Par exemple, l’énoncé Elle n’est pas grande, elle est immense, ne nie pas la grandeur (si elle est immense, elle est a fortiori grande) mais la légitimité de l’emploi de l’adjectif grande, jugé insuffisant.

On parle, dans de tels cas, de « négation métalinguistique ».

On notera par ailleurs que la négation au moyen des adverbes ne… pas n’est pas nécessairement une négation totale. Ces adverbes peuvent en effet permettre de construire une négation partielle. On obtient souvent dans ce cas des phrases ambiguës : L’avocate n’a pas convaincu les jurés avec cet argument peut se comprendre au sens « en utilisant cet argument, elle n’a pas convaincu les jurés » (négation totale) ou au sens « elle a convaincu les jurés, mais pas avec cet argument » (négation partielle portant sur le GNP avec cet argument).

HISTOIRE DE LA LANGUE La syntaxe de la négation constitue en latin l’un des points les plus complexes de la langue. D’un point de vue morphologique, le principe de deux négations principales, ne et non, dont l’usage variait sui‑

vant le mode employé, a été aboli en français. Par ailleurs, le principe latin qui interdisait qu’une conjonction de coordination soit suivie d’un mot à sens négatif (Il est parti et jamais ne revint. Abiit neque umquam rediit où neque umquam remplace *et numquam), principe qui obligeait à des manipulations lexicales compliquées, n’a pas survécu en français. En outre, la succession immédiate de deux négations (Nemo non uenit. Il n’y eut personne pour ne pas venir ➨ Tout le monde est venu et Non nemo uenit. Il n’est pas vrai que personne ne soit venu ➨ Quelqu’un est venu), système là encore complexe

20 La distinction entre négation descriptive et négation polémique est de nature pragmatique.

Elle dépend donc du contexte. Par conséquent, selon le contexte, une même phrase peut produire un énoncé contenant une négation qui aura une valeur descriptive ou polémique. Ainsi, la phrase Elle n’est pas grande, dont on a vu qu’elle pouvait véhiculer une négation descriptive, peut aussi bien, dans un contexte approprié, avoir une valeur de négation polémique : Alice est grande ! – Non, elle n’est pas grande, elle mesure 75 cm, ce qui est la moyenne pour un enfant de 12 mois.

II

Grammaire du français • Terminologie grammaticale

et générateur d’erreurs, n’a pas non plus survécu tel quel en français. L’on notera enfin que, dans le cadre de l’interrogation totale, le latin, qui ne connais‑

sait pas les mots oui et non, lesquels nous semblent pourtant si familiers dans notre usage quoti dien, les remplaçait par la reprise du mot introduisant l’inter‑

rogation (Visne abire ? – Volo/Nolo. Veux‑tu t’en aller ? – Je le veux (= oui)) ou, pour traduire « oui », par l’adverbe etiam ; – Je ne le veux pas (Nolo).

NOTIONS GRAMMATICALES

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