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6.2. Définition de la sémiose

6.2.1. La fonction sémiotique

Pour faciliter l’exposition de notre propos, nous n’avons pas été rigoureux sur la terminologie. Les clés de la description ayant été définies, nous pouvons à présent définir avec précision, et avec les termes adéquats, la sémiose. Considérons deux ensembles. Chacun de ces ensembles contient des items qui ont été regroupés selon un critère. Le premier ensemble contient tous les items sémiotiques*38, le second tous les items pré-sémiotiques*39 – ou objets. Nos items sont associés par un quelque chose qui définit la fonction. La nature de notre fonction va définir la nature de notre sémiose et,

de facto, du système sémiotique qu’elle permet. La fonction qui associe nos deux items

peut-être de nature logico-déductive, symbolique – ou sémiotique – voire mécanique. La fonction va associer les items en vertu d’un interprétant*.

À partir de ces éléments, nous pouvons essayer de définir les idiomes humains. La sémiose du langage humain peut être décrite comme étant un système bijectif40 défini par une fonction symbolique, appelée par un stimulus*, dont l’objet transcendantal et correspondant est le signifiant* adjoint au representamen*41, qui associe, en vertu d’un interprétant, un item sémiotique (signe-signifiant) et un item pré-sémiotique (objet- signifié). L’item sémiotique est donc la conjonction d’un representamen et d’un signifiant auquel est attribué l’interprétant, tandis que l’item pré-sémiotique est la conjonction d’un objet et d’un signifié. Nous parlons d’items pré-sémiotiques puisque ceux-ci sont eux-mêmes des unités discrètes associées, par une fonction d’une autre nature encore, au continuum phénoménologique42 dont le référent* est substitut. Nous pouvons représenter le système avec la figure suivante :

38 L’item sémiotique ne désigne pas exactement le signe. Il s’agit d’un complexe constitué de différents éléments. Dans le cas d’un légisigne nous pouvons identifier l’item comme le complexe d’un representamen, d’un interprétant et d’un signifiant, bien qu’il ne soit pas toujours possible d’identifier et d’isoler ces éléments qui ont une existence, avant tout, théorique.

39 Nous introduisons ici la notion d’items pré-sémiotiques que nous préférons au terme d’objet, ce- dernier désignant exclusivement ce à quoi renvoie le representamen.

40 Nous le définissions comme bijectif pour deux raisons. Premièrement, parce qu’il ne peut y avoir plus de signes que d’items désignés par ces derniers. Deuxièmement, parce que cela nous permet de définir une fonction réciproque (chose uniquement possible dans le cadre d’une bijection).

41 Nous dissocions le signifiant du representamen. À la multitude de stimuli hétérogènes sera associé un signifiant, avec le même rapport qu’il existe entre l’objet immanent et transcendantal. Le signifiant – ou les signifiants dans le cas d’une langue possédant l’écriture – est associé au representamen, c’est- à-dire le noyau du légisigne

42 Il y a un « pré-découpage » de la réalité phénoménologique par nos sens et un certain nombre de fonctions cognitives (Papert 1979 : 145-155 ; Inhelder : 200-207).

Nous retrouvons sur cette figure nos deux ensembles principaux, celui des items sémiotiques (ou des signes) et celui des items pré-sémiotiques, que nous définissons actuellement comme étant tout ce qui est susceptible d’être désigné par un signe (Peirce 1978). Nous pouvons repérer, dans ce système, différents éléments, relevant de terminologies différentes. Nous n’avons pas cherché à intégrer absolument tous les termes utilisés dans la sémiotique, qui en connaît une profusion, bien que ceux-ci cachent parfois des similitudes théoriques (Eco 1988 : 39). Nous nous sommes premièrement basé sur la terminologie de Peirce, et avons réfléchi à son adéquation avec la terminologie de Saussure, les deux exprimant en réalité deux aspects différents mais complémentaires du signe43.

Aussi, sur la figure III, nous pouvons identifier le type de signe auquel nous avons affaire : un légisigne, c’est-à-dire un signe dont l’interprétant n’est pas logico- déductif mais conventionnel – ce dernier est donc la connaissance de l’association conventionnelle entre le signe auquel il est attribué et le concept mental prototypique* auquel il fait appel44. Ce légisigne est composé de trois éléments, qui ne sont pas, nous l’avons dit, forcément distincts. Nous retrouvons donc l’interprétant, le signifiant, qui est le stimulus idéal auquel sont rapportés tous les stimuli, le representamen, ou le cœur du signe, la partie signifiant du signe, le signe en tant qu’il signifie. Distinguer les deux peut sembler inutile, voire incohérent. Toutefois cela permet de rendre compte d’un certain nombre de phénomènes45. Ce légisigne, dès lors qu’il est répertorié dans un lexique propre à son idiome consiste en un lexème.

43 Alors que Peirce avait une vision dynamique du signe comme résultant d’un mouvement d’association entre les choses, motivé par des capacités logico-déductives, ou par des représentations complexes associées à un signe, dont l’objet désigné ne l’est que par convention ; Saussure avait un point de vue éminemment linguistique, malgré sa volonté de définir une science sémiotique (Saussure 1995), et n’envisageait le signe que de façon, finalement, statique et discursive : le signe désigne (dénote) plus qu’il ne symbolise et le signifiant est l’apparition dans la langue du signifié – qui semble lui-même déjà un objet linguistique. En substance, pour Saussure, un signe signifie tandis que pour Peirce, un signe signale.

44 L’interprétant étant, en quelque sorte, l’information qui permet de passer du signe à son objet. L’interprétant fonctionne grâce à un concept mental dont la nature est prototypique – ce qui permet d’appréhender les nombreux sens rangés derrière le mot concept (Rastier 1991 : 125-126).

45 Les langues possédant l’écriture ont un signifiant écrit et oral pour un même signe. La cryptographie ne consiste pas à créer un nouveau signe mais à coder un nouveau signifiant pour un signe. Cela permet aussi d’appréhender la notion de sémiose. Une indication routière STOP représentée dans un livre pour en expliquer la signification signifie qu’il faut s’arrêter mais ne signale aucunement qu’il faut s’arrêter puisqu’elle n’est pas dans la sémiose lui permettant de signaler. Par conséquent, le signifié apparaît comme un objet déjà linguistique, puisque chaque signifiant a un signifié propre, ce dernier ne peut être associé correctement au signifiant que lorsqu’il est réalisé en tant que signe d’un objet dans la sémiose. Nous pouvons donc concevoir qu’un signe, contrairement au signifiant, n’a

jamais deux signifiés. Les raisons de cette conception seront abordées en temps voulu, dans la note